L’Encyclopédie/1re édition/SKIRRHE

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SKIRRHE, s. m. terme de Chirurgie ; tumeur contre nature qui a essentiellement cinq caracteres qui en sont par conséquent autant de signes pathognomoniques. Il est 1°. dur & renitent ; 2°. indolent ; 3°. sans changement de couleur à la peau ; 4°. sans chaleur ; 5°. il se forme peu-à-peu & par une congestion lente. Cette tumeur tire son nom du mot grec skirrhos, qui signifie proprement un morceau de marbre.

Le skirrhe est formé par l’amas de sucs blancs lymphatiques endurcis, cette mauvaise disposition de la lymphe vient de l’usage d’alimens grossiers ou coagulans, de la vie oisive ou sédentaire, des soucis continuels & chagrins violens, du froid extérieur & de quelques levains étrangers capables d’épaissir les humeurs, tels que les virus véroliques, scrophuleux, &c.

L’épaississement particulier des humeurs recrémenticielles dans quelque viscere, y produit des tumeurs skirrheuses : la bile épaissie cause un skirrhe dans le foie ; le lait grumelé dans les mamelles ; la semence dans les testicules ; le chyle dans les glandes du mesentere ; la lymphe dans les glandes conglobées, &c. Les coups ou contusions sont des causes externes d’engorgement lymphatique, que la résorption de la sérosité qui sert de véhicule à la lymphe, fait endurcir & dégénérer en skirrhe. Le skirrhe peut être édémateux, phlegmoneux, ou cancéreux. Voyez les mots Œdème, Phlegmon & Cancer.

Le vrai skirrhe est incurable, parce qu’il n’est pas susceptible de résolution. Les remedes fondans & résolutifs, tant intérieurs, qu’extérieurs, en donnant de l’action aux vaisseaux, les feroient se briser contre la masse skirrheuse, & précipiteroient sa dégénération en cancer.

Il y a beaucoup de tumeurs skirrheuses, dont l’humeur est encore sujette à être détrempée & délayée, & qui par conséquent sont résolubles. Pour entreprendre avec prudence la résolution du skirrhe, il faut observer si la constitution du sang est visqueuse & gluante ; ou si elle est salée, âcre, & muriatique.

Dans le premier cas, on employe les apéritifs & les fondans d’abord à des doses très-legeres, pour ne point exciter inconsidérement des mouvemens violens dans l’humeur ; tels sont les préparations apéritives de Mars ; les sels fondans, comme l’arcanum duplicatum ; le sel fixe de tartre. Quelques préparations mercurielles, comme l’aquila alba, l’æthiops mineral. Les gommes fondantes, telle que la gomme ammoniaque ; les pilules de savon, qu’on peut rendre plus actives avec les cloportes & le diagrede.

Extérieurement les cataplasmes émolliens & résolutifs, les fumigations avec le cinabre & le storax, ou avec le vinaigre jetté sur des briques rougies au feu, les emplâtres de cigue, de vigo, diabotanum, &c.

Mais si la constitution du sang est âcre, il faut se servir avec la plus grande circonspection des fondans, & en adoucir l’action en usant de tems-en-tems de remedes purement délayans, humectans & rafraichissans, comme les bouillons avec le poulet ou le veau, & les plantes rafraichissantes ; les bains & demi-bains, le petit-lait, les eaux minérales ferrugineuses, & le lait d’ânesse.

Si le skirrhe est douloureux, ou qu’il ait de la chaleur, il faut éviter exterieurement toute composition emplastique, capable d’attirer des accidens, en augmentant le mouvement de l’humeur ; à moins qu’on ne pense qu’il devient phlegmoneux, & qu’il se dispose à suppurer ; mais ces apparences sont très-suspectes dans les parties où se forment ordinairement les cancers.

Le régime doit être extrèmement exact ; il faut éviter les alimens échauffans, & toutes les passions de l’ame. Voyez le Traité des tumeurs, par M. Astruc. (Y)