L’Encyclopédie/1re édition/STOECHAS

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STŒCHAS, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante, à fleur monopétale, labiée, dont la levre supérieure est relevée & fendue en deux parties, & l’inférieure en trois, de façon qu’au premier aspect cette fleur paroît divisée en cinq parties. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences arrondies & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les fleurs sont disposées par rangs sur des têtes écailleuses, du haut desquelles il sort quelques petites feuilles. Tournefort, inst. rei herbar. Voyez Plante.

La premiere des cinq especes de stœchas de Tournefort sera celle que nous décrirons ; c’est la stœchas purpurea, arabica vulgò dicta, inst. rei herb. 201. J. B. 3. 277. C. B. P. 216. Raii hist. stœchas brevioribus ligulis, Clus. hist. 344. C’est un sous-arbrisseau, haut d’une ou de deux coudées : ses tiges sont ligneuses, quadrangulaires : ses feuilles naissent deux à chaque nœud, de la figure de celles de la lavande, longues de plus d’un pouce, larges de deux lignes, blanchâtres, âcres, odorantes & aromatiques. L’extrémité de la tige est terminée par une petite tête longue d’un pouce, épaisse, formée de plusieurs petites feuilles arrondies, pointues, blanchâtres & fort serrées. D’entre ces feuilles sortent sur quatre faces, des fleurs d’une seule piece, en gueule, de couleur de pourpre foncé : la levre supérieure est droite, & divisée en deux : & l’inférieure partagée en trois ; mais cependant elles sont tellement découpées toutes les deux, que cette fleur paroît du premier coup-d’œil partagée en cinq quartiers. Leur calice est d’une seule piece, ovalaire, court, légerement dentelé, permanent, & porté sur une écaille. Le pistil qui est attaché à la partie postérieure de la fleur, en maniere de clou, est environné de quatre embryons qui se changent en autant de graines arrondies, & renfermées dans le fond du calice : la petite tête est couronnée de quelques petites feuilles d’un pourpre violet.

Cette plante aime les lieux chauds & secs ; aussi croît elle abondamment en Languedoc, en Provence & sur-tout aux îles d’Hieres appellées par les anciens îles stéchades. Ses sommités fleuries, ou petites têtes desséchées, sont nommées στοιχὰς par Dioscoride, στρεχὰς par Galien, & dans les ordonnances des médecins stœchas, stœchas arabica ou stores stœchados.

Ces sommités fleuries, ou ces petites têtes sont oblongues, écailleuses, purpurines, d’un goût un peu âcre, amer, & d’une odeur pénétrante, qui n’est pas desagréable. Ceux qui les cueillent, & qui sont un peu éclairés, conservent leur couleur & leur odeur, en les faisant secher enveloppées dans du papier pris, & on les met ensuite dans une boîte.

On multiplie les stœchas de graines qu’on seme au printems dans une terre seche & legere. Quand elles se sont élevées à la hauteur de trois pouces, on les transplante ailleurs à six pouces de distance ; on les arrose, on les abrie, jusqu’à ce qu’elles aient pris racine ; on les nettoie de mauvaises herbes ; on les couvre pendant l’hiver, & l’année suivante on les met ailleurs à demeure ; on doit choisir celles qui sont nouvelles, odorantes, & en même tems un peu ameres. On retire l’huile essentielle de ces têtes fleuries de la même maniere que des sommités de la lavande ; elle a les mêmes vertus, mais on en fait peu d’usage en médecine.

On a dans les boutiques une autre plante nommée stœchas citrin, stœchas citrina angustifolia, C. B. P. 264. mais elle n’a ni la figure, ni les vertus du vrai stœchas, c’est une espece d’elychrisum. (D. J.)

Stœchas ou Stœchas arabique, (Mat. méd.) cette plante croît abondamment en Provence & en Languedoc ; c’est des îles d’Yeres & des environs de Montpellier qu’on la tire, principalement pour l’usage de la Médecine.

C’est la plante entiere fleurie & sechée, ou ses épis fleuris & sechés qu’on emploie ; elle est de la classe des labiées de Tournefort. Elle est très-aromatique ; on en retire par conséquent par la distillation, une eau distillée bien parfumée & très-analogue en vertus à celles que fournissent la plûpart des autres plantes usuelles de la même classe ; telles que la lavande, la sauge, le thim, &c. on en retire aussi par la distillation une bonne quantité d’huile essentielle qui est peu d’usage en Médecine, & qui a les mêmes vertus que l’huile essentielle de lavande, &c.

Le stœchas est mis au rang des remedes céphaliques & antispasmodiques ; on l’emploie quelquefois en infusion dans la paralysie, les tremblemens des membres, le vertige & toutes les maladies appellées nerveuses & spasmodiques ; mais le stœchas est beaucoup moins usité & moins efficace dans tous ces cas, que beaucoup d’autres plantes de sa classe, & notamment que la sauge qui paroît lui devoir être toujours préférée. Voyez Sauge.

Les autres vertus attribuées à cette plante, comme d’exciter les regles & les urines, & même de purger doucement la pituite & la bile noire, ne sont pas assez réelles, ou ne lui appartiennent point à un degré assez considérable pour l’avoir rendue usuelle à ces titres. Ainsi, quoique cette plante ne soit pas sans vertus, mais seulement parce que l’on ne manque point de remedes absolument analogues & plus efficaces, on n’en fait que rarement usage dans les prescriptions magistrales : elle entre cependant dans plusieurs compositions officinales, parce que dans ces compositions on entasse tout. On trouve dans les pharmacopées un sirop simple, & un sirop composé de stœchas. Le premier n’est point usité, & n’est près que bon à rien, si on le prépare selon la méthode commune, en faisant long-tems bouillir avec le sucre une infusion ou une décoction de cette plante.

Le sirop composé auquel le stœchas donne son nom, contient toutes les particules de plusieurs substances végétales très aromatiques, & doit être regardé comme une préparation bien entendue, & comme un bon remede très-propre à être mêlé dans les juleps, les décoctions, les infusions, les potions fortifiantes, cordiales, stomachiques, céphaliques, diaphorétiques, hystériques & emménagogues. Ce sirop est absolument analogue à un autre sirop composé, très connu dans les boutiques sous le nom de sirop d’armoise, si même le sirop de stœchas ne vaut mieux que ce dernier. En voici la description d’après la pharmacopée de Paris.

Sirop de stœchas composé. Prenez épis secs de stœchas trois onces ; sommités fleuries & séches de thim, de calament, d’origan, de chacun une once & demie ; de sauge, de bétoine, de romarin, de chacun demi-once ; semences de rue, de pivoine mâle, de fenouil, de chacun trois gros ; canelle, gingembre, roseau aromatique, de chacun deux gros : que toutes ces drogues hachées & pilées macerent pendant deux jours dans un alembic d’étain ou de verre, avec huit livres d’eau tiéde ; alors retirez par la distillation au bain-marie huit onces de liqueur aromatique, dont vous ferez un sirop en y faisant fondre au bain-marie le double de son poids, c’est-à-dire une livre de beau sucre. D’autre part ; prenez le marc de la distillation avec la liqueur résidue ; passez & exprimez fortement ; ajoutez quatre livres de sucre à la colature ; clarifiez & cuisez en consistence de sirop, auquel, lorsqu’il sera à demi refroidi, vous mêlerez le précédent. (b)