L’Encyclopédie/1re édition/SYRIENNE, la déesse

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SYRIENNE, la déesse, (Mythol.) il y a en Syrie, dit Lucien, en son traité de la déesse syrienne, une ville qu’on nomme Sacrée ou Sérapolis, dans laquelle est le plus grand & le plus auguste temple de la Syrie ; outre les ouvrages de grand prix, & les offrandes qui y sont en très-grand nombre, il y a des marques d’une divinité présente. On y voit les statues suer, se mouvoir, rendre des oracles ; & on y entend souvent du bruit, les portes étant fermées. Les richesses de ce temple sont immenses ; car on y apporte des présens de toutes parts, d’Arabie, de Phénicie, de Cappadoce, de Cilicie, d’Assyrie, & de Babylone. Les portes du temple étoient d’or, aussi bien que la couverture, sans parler du dedans qui brilloit partout du même métal. Pour les fêtes & les solemnités, il ne s’en trouve pas tant nulle part. Les uns croient que ce temple a été bâti par Sémiramis, en l’honneur de Dérito sa mere : d’autres disent qu’il a été consacré à Cybéle, par Atys, qui le premier enseigna aux hommes les mysteres de cette déesse ; mais c’étoit l’ancien temple dont on entendoit parler : pour celui qui subsistoit du tems de Lucien, il avoit été bâti par la fameuse Stratonice, reine de Syrie.

Parmi plusieurs statues des dieux, on voyoit celle de la déesse qui présidoit au temple : elle avoit quelque chose de plusieurs autres déesses ; car elle tenoit un sceptre d’une main, & de l’autre une quenouille ; sa tête étoit couronnée de rayons, & coeffée de tours, avec un voile au-dessus, comme celui de la Vénus céleste : elle étoit ornée de pierreries de diverses couleurs, entre lesquelles il y en avoit une sur la tête qui jettoit tant de clarté, que tout le temple en étoit éclairé pendant la nuit ; c’est pourquoi on lui donnoit le nom de lampe. Cette statue avoit une autre merveille, c’est que de quelque côté qu’on la considérât, elle sembloit toujours vous regarder.

Apollon rendoit des oracles dans ce temple, mais il le faisoit par lui-même, & non par ses prêtres ; quand il vouloit prédire, il s’ébranloit, alors ses prêtres le prenoient sur leurs épaules, & à leur défaut, il se remuoit lui-même & suoit. Il conduisoit ceux qui le portoient, & les guidoit comme un cocher fait ses chevaux, tournant de-çà & de-là, & passant de l’un à l’autre, jusqu’à ce que le souverain prêtre l’interrogeât sur ce qu’il vouloit savoir. Si la chose lui déplait, dit Lucien, il recule, sinon il avance, & s’éleve quelquefois en l’air : voilà comme ils devinent sa volonté ; il prédit le changement des tems & des saisons, & la mort même.

Apulée fait mention d’une autre façon de rendre les oracles, dont les prêtres de la déesse syrienne étoient les inventeurs ; ils avoient fait deux vers dont le sens étoit : les bœufs attelés coupent la terre, afin que les campagnes produisent leurs fruits. Avec ces deux vers, il n’y avoit rien à quoi ils ne répondissent. Si on venoit les consulter sur un mariage, c’étoit la chose même des bœufs attelés ensemble, des campagnes fécondes ; si on les consultoit sur quelques terres qu’on vouloit acheter, voilà des bœufs pour les labourer, voilà des champs fertiles ; si on les consultoit sur un voyage, les bœufs sont attelés, & tout prêts à partir, & les campagnes fécondes vous promettent un grand gain ; si on alloit à la guerre, les bœufs sous le joug, ne vous annoncent-ils pas que vous y mettrez aussi vos ennemis ?

Cette déesse qui avoit les attributs de plusieurs autres, étoit, selon Vossius, la vertu générative ou productive que l’on désigne par le nom de mere des dieux. (D. J.)