L’Encyclopédie/1re édition/TORTURE ou QUESTION

La bibliothèque libre.
◄  TORTUGNE
TORYNE  ►

TORTURE ou QUESTION, (Jurisprud.) est un tourment que l’on fait essuyer à un criminel ou à un accusé, pour lui faire dire la vérité ou déclarer ses complices. Voyez Question.

Les tortures sont différentes, suivant les différens pays ; on la donne avec l’eau, ou avec le fer, ou avec la roue, avec des coins, avec des brodequins, avec du feu, &c.

En Angleterre on a aboli l’usage de toutes les tortures, tant en matiere civile que criminelle, & même dans le cas de haute trahison ; cependant il s’y pratique encore quelque chose de semblable quand un criminel refuse opiniatrement de répondre ou de s’avouer coupable, quoiqu’il y ait des preuves. Voyez Peine forte et dure.

En France on ne donne point la torture ou la question en matiere civile ; mais en matiere criminelle, suivant l’ordonnance de 1670, on peut appliquer à la question un homme accusé d’un crime capital, s’il y a preuve considérable, & que cependant elle ne soit pas suffisante pour le convaincre. Voyez Preuve.

Il y a deux sortes de questions ou tortures, l’une préparatoire, que l’on ordonne avant le jugement, & l’autre définitive, que l’on ordonne par la sentence de mort.

La premiere est ordonnée manentibus indiciis, preuves tenantes ; de sorte que si l’accusé n’avoue rien, il ne peut point être condamné à mort, mais seulement à toute autre peine, ad omnia citrà mortem.

La seconde se donne aux criminels condamnés, pour avoir révélation de leurs complices.

La question ordinaire se donne à Paris avec six pots d’eau & le petit treteau, & la question extraordinaire aussi avec six pots d’eau, mais avec le grand treteau.

En Ecosse la question se donne avec une botte de fer & des coins.

En certains pays on applique les piés du criminel au feu, en d’autres on se sert de coins, &c.

M. de la Bruyere dit que la question est une invention sûre pour perdre un innocent qui a la complexion foible, & pour sauver un coupable qui est né robuste. Un ancien a dit aussi fort sentencieusement, que ceux qui peuvent supporter la question, & ceux qui n’ont point assez de force pour la soutenir, mentent également.