L’Encyclopédie/1re édition/VOL

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VOL, s. m. (Droit naturel.) action de prendre le bien d’autrui malgré le propriétaire à qui seul les lois donnent le droit d’en disposer.

Comme cette action est contraire au bien public, soit dans l’état de nature, soit dans l’état civil, tout voleur mérite d’être puni ; mais cette punition doit être réglée suivant la nature du vol, les circonstances & la qualité du voleur ; c’est pour cela qu’on punit plus sévérement le vol domestique, le vol à main armée, le vol de nuit que le vol de jour.

Il paroit que le simple vol ne doit pas mériter la peine de mort ; mais s’il est permis pour défendre son bien & sa vie de tuer un voleur de nuit, parce que dans un pareil cas, l’on rentre en quelque maniere dans l’état de nature, où les petits crimes peuvent être punis de mort ; ici, il n’y a point d’injustice dans une défense poussée si loin pour conserver uniquement son bien ; car comme ces sortes d’attentats ne parviennent guere à la connoissance du magistrat, le tems ne permettant pas d’implorer leur protection, ils demeurent aussi très-souvent impunis. Lors donc qu’on trouve moyen de les punir, on le fait à toute rigueur, afin que si d’un côté l’espérance de l’impunité rend les scélérats plus entreprenans, de l’autre la crainte d’un châtiment si sévere soit capable de rendre la malice plus timide.

Mais dans l’ancienne Lacédémone, ce que l’on souhaitoit principalement, comme naturellement bon à l’état, c’étoit d’avoir une jeunesse hardie & rusée ; ainsi le vol étoit permis à Sparte, l’on n’y punissoit que la mal-adresse du voleur surpris. Le vol nuisible à tout peuple riche, étoit utile à Lacédémone, & les lois de Lycurgue en autorisoient l’impunité ; ces lois étoient convenables à l’état pour entretenir les Lacédémoniens dans l’habitude de la vigilance. D’ailleurs, si l’on considere l’inutilité de l’or & de l’argent dans une république où les lois ne donnoient cours qu’à une monnoie de fer cassant, on sentira que les vols de poules & légumes étoient les seuls qu’on pouvoit commettre ; toujours faits avec adresse, & souvent niés avec la plus grande fermeté.

Chez les Scythes, au contraire, nul crime plus grand que le vol, & leur maniere de vivre exigeoit qu’on le punît séverement. Leurs troupeaux erroient çà & là dans les plaines ; quelle facilité à dérober ! & quel désordre, si l’on eût autorisé de pareils vols ! Aussi, dit Aristote, a-t on chez eux établi la loi gardienne des troupeaux. (D. J.)

Vol, (Critiq. sacrée.) Le vol simple chez les Hébreux se punissoit par la restitution plus ou moins grande que le voleur étoit obligé de faire. Le vol d’un bœuf étoit réparé par la restitution de cinq ; celui d’une brebis ou d’une chevre, par la restitution de quatre de ces animaux. Si le vol se trouvoit encore chez le voleur, la loi restraignoit la restitution au double ; mais si le voleur n’avoit pas de quoi restituer, on pouvoit le vendre ou le réduire en esclavage, Exod. xxij. 3.

Celui qui enlevoit un homme libre pour le mettre en servitude, étoit puni de mort, Exod. xxj. 16. La loi permettoit de tuer le voleur nocturne, parce qu’il est présumé qu’il en veut à la vie de la personne qu’il veut voler ; mais la loi ne permettoit pas de tuer celui qui voloit pendant le jour, parce qu’il étoit possible de se défendre contre lui, & de poursuivre devant les juges la restitution de ce qu’il avoit pris, Exod. xxij. 2. (D. J.)

Il ne paroît pas en général que chez les Hébreux, le vol emportât avec soi une infamie particuliere. L’écriture même nous donne dans Jephté l’exemple d’un chef de voleurs, qui après avoir changé de conduite, fut nommé pour gouverner les Israélites. (D. J.)

Vol, (Jurisprud.) Les anciens n’avoient pas des idées aussi pures que nous par rapport au vol, puisqu’ils pensoient que certaines divinités présidoient aux voleurs, telles que la déesse Laverna & Mercure.

Il y avoit chez les Egyptiens une loi qui régloit le métier de ceux qui vouloient être voleurs ; ils devoient se faire inscrire chez le chef apud sorum principum, lui rendre compte chaque jour de tous leurs vols dont il devoit tenir registre. Ceux qui avoient été volés s’adressoient à lui, on leur communiquoit le registre, & si le vol s’y trouvoit, on le leur rendoit en retenant seulement un quart pour les voleurs, étant, disoit cette loi, plus avantageux, ne pouvant abolir totalement le mauvais usage des vols, d’en retirer une partie par cette discipline, que de perdre le tour.

Plutarque, dans la vie de Lycurgue, rapporte que les Lacédémoniens ne donnoient rien ou très peu de chose à manger à leurs enfans, qu’ils ne l’eussent dérobé dans les jardins ou lieux d’assemblée ; mais quand ils se laissoient prendre, on les fouettoit très-rudement. L’idée de ces peuples étoit de rendre leurs enfans subtils & adroits, il ne manquoit que de les exercer à cela par des voies plus légitimes.

Pource qui est des Romains, suivant le code Papyrien, celui qui étoit attaqué par un voleur pendant la nuit, pouvoit le tuer sans encourir aucune peine.

Lorsque le vol étoit fait de jour, & que le voleur étoit pris sur le fait, il étoit fustigé & devenoit l’esclave de celui qu’il avoit volé. Si ce voleur étoit déja esclave, on le fustigeoit & ensuite on le précipitoit du haut du capitole ; mais si le voleur étoit un enfant qui n’eût pas encore atteint l’âge de puberté, il étoit châtié selon la volonté du préteur, & l’on dédommageoit la partie civile.

Quand les voleurs attaquoient avec des armes, si celui qui avoit été attaqué avoit crié & imploré du secours, il n’étoit pas puni s’il tuoit quelqu’un des voleurs.

Pour les vols non manifestes, c’est-à-dire cachés, on condamnoit le voleur à payer le double de la chose volée.

Si après une recherche faite en la forme prescrite par les lois, on trouvoit dans une maison la chose volée, le vol étoit mis au rang des vols manifestes, & étoit puni de même.

Celui qui coupoit des arbres qui n’étoient pas à lui, étoit tenu de payer 25 as d’airain pour chaque pié d’arbre.

Il étoit permis au voleur & à la personne volée de transiger ensemble & de s’accommoder ; & s’il y avoit une fois une transaction faite, la personne volée n’étoit plus en droit de poursuivre le voleur.

Enfin, un bien volé ne pouvoit jamais être prescrit.

Telles sont les lois qui nous restent du code Papyrien, au sujet des vols sur lesquels M. Terrasson en son histoire de la Jurisprudence romaine, a fait des notes très-curieuses.

Suivant les lois du digeste & du code, le vol connu sous le terme furtum étoit mis au nombre des délits privés.

Cependant, à cause des conséquences dangereuses qu’il pouvoit avoir dans la société, l’on étoit obligé, même suivant l’ancien droit, de le poursuivre en la même forme que les crimes publics.

Cette poursuite se faisoit par la voie de la revendication, lorsqu’il s’agissoit de meubles qui étoient encore en nature, ou par l’action appellée condictio fustra, lorsque la chose n’étoit plus en nature ; enfin, s’il s’agissoit d’immeubles, on en poursuivoit la restitution par une action appellée interdictum recuperandæ possessionis, desorte que l’usurpation d’un héritage étoit aussi considérée comme un vol.

L’on distinguoit, quant à la peine, le vol en manifeste & non manifeste ; au premier cas, savoir, lorsque le voleur avoit été surpris en flagrant délit, ou du moins dans le lieu où il venoit de commettre le vol, la peine étoit du quadruple ; au second, c’est-à-dire lorsque le vol avoit été fait secrétement, & que l’on avoit la trace du vol, la peine étoit seulement du double ; mais dans ce double, ni dans le quadruple, n’étoit point compris la chose ou le prix.

La rapine, rapina, étoit considérée comme un délit particulier que l’on distinguoit du vol, en ce qu’elle se faisoit toujours avec violence & malgré le propriétaire, au lieu que le vol furtum étoit censé fait sans violence, & en l’absence du propriétaire, quoiqu’il pût arriver qu’il y fût présent.

La peine de la rapine étoit toujours du quadruple, y compris la chose volée ; ce délit étoit pourtant plus grave que le vol manifeste qui se commettoit sans violence ; mais aussi ce vol n’étoit jamais puni que par des peines pécnniaires, comme les autres délits privés, au lieu que ceux qui commettoient la rapine pouvoient, outre la peine du quadruple, être encore condamnés à d’autres peines extraordinaires, en vertu de l’action publique qui résultoit de la loi julia de vi publicâ seu privatâ.

En France, on comprend sous le terme de vol les deux délits que les Romains distinguoient par les termes furtum & rapina.

Les termes de vol & de voleur tirent leur étymologie de ce qu’anciennement le larcin se commettoit le plus souvent dans les bois & sur les grands chemins ; ceux qui attendoient les passans pour leur dérober ce qu’ils avoient, avoient ordinairement quelqu’oiseau de proie qu’ils portoient sur le poing, & qu’ils faisoient voler lorsqu’ils voyoient venir quelqu’un, afin qu’on les prît pour des chasseurs, & que les passans ne se défiant pas d’eux, en approchassent plus facilement, ensorte que le terme de vol ne s’appliquoit dans l’origine qu’à ceux qui étoient commis sur les grands chemins ; les autres étoient appellés larcin. Cependant sous le terme de vol, on comprend présentement tout enlevement frauduleux d’une chose mobiliaire.

Un impubere n’étant pas encore capable de discerner le mal, ne peut être puni comme voleur ; néanmoins s’il approche de la puberté, il ne doit point être entiérement exempt de peine.

De même aussi celui qui prend par nécessité, & uniquement pour s’empêcher de mourir de faim, ne tombe point dans le crime de vol, il peut seulement être poursuivi extraordinairement pour raison de la voie de fait, & être condamné en des peines pécuniaires.

Il en est de même de celui qui prend la chose d’autrui à laquelle il prétend avoir quelque droit, soit actuel ou éventuel, ou en compensation de celle qu’on lui retient ; ce n’est alors qu’une simple voie de fait qui peut bien donner lieu à la voie extraordinaire, comme étant défendue par les lois à cause des désordres qui en peuvent résulter, mais la condamnation se résout en dommages & intérêts, avec défense de récidiver.

On distingue deux sortes de vol ; savoir, le vol simple & le vol qualifié ; celui-ci se subdivise en plusieurs especes, selon les circonstances qui les caractérisent.

La peine du vol est plus ou moins rigoureuse, selon la qualité du délit, ce qui seroit trop long à détailler ici : on peut voir là-dessus la déclaration du 4 Mars 1724.

L’auteur de l’esprit des Lois observe à cette occasion que les crimes sont plus ou moins communs dans chaque pays, selon qu’ils y sont punis, plus ou moins rigoureusement ; qu’à la Chine, où les voleurs cruels sont coupés par morceaux, on vole bien, mais que l’on n’y assassine pas ; qu’en Moscovie, où la peine des voleurs & assassins est la même, on assassine toujours : & qu’en Angleterre, on n’assassine point, parce que les voleurs peuvent espérer d’être transportés dans les colonies, & non pas les assassins.

Voyez au digest. les tit. de furtis de usurpationibus ad leg. jul. de vi privatâ, & au code eod. tit. institut. de oblig. quæ ex delicto nasc.

Vol avec armes est mis au nombre des vols qualifiés & punis de mort ; même de la roue s’il a été commis dans une rue ou sur un grand chemin.

Vol de bestiaux, voyez Abigeat.

Vol avec déguisement, est celui qui est fait par une personne masquée ou autrement déguisée : les ordonnances permettent de courir sur ceux qui vont ainsi masqués, comme s’ils étoient déja convaincus. Voyez les ordonnances de 1539, celle de Blois, & la déclaration du 22 Juillet 1692. (A)

Vol domestique, est celui qui est fait par des personnes qui sont à nos gages, & nourries à nos dépens : ce crime est puni de la potence, à moins que l’objet ne fût extrêmement modique, auquel cas la peine pourroit être modérée.

Vol avec effraction, est lorsque le voleur a brisé & forcé quelque clôture ou fermeture pour commettre le vol. Celui-ci est un cas royal & même prevôtal, lorsqu’il est accompagné de port d’armes & de violence publique, ou-bien que l’effraction a été faite dans le mur de clôture, dans les toîts des maisons, portes & fenêtres extérieures ; la peine de ce vol est le supplice de la roue, ou au moins de la potence si les circonstances sont moins graves. V. la déclaration de 1731 pour les cas prevôtaux.

Vol de grand chemin, est celui qui est commis dans les rues ou sur les grands chemins ; ces vols sont réputés cas prevôtaux, à l’exception néanmoins de ceux qui sont commis dans les rues des villes & faubourgs ; du reste, les uns & les autres sont punis de la roue.

Vol de nuit ou nocturne, est celui qui est commis pendant la nuit ; la difficulté qu’il y a de se garantir de ces sortes de vols, fait qu’ils sont punis plus séverement que ceux qui sont commis pendant le jour.

Vol public, est ce qui est pris frauduleusement sur les deniers publics, c’est-à-dire, destinés pour le bien de l’état. Voyez Concussion.

Vol qualifié, est celui qui intéresse principalement l’ordre public, & qui est accompagné de circonstances graves qui demandent une punition exemplaire.

Ces circonstances se tirent 1°. de la maniere dont le vol a été fait, comme quand il est commis avec effraction, avec armes ou déguisement, ou par adresse & filouterie.

2°. De la qualité de ceux qui le commettent ; par exemple, si ce sont des domestiques, des vagabonds, gens sans aveu, gens d’affaires, officiers ou ministres de la justice, soldats, cabaretiers, maîtres de coches ou de navire, ou de messagerie, voituriers, serruriers & autres dépositaires publics.

3°. De la qualité de la chose volée, comme quand c’est une chose sacrée, des deniers royaux ou publics, des personnes libres, des bestiaux, des pigeons, volailles, poissons, gibiers, arbres de forêts ou vergers, fruits des jardins, charrues, harnois de labours, bornes & limites.

4°. De la quantité de l’action volée, si le vol est considérable & emporte une déprédation entiere de la fortune de quelqu’un.

5°. De l’habitude, comme quand le vol a été réitéré plusieurs fois, ou s’il est commis par un grand nombre de personnes.

6°. Du lieu, si c’est à l’église, dans les maisons royales, au palais ou auditoire de la justice, dans les spectacles publics, sur les grands chemins.

7°. Du tems, si le vol est fait pendant la nuit, ou dans un tems d’incendie, de naufrage, & de ruine, ou de famine.

Enfin de la sûreté du commerce, comme en fait d’usure & de banqueroute frauduleuse, monopole ou recelement. Voyez le traité des crimes, par M. de Vouglans, où chacune de ces circonstances est très bien développée.

Vol simple, est celui qui ne blesse que l’intérêt des particuliers, & non l’ordre public.

Quand le vol est commis par des étrangers, ils doivent être punis, bannis, fouettés & marqués de la lettre V.

Mais quand celui qui a commis le vol avoit quelque apparence de droit à la chose, par exemple si le vol est fait par un fils de famille à son pere, par une veuve aux héritiers de son mari, ou par ceux-ci à la veuve ou à leurs cohéritiers, par le créancier qui abuse du gage de son débiteur, par le dépositaire qui se sert du dépôt ; ces sortes de vols ne peuvent être poursuivis que civilement, & ne peuvent donner lieu qu’à des condamnations pécuniaires, telles que la restitution de la chose volée avec des dommages & intérêts. Voyez Filou, Larcin, Voleur.

Vol du chapon, est un certain espace de terre que plusieurs coutumes permettent à l’aîné de prendre par préciput, au-tour du manoir seigneurial, outre les bâtimens, cours & basse-cours ; ce terrein a été appellé vol du chapon, pour faire entendre que c’est un espace à-peu-près égal à celui qu’un chapon parcourroit en volant.

La coutume de Bourbonnois désigne cet espace par un trait d’arc.

Celles du Maine, Tours, & Lodunois l’appellent le cheré.

Cette étendue de terrein n’est pas par-tout la même ; la coutume de Paris, art. 13. donne un arpent, d’autres donnent deux ou quatre arpens ; celle de Lodunois, trois sexterées. Voyez Aînesse, Préciput, Manoir, Principal manoir. (A)

Vol, s. m. (Gram.) mouvement progressif des oiseaux, des poissons, des insectes, par le moyen des aîles. Voyez l’article Voler.

Vol, chasse du vol, c’est celle qu’on fait avec des oiseaux de proie ; c’est un spectacle assez digne de curiosité, & fait pour étonner ceux qui ne l’ont pas encore vû : on a peine à comprendre comment des animaux naturellement aussi libres que le sont les oiseaux de proie, deviennent en peu de tems assez apprivoisés pour écouter dans le plus haut des airs la voix du chasseur qui les guide, être attentifs aux mouvemens du leurre, y revenir & se laisser reprendre. C’est en excitant & en satisfaisant alternativement leurs besoins, qu’on parvient à leur faire goûter l’esclavage ; l’amour de la liberté qui combat pendant quelque tems, cede enfin à la violence de l’appetit ; dès qu’ils ont mangé sur le poing du chasseur, on peut les regarder presque comme assujettis. Voyez Fauconnerie.

La chasse du vol est un objet de magnificence & d’appareil beaucoup plus que d’utilité : on peut en juger par les especes de gibiers qu’on se propose de prendre dans les vols qu’on estime le plus. Le premier de tous les vols, & un de ceux qu’on exerce le plus rarement, est celui du milan ; sous ce nom on comprend le milan royal, le milan noir, la buse, &c. Lorsqu’on apperçoit un de ces oiseaux, qui passent ordinairement fort haut, on cherche à le faire descendre, en allant jetter le duc à une certaine distance. Le duc est une espece de hibou, qui, comme on sait, est un objet d’aversion pour la plûpart des oiseaux. Pour le rendre plus propre à exciter la curiosité du milan qu’on veut attirer, on peut lui ajouter une queue de renard, qui le fait paroître encore plus difforme. Le milan s’approche de cet objet extraordinaire, & lorsqu’il est à une distance convenable, on jette les oiseaux qui doivent le voler : ces oiseaux sont ordinairement des sacres & des gerfauts. Lorsque le milan se voit attaqué, il s’éleve & monte dans toutes les hauteurs ; ses ennemis font aussi tous leurs efforts pour gagner le dessus. La scène du combat se passe alors dans une région de l’air si haute, que souvent les yeux ont peine à y atteindre.

Le vol du héron se passe à-peu-près de la même maniere que celui du milan ; l’un & l’autre sont dangereux pour les oiseaux qui, dans cette chasse, courent quelquefois risque de la vie : ces deux vols ont une primauté d’ordre que leur donnent leur rareté, la force des combattans, & le mérite de la difficulté vaincue.

Le plus fort des oiseaux de proie employé à la volerie, est sans doute le gerfaut : il joint à la noblesse & à la force, la vîtesse & l’agilité du vol ; c’est celui dont on se sert pour le lievre ; cependant il est rare qu’on prenne des lievres avec des gerfauts sans leur donner quelque secours ; ordinairement, avec deux gerfauts qu’on jette, on lâche un mâtin destiné à les aider ; les oiseaux accoutumés à voler ensemble, frappent le lievre tour-à-tour avec leurs mains, le tuent quelquefois, mais plus souvent l’étourdissent & le font tomber : la course du lievre étant ainsi retardée, le chien le prend aisément, & les gerfauts le prennent conjointement avec lui.

Le vol pour corneille a moins de noblesse & de difficultés que ceux pour le milan & le héron ; mais c’est un des plus agréables ; il est souvent varié dans ses circonstances : il se passe en partie plus près des yeux, & il oblige quelquefois les chasseurs à un mouvement qui rend la chasse plus piquante. La corneille est un des ciseaux qu’on attire presque sûrement avec le duc, & lorsqu’on la juge assez près, on jette les oiseaux : dès qu’elle se sent attaquée, elle s’éleve, & monte même à une grande hauteur : ce sont des faucons qui la volent ; ils cherchent à gagner le dessus ; lorsque la corneille s’apperçoit qu’elle va perdre son avantage, on la voit descendre avec une vîtesse incroyable, & se jetter dans l’arbre qu’elle trouve le plus à portée : alors les faucons restent à planer au dessus : la corneille n’auroit plus à les craindre, si les fauconniers n’alloient pas au secours de leurs oiseaux, mais ils vont à l’arbre, ils forcent par leurs cris la corneille à déserter sa retraite, & à courir de nouveaux dangers ; elle ne repart qu’avec peine, elle tente de nouveau & à diverses reprises les ressources de la vîtesse & de la ruse, & si elle succombe à la fin, ce n’est qu’après avoir mis plus d’une fois l’une & l’autre en usage pour sa défense.

Le vol pour pie est aussi vif que celui pour corneille, mais il n’a pas autant de noblesse à beaucoup près, parce que la pie n’a de ressource que celle de la foiblesse. Ce vol ne se fait guere comme ceux dont nous avons parlé de poing en fort, c’est-à-dire que les oiseaux n’attaquent pas en partant du poing ; ordinairement on les jette amont, parce qu’on attaque la pie lorsqu’elle est dans un arbre. Les oiseaux étant jettés, & s’étant élevés à une certaine hauteur, sont guidés par la voix du fauconnier, & rentrent au mouvement du leurre. Lorsqu’on les juge à portée d’attaquer, on se presse de faire partir la pie, qui ne cherche à échapper qu’en gagnant les arbres les plus voisins : souvent elle est prise au passage, mais quand elle n’a été que chargée, on a beaucoup de peine à la faire repartir ; sa frayeur est telle qu’elle se laisse quelquefois prendre par le chasseur plutôt que de s’exposer à la descente de l’oiseau qu’elle redoute.

On jette amont de la même maniere, lorsqu’on vole pour champs & pour riviere, c’est-à-dire pour la perdrix ou le faisan, & pour le canard. Pour la perdrix on jette amont un ou deux faucons ; pour le faisan deux faucons ou un gerfaut : on laisse monter les oiseaux, & lorsqu’ils planent dans le plus haut des airs, le fauconnier aidé d’un chien, fait partir le gibier sur lequel l’oiseau descend. Pour le canard, on met amont jusqu’à trois faucons, & on se sert aussi de chiens pour le faire partir, & l’obliger de voler lorsque la frayeur qu’il a des faucons l’a rendu dans l’eau.

Outre ces vols, on dresse aussi pour prendre des cailles, des alouettes, des merles, de petits oiseaux de proie tels que l’émerillon, le hobereau, l’épervier ; mais ce dernier n’appartient pas à la fauconnerie proprement dite ; il est ainsi que l’autour & son tiercelet, du ressort de l’autourserie : les premiers sont de ceux qu’on nomme oiseaux de leurre ; les autres s’appellent oiseaux de poing, parce que sans être leurrés ils reviennent sur le poing.

On emploie à-peu-près les mêmes moyens pour apprivoiser & dresser les uns & les autres ; mais on porte presque toujours à la chasse les derniers sans chaperon ; ils sont plus prompts à partir du poing que les autres : on ne les jette point amont ; ils ne volent que de poing en fort, & font leur prise d’un seul trait d’aîle : par cette raison ils se fatiguent moins, & ils peuvent prendre plus de gibier : ainsi la chasse en est plus utile si elle est moins noble & moins agréable. On dit que le vol du faucon appartient principalement aux princes, & que celui de l’autour convient mieux aux gentilhommes. Article de M. Leroi.

Vol, en terme de Blason, se dit de deux aîles posées dos à dos dans les armoiries, comme étant tout ce qui fait le vol d’un oiseau : lorsqu’il n’y a qu’une aîle seule, on l’appelle demi-vol ; & quand il y en a trois, trois demi-vols. On appelle vol banneret celui qu’en met au cimier, & qui est fait en banniere, ayant le dessus coupé & quarré, comme celui des anciens chevaliers.