La Cithare (Gille)/L’Enlèvement d’Europe

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La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 47-48).
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L’ENLÈVEMENT D’EUROPE


Le taureau s’est lancé dans la mer : repoussant
La vague qui se dresse et mord son cou puissant,
Par la plaine liquide il bondit et galope,
Emportant sur son dos la confiante Europe.
Des algues d’émeraude et des fleurs de corail,
Ainsi qu’une toison, pendent sur son poitrail
Tour à tour soulevé par l’onde lourde et glauque.
Mais il fuit, il se cabre, et son beuglement rauque
Couvre au loin la rumeur innombrable des flots ;
Et, sous les battements joyeux de ses sabots,

Faisant à coups pressés jaillir la blanche écume
Autour de son flanc roux qui halette et qui fume,
Il nage, enveloppé d’une poussière d’or.
Les yeux remplis d’effroi, la fille d’Agénor
Dont se dénoue au vent la guirlande qui l’orne,
Craintive, d’une main se retient à la corne,
Sentant un noble esprit circuler dans l’air bleu
Et sous elle grandir et frissonner un dieu.