De l’enseignement supérieur en Allemagne

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De l’enseignement supérieur en Allemagne
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 34 (p. 813-833).
DE
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
EN ALLEMAGNE
D’APRÈS DES RAPPORTS RECENS

Société pour l’étude des questions de l’enseignement supérieur, Études de 1878, 1 vol. in-8o. Paris, 1879.

On parle beaucoup, depuis quinze ans, de l’enseignement supérieur de la France ; le connaît-on bien ? Assurément il n’est pas facile de le connaître. Nous ayons une cinquantaine de facultés ou de hautes écoles. Chaque école et chaque ordre de faculté a sa méthode générale, chaque professeur aussi a un peu sa méthode particulière ; ensuite les auditeurs et les étudians varient suivant les écoles, suivant les villes, suivant les années, surtout suivant la nature de chaque cours ; enfin il n’est rien qui soit moins immuable que cet enseignement, il se modifie à mesure que les hommes changent ; l’esprit qui l’anime peut se transformer en quelques années, quoique le moule et les dehors restent les mêmes, en sorte que ce qui était vrai il y a quinze ans pourrait bien n’être plus vrai aujourd’hui. On voit donc quelles sont les difficultés du problème. Rien de plus complexe, de plus divers, de plus changeant, de plus insaisissable. N’allons pas croire qu’il suffise de compter le nombre des professeurs ou celui des étudians ; les chiffres conviennent mal à un pareil sujet. Ce n’est pas la statistique qui nous dira quelle est la nature de notre enseignement supérieur, quels en sont les mérites ou les défauts, quelle en est surtout la valeur scientifique et quelle action il exerce sur les esprits. À ces questions, nous ne croyons pas que personne puisse répondre aujourd’hui avec exactitude, et ceux qui les tranchent par les affirmations les- plus absolues sont peut-être ceux qui les ont le moins étudiées. A plus forte raison ignorons-nous ce qu’est l’enseignement supérieur à l’étranger. Sur ce point encore, il faut nous mettre en garde contre ces demi-notions incertaines et superficielles que l’on prend trop aisément pour des vérités. Suffit-il de répéter par exemple que l’Allemagne a beaucoup de professeurs, que les étudians inscrits aux cours sont nombreux, que les universités y sont très indépendantes, qu’à côté des professeurs qui vieillissent il existe des privat-docenten toujours jeunes ? Est-ce assez de quelques faits de cette sorte, vaguement observés, sans détail, sans nulle observation de la pratique, pour nous donner une idée exacte de cet enseignement, pour nous faire comprendre s’il est fécond et pourquoi il l’est ?

Il s’est formé l’année dernière à Paris une société qui s’est proposé d’examiner tous ces problèmes, Elle s’intitule Société pour l’étude des questions d’enseignement supérieur. Qu’on ne se figure pas cependant une réunion de théoriciens et de rêveurs qui seraient pressés de créer un enseignement idéal. Les hommes qui la composent sont au contraire des hommes de pratique. Aussi savent-ils que des réformes trop hâtives pourraient être désastreuses. On aurait bientôt fait, sous prétexte que notre enseignement est malade, de le tuer. Il importe d’abord de constater s’il est malade ; il y a ensuite à distinguer par où il l’est ; il y aura enfin à chercher quels remèdes particuliers pourront lui convenir. C’est donc par l’étude des faits actuels qu’il faut commencer. Avant de réformer, on doit se rendre bien compte de ce qui existe. Avant d’imiter l’étranger, il est utile de savoir exactement ce qu’est et ce que vaut l’étranger. Aussi cette Société dont nous parlons est-elle convenue dès le premier jour et a-t-elle écrit dans ce qu’on peut appeler son pacte social qu’elle ne viserait pas dès maintenant à transformer l’enseignement supérieur, mais qu’elle s’appliquerait tout d’abord à le bien connaître. Les réformes, pour être un peu retardées, n’en seront que plus sûres[1].

La Société a commencé son travail par l’étude des universités étrangères. N’en soyons pas surpris ; il est toujours plus facile d’observer autrui que de s’observer soi-même, et il est d’une bonne méthode, avant d’essayer de regarder en soi, d’exercer son regard sur ce qui se passe au dehors. Elle a des correspondans, aussi compétens que désintéressés, qui sont allés chercher dans les universités de l’Europe les renseignemens dont elle a besoin. Il va sans dire qu’ils ne se sont pas contentés de quelques notions générales, de quelques chiffres sujets à faire illusion. Ils ont vu les choses par leurs yeux et dans le plus complet détail. Ils ont su interroger et écouter. Ils n’ont pas regardé seulement les affiches des cours ; ils ont suivi les cours eux-mêmes et se sont introduits dans les conférences. Ils ont distingué les règles et la pratique, les apparences et la réalité. Ils ont fait comme le juge qui ferait une enquête ou comme le savant qui étudierait un être et ses organes intimes. Après avoir bien observé, ils ont envoyé leurs rapports à la Société, qui les a publiés ; et c’est ainsi que nous avons sous les yeux de longues et scrupuleuses études sur l’université de Bonn par M. Dreyfus, sur celle de Göttingue par MM. Montargis et Seignobos, sur celle de Heidelberg par MM. Cammartin et Lindenlaub, sur les universités de l’Autriche, de la Belgique, de la Hollande, de l’Angleterre, par MM. Lyon-Caen, Em. Flourens, Maurice Vernes et Villetard. Le volume se termine par une importante étude sur l’enseignement supérieur en France, dans laquelle M. Lavisse analyse et commente deux grands rapports qui ont été tour à tour fort remarqués, celui de M. Duruyen 1868, et celui de MM. Bardoux et Du Mesnil en 1878. Ce premier volume est un beau commencement. Il apporte dès aujourd’hui un assez bon nombre d’élémens pour la solution du problème qui préoccupe la Société, à savoir la connaissance exacte et précise de l’enseignement supérieur. Nous nous proposons de présenter aux lecteurs de la Revue les faits principaux qui y sont constatés et les impressions qu’ils suggèrent. Comme la plus grande partie du volume est consacrée à l’Allemagne, c’est aussi de l’Allemagne que nous nous occuperons en particulier.


I

Les universités allemandes dépendent de l’état. Elles n’appartiennent ni à l’église ni à des associations privées. Elles possèdent cette sorte de liberté, la plus assurée et la plus conforme aux habitudes modernes, qui consiste à ne dépendre que de l’état. Il y aurait d’ailleurs de l’exagération à se les figurer, ainsi qu’on le fait quelquefois, comme des corporations autonomes qui vivraient par elles-mêmes ; s’administreraient et se recruteraient elles-mêmes, sans avoir de compte à rendre à personne. D’abord, elles vivent du budget de l’état ; quoiqu’elles aient ordinairement une fortune propre et que les rétributions scolaires restent à leur disposition, il n’en est pas moins vrai que c’est surtout par les subventions de l’état qu’elles se soutiennent. Or l’état n’est pas ménager de son argent ; il sait que ses universités lui procurent le triple avantage de travailler pour la science, de contribuer à sa propre gloire et de servir sa politique. Il dépense beaucoup pour elles ; mais par cela même qu’il fait les frais de ces grands corps et qu’il fixe les traitemens de leurs membres, il exerce sur eux une autorité toute naturelle. Ces universités relèvent, aussi bien qu’en France, d’un ministère de l’instruction publique. Prenons garde que les apparences ne nous fassent illusion. De ce que nous voyons dans chaque université allemande un sénat composé de professeurs, un recteur, rector magnificus, élu par eux, des doyens également élus, n’allons pas nous hâter de conclure que cette université soit une petite république absolument libre. A côté de ce recteur et de ce sénat, il y a le curateur, lequel est nommé par le gouvernement ; il est un véritable fonctionnaire public, et il a pour mission de surveiller l’université. Il avertit le ministre des irrégularités qui se produisent, et, au besoin, il transmet au corps enseignant les remontrances du ministre. S’agit-il par exemple pour un professeur d’obtenir un congé, ce n’est pas au rector magnificus, c’est au curateur qu’il devra s’adresser. Le curateur est en Allemagne à peu près ce que le recteur est en France, à cela près qu’il exerce une action encore plus directe et plus constante. En lui réside l’autorité ; il représente l’état. On ne voit pas d’ailleurs que les Allemands se plaignent d’un pouvoir qui les protège en même temps qu’il les surveille ; on n’aperçoit ni esprit tracassier chez le fonctionnaire, ni susceptibilité ombrageuse chez le professeur ; chacun reste dans son rôle avec mesure et bon sens.

Les professeurs allemands ne sont pas plus qu’en France nommés par leurs collègues ; ils le sont à peu près autant qu’en France. Lorsqu’une chaire devient vacante en Allemagne, l’usage le plus fréquent est que la faculté présente trois candidats et que le ministre nomme l’un des trois. Il choisit qui il veut sur la liste ; il peut même choisir en dehors de la liste. Ce dernier cas s’est présenté et même plus d’une fois. Le principe est que la faculté donne au ministre un simple avis afin de l’éclairer, mais qu’elle ne lui impose en aucune façon sa volonté ; la nomination du professeur est toujours un acte de l’autorité publique. Nous ne voyons pas non plus que les Allemands se plaignent de cette règle ; ils pensent peut-être qu’un usage contraire offrirait de graves dangers. Les choix qu’un corps ferait directement ne seraient peut-être pas toujours ceux qui conviendraient le mieux aux intérêts et à l’indépendance même de ce corps[2].

Les universités allemandes sont partagées en facultés ainsi qu’en France ; mais ces facultés sont groupées entre elles et forment un faisceau. Cette union paraît avoir été inspirée par la pensée fort juste que toutes les connaissances humaines forment un ensemble, et que l’esprit peut, d’une certaine façon, embrasser la science tout entière. Il semble aussi qu’elle ait pour objet de prémunir l’étudiant et même le professeur contre le danger des études trop spéciales et trop étroites. Elle semble dire à l’étudiant en droit qu’il ne doit pas être étranger à l’histoire, à l’étudiant en histoire qu’il lui faut savoir le droit, et à l’étudiant en philosophie qu’il est nécessaire qu’il connaisse les sciences naturelles. On nous assure pourtant que, dans la pratique, chaque professeur et chaque étudiant, sauf de très rares exceptions, s’isole volontiers dans le cadre restreint de sa science particulière, et que le spécialisme règne dans les universités allemandes.

Ce qui forme chez nous deux facultés distinctes, celle des lettres et celle des sciences, n’en forme qu’une en Allemagne et on l’appelle faculté de philosophie. Ce nom, si on le prend dans son sens le plus vaste et en même temps le plus antique, convient aussi bien à la physique et à la chimie qu’à l’histoire et à la psychologie. Il répond assez bien à l’esprit de recherches qui doit remplir également toutes les chaires, aussi bien celles du philologue et de l’érudit que celles du mathématicien et du botaniste. Il a encore l’avantage d’éviter notre dénomination quelque peu bizarre de faculté des lettres, qui correspond si imparfaitement à l’ensemble des chaires et qui peut parfois égarer le public sur la nature de l’enseignement qui s’y donne.

Les universités allemandes sont plus riches en professeurs que nos facultés. Si je regarde, par exemple, celle de Bonn, j’y trouve, au lieu de nos trois professeurs de littérature (sept à Paris), huit professeurs de littérature ou de philologie ; j’y vois trois professeurs de philosophie, cinq d’histoire, un d’histoire de l’art, un d’économie politique. Et je ne compte dans ces chiffres que les professeurs ordinaires, c’est-à-dire ceux que nous appellerions titulaires en France. On sait qu’au-dessous d’eux il y a des professeurs extraordinaires, auxquels ressemblent un peu nos maîtres de conférences récemment institués ; au-dessous encore, toute université allemande compte un assez bon nombre de privat-docenten. Ceux-ci ont le droit de faire des cours ; ils n’ont pas besoin d’une nomination ministérielle ; il leur suffit d’avoir l’autorisation de la faculté, et cette autorisation se donne sous la forme d’un examen qu’on appelle habilitation[3]. Seulement, les auteurs des rapports sur les universités allemandes nous prémunissent contre une illusion qui est trop fréquente en France ; on se représente volontiers les privat-docenten comme un élément jeune qui donne la vie à l’enseignement et fait une heureuse concurrence aux professeurs vieillis. Ils affirment au contraire que, sauf quelques brillantes exceptions, les privat-docenten ont très peu d’élèves ; beaucoup d’entre eux ne font même pas de cours, n’enseignent absolument pas et se contentent de figurer sur l’affiche[4]. C’est une sorte de stage. Ils sont inscrits, ils ont pris date, ils attendent ; ils ne sont pas des professeurs, mais des candidats au professorat. Il y a donc de l’inexactitude à dire que ce soit l’élément jeune et libre qui produise la grande activité des universités allemandes ; il n’y contribue que pour une part restreinte[5]. Le véritable enseignement est donné, en général, par les professeurs ordinaires, et les étudians ne suivent volontiers que les cours des hommes qui ont acquis par un long travail ce qu’il faut d’érudition et d’autorité.

Les privat-docenten n’ont en principe aucun traitement et doivent se contenter de la rétribution de leurs élèves, s’ils en ont ; quelquefois le gouvernement leur accorde une somme annuelle de 1,500 ou 1,800 francs. Les professeurs extraordinaires reçoivent assez souvent une allocation de l’état, très légère d’ailleurs et dont il faut obtenir le renouvellement chaque année. Les professeurs ordinaires sont les seuls qui possèdent un traitement assuré. C’est une opinion assez répandue chez nous que les traitemens sont plus élevés en Allemagne qu’en France ; il y a là une erreur ; ce qui distingue l’Allemagne de la France, ce n’est pas l’élévation des traitemens, c’est leur inégalité et leur variabilité. A Göttingue, par exemple, ils varient dans une même faculté depuis 2,250 francs jusqu’à 11,200. Ils n’ont rien de fixe, et cela tient à ce que chaque traitement est attaché, non à la chaire, mais à la personne. Aussi est-il débattu, à chaque nomination, entre le gouvernement et le professeur. Voici, d’après un professeur de Berlin, comment les choses se passent : — Voulez-vous venir ici ? demande le gouvernement. — Oui, si je dois toucher 1,800 thalers. — Je ne puis en donner que 1,500. — Eh bien ! entendons-nous à 1,600[6]. — On voit que la plupart des appels de professeurs se concluent comme des affaires de commerce. L’un d’eux se comparait lui-même à « un chanteur qu’on engage. » Si étrange que soit ce procédé, si choquait qu’il paraisse à des Français, il a un bon côté. Il semble qu’au lieu d’abaisser la dignité du professeur, il la relève. Il lui permet de dire tout haut à quel prix il s’estime. Je ne souhaiterais pas qu’on l’essayât en France ; mais en Allemagne ce débat pécuniaire tourne presque toujours à l’avantage de l’enseignement ; c’est que la concurrence ne s’établit pas d’ordinaire entre des hommes qui se disputent une place, mais entre des universités qui se disputent un homme. Chacune d’elles fait volontiers des sacrifices d’argent, soit pour attirer un professeur du dehors, soit pour retenir celui qu’elle a.

En Allemagne, la durée des cours est en moyenne de sept mois et demi ; en France, elle n’est que de sept mois, auxquels s’ajoutent, à la vérité, deux mois et demi d’examens. Le cours allemand comprend le plus souvent deux leçons par semaine, quelquefois une seule, quelquefois trois. La durée de chaque leçon est uniformément de quarante-cinq minutes ; elle commence au quart sonnant et finit exactement à l’heure. On assure que, si le professeur essayait de la prolonger d’un instant, l’auditoire se lèverait et quitterait la salle. Si nous essayons de compter combien de temps le professeur donne à l’état qui le rétribue, nous arrivons à un total de quarante-cinq leçons ou de trente-quatre heures dans l’année. Il est vrai qu’il a le droit de faire des leçons supplémentaires, et plusieurs en font jusqu’à six et sept par semaine ; mais ces leçons sont en général payées par les. étudians qui les suivent. Il importe que nous ne confondions pas les cours publics, c’est-à-dire ceux que l’état exige et dont il fait les frais, avec les cours privés que le professeur y ajoute à sa guise et pour son profit. Les premiers se réduisent aux chiffres de leçons et d’heures que nous avons indiqués plus haut. Lors donc qu’on dit que le professeur allemand donne à l’état plus de travail que le professeur français, on dit une inexactitude. Quant à l’importance des rétributions scolaires, il ne faut pas non plus l’exagérer. S’il est vrai que, dans la première moitié de ce siècle, quelques professeurs en renom y aient trouvé un revenu annuel de 20,000 et de 30,000 francs, rien de pareil ne se voit aujourd’hui.


II

L’avancement n’a pas les mêmes règles en Allemagne qu’en France et n’est pas fondé sur les mêmes principes. En France, ce qui donne l’entrée dans la carrière de l’enseignement supérieur, et ce qui assure des titres à l’avancement, ce sont les examens et les concours. Ils sont nombreux. Si imparfaits qu’ils soient, ils offrent au moins l’avantage d’être difficiles. La licence ès lettres, par exemple, exige une connaissance à la fois très exacte et très fine des trois langues classiques, c’est-à-dire de trois langues qui sont des plus difficiles à bien connaître. Elle se compose d’une série d’exercices par lesquels le candidat est mis à même de montrer s’il possède les qualités que notre Université estime le plus, je veux dire la justesse d’esprit, la sagacité, le sentiment des nuances, la délicatesse et le goût. Elle semble instituée tout exprès pour écarter ceux qui ne savent pas penser, ou ceux qui écrivent mal parce qu’ils pensent mal. Il n’y manque que d’y faire une plus large place à l’érudition ; elle serait alors un admirable critérium des esprits et la plus sûre garantie de l’aptitude à l’enseignement. L’agrégation qui vient ensuite est un véritable concours, et l’on sait combien les élus y sont peu nombreux ; c’est que, cette fois, on ne se contente, plus des mêmes qualités d’esprit que dans la licence, et l’on veut que les candidats fassent la preuve qu’ils possèdent, en outre, une science étendue et sûre. Le doctorat, tel qu’il est pratiqué en Sorbonne depuis le décanat de J.-V. Leclerc, c’est-à-dire depuis plus de quarante ans, est véritablement un examen d’érudition ; le candidat est tenu de prouver qu’il a fait des recherches personnelles et qu’il est capable d’en faire encore. Cela n’empêche pas que le talent n’y soit compté pour beaucoup, et par le mot talent il faut entendre la juste intelligence des choses, la force de conception, la clarté dans la pensée et la simplicité dans le style. Ce sont là des qualités nécessaires. La vraie science ne peut pas se passer d’elles. La première condition pour devenir un érudit est d’être intelligent. Aussi est-ce une idée juste et une heureuse tradition de notre Université de vouloir constater par des examens et des concours, non-seulement le plus ou moins de connaissances acquises, mais le plus ou moins de qualités intellectuelles. Il est fâcheux, sans doute, que la nature de ces examens ferme la porte à quelques hommes qui, sans avoir une grande portée d’esprit, pourraient encore se rendre utiles ; il peut même arriver quelquefois qu’un homme d’une grande valeur soit tenu en dehors parce qu’il n’aura pas pensé en temps opportun à se soumettre aux conditions des concours ; mais ce qui serait beaucoup plus fâcheux encore, ce serait que l’enseignement supérieur fût encombré d’intelligences mal faites ou stériles. C’est l’intérêt de l’érudition même que ce triage soit fait tout d’abord ; car le pire danger pour l’avenir de cette érudition serait qu’elle fût livrée à la médiocrité et à l’impuissance. Peut-être a-t-on raison dans une certaine mesure quand on reproche à notre Université un usage quelque peu excessif des examens et des concours ; mais qu’on essaie de se figurer ce que serait sans eux notre enseignement supérieur. Si on les supprimait ou si on les rendait plus faciles, de quels moyens disposerait-on pour écarter la faveur, l’intrigue, le savoir-faire, l’esprit de coterie, l’outrecuidance tapageuse ? C’est grâce à eux que le corps enseignant présente un si remarquable niveau d’esprits relativement élevés et de caractères droits. C’est à eux qu’il a dû, sous tous les régimes, sa sécurité et son indépendance[7].

L’Allemagne ne manque pas non plus d’examens : elle en a plus que nous, elle en a pour presque toutes les carrières ; mais celle de l’enseignement supérieur est peut-être celle où ils ont le moins d’importance et où ils comptent le moins. Rien n’y ressemble à notre licence. L’épreuve qu’on appelle habilitation et qui est exigée pour être privat-docent consiste en une dissertation et en un colloquium, et est une épreuve plus solennelle que sérieuse. En Allemagne même, elle passe pour être insignifiante[8]. Quant au doctorat, il y est encore à peu de chose près ce qu’il était dans les universités françaises de l’ancien régime, c’est-à-dire un examen de pure forme et presque de parade. Le candidat fait une dissertation, qui peut bien parfois se trouver savante et originale, mais pour laquelle la science et l’originalité n’étaient pas nécessaires ; c’est ordinairement une sorte de travail d’étudiant que le jeune homme a préparé en faisant son triennium académique et qu’il a quelquefois rédigé sous l’inspiration d’un de ses professeurs. Quelle que sort cette dissertation, il la soutient contre un opposant désigné à l’avance, en présence de la faculté, mais sans publicité et sans contrôle ; puis, suivant des formes antiques et sacramentelles, il est proclamé docteur[9]. Ce titre est loin d’avoir la même valeur que celui que confèrent nos facultés ; aussi ne donne-t-il aucun droit. Quant à l’agrégation, elle est absolument inconnue en Allemagne. Il semble que ces grands concours où le mérite se pèse et se compare devant des juges aient répugné jusqu’ici à l’esprit allemand.

Or cette absence de concours et cette infériorité des examens universitaires sont moins funestes en Allemagne qu’elles ne le seraient probablement en France. On ne voit certes pas que le corps enseignant y soit inférieur au nôtre. Peut-être est-il composé plus inégalement. L’impression qui ressort de la lecture de ces rapports sur les universités allemandes est que, si les hommes éminens y sont nombreux, les professeurs médiocres y abondent aussi. C’est qu’il est bien plus aisé qu’en France d’entrer dans l’enseignement supérieur. Les examens n’y sont pas de nature à fermer la porte à personne ; on a pour principe qu’il ne faut « ni repousser ni décourager aucun concurrent[10] ; » on ne veut pas être juge des vocations. Tout aspirant peut donc entrer « à ses risques et périls ; » peut-être n’aura-t-il jamais d’élèves ; peut-être « sera-t-il reconnu plus tard incapable de devenir professeur ; par compassion, pourtant, on se décidera à le nommer professeur extraordinaire, et il végétera toute sa vie sans profit pour lui ni pour l’université[11]. » L’Allemagne sait cela, et elle ne renonce pourtant pas à son système. C’est qu’il offre quelque avantage. Il y a même un côté par où il est supérieur au système français. Chez nous, c’est l’entrée de la carrière qui est difficile, et c’est aux abords que les obstacles sont, accumulés. Mais ces obstacles une fois français, c’est-à-dire les grades ; et les diplômes légitimement et laborieusement conquis, aucune difficulté ne se présente plus : le professeur est sûr de sa situation et à peu près sûr de son avancement. La route est droite et unie. Il est tout de suite en possession d’une bonne place, en attendant que la mort ou la retraite d’un plus. âgé le porte naturellement à une meilleure. Il ne lui faut ni sollicitations incessantes, ni efforts toujours renouvelés, il n’est pas même absolument nécessaire qu’il travaille ; il peut se reposer de bonne heure dans un demi-sommeil. S’il continue à travailler, c’est par goût plutôt que par devoir, c’est par amour de la science et non pas par obligation professionnelle. — Au contraire, le professeur allemand n’a pas connu les difficultés du début ; docteur à vingt-trois ans, habilité à vingt-quatre, il est entré de plain-pied dans l’enseignement supérieur ; le voilà sur l’affiche, son nom est sur le tableau universitaire. Muni de la venia docendi, il est privat-docent ; il monte en chaire s’il veut, et il enseigne ce qu’il veut. Mais combien il est encore loin de son but ! Rarement il a des élèves, surtout des élèves qui le rétribuent ; « beaucoup font leurs cours gratuitement pour avoir des auditeurs. » Il attend donc, et presque toujours sans aucun traitement, que la faculté le nomme professeur extraordinaire. Quelquefois il s’impose à elle par son mérite et ses travaux ; d’autres fois, il a le bénéfice de la patience et de la « compassion[12]. » Une fois accepté comme extraordinaire, il fait des cours un peu plus suivis, il a droit au titre de Herr professor ; mais il ne reçoit du gouvernement qu’une maigre et précaire allocation de quelques centaines de thalers. C’est donc encore une situation provisoire, un second stage, d’où chacun aspire à sortir et où beaucoup restent toute leur vie. L’ambition du professeur extraordinaire est d’être appelé par une des petites universités, qui lui offrira une chaire enfin solide, mais avec un traitement insuffisant, de 2,000 ou 3,000 marks. Une fois là, son rêve est de se faire appeler par une université plus riche, et d’arriver d’échelon en échelon jusqu’à Berlin, à moins que son université ne l’apprécie assez pour le retenir en élevant ses honoraires. On voit combien la route est âpre et rude. C’est pendant de longues années l’incertitude et la gêne. Le professeur n’a pas ce solide point d’appui d’un titre acquis au concours. Il n’a pas à compter sur des règles fixes. Il n’a qu’un moyen d’avancer, c’est de se faire désirer par une université dans laquelle il ne connaît peut-être personne. Il faut donc qu’il se fasse connaître, et pour cela il faut qu’il travaille. Il importe surtout qu’il travaille suivant la voie et la méthode qui peuvent plaire aux maîtres dont il sollicite les suffrages ; car il dépend de tous ceux au milieu desquels il aspire à trouver place. Ainsi le professeur allemand est tenu dans une continuelle tension d’esprit. L’effort que fait le professeur français en vue des concours pendant deux ou trois ans, se prolonge pour lui, faute de concours, pendant quinze ou vingt années. La voie de l’enseignement supérieur, qui est en France, après une lutte d’un moment, une longue sécurité, est en Allemagne une lutte de toute la vie. Je crois bien que les rapporteurs qui nous ont donné le tableau si minutieusement exact de l’université de Göttingue ont quelque peu exagéré, lorsqu’ils ont dit « que c’est une carrière d’aventure où l’activité et l’audace sont aussi nécessaires que le talent[13]. » Ce qui est vrai, c’est que, s’il est indispensable de travailler et d’avoir du mérite, il l’est encore plus d’être connu pour en avoir. Le principal est d’attirer l’attention. Il est donc possible que ce mode d’avancement soit plus favorable aux caractères actifs, remuans, habiles, qu’aux travailleurs modestes, isolés, indépendans. Il offre du moins cet avantage de tenir l’homme en haleine très longtemps et de ne lui permettre de s’endormir, à supposer qu’il y ait quelque inclination, que lorsqu’il est parvenu au sommet à force de labeur. Il est vrai qu’arrivé là, il jouit d’un plein repos. Il n’a ni révocation à craindre ni avancement à désirer. Il n’y a même pas pour lui de mise à la retraite. Il vieillit et meurt dans sa chaire, ou du moins à côté de sa chaire ; car il touche son traitement et figure sur l’affiche ; il annonce même un cours au commencement de chaque année ; seulement, il fait suivre cette annonce de la formule post-quam convaluerit, lorsque sa santé sera rétablie ; et cela dure jusqu’à ce qu’il meure[14].


III

Ce qui distingue le plus les universités allemandes des facultés françaises, c’est la nature de l’auditoire. En Allemagne, l’auditoire est uniquement composé de jeunes gens inscrits, c’est-à-dire de véritables étudians. Pour y entrer, il faut prouver qu’on a déjà fait certaines études, celles du gymnase, et qu’on veut en faire encore[15]. On sait qu’en France, surtout dans les facultés des lettres et des sciences, les salles de cours sont ouvertes à tout venant. Vous entrez sans que personne vous demande quel est votre âge, quelle est votre profession, quelles études vous avez faites et ce que vous venez chercher. Il y a beaucoup de bon et beaucoup de mauvais dans le système français. Le bon côté est que toute personne qui a le goût de la science, de la littérature, de la philosophie, a le droit et le moyen de s’instruire. Les étudians de vingt ans ne sont pas toujours ceux qui apprécient le plus l’étude, et c’est une idée juste de permettre aux hommes de tout âge de se faire étudians. Le mauvais côté est que, dans cette pleine liberté d’entrer, dans cette absence absolue de choix, il peut se glisser bien des personnes dont l’état d’instruction se trouve trop au-dessous de ce qu’il faut pour profiter d’un cours d’enseignement supérieur. Il peut alors arriver, et l’on affirme même qu’il arrive dans plusieurs villes de province, que la salle de cours cesse d’être un rendez-vous d’étude pour devenir le rendez-vous du désœuvrement, de la mode et de la frivolité. Or cette frivolité est exigeante à sa façon. Elle réclame du professeur un certain langage et de certains artifices qui n’ont rien de commun avec la science ; elle lui demande une forme élégante et une érudition légère ; elle le détourne de son véritable objet, elle le distrait et l’égaré. Il peut se faire que, cédant à la longue à une influence qui agit incessamment sur lui, il en vienne à s’interdire les recherches sérieuses et austères, et qu’il abaisse ainsi son enseignement à la mesure d’un amusement délicat ou d’un pur plaisir d’esprit[16].

Ce danger est réel ; il ne faut pourtant pas l’exagérer. Il y aurait beaucoup d’inexactitude et d’injustice à soutenir que le professeur français ne s’adresse qu’à un public frivole. Ceux qui disent cela, ou bien n’ont jamais mis les pieds dans une faculté, ou bien se mettent dans le cas de ce voyageur anglais qui jugeait toutes les femmes de Blois sur la première servante qu’il avait rencontrée. Il y a des opinions qui insensiblement s’établissent et qui un jour deviennent dominantes et maîtresses, sans que l’on puisse dire d’où elles viennent ni sur quels faits elles s’appuient. Il était d’usage autrefois de déprécier le professeur qui avait peu d’auditeurs à son cours ; il est de mode aujourd’hui, au moins dans une certaine école, de condamner celui qui en a beaucoup. Vous trouvez des gens qui vous disent sans broncher qu’un public nombreux est nécessairement un public ignorant et inintelligent. A ce compte, le mérite du professeur serait en proportion inverse du nombre de ceux qui l’écoutent, et cette sorte de criterium serait bien commode pour la médiocrité. La vérité est que le nombre ne fait rien à l’affaire. Que l’un attire beaucoup d’auditeurs par la chaleur de sa parole et par l’éclat des vérités morales ou littéraires qu’il professe, que l’autre retienne un public plus restreint par ses qualités d’érudit, tous les deux sont utiles et lent bonne besogne. Il ne faut pas essayer de mettre tous les esprits dans le même moule ; il faut seulement écarter les esprits vulgaires et vaniteux.

La nature de l’auditoire, dans une faculté française, varie avec chaque professeur ; car c’est chaque professeur qui se fait à soi-même son auditoire, sans avoir pour cela d’autre moyen que son enseignement lui-même. S’il veut avoir un auditoire frivole, il l’aura, au risque de ne pas le conserver longtemps ; car on se lasse bientôt d’une parole élégante et vide, et c’est une chose parfaitement connue que personne ne se dérange de ses habitudes pour suivre les cours d’une faculté qu’avec l’espoir plus ou moins fondé d’y apprendre quelque chose. S’il veut avoir un auditoire studieux, il l’aura encore et même sans le chercher ; qu’il ne songe pas au nombre, qu’il ne redoute pas de n’être pas compris, il pourra faire de la pure philologie, de la franche érudition. Je suppose qu’il explique un texte grec ou un texte roman durant tout un semestre, il fera fuir les oisifs, mais il attirera les laborieux. Il pourra même lui arriver de transformer en laborieux les oisifs, et ce sera double profit. Entrez dans les salles de nos facultés, et vous y verrez assez souvent une vingtaine de jeunes gens et autant de vieillards ; ils sont étudians au même titre. Groupés autour de la chaire, ils viennent pour s’instruire ; arrivés à la première leçon de l’année, ils ne quittent le professeur qu’à la dernière. Les plus âgés parmi eux ne sont pas les moins assidus ; ils ne sont pas toujours non plus les moins instruits, car il se trouve parmi eux des magistrats, des professeurs, parfois même de véritables érudits. Ces étudians en cheveux blancs n’abaissent pas le niveau de l’auditoire ; ils l’élèvent plutôt, et ils obligent le professeur à élever le niveau de son enseignement ; ils lui présenteraient, au besoin, leurs objections. Ils exigent de lui, non pas une parole élégante et parée, mais une science précise et claire. Je pourrais citer un professeur suédois qui, après avoir visité bien des pays, m’affirmait qu’il avait rencontré dans les facultés françaises plusieurs auditoires attentifs, constans, intelligens, tels qu’il n’en avait trouvé de pareils dans aucun autre pays de l’Europe.

Ainsi ce qui caractérise les auditoires français ce n’est pas leur infériorité, c’est leur diversité et leur inégalité. Il en est de mauvais et il en est de bons. Encore ces derniers ont-ils un grand défaut : le professeur ne les connaît pas assez. Il ne sait même pas les noms de ceux qui l’écoutent. Il reconnaît peut-être leur visage ; mais ils sont venus durant toute une année s’asseoir en face de lui sans qu’aucune relation se soit établie entre eux et lui. Il les voit et leur parle, mais il n’a aucun contact avec eux. S’il est sûr de leur attention pendant le cours, il ne l’est nullement de leur travail après le cours lui du mouvement qui s’est fait dans leur esprit. Sa méthode scientifique peut rester stérile ; au moins ne peut-il jamais constater si elle est féconde. Il parle, et il ignore ce que ses paroles deviennent. C’est là l’infériorité et la souffrance du professeur français. Chaque année il laboure et il sème, mais il ne voit jamais la moisson.

Aucun de ces deux genres d’auditoires n’existe en Allemagne. Vous ne rencontrez dans les universités allemandes ni cet auditoire léger qui se réunit pour n’entendre qu’un beau langage ou de brillantes généralités, ni cet auditoire sérieux, recueilli, mais divers et mêlé, qu’unit un même goût pour les études désintéressées. Il n’y a dans ces universités, sauf de rares exceptions, que des jeunes gens. Le public des facultés de philosophie est de même nature que celui de nos facultés de droit et de médecine ; il est composé d’étudians de profession. Ces jeunes gens se destinent à l’enseignement ; ils visent à devenir pour la plupart professeurs de gymnase. Chez nous ils seraient maîtres d’étude ou régens de collège dans quelque petite ville, et presque aucun d’entre eux n’aurait le moyen ou n’aurait la pensée de suivre des cours d’enseignement supérieur. Ils suivent ces cours en Allemagne parce qu’ils y sont obligés ; la loi exige qu’avant d’enseigner, fût-ce dans un gymnase, ils aient passé trois ans dans une université[17]. Ils satisfont donc à la loi et accomplissent leur trienmum académique. De là ce premier avantage que l’auditoire allemand ne présente pas aux yeux ce mélange bizarre des âges, des professions, des sexes, des goûts, qui surprend d’abord dans un auditoire français. Le public ne change ni d’un professeur à l’autre, ni d’une année à une autre. Le professeur sait les noms de ceux qui l’écoutent, Ils sont venus lui faire visite chez lui. Ils lui ont demandé l’autorisation de suivre son cours. : simple formalité, mais qui forme déjà un lien entre eux et lui. Le professeur allemand sait aussi pourquoi l’on vient à son cours et ce qu’on y veut trouver. Assurément on ne lui demande pas d’être éloquent ou spirituel, et l’on serait très surpris qu’il cherchât à l’être. L’étudiant ne veut pas être amusé ; il tient à ne pas perdre son temps. Le triennium est son apprentissage. Il fréquente les cours en vue d’acquérir les connaissances dont il aura besoin dans la carrière qu’il va parcourir à son tour. Cet étudiant d’ailleurs est déjà un homme positif. Sans nul doute il aime la science, mais c’est surtout comme instrument professionnel qu’il l’aime. Il y a chez lui un peu de ce que nous remarquons chez ceux de nos jeunes gens qui se préparent aux examens ; dans la science et dans l’érudition il cherche surtout ce qui lui sera utile. Il n’exige donc du professeur ni recherches délicates ni vues élevées. Le gros de la science lui suffit. Il ne demande que d’être mis au courant[18]. Pour cela, il ne veut pas se donner une peine superflue. Il n’a guère l’idée d’aller lui-même chercher la science dans les livres et les documens par un travail personnel. Il sait que c’est le chemin le plus long ; ses trois années n’y suffiraient pas. Sagement, il préfère recevoir la science toute faite et au moins de frais possible. Il suit donc les cours et prend soigneusement des notes. Dans sa matinée, il assiste à cinq leçons et remplit plusieurs pages de cinq cahiers ; sa journée est faite. A la fin de son triennium, il n’aura peut-être ni lu ni réfléchi, mais il emportera un amas de cahiers qui seront son bagage pour toute la vie. De son côté, le professeur, qui connaît les désirs de l’étudiant, ne se lancera pas dans des études très approfondies, dans des recherches laborieusement personnelles, dans de minutieux détails sur des points scrupuleusement étudiés. « Il laisse de côté ses études spéciales pour mettre à la portée de ses auditeurs les élémens de la science. » Il ne veut pas non plus se donner une peine dont on ne lui saurait pas gré. Il rédige à son usage une série de cahiers qui contiennent la science qu’il est chargé d’enseigner et dans la mesure qu’on lui en demande. A chaque leçon, il apporte son cahier et il lit. Ses cahiers sont pour deux ou trois ans ; quand il a fini, il recommence. L’étudiant écrit presque sous la dictée, et la science passe ainsi des cahiers du professeur sur les cahiers de l’étudiant.

On devine bien qu’il y a des exceptions à cette règle. Quelques professeurs improvisent. Il en est même qui, debout au pied de leur chaire, la parole ardente, le geste vif, semblent des orateurs et se font applaudir comme s’ils étaient en France. Plusieurs d’entre eux, députés au Reichstag, parlent en chaire comme ils parleraient à la tribune. Les leçons oratoires ne sont pas plus inconnues en Allemagne qu’en France. Mais pour un professeur qui vise à l’éloquence, vous en trouvez dix qui, plus modestes ou mieux avisés, lisent et dictent. Telle est la pratique générale et quotidienne. Des professeurs qui ont leurs cahiers tout faits et des étudians qui font leurs cahiers, voilà, sauf exceptions, un cours d’université allemande. Peut-être serait-il plus simple que le professeur fît imprimer ses cahiers ; c’est ce qu’il fait quelquefois, mais à la fin de sa carrière. Il existe ainsi des manuels qui sont excellens : véritables modèles d’exactitude et de précision, que je souhaiterais qu’on imitât en France. Chose singulière, l’étudiant allemand ne les lit pas. Ils le dispenseraient de suivre les cours ; mais il préfère les suivre ; c’est une habitude prise ; il fait comme si l’imprimerie n’avait pas été inventée. Il lui plaît d’avoir des cahiers écrits de sa propre main ; cela l’aide à se persuader qu’il a travaillé. Il faut d’ailleurs moins d’efforts d’esprit pour prendre des notes que pour lire un livre.

Ces habitudes ne sont pas sans présenter d’assez grands avantages. En premier lieu, on est bien assuré que le cours n’est pas fait en vain. On sait ce que deviennent les paroles du professeur ; elles sont recueillies et conservées. Ce signe matériel d’utilité, qui manque à la plupart de nos cours français, est visible et indéniable dans tous les cours allemands. On peut toujours dire : Vous voyez bien que nous avons un véritable enseignement, il est suivi et il en reste quelque chose ; peut-être est-il donné et suivi sans grand zèle, mais il porte des fruits et c’est là l’important. Un autre avantage est que le professeur se donne beaucoup moins de peine qu’en France. Il n’a aucun besoin de préparer son cours. Ses cahiers une fois faits et tenus au courant, son enseignement ne lui demande plus aucun travail. Avant de monter en chaire, il n’a pas besoin de penser une seule minute à ce qu’il va dire. Il apporte un cahier ; à un certain coup d’horloge, il commence ; à un autre coup d’horloge, il s’arrête, et trois jours après il recommence à la phrase qui suit celle où il s’est arrêté. Aussi ne sent-il pas la fatigue du professeur français. Il ne connaît ni celle du professeur disert qui s’est donné une peine infinie pour être agréable à son public, ni celle du professeur érudit qui veut apporter à chaque leçon des recherches nouvelles et qui chaque fois se pose à lui-même et pose à son auditoire un problème à résoudre. Le labeur inutile de celui-là, le fécond travail de celui-ci sont également ignorés, sauf exceptions, du professeur allemand. Il peut alors réserver la plus grande partie de son temps, soit pour faire d’autres cours qui augmenteront ses revenus, soit pour se livrer à des études personnelles qui feront sa réputation. Nous nous étonnons parfois du grand nombre de livres et même de livres excellens qui nous arrivent chaque année des universités allemandes, et nous nous demandons comment ces hommes ont trouvé le temps et la force de les composer. Le secret est bien simple ; ils n’ont donné à leur cours que le nombre d’heures réglementaires. Ils ne lui ont sacrifié que le moins possible de leur activité, de leur valeur, de leur talent. Leur cours a été le moindre de leurs soucis. Tandis que l’enseignement supérieur épuise le professeur français, il laisse au professeur allemand la plus grande partie de ses forces et le meilleur de son intelligence pour le travail personnel et pour l’avancement de la science[19].

Mais ces mêmes habitudes ont aussi leurs inconvéniens, tout au moins leur insuffisance. Un cours qui est d’un côté une dictée, de l’autre une sténographie, peut-il avoir sur l’esprit une action forte et bienfaisante ? Suivant nos idées françaises, l’enseignement doit être autre chose que le livre ; il doit être un éveil des esprits. Au grand effort que fait pour chaque leçon le professeur français, répond une impression vive de l’étudiant ou de l’auditeur ; son esprit est excité, et, d’une certaine façon, travaille. La méthode allemande laisse l’étudiant passif[20] ; avec la méthode française, quand elle est bien pratiquée, il est actif et toute son intelligence est mise en mouvement. La leçon ne se traduit pas d’ordinaire sous la forme d’un cahier de notes, mais elle a marqué son empreinte dans l’esprit, et peut-être dans vingt ans ce jeune homme, devenu professeur à son tour, la retrouvera en lui, sans la reconnaître. Les cours allemands ont une utilité plus visible, plus immédiate, moins discutable, puisqu’ils donnent à chaque étudiant un cahier de notes bien prises. Ils lui fournissent tout de suite une érudition presque complète. Qu’ils éveillent ou non l’esprit, au moins le garnissent-ils d’un grand nombre de connaissances. Ils valent ce que vaut un manuel ; mais il est rare qu’ils fassent naître une âme de professeur ou une âme de savant. Une érudition hâtivement acquise et par emprunt n’est peut-être pas la meilleure érudition. La science ne se transvase pas d’un esprit dans un autre ; il faut qu’elle se fasse dans chaque esprit. C’est chaque esprit qui est le véritable auteur de sa science, sous la direction et par l’inspiration du maître.

Cette vérité psychologique a été parfaitement comprise en Allemagne et l’est chaque jour davantage depuis une vingtaine d’années. Les Allemands ont senti ce qui manque à leurs cours, comme nous sentons ce qui manque aux nôtres. Aussi ont-ils institué un mode nouveau d’enseignement. A côté des cours publics, qui demeurent à l’usage de la masse des étudians, ils ont établi ce qu’ils appellent du nom très expressif et très juste de séminaires ; c’est là qu’ils sèment et produisent leurs professeurs et leurs érudits. Ces séminaires sont de très petits groupes d’étudians choisis qui se réunissent auprès d’un maître. Figurez-vous dans une petite chambre, garnie de livres, sept ou huit jeunes gens assis autour d’une table et le professeur à la même table. Ce professeur ne fait pas un cours ; il ne lit pas un cahier ; la plupart du temps ce n’est pas lui qui parle. Il a, quelques jours à l’avance, indiqué le sujet dont on s’occuperait dans la réunion. Un des élèves, désigné par lui, a étudié le sujet ; il a fait des recherches, il a lu et comparé les textes ; il a réuni les opinions des érudits sur la matière et il a dû se faire aussi une opinion. C’est lui qui parle, ou bien il lit un travail écrit. Quand il a fini, les autres élèves argumentent, discutent, relèvent les méprises, signalent les lacunes, attaquent de leur mieux les conclusions de leur camarade. Puis le professeur intervient ; il accepte ou rectifie les résultats obtenus ; il approuve ou blâme, il termine enfin la discussion. On voit que de cette manière c’est l’élève lui-même qui travaillent non plus, seulement, comme dans le cours, le professeur. L’élève n’a pas écouté, il a cherché. Il n’a pas reçu une connaissance, il l’a trouvée. Peut-être n’a-t-il pas appris un aussi grand nombre de faits qu’il s’en peut accumuler dans la leçon d’un professeur expérimenté, mais il a appris comment on trouve les faits, et cela vaut encore mieux. Il a pris une notion juste de la science. Il s’est habitué à lire, il sait surtout comment il faut lire ; il sait par quelles opérations d’esprit on dégage d’un ou plusieurs textes une vérité. De ses deux années de séminaire il n’emportera probablement pas un volumineux cahier de notes, mais il sera en voie de devenir, suivant ses goûts, ou un philologue, ou un historien, ou un philosophe, ou un jurisconsulte.

Ce genre d’enseignement n’est pas inconnu en France ; nous le possédons depuis longtemps, nous l’avions même avant l’Allemagne. Il existe depuis soixante ans à l’École normale. Cette école a été fondée précisément parce qu’on a senti l’insuffisance des cours publics, à former de véritables professeurs. Elle ressemble à un séminaire allemand, ou plutôt à un faisceau de plusieurs séminaires ; car chaque conférence en est un. On y trouve un séminaire de philologie, un séminaire d’histoire, un séminaire de philosophie, un séminaire de critique littéraire, et ils ont l’avantage d’être juxtaposés et reliés ensemble, de sorte que nul esprit ne peut s’enfermer dans une étude exclusive. La conférence se réunit dans une très petite salle ; quelques jeunes gens sont assis autour d’un maître. Le maître fait quelquefois une leçon ; il est d’ailleurs entendu que, si sa leçon avait quelque chose d’oratoire ou s’il se contentait de généralités vagues, les élèves ne l’écouteraient pas. Le plus souvent, c’est l’élève lui-même qui parle. Il a étudié un sujet indiqué d’avance et il apporte le résultat de ses recherches personnelles. Tantôt il lit, tantôt il improvise ; car, s’il est nécessaire qu’il sache écrire et condenser ses pensées, il est nécessaire aussi qu’il s’habitue à posséder assez complètement un sujet pour pouvoir en parler d’abondance et savoir gouverner sa parole. Quand il a fini, les autres élèves argumentent et discutent. Enfin, le professeur approuve ou blâme la méthode suivie, rectifie ou ajoute, conclut la discussion. C’est exactement ce qui se passe dans les séminaires allemands. Je lis à la page 84 du rapport sur l’université de Bonn la description de ce que le rapporteur a vu et entendu dans deux conférences ; j’y reconnais trait pour trait ce qui se faisait à l’École normale il y a vingt-cinq ans, et ce qui s’y fait encore aujourd’hui. Changez seulement les noms ; au lieu de Ritter et de Schœfer, mettez Gaston Boissier, Thurot ou Lavisse, et le rapporteur aura décrit sans y penser les conférences d’une école française au lieu de celles d’un séminaire allemand.

Il est vrai qu’à l’École normale les élèves n’entrent que par concours ; elle n’existe donc que pour une élite scrupuleusement choisie. Elle est une réunion de séminaires ; mais chacun de ces séminaires ne contient et ne doit contenir, pour que le niveau intellectuel y reste très élevé, que cinq ou six élèves. Elle est ainsi, par le nombre, manifestement insuffisante. Aussi la France a-t-elle d’autres écoles qui tendent à un but analogue. Ce que l’École normale est pour la philologie, pour les sciences historiques et la littérature, l’École des chartes l’est pour l’étude du moyen âge. Tout le monde sait que, sous ce nom modeste, nous avons une grande et féconde école d’érudition. Là, les professeurs ne se contentent pas de faire des cours ; ils mettent les élèves en présence des documens ; ils leur enseignent à les lire et surtout à les comprendre ; ils leur donnent le goût de la science et l’habitude des recherches précises. L’Allemagne n’a pas de meilleur séminaire. — Plus récemment, en 1868, M. Duruy a fondé l’École pratique des hautes études, qui renferme, à côté de laboratoires de chimie et de physique, des conférences de philologie, d’histoire, d’archéologie. Ici encore, c’est l’élève qui travaille, et le maître ne doit que diriger. Comme à l’École normale et à l’École des chartes, on n’y reçoit pas la science toute faite, mais on y apprend surtout comment la science se fait. Nous devons ajouter encore qu’il existe quelque chose d’analogue dans toutes nos bonnes facultés de province. Elles ont aussi leurs conférences réservées, qui ressemblent fort aux séminaires allemands. A la faculté de Strasbourg, dès 1865, plusieurs professeurs avaient remplacé une partie de leurs cours publics par des réunions plus intimes, et autour d’eux travaillaient quelques élèves qui sont devenus maîtres à leur tour. On faisait de même à Nancy, et aujourd’hui vous trouvez des conférences semblables à Lyon, à Bordeaux, à Caen, à Douai, ailleurs encore. Ce sont là nos séminaires. L’amour de la science et des fortes études n’a jamais manqué en France. L’érudition n’y est pas chose nouvelle, et il n’a pas été nécessaire de l’importer de l’étranger. Il serait également faux de soutenir que l’Allemagne nous a emprunté nos conférences, ou que nous avons à lui emprunter ses séminaires. Ce qui est juste et vrai, c’est que les deux pays se sont rencontrés pour établir ce mode nouveau d’enseignement. Un tel accord fait présumer que l’innovation est heureuse, qu’elle dérive d’un bon principe, et qu’elle sera féconde. Il y a là, si l’on y songe, toute une révolution en matière de pédagogie, et peut-être n’est-ce pas l’une des moindres révolutions de notre siècle. Le cours public, l’enseignement ex cathedra, la parole du maître, voilà ce que l’on connaissait autrefois ; c’est, en matière d’enseignement, l’ancien régime. Le séminaire ou la conférence, c’est-à-dire le travail individuel, l’effort de l’esprit, et par conséquent son indépendance, voilà ce qui est de notre époque, et peut-être est-il permis de prédire que l’avenir est là. Non qu’il s’agisse de détruire les cours publics. Les véritables révolutions ne consistent pas à détruire, mais à fonder. Supprimer l’enseignement sérieux et élevé des facultés pour le remplacer par des écoles étroites serait une entreprise bien périlleuse, et ces écoles elles-mêmes pourraient y périr avec tout le reste. Les deux méthodes ont du bon ; au lieu d’établir entre elles un antagonisme et une sorte de ridicule concurrence, il faut s’appliquer à les unir et à les concilier. Le cours sans la conférence peut devenir superficiel et vide ; la conférence sans le cours, c’est-à-dire l’exercice pratique sans l’enseignement large et élevé du maître, pourrait devenir une école d’impuissance. C’est l’association des deux choses qui est excellente et féconde, et l’Allemagne en ce point nous donne l’exemple.


FUSTEL DE COULANGES.

  1. Le siège de la Société est rue des Saints-Pères, 15, comme celui de l’École libre des sciences politiques. M. Boutmy est l’inspirateur de l’une et de l’autre fondation.
  2. On peut dire que, d’une certaine façon, les universités allemandes se recrutent elles-mêmes ; car ce sont elles qui confèrent la venia docendi aux privat-docenten qui deviennent plus tard professeurs extraordinaires et ordinaires. — De cette façon aussi, on peut dire que les facultés françaises se recrutent elles-mêmes, car elles confèrent le grade de docteur, et c’est parmi les docteurs que le ministre doit prendre les suppléans et les chargés de cours qui deviennent ensuite professeurs sur la présentation de la faculté.
  3. Voyez le rapport sur l’université de Bonn, page 25.
  4. Rapport sur l’université de Göttingue, p. 184 et 167 ; — Rapport de M. Cammartin sur l’université de Heidelberg, p. 226-227. — Rapport de M. Lachelier sur l’université de Heidelberg, p. 53-54.
  5. Le succès et l’influence des privat-docenten sont surtout visibles dans des études très spéciales ; ils peuvent rendre alors de grands services ; mais ce cas est exceptionnel, même en Allemagne. — Il faut ajouter que les privat-dopenten ne sont pas toujours des jeunes gens ; il y a des hommes qui vieillissent dans cette situation parce qu’ils n’ont pas pu s’élever plus haut.
  6. Rapport de MM. Montargis et Seignobos, page 168.
  7. Nous avons signalé quelques-uns des mérites de nos examens ; nous pourrions signaler aussi leurs défauts. Le principal est qu’ils ne sont nullement en harmonie avec l’enseignement supérieur auquel pourtant ils conduisent. Les examens et les cours n’ont entre eux aucun rapport, aucun contact. Il y a là une réforme à faire, et beaucoup de bons esprits s’y appliquent.
  8. Rapport sur l’université de Göttingue, page 171.
  9. On peut voir pour plus de détails le rapport sur l’université de Bonn, p. 119, et le rapport sur l’université de Göttingue, p. 199. — Il était un temps où « le titre de docteur se vendait comme une marchandise contre espèces sonnantes, » p. 27. — Il faut noter que depuis quelques années il se fait des efforts en Allemagne pour élever le niveau du doctorat. La soutenance est ordinairement précédée de compositions écrites et d’interrogations, qui peuvent devenir sérieuses, et qui ont quelque analogie avec notre licence.
  10. Rapport sur l’université de Göttingue, p. 171.
  11. Traduit du livre intitulé Deutsche Hochschulem, ouvrage anonyme attribué à Bekker, Berlin, 1869. Voyez Montargis et Seignoboe, p. 171.
  12. Rapport sur l’université de Bonn, p. 29.
  13. Rapport sur l’université de Göttingue, p. 174.
  14. Rapport sur l’université de Bonn, p. 34 ; sur l’université de Göttingue, p. 169.
  15. Cette règle n’est pas sans exceptions. Dans les cours qui sont faits publice, des étrangers et des hommes du monde peuvent entrer ; mais le cas est assez rare. En fait, les étudians ont à peu près expulsé des salles de cours les auditeurs bénévoles qu’ils appellent des philistins. C’est sans doute un mal ; mais le contraire s’est produit en France dans quelques villes, et c’est un mal plus grand.
  16. Que penser de l’inconcevable usage des applaudissemens ? Ils semblent dire au professeur : Nous pourrions vous siffler, nous aimons mieux vous applaudir. On les croirait établis pour rendre le professeur plus modeste et pour lui faire oublier que dans sa chaire il est un maître ; ils sont le memento quia pulvis es. Mieux vaut l’attention recueillie d’hommes qui prennent des notes.
  17. Notons en passant que cette règle est excellente. L’un des plus graves défauts de notre Université de France est que l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire n’ont aucun rapport entre eux. C’est un égal malheur pour l’un et pour l’autre. D’une part, on voit beaucoup de professeurs de nos lycées qui n’ont jamais fréquenté un cours de faculté, en sorte que les travaux qui se peuvent faire dans l’enseignement supérieur restent ignorés de l’enseignement secondaire. D’autre part, les facultés, voyant qu’elles n’ont aucune action sur le corps enseignant, se sentent moins engagées à un travail sérieux et portent ailleurs leur visée. Les Allemands ont une idée plus juste ; pour eux, les facultés sont le laboratoire où se fait la science, qui passe de là dans les gymnases et qui ainsi se répand très vite dans l’instruction générale du pays.
  18. Rapport sur l’université de Göttingue, p. 185.
  19. Encore ne parlons-nous pas des examens qui s’imposent au professeur français. Ce sujet a été exposé ici même (voyez la Revue du 1er avril 1879). Nous devons observer toutefois que la question ne doit pas être tranchée témérairement. Confier les examens à d’autres qu’aux facultés serait en changer la nature, et l’on ne peut guère mesurer jusqu’où irait le changement. Il y a, sur ce point très délicat, sur ce sujet très complexe, une sérieuse étude à faire.
  20. Voyez le rapport de M. Lachelier sur l’université de Heidelberg, p. 59. — Nous n’avons cité dans cette étude que les universités de Bonn, de Heidelberg et de Göttingue, parce que ce sont les seules sur lesquelles nous ayons reçu des rapports précis. Le rapport sur l’université de Berlin a été envoyé à la société, mais il n’a pas encore été publié ; nous savons d’ailleurs qu’il ne contredit pas sensiblement les faits qui ont été cités plus haut.