L’Escole des filles/10

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(auteur présumé)
Texte établi par Poulet-Malassis, Bruxelles, aux dépens des dames de la rue des Cailles (p. --182).

L’ESCOLE DES FILLES
OU
LA PHILOSOPHIE DES DAMES

SECOND DIALOGUE

SUSANNE ET FANCHON, personnages.

Susanne. A ceste heure que nous voylà seules, conte-moy comment il va depuis le temps que je ne t’ay point vue.

(1) Fanchon. Fort bien, ma cousine, dont je vous rends grâces, et en dépit de ma bonne bigotte de mère qui m’avoit tant de fois preschée de fuir les garçons, disant qu’ils ne valoient rien et qu’ils trompoient les filles, car je vous asseure que celuy que j’ay ne m’a pas encore trompée.

Susanne. Ho ! ho ! vrayement, il n’auroit guère de cœur et il faudroit qu’il fust bien malheureux pour en user de la sorte. Mais tu n’es pas faschée de luy avoir permis ce que tu sçais, à ce que je me puis imaginer ?

Fanchon. Non, aussi vray, ma cousine, tant s’en faut ; et si c’estoit à recommencer, je le ferois de bon cœur, sçachant ce que je sçay, car je vous asseure que c’est un grand soulagement d’estre aimée, et je trouve, pour moy, que je m’en trouve mieux de la moitié depuis que je me suis appliqué la peau d’un garçon dessus.

Susanne. Tu en es seulement plus gaillarde à te voir comme tu es, et tu me portes la mine d’estre un jour bien fine et rusée à ce jeu.

Fanchon. Ma cousine, ce n’est rien que cela, et j’apprends tous les jours. On est un peu honteuse au commencement, parce qu’on n’a pas accoutumé de le faire, mais, à la fin, je mettray soubs pieds toute honte, car mon amy m’apprend peu à peu à n’en point avoir. Il dit qu’il me veut rendre une des plus habiles filles qui soient capables de donner du contentement aux hommes.

Susanne. O bien ! il faut espérer cela de son amitié et de ton bon naturel. Or, pour t’y porter encore plus, il faut considérer l’avantage que tu as sur les autres filles, d’avoir un si grand plaisir qu’elles n’ont point, et t’ouvrir d’ores en avant l’esprit, pour en faire un petit commerce et considérer les raisons qu’il y a d’en user ainsi.

(2) Fanchon. Ma cousine, cela est estrange : depuis que Robinet a couché avec moy et que j’ay veu et senty les choses, en examinant les raisons, tout ce que m’a dit par cy devant ma mère ne me paroist plus que sottises et des contes pour amuser les petits enfants. Comment, il semble que l’on ne soit garçon et fille que pour cela, et l’on ne commence de vivre au monde que depuis que l’on sçait ce que c’est et que l’on en a gousté, et tout ce que les garçons et filles font, tout ce qu’ils pensent, tout ce qu’ils disent, il semble qu’il ne doive aboutir que là, quelle hypocrisie donc et quelle rigueur à ceux qui le veulent empescher ! Je n’estois bonne auparavant qu’à filer et me taire, et à présent je suis bonne à tout ce que l’on voudra. Quand je parle maintenant avec ma mère, je me fonde en raisons et je discours comme si c’estoit une autre, au lieu qu’autrefois je n’osois desserrer les dents. Pour ce qui est de cela, l’esprit commence à me venir, et je mets mon nez dans les affaires où à peine aurois-je pu rien connoistre auparavant, et quand ma mère y trouve à redire, je luy responds bravement et luy fais voir son bec jaune ; enfin, elle est tout estonnée de me veoir et conçoit de là une meilleure opinion de moy.

Susanne. Et cependant elle n’a rien descouvert de vos affaires ?

Fanchon. Non, point du tout. O ! qu’elle n’a garde, vrayement ; j’y donne trop bon ordre.

Susanne. Mais en quel état sont-elles à présent ?

Fanchon. Très-bien, ma cousine, excepté seulement que Robinet ne me vient pas veoir si souvent que je le voudrois bien.

Susanne. Tu es donc bien accoutumée avec luy, à ce que je vois ?

Fanchon. O ! qu’ouy vrayement, nous sommes en la meilleure intelligence du monde.

Susanne. Et n’as-tu pas eu un peu de peine auparavant, et n’as-tu pas trouvé estrange du commencement de ses façons de faire ?

Fanchon. Vous allez tout sçavoir, et vrayement, si vous m’avez fait autrefois des contes de plaisir et de chatouillement, j’en ay bien d’autres tout prêts à vous faire à ceste heure ; j’ai de quoy vous payer en la mesme monnoie que vous m’avez fait.

Susanne. Dis donc vite, ma connaude, cela ne peut estre mauvais, de la façon que je me le figure, et quand tu auras dit, par après nous verrons si tu as affaire à un habile homme.

(3) Fanchon. Pour commencer donc, la première fois qu’il me fit cela, j’estois sur le lict assise où vous m’aviez laissée, comme vous sçavez, qui faisois semblant de coudre à mon ouvrage. Quand il entra dans la chambre, il me salua d’abord et me demanda comment je me portois, et luy ayant respondu civilement, après quelques cérémonies faites pour s’asseoir, il se mit enfin auprès de moy, me regardant fixement au visage. Je crois qu’il regardoit si je ne me doutois de rien, et après s’estre enquis là où estoit ma mère et à quel ouvrage je travaillois, il me dit, en tremblant, qu’il vous avoit rencontrée sur le degré, là où vous lui aviez bien dit des choses de moy, si je vous en avois donné charge. Je ne luy respondis rien, en souriant, et cela lui faisoit peut-être penser qu’il en estoit quelque chose ; au moyen de quoy, luy voyant que je demeurois muette et quasi comme interdite, il prit un peu plus de hardiesse et s’efforça de me baiser. Je le laissay faire sans beaucoup luy résister, m’estant préparée à tout ce que vous m’aviez dit. Et s’estant retiré après pour me considérer, il vit que j’estois devenue toute rouge de honte et que je n’osois le regarder, ce qui fust cause qu’en s’approchant aussi tost il me dit : — Tu rougis, m’amour ; baise-moy encore un coup. Et ce disant il me baisa, mais il demeura un peu plus longtemps à ce baiser qu’à l’autre, parce qu’il avoit mis sa langue dans ma bouche, et, je ne vous mentiray point, ceste façon de baiser me plaist extrêmement. Si bien que voyant que c’estoit une affaire qu’il faut, et qu’à toutes choses il y a commencement, je pris une ferme résolution de complaire à tout ce qu’il me feroit.

Susanne. Fort bien.

Fanchon. Je reçus donc sa langue sous la mienne, où il la fit frétiller longtemps, et demeuray ainsi collée avec luy, goustant, sans penser à autre chose, le premier plaisir, tandis qu’il glissa sa main soubs mon mouchoir de col, où il me prit les tetons, qu’il mania l’un après l’autre, et puis la coula dans le sein le plus avant qu’il put.

Susanne. Voilà un bon commencement.

Fanchon. Et la fin n’en sera pas pire ; car voyant qu’il ne me pouvoit atteindre plus avant, il la tira dehors et la posa sur mes genoux, et toujours en me baisant (4), il leva petit à petit ma jupe avec les doigts, et me venoit à toucher enfin le dessus de la cuisse.

Susanne. Cela s’appelle, comme il faisoit, toujours gagner pays. Je pense que le cœur lui battoit bien.

Fanchon. Vous allez veoir qu’il n’y a guère de filles, à ce qu’on m’a dit, qui ayent de plus belles cuisses que moy, je puis me vanter de cela, et qui soient mieux faites que les miennes, car je les ay blanches, grosses et douillettes.

Susanne. Je le sçay bien, pour les avoir veues et touchées.

Fanchon. C’est pourquoi il tressaillit d’ayse en les touchant, et s’estant serré plus fort contre moy en les pressant (5), pour me dire qu’il n’avoit jamais senty de chair si douce, son chapeau, qu’il avoit mis sur son genou, tomba à terre, et ayant aussi tost porté les yeux en cest endroit, par curiosité, je vis, le long de sa brayette, une longue enfleure qui poussoit et taschoit à sortir dehors.

Susanne. Ha ! carogne, hé bien ?

Fanchon. Je songeay aussi tost à cest engin roide que portent les hommes pour pisser, comme vous m’aviez dit, et avec lequel il devoit me donner du plaisir, et je me souvins qu’en entrant dans la chambre je ne l’avois point veu comme cela.

Susanne. C’est qu’il ne bandoit pas alors.

Fanchon. Tellement que je me doubtay bien alors que nous passerions plus outre et que nous ferions quelque chose, ce qui fut cause que je me levay pour aller fermer la porte, de peur que par hazard nous ne fussions surpris par la servante, qui estoit en bas. (6) M’ayant demandé où j’allois, et ayant eu peine à me laisser aller, je vis qu’il rajustoit cela par dedans, et quand je fus retournée (mesme je descendis pour donner de l’occupation à la servante, afin que pour quelque bruit elle ne vînt à interrompre nostre plaisir), ainsi asseurée que je fus, je m’en allay droit à luy, qui me sauta au col dès aussitost qu’il me vit et ne me voulut point laisser asseoir sur le lict comme auparavant, mais me tira debout entre ses jambes et m’estraignit de toute sa force, et croiois d’abord qu’il me vouloit estouffer, et je luy dis ma pensée, mais il me dit : — C’est que je t’aime, mon cœur. Et ainsi disant, il fourra la main derrière par la fente de ma jupe, et tirant peu à peu la chemise, il fit tant qu’il me vint à toucher les fesses, lesquelles il trouva fermes et rebondies, et de l’autre main qu’il avoit libre, il me prit la mienne et s’aventura en me regardant, de la mettre, comme sans y penser, sur sa brayette.

Susanne. O ! que tu fais durer cela longtemps !

Fanchon. Dame, il estoit pourtant ainsi, et aussi long comme je vous le dis, ma cousine (7). Je sentis donc cela qui estoit dur et qui se poussoit en avant contre ma main, et voyant que je n’en tesmoignois aucun semblant, il se déboutonna par là. Fourrant ma main dedans, il me dit : — Touche, m’amour ; touche, mon cœur. Je vis qu’il estoit bien ayse que je luy touchasse ; je fis donc ce qu’il voulut et me laissay doucement forcer à lui complaire, et il sembloit qu’il deust mourir d’ayse à chaque atteinte que je lui donnois, car tantost il me disoit, en conduisant ma main : — Touche icy, touche là, et plus bas, aux coüillons, m’amie ; sens-tu les poils ? reviens icy, empoigne et frotte haut et bas.

Susanne. Il me semble que j’y suis.

(8) Fanchon. Après quoy, il dit : — Je veux que tu le voyes. Et tout disant cela, il me le fit tirer hors de la brayette, dont je fus estonnée de la forme et grosseur qu’il avoit, car il est fait tout autrement quand il est dur que quand il est mol. Il s’aperçeut de mon estonnement, et me dit : — Tu ne sçais pas, m’amour, où il faut que cela entre, et cependant tu as un endroit sur toy propre à le recevoir. Lors, s’émancipant tout d’un coup, il me troussa la chemise tout autour et me descouvrit le ventre et les fesses, se plaisant à les patiner, et puis tantost il me touchoit du vit les cuisses, tantost les hanches, tantost revenoit aux fesses et au ventre, après entre les poils de ma rouge motte, et puis incontinent après il vint au trou mignon.

Susanne. Eh ! là donc, je n’attendois que cela.

Fanchon. Il me prit, dis-je, par le con, où il s’arresta quelque temps, me pressant les deux babines l’une contre l’autre et quelquefois passant les doigts entre les poils qui sont dessus la motte, laquelle il empoigna aussi, faisant par ce moyen entr’ouvrir la fente de ma nature. Après, il me fit rebuter un peu en arrière, et passa les genoux entre les miens, et soulevant un peu le cul, dévala son haut de chausse, et ayant rangé sa chemise, il prit son affaire dans sa main et me fit approcher.

Susanne. Or c’est icy qu’il faut bien prendre garde.

Fanchon. Je sentis cela roide contre la motte, et je cognus qu’il le vouloit mettre dedans. Il m’ouvrit premièrement les deux babines avec les deux mains, et poussa deux ou trois coups assez fort et m’eslargit beaucoup, mais il ne put entrer davantage, parcequ’il me fit mal, et fut obligé de s’arrester un peu, à la prière que je luy en fis. Et s’estant un peu mieux rajusté que devant, il me fit plus ouvrir les cuisses et poussa son affaire un peu plus avant, mais je le forçay encore de s’arrester. Il me disoit bien que je prinsse patience, que ce n’estoit qu’un petit mal, et que quand cela auroit une fois trouvé passage, il n’auroit plus de peine à entrer par après ; que cela luy faisoit bien mal aussi comme à moy, mais qu’il se contraignoit pour l’amour de moy. Je me contraignis donc aussi pour l’amour de luy, et il en fit entrer deux ou trois doigts à bonne mesure, sans luy résister, et me tenant ainsi enconnée, il me conjuroit assez de souffrir le reste. Voyant que je ne voulois pas, il voulut essaier une autre posture. Il se lève donc et me renverse sur le lict et (9) se couche sur moy, mais je le sentis trop pesant. Il soulève mes deux cuisses sur ses deux bras, et ainsi me soulageoit un peu, se tenant debout contre les bords du lict, car il n’appuyoit pas tant, mais je trouvay toujours une telle rudesse à me sentir ouvrir par son gros engin, que je ne le pus souffrir. Dans ceste inquietude, il se retira tout de dedit, et moy je me vis tout entr’ouverte au bas du ventre.

Susanne. Quel plaisir, cousine, et que n’ay-je un tel vit ! De bon cœur, je ne m’en plaindrois point.

Fanchon. Patience donc, je ne m’en plaignis pas tousjours aussi (10). Pour conclusion, il revient et me baise, il manie mon con, il met le doigt dedans pour veoir ce qu’il a opéré, et ne sçachant plus que faire, se met à se promener par la chambre, jurant, maugréant, tandis que je m’estois recouverte.

Suzanne. Le pauvre enfant, il avoit donc bien de la peine ?

Fanchon. A la fin, il manie piteusement son affaire devant moy, et il advise un pot de pomade qui estoit sur la cheminée ; il le prend aussitost et dit : — Bon, voylà qui nous servira bien. A mesme temps, il en mit dans sa main et en frotta le manche haut et bas, pour le rendre plus coulant.

Susanne. Il ne faut que cracher dessus et frotter avec la main.

Fanchon. Enfin, il s’advisa de cela et ne songea peut-être pas à l’autre. Il me fit aussitôt mettre en posture dans une chaise et se mit à genoux devant moy, et la pomade le fit entrer plus avant ; après quoy, voyant qu’il ne pouvoit encore rien faire, il me fit lever et mettre (11) à quatre pattes sur le lict, et s’estant derechef frotté de pomade, il m’attaqua par derrière.

Susanne. Que de façons pour un dépucelage ! Vrayement mon amy n’en employa pas tant pour moy, il eut fait en moins de rien et si je ne me plaignis pas tant.

Fanchon. Quoy que c’en soit, l’affaire se passa comme je vous le dis. Ma robe estoit donc troussée sur le dos, et me faisant roidir l’échine, je luy présentay assez beau. Ce nouveau visage l’esmeut si fort qu’il ne m’escouta plus ; il poussa et m’entr’ouvrit avec plus de facilité que devant, et fit tant à la fin, se remuant de cul et de teste, qu’il força la barricade.

Susanne. Dieu soit loué du tout, ma cousine ; je suis ravie de te voir eschappée de tous ces petits accidents, venons au reste.

Fanchon. Je ne me plaignis pas tant alors que j’avois fait, et je sentis quelque plaisir, voyant son membre logé si à l’estroit dans moy. D’autre part, il estoit tout glorieux de l’effort qu’il avoit fait, et n’ayant plus de difficulté à vaincre, il m’appeloit son cœur et s’amie, et me dit qu’il m’alloit faire bien ayse ; je sentis pour cela l’opération naturelle du corps, et son membre allant et venant, avec le plaisir qu’il avoit, me causa la démangeaison.

Susanne. Bon.

Fanchon. Il me demanda si j’estois bien ayse ; je luy dis qu’ouy ; il me dit qu’il l’estoit pareillement. Alors, me serrant de plus en plus fort, me tenant embrassée sur les hanches, se tenant appuyé sur ma croupe, il me touchoit quelquefois d’une main les mamelles et de l’autre les fesses ou la mothe.

Susanne. C’estoit pour luy donner courage.

(12) Fanchon. Mon plaisir mourant à mesure qu’il remuoit, et ne me pouvant plus tenir sur les mains pour l’ayse que j’avois, les bras me faillirent et je tombay le nez sur le lict.

Susanne. Tu ne te cassas point le nez contre la plume ?

Fanchon. Non, attendez. Il me dit : — Prends garde, sans s’arrêter, et à la fin il fondit d’ayse sur moy, en disant : — Mon cœur, je fous !

Susanne. Et comment te trouvas-tu alors avec luy ? Ne fis-tu pas aussi ?

(13) Fanchon. Belle demande ! et quel moyen de s’empescher quand cela vient ? Je perdis toute connaissance et fus ravie en pasmoison. Il n’y a point de sucre ny de confitures qui soyent si doux à la bouche que cela est au con ; le chatouillement se rendit universel par tous mes membres et fus comme esvanouie.

Susanne. Tu ne croiois pas cependant qu’il deust estre si grand ?

Fanchon. Non, je n’eusse eu garde, ne l’ayant point esprouvé. A la fin, s’estant retiré, je me sentis un peu mouillée en cest endroit et je m’essuay avec ma chemise, et je vis aussi que son affaire n’estoit pas si droit qu’auparavant et qu’il baissoit la tête peu à peu en se retirant.

Susanne. Il n’y a point de double.

Fanchon. Cela fait, je me trouvay bien refaite et ne souhaitay rien plus. Après, il me baisa et me parla du plaisir qu’il avoit eu. Je lui parlay du mien, dont il me tesmoigna estre plus aise que du sien propre. Nous contasmes longtemps (14) pour sçavoir lequel avoit esté le plus grand, chacun disant ses raisons, le plus raisonnablement du monde, pour monstrer le grand ayse qu’il sentoit et qu’il en avoit eu plus que l’autre. A la fin, nous conclusmes sans nous accorder que chacun avoit senty le sien ; mais il me dit qu’il avoit esté plus ayse du mien et qu’il en avoit reçeu à me veoir faire, et moy je luy dis pareillement.

Susanne. Cela n’est pas sans exemple ce que tu dis ; car quand on ayme bien on est plus ayse du plaisir d’autruy que du sien propre. D’où vient que si le garçon veut faire cela à la fille quelquefois qu’elle n’est pas d’humeur, néanmoins, à cause qu’elle ayme le garçon seulement, elle consent qu’il le luy fasse, non pas pour l’amour d’elle, mais pour l’amour de luy, qui fait qu’elle luy dit, en se descouvrant sur le lict : — Sus, mon cœur, prenez de moy vostre bon plaisir et faites à vostre volonté. Et quand c’est le garçon qui n’est pas d’humeur et que c’est la fille qui en a envie, il se soumet à son vouloir et a la mesme complaisance qu’elle a euë pour luy une autre fois.

Fanchon. Je suis bien ayse de sçavoir encore cela ; j’en feray souvenir Robinet quelquefois qu’il ne sera pas d’humeur.

Susanne. Fort bien.

(15) Fanchon. Cependant, de peur qu’il ne vînt quelqu’un, il avoit remis son haut-de-chausse et s’estoit assis auprès de moy et me contoit l’obligation qu’il vous avoit, quand il vous rencontra sur le degré, disant que sans vous il seroit mort d’angoisse pour ne pouvoir plus attendre, et qu’il y avoit long temps qu’il estoit espris de ma beauté et qu’il avoit envie de me faire cela, pour la grande affection qu’il me portoit, mais que jamais il n’avoit osé me le dire qu’à ceste heure qu’il en avoit essayé. Il ne pouvoit assez louer les bonnes qualités qui estoient en moy, et qu’il en avoit encore plus reconnu depuis sa jouissance qu’il n’avoit fait auparavant. C’est pourquoy il voulut lier avec moy une amitié indissoluble qui fust aussi longue que sa vie ; ensuite de quoy il me fit cent protestations d’amour et de service et me conjura de l’aimer toujours et de luy estre toujours fidèle, me promettant la réciproque. Et pour donner lieu que cette amitié fust accompagnée des mesme plaisirs que nous venions de prendre, afin que je n’eusse de regret, il me promit de me renouveller tous les jours deux fois ce mesme plaisir l’un portant l’autre ; dont je le remerciay, et pour cest effect nous nous avisasmes à nous conduire si secrettement que personne ne peust s’apercevoir de nostre pratique. Ce qu’estant résolu, nous parlasmes d’autre chose, et fouillant dans sa pochette, il en tira quelques pistaces et mirobolans dont il m’en fit manger, disant qu’il n’y avoit rien meilleur pour réparer les forces perdues au jeu d’amour. Tandis que je mangeois, je le priay que je pusse aller en bas pour veoir où en estoit la servante, et cependant il se mit à chanter pour oster tout soupçon. Je fus quelque temps à revenir, m’estudiant derechef à l’occuper ; je luy dis que ce jeune Robinet m’importunoit beaucoup et que j’eusse bien voulu en estre despetrée.

Susanne. Ha ! la bonne bête !

Fanchon. Et quand je fus remontée je refermay la porte sur moy et m’en allay à luy qui s’estoit remis sur le lict et qui regardoit son engin, qu’il avoit presque droit à la main. Si tost qu’il me vit, il le laissa là et m’embrassa, se plaignant que j’avois trop tardé. Il me le fit toucher encore, parce qu’il n’estoit pas assez dur, et en moins de rien il s’endurcit soubs mes doigts.

Susanne. Cela s’appelle, comme il estoit, bander à vit mollet.

Fanchon. Je luy estraignis quelque temps, plus hardie qu’auparavant, et pris mon plaisir à luy tenir, mesurant la longueur et la grosseur, et pensant à part moy la vertu que cela avoit de donner tant de plaisir, et il prenoit aussi plaisir d’en mesurer la grosseur et longueur. Luy aussitost m’estendit sur le lict à la renverse, et me troussa mes robes jusques au nombril, se plaisant à me considérer. Je ne m’opposay point à son dessein. Il me porta d’abord la main au con et me prit par les poils, et après il me tourna sur le ventre pour me considérer les fesses, et non content de cela, il me tourna et retourna dessus et dessoubs, me battant et me mouvant, et me fichant quelquefois les dents dans la chair, et me faisant cent folastreries avec les doigts. Pendant ce temps là, il m’apprit autant de particularitez de l’amour et me dit les raisons par quoy il en usoit ainsi. Je l’escoutois attentivement, désireuse d’apprendre, et cependant cela, il avoit redevalé son haut de chausse et me mettoit son outil entre les fesses, ores entre les cuisses, se remuant quelquefois pour veoir, et m’enseignant de faire pour quand il conjoindroit à moy.

Susanne. Le paillard ! il y prenoit donc bien du plaisir ?

Fanchon. Que vous diray-je davantage ? il me fit agencer de cent postures, m’enconnant à chacune, et me montrant comment il se falloit tenir pour (16) mieux engaigner le vit, et n’en acheva pas une. J’appris tout fort aisément, résolue de le bien retenir. Et m’estant disposée à son vouloir pour en achever quelqu’une, après il s’estendit sur le lict, la lance droite à la renverse, et me tira sur son ventre. Je me le fourray de moy-mesme dedans le con et me forçay à remuer, disant que je besoignois. Il se faisoit faire ainsi, me considérant, et tantost me disoit que je poussasse fort, me baisant, la langue à la bouche, et tantost m’appelant (17) sa vie et son âme, et tantost empoignant mes fesses, connaut, ma fouteuse, et autres injures à quoy il prenoit plaisir. Sur la fin qu’il connut que la douceur venoit, il ne se put empescher de remuer vers moy et moy vers luy ; tant qu’à la fin elle vint encore à sortir et nous finismes la carrière avec autant de contentement que la première fois.

Susanne. Et deux.

Fanchon. Je reconnus alors pour vray ce que vous m’aviez dit touchant les propriétés de ceste liqueur, et raisonnant dessus, je disois que c’estoit un grand (18) bien au monde que d’avoir trouvé ceste invention pour se divertir. Je luy demanday qui estoit le premier qui l’avoit inventée. Il ne m’en sçeut rien dire, pour ce qu’il n’estoit pas assez sçavant, mais cela l’ayant remis en humeur plus belle, luy me dit qu’il aymoit mieux me le montrer d’effect que de paroles et que l’expérience vaut mieux que le discours. Ensuite de quoy il me baisa, des baisers il vint aux attouchements et des attouchements à me mettre le vit au con, et me le fit encore une fois en levrier, le con derrière.

Suzanne. Et trois.

Fanchon. Et ceste façon, à son dire, luy plaisoit le mieux et plus que les autres, attendu que c’estoit ainsi qu’il avoit eu mon pucelage et qu’il enfonçoit son affaire plus avant. Et quelque temps après, il me le fit encore une (19) fois, avant que de s’en aller, ayant ma face tournée vers la sienne et mes deux jambes levées sur ses épaules.

Susanne. Et quatre. Comme tu les enfiles ! et cela ira-t-il toujours de même ?

Fanchon. C’estoit un premier abord, et il ne pouvoit moins faire, disoit-il, pour me donner des marques suffisantes de son amour et amitié.

Susanne. Certes, ce sont les meilleures. Et combien fustes-vous de temps à un tel ouvrage ?

Fanchon. Jusqu’à la nuict, que ma mère n’estoit pas encore venue.

Susanne. C’est à dire trois heures ou environ. Certes, c’est plus d’un coup par heure, et il avoit donc le feu au cul.

Fanchon. Quoy que c’en soit, je ne trouvois point que c’estoit trop, et ce fut bien le moyen de l’esteindre. Du depuis, nous avons continué tant que l’occasion nous a esté favorable et que nous n’y avons reçeu aucun empeschement. Voylà, ma cousine, comme les choses se sont passées depuis le temps que je ne vous ay veue et ce que j’avois à vous dire pour ce que vous m’avez demandé. Or, dites-moy un peu vostre avis là dessus.

Susanne. Certes, je vois bien à ceste heure que tu es passée maistresse en ce mestier (20), et que tu n’as plus affaire de personne pour t’apprendre parler pertinemment des choses.

Fanchon. Et pourquoy cela, ma cousine ?

Fanchon. Comment ? tu dis aussi bien en parlant, un outil, un engin, un membre, un chose, une affaire, un trou, au lieu des mots de vit et con qui sont leurs véritables noms.

Fanchon. Ma cousine, cela ne m’a pas tant cousté à apprendre comme vous diriez bien. Quand nous sommes seuls, Robinet et moy, il veut que je die vit et con, et quand nous ne faisons que discourir sans faire autre chose, il veut que je die ces mots là qui sont plus doux et plus honestes et qui plaisent davantage.

Susanne. Tu dis aussi enfiler, enconner, engaigner, besoigner, faire cela, au lieu de foutre et chevaucher.

Fanchon. C’est une mesme bien séance qu’il veut que je garde devant et après qu’il a fait, voulant garder ces gros mots pour quand il est en humeur.

Susanne. Ho ! ho ! vrayement, le mien n’est pas si cérémonieux, et quand nous sommes seuls il n’a point de paroles si retenues. Mais sçais-tu bien aussi qu’autre chose est dire besoigner, foutre, chevaucher, qu’enconner, enfiler et engaigner ?

(21) Fanchon. Besoigner, c’est mettre le vit au con, se remuer et descharger, et celuy seul dit plus que tous les autres ; foutre est seulement mettre le vit au con et descharger, sans qu’il signifie remuer ; chevaucher, c’est aussi mettre le vit au con et se remuer, sans qu’il signifie descharger ; enfiler, enconner, engaigner, c’est une même chose, et simplement mettre le vit au con, sans qu’il signifie les deux autres.

Susanne. Il y a encore d’autres mots qui sont plus doux à prononcer que ces premiers et qui sonnent mieux à l’oreille, afin que tu ne t’étonnes pas en compagnie quand tu entendras dire, comme baiser, jouir, embrasser, posséder et tant d’autres, au lieu de foutre et chevaucher, et ceux là sont bons à dire devant le monde, par honesteté, ou à des amoureux à leurs maistresses, quand ils ne les ont pas encore instruites par practique. Mais je reviens à la première explication que tu as dite, qui est certes aussi fine que j’en ay ouy dire de ma vie, et quand ce seroit moy, je n’en pourrois point inventer une plus jolie.

Fanchon. Passe pour cela, ma cousine, je vous remercie de tant de faveur ; comme vous pouvez voir, je n’y entends point de finesse, mais je m’estonne qu’il y a tant de fard parmy des choses qu’on les nomme de cent façons.

Susanne. C’est pour les faire trouver meilleures, vois-tu. Car, par exemple, le mot besoigner, c’est qu’effectivement les hommes travaillent en nous quand ils nous font cela, et qu’à les veoir remuer et se tourmenter comme ils font, il semble qu’ils prennent un œuvre à tâche et qu’il y ayt beaucoup à gagner pour eux ; enfiler, c’est qu’ils nous enfilent comme perles ; engaigner, c’est que nous avons la guaine et eux le couteau, et ainsi des autres qui sont plus doux et ont aussi leurs significations plus douces et spirituelles. Mais, avec tout cela, penses-tu que quand les hommes sont entr’eux ils usent de tant de cérémonies ? O nenni, vrayement ; les mêmes libertés que nous avons à nous dire les choses comme elles sont, ils s’en servent (22) de mesme dans leurs entretiens privés, tellement que s’ils voyent passer quelqu’une dont ils ont desjà jouy, ils ne disent pas simplement : J’ay baisé une telle, mais bien : J’ay foutu une telle, je l’ay chevauchée ; ma foi, elle y prenoit plaisir ; non (si ce n’est la langue dans la bouche) : Je l’ay possédée, j’ay pris les dernières faveurs ; ou bien : Elle n’estoit point dégoustée, elle remuoit le cul comme il faut, elle avoit le con large ou estroit, et se pasmoit d’aise en le faisant. Quand tu les vois cinq ou six d’une bande sur le pas de leur porte, qui se tournent et retournent de tous costés pour voir passer les filles et qui se rient au nez quand ils en voyent quelqu’une qui leur plaist, c’est comme cela qu’ils parlent entre eux et qu’ils se disent librement ce qu’ils voudroient bien luy faire. Bref, ils s’entretiennent de nous dans les mesmes termes comme nous le ferions d’eux si l’occasion s’en présentoit.

Fanchon. Et comment, ma cousine, ils se disent donc les uns aux autres ce qu’ils nous font ?

Susanne. Pourquoy non ? quand tout le monde le sçait ; car ils ne parlent point de celles dont il n’est point de bruict, comme de toy ou de moy.

Fanchon. Ah ! bon donc, mais pourtant je ne me sçaurois resoudre, quand j’y pense, que l’on sçeut de moy ce que Robinet (23) m’a fait faire, ny qu’il l’allast dire, car il me fait agencer en tant de sortes de postures que j’en suis honteuse et ne puis m’empescher de rougir par après quand je le regarde.

Susanne. Mais ses caresses pour tout cela ne sont-elles pas bien douces ?

Fanchon. Ouy, je l’avoue.

Susanne. Eh bien donc ! que a-t-il d’avantage à tout cela ? Ce sont des ragousts que les hommes prennent, et il leur faut laisser faire ; s’ils ne nous trouvoient pas belles et s’ils ne nous aymoient pas, ils ne mettroient pas nos corps en tant de sortes de postures, et, pour ainsi dire, à la capilotade.

Fanchon. Il est vray, ma cousine, que je reconnois par là que Robinet m’ayme, car ce qu’il me fait faire est accompagné de tant d’apprest et d’inventions de sa part, que quoy que j’en aye de la honte en le faisant, je n’en ay pourtant point de regret et j’en reçois (24) une satisfaction incroyable. Entr’autres, ces jours passés, il me fit voir une certaine gentillesse d’esprit dont j’auray à jamais mémoire, parce qu’elle est judicieuse et plaisante au possible ; il la fortifia par des instructions d’amour si plaisantes et qui sont si judicieuses à mon gré, que je crois que c’est là le meilleur moyen qu’on puisse trouver à une fille pour la rendre sçavante, tout d’un coup, à donner bien du contentement aux hommes.

Susanne. Et n’y a-t-il pas moyen de sçavoir ce que c’est ?

Fanchon. Ma cousine, vous en rirez en l’apprenant, et je me trompe fort si vous ne vous servez de son invention.

Susanne. Et quelle est-elle donc ?

Fanchon. La voicy, sans aller plus loing. Dimanche dernier, il y a trois jours, il vint me veoir sur les trois heures après midy, pendant que ma mère estoit sortie pour aller aux vespres et qu’elle m’avoit laissée seule à la maison. Je ne vous diray pas qu’il me fit cela une fois sur le coffre, à son arrivée, estant pressé, ny toutes les autres caresses qu’il me fit et devant et après, dont je fus contente à l’ordinaire. Je vous diray seulement qu’après avoir folastré quelque temps entre nous de diverses choses, et ri une bonne fois de la simplicité de ma mère qui ne s’appercevoit pas de nos folies, nous revinsmes aux baisers et de là aux embrassements. (25) Et m’ayant montré sa lance, qui estoit droite, il me prit à force de corps et me coucha à la renverse sur le lict, où il me troussa la cotte, et m’ayant fait escarquiller les jambes, il regarda si j’estois bien et me mit encore un oreiller soubs le cul, pour m’agencer mieux. Après, il me dit de ne point remuer, et ayant pris un petit toupet de bourre qu’il avoit apporté exprès, il me le mit sous la fesse droite ; il en prit un de laine, qu’il me mit sous la gauche, et un autre de coton, qu’il me fourra soubs le croupion. Après, il s’ajusta entre mes jambes et approcha son vit en regardant, me le mit aux bords de la fente et me dit que je prisse bien garde à ce qu’il feroit, pour lui obéir en tout ce qu’il m’ordonneroit.

Susanne. Voilà qui est bien préparé.

Fanchon. Encore mieux exécuté.

(26) Susanne. Voyons.

Fanchon. Il me dit : Bourre, en poussant, et me fit remuer la fesse droite ; il me dit : Laine, et il me fit remuer la gauche ; il me dit : Coton, et me fit remuer le croupion.

Susanne. Bon.

Fanchon. Et d’effect il n’estoit pas tant mauvais. Nous reiterasmes deux ou trois fois sans changer l’ordre ny la mesure, pour me façonner toujours davantage, ensuite de quoy nous diversifiasmes le mouvement, et j’avois du plaisir à l’entendre dire : Laine, bourre, coton, bourre, coton, laine, coton, bourre, laine, coton, à quoy j’obéissois fort exactement. Et pour un simple mouvement qu’il observoit qui estoit le mouvement droit et du coton, il m’en faisoit exercer trois, à sçavoir (27), un droit et deux obliques ou de costière. Quelquefois nous ne nous pressions pas si fort, pour faire durer le plaisir plus long temps, et quand je manquois à quelque chose, il me reprenoit doucement, m’enseignant comme il falloit faire et disant que je remuois tantost la bourre pour la laine, et tantost le coton pour la bourre et la laine ; au moyen de quoy je lui disois que le coton me plaisoit plus que les deux autres, dont il me tesmoignoit me sçavoir bon gré (et en effect j’avois raison), et s’efforçoit de me baiser.

Susanne. C’est que le coton faisoit entrer la cheville plus que les deux autres et par conséquent donnoit plus de plaisir.

Fanchon. Et par conséquent, ma cousine, vous sçaviez donc bien ce que c’est et je n’avois que faire de vous le dire.

Susanne. Achève, il n’importe, il y aura peut estre quelque chose à sçavoir que je ne sçais pas.

Fanchon. Que vous diray-je davantage ? Quand il cessoit de parler je ne (28) bougeois et il le vouloit ainsi, et quand il disoit : Coton, ou les autres, moy de remuer aussi tost autant de fois qu’il lui plaisoit de l’ordonner. Nous continuasmes ainsi jusqu’à la fin, et parce que ce coup lui sembla plus long que les autres et que je fus preste, par deux fois, de faire auparavant luy, tout autant de fois il me retint et il m’apprit ainsi comment il faut faire pour retarder le plaisir quand il avançoit trop et pour l’avancer quand il retardoit. Et quand il fust prest de descharger, il poussa sa voix plus fort que devant, disant : Bourre, coton, laine, coton, — et tousjours plustost coton que les deux autres. Je fus contrainte, à la fin, luy dire qu’il ne criast pas si fort, crainte que l’on ne nous entendist d’en bas, et que je remuerois bien sans cela ; et nous nous disions tant seulement tout bas l’un à l’autre, en l’ardeur du plaisir : Et tost, mon cœur, ma vie, ma pensée, m’amour, mon connaud ; et pousse donc, et coton, et serre !… et puis je ne sais plus ce que tout devint.

(29) Susanne. Que je hais ces brailleurs-là qui font tant de bruict et qui n’ont nulle considération. Car il y en a qu’on ne sçauroit faire taire et qui, quand ils ejaculent, en mesme temps ne peuvent s’empescher de crier, et quand on leur demande pourquoy ils crient, ils disent que c’est le plaisir.

Fanchon. Comment, c’est le plaisir ? Est-ce qu’ils prennent plaisir à crier pour s’y esbattre, ou bien si c’est que le plaisir qu’ils ont les contraigne à cela ?

Susanne. Il est encore bon de la façon que tu le dis. Je crois que c’est la force du plaisir qui les y contraint, et comme il y a des gens qui crient de douleur quand on les escorche, il y en a aussi qui crient de plaisir quand on les chatouille amoureusement.

Fanchon. Et comment font-ils pour crier si fort ?

(30) Susanne. Ils sont montés sur les filles comme des saint George, et tenant le vit au con avec un visage effaré, quand ils sentent le foutre couler, ils s’escrient à haute voix : Eh ! la, la, la, la ! donne donc, m’amie, m’amour, mon cœur, ta langue ! allonge ! et presse fort, eh ! pousse donc ! eh ! tu ne pousses pas !… Et quelquefois les voisins qui entendent cela, ou les personnes, du logis, qui n’y sont pas accoustumez, viennent au secours avec du vin et du vin aygre, croyant qu’ils se meurent de douleur, et les trouvent après la besoigne, qui se meurent de plaisir. Or, regarde la belle veuë que c’est de les trouver ainsi.

Fanchon. Et il n’y auroit pas moins de plaisir à la fille pour cela, s’ils ne menoient pas tant de bruict (à voir toutes les simagrées qu’ils font). Et cela estant qu’ils ne s’en peuvent empescher, comme vous dites, je ne voudrois non plus avoir affaire à ces gens là qu’à des cloches, et je tascherois mesme d’éviter leur rencontre comme la peste, tant j’aurois peur qu’ils ne criassent, seulement à me voir, comme s’ils estoient après. Car enfin, il ne tiendroit donc ainsi qu’à scandaliser les pauvres filles, veu qu’ils ne sçauroient faire rien que tout le monde ne sçache, et qu’ils n’ont point de honte de tant faire le fou. Certes, il est bien permis de se divertir autant que l’on peut et de prendre du plaisir sans scandale, mais non pas de crier ainsi comme des perdus, à gorge déployée.

Susanne. Les filles aussi, pour ne pas mentir, y sont subjettes quelquefois aussi bien que les hommes, et tandis qu’elles font bien leur devoir de remuer du croupion et de pressurer la grappe soigneusement pour faire que le jus en sorte, elles cornent continuellement à l’oreille de celuy qui est dessus, emportées du plaisir qu’elles ont : Eh ! hau ! hau ! mon fils, mon mignon, pousse le donc et mets-y tout ! et disent quasi toutes les mesmes choses que les hommes. Mais pour ceux cy, ils ne sont pas si à craindre comme les autres sortes d’insensibles et ladres d’amour, que l’on fesse pour mettre en humeur, et c’est bien là une autre extrémité de malheur que d’avoir affaire à ces gens là (31) ; car, pour les premiers, on les peut corriger un peu, à force de remonstrances, ou s’ils sont incorrigibles, on les peut mener à la cave, au grenier, dans les bois, à la campagne et dans des lieux esloignés où ils auront beau faire du bruit avant que l’on les entende, mais pour ceux cy, ils ne se peuvent amender en façon quelconque et n’y a point de remède pour les guérir.

Fanchon. Quel malheur ! et qui sont donc ces ladres là ?

Susanne. Ce sont des gens qu’il faut fesser pour mettre en humeur. Ils se despouillent tout nuds en pleine place, et les filles prennent des verges et leur en donnent sur le ventre et partout et tant qu’elles voient que leur affaire vient à dresser, et quand l’ont fait dresser et venir en bon point, elles jettent là les verges, comme si de rien n’estoit, pour se la fourrer après ainsi dans le bas du ventre, et s’en donnent du plaisir par après.

Fanchon. Mais ne deschargent-ils pas aussi, eux ?

Susanne. Vrayement ouy et plus que les autres ; on ne les sçauroit tenir par après.

Fanchon. N’importe, oh ! la piètre chose quand une fille est assez malheureuse pour estre obligée de fouetter son amy pour le faire bander !

(32) Susanne. Ceux là que tu voulois dire qui ne deschargent point, sont les chastrez, à qui on a coupé les deux boullettes, et ne sont bons à rien qu’à bander quelquefois, mais en ce pays ci les dames n’en veulent point du tout et on n’entend pas dire qu’elles leur ayent jamais fait caresse ; si ce n’est qu’au temps passé les dames grecques et romaines s’en servoient, faute de mieux, pour se faire chatouiller par le frottement du membre qui estoit roide, et à cause aussi que cela avoit quelque ressemblance à la vérité. Et encore de présent, en Turquie, elles ne laissent pas de s’en servir aussi quand elles en trouvent, d’où vient qu’on s’est avisé depuis peu, pour empescher cela, de les faire pour eunuques, de leur couper les trois pièces rasibus.

Fanchon. Fi, fi, de ces gens là, ma cousine, n’en parlons point. Disons plustost de ceux là qui sont bien fournis d’instruments à fouterie et qui sont propres à donner un plaisir par tout.

(33) Susanne. Il y en a d’autres qui ne disent mot et qui ne font que soupirer d’ayse, mais, il y a une troisième espèce d’amoureux qui sont bien à désirer, qui ayment s’entretenir bas, et ceux là plaisent bien davantage à la fille et se dorlotent aussi bien mieux dans le plaisir.

Fanchon. Eh là donc ! voilà comme je les demande. Mais aussi les filles n’ont-elles rien à tesmoigner de leur costé pendant que les garçons leur font tant de caresses ?

Susanne. Donne-toy patience ; c’est là où je voulois venir, mais il estoit bon auparavant de te remettre sur ce que nous avions dit. Nous avons donc dit jusques (34) à cette heure comment on mettoit le vit au con et comment on ressentoit le plaisir en la descharge, et les autres satisfactions qui se tirent du baiser, du toucher, du parler et du regarder, mais nous n’avons pas encore fait d’application particulière aux lieux où il s’en falloit servir, quand et comment il le falloit faire, et c’est ce qu’il faut que tu apprennes ce jourdhuy, comme estant la chose la plus nécessaire et comme estant la seule en quoy principalement est compris l’art d’aymer, souverainement aux hommes.

Fanchon. Ma cousine, cecy doibt estre beau, sans doute, et c’est aussi ce que j’avois à vous demander.

Susanne. Or sus, posons le cas que tu sois aux prises avec ton amy et que tu ne sçaches comment te porter à l’escarmouche : (35) il faut que tu uses envers luy de petites affeteries de la voix, qui sont les vraies délices en amour. Par exemple, tandis qu’il remuera sur toy, dis-lui quelques paroles de douceur et sans contrainte et qui partent de l’essence du plaisir et de l’amour que tu auras ; appelle-le ton cœur, ton âme et ta vie ; dis-luy que tu es bien ayse et applique tout ton esprit à la pensée de vostre besoigne. Il y a des certains hélas ! ou ah ! qui sont faits si à propos et qui percent l’âme de douceur à ceux qui nous les causent ; car nous faisons cecy, penses-tu, non pas comme les bestes, par brutalité et par nécessité, mais par amour et par connoissance de cause. Et fais quelque petit grattement de mains ou petit remuement de croupion qui le comble de joye infinie ; si tu as quelque chose à luy demander, il le faut faire en ce temps-là où il ne te refusera pas, car il n’y a rien qui ouvre tant le cœur et la condescendance et confidence et à se déclarer mutuellement ses pensées, comme les actions secrettes de la fouterie, et il s’est trouvé telle fille, qu’on n’auroit pas regardée auparavant, à qui un simple remuement de fesses a valu l’honneur d’espouser un grand seigneur. Toutes ces mignardises donc, ainsi practiquées, rempliront ton amy d’une douce rage, et comme il fera son possible pour te contenter, il t’appellera son âme, sa déesse, son connaud, son ange, ses yeux. Il inventera des caresses pour te faire et souhaitera d’estre tout vit pour se couler tout en toy, et quand son plaisir sera venu au point qu’il le désire, il ne manquera point de t’en donner connoissance par ses soupirs et quelques paroles qu’il ne tranchera qu’à demy, en disant : Je vais faire !… Alors, prends garde soigneusement comme je te diray.

Fanchon. Ainsi feray-je, ma cousine, mais en quelle posture vous mettrez-vous ?

Susanne. A l’ordinaire ; tu serreras vistement les deux fesses vers luy, et lui mettant un bras au col, tu le baiseras et tascheras à lui lancer la langue dans la bouche, comme un dard, et qu’elle vienne à frayer le dessous de la sienne ; tandis que tu coigneras du cul brusquement devers luy, et retirant ta langue et la repoussant vivement entre ses dents, en cent façons de mignardises, tantost mince et tantost espaisse, tu t’enlaceras autour de luy et de bras et de jambes ; et appuiant ta main sur ses fesses, tu avanceras les doigts jusques à ses ballottes, et trémoussant tousjours du croupion, tu tascheras à le faire entrer le plus avant que tu pourras. Le reste de la besoigne, tu le feras aussi bien que moy, et je t’advise seulement qu’en usant envers luy de ces préparatifs pour le plaisir, il ne sçaura quelles caresses te faire par après, et quand il te donneroit tout son bien, il te donneroit encore son âme avec, et s’estimeroit, plus que tout cela, estre encore ton redevable.

Fanchon. Ma cousine, je vous remercie de tant de bontés, et je m’en serviray quand je seray en pouvoir de le faire. Mais, pour le présent, il faut un peu laisser couler le mauvais temps qui ne nous donne pas tant de loisir possible pour jouir de nos amours et auquel je luy puisse donner toutes les marques de mon affection.

Susanne. O bien ! arrive quand il pourra, mais sçache que c’est la faute ordinaire des jeunes gens qui ne songent rien qu’au temps présent et ne pensent pas à faire durer leurs plaisirs long temps (36) en se pourvoyant pour cela de moyens utiles et nécessaires. Mais quoy enfin, ne vois-tu pas Robinet quand tu veux ?

Fanchon. Nenny, ma cousine, et depuis quinze jours en ça que ma mère a fait porter mon lict en sa chambre, pour raccommoder la mienne, je ne l’ay veu quasi qu’en sa présence.

Susanne. Et comment as-tu donc fait pour avoir sa compagnie ? T’en es-tu bien peu passer jusques icy ?

(37) Fanchon. Nenny dà, mais je ne l’ay eue que fort rarement, et que si vous saviez les incommodités que nous avons eues pendant ce temps là, et que nous allons encore avoir pendant sept à huit jours pendant que ma chambre doibt estre raccommodée, vous en seriez tout estonnée.

Susanne. Je seray bien aise de les entendre, et selon que tu me diras je seray encore capable peut estre de te donner du conseil pour l’avenir.

Fanchon. Il y eut hier quinze jours justement que ma mère me fit aller coucher dedans sa chambre, et depuis n’en ay pas désemparé. Je le dis dès le lendemain à Robinet et luy fis veoir les incommodités que nous aurions à nous trouver seuls ; à quoy il me demanda s’il n’y avoit point de moyen à me venir veoir la nuict, en faisant faire une fausse clef à la porte du petit jardin, mais je luy dis que non, d’autant que ma mère sort encore moins de la chambre la nuict que le jour et qu’elle m’entendroit si je voulois sortir. Il me dit que je ferois semblant d’aller à la garde-robe, et que là, sur le siége, nous ferions nostre affaire, mais je luy dis que cela ne se pouvoit point, d’autant que pour aller à la garde-robe il ne faut pas sortir de nostre chambre, à cause qu’il y en a une au bout de la galerie, où ma mère veut que j’aille de nuict, de peur de faire du bruict en ouvrant les portes. Ces raisons le rendirent estonné, tellement qu’il dit qu’il nous falloit prendre patience et l’occasion aux cheveux quand elle se présenteroit, et cependant nous visiter tous les jours.

Susanne. C’est à dire que vous avez esté autant avancés qu’auparavant. Hé bien ! qu’arriva-t-il ?

Fanchon. Sur ceste résolution, il me vint veoir le lendemain, mais nous espiasmes en vain l’occasion, sans la pouvoir rencontrer. Le jour après nous fusmes plus heureux, car estant arrivé que la servante estoit sortie, je luy allay ouvrir la porte par le commandement de ma mère, et me trouvant aussi ardente à cela que jamais, de peur de perdre le temps et que quand nous serions en haut nous n’aurions pas trouvé la commodité, il me poussa contre le mur, et m’eslargissant les cuisses, me troussa la cotte qu’il me fit tenir avec les deux mains, et ayant aproché son vit roide, en se baissant, il me le mit dedans le con le mieux qu’il put et s’efforça de pousser en la plus grande haste du monde. Je le trouvay bon comme cela, parce qu’il y avoit long temps que je ne l’avois fait, mais il eut plustost fait que moy, et comme il voulut se retirer, je le retins et le priay d’attendre que j’eusse fait aussi. Il en eut la patience, et quand nous eusmes achevé, incontinent nous montasmes en haut, sans que ma mère se doubtast de rien, sinon que, pour la forme, je luy dis qu’il m’avoit demandé si une certaine personne n’estoit point au logis, parce qu’il ne la vouloit point veoir. D’autres fois, nous fismes plus commodément, selon que l’occasion s’en présentoit, et quelquefois que ma mère estoit dehors, nous avions beau nous divertir, mais quand elle estoit au logis ou qu’il y avoit compagnie, c’estoit tout ce qu’il pouvoit faire de m’enconner une petite fois, pendant qu’elle alloit reconduire quelqu’un, tantost sur une chaise, tantost sur un coffre, et en cest estat nous nous pressions fort, et imaginez-vous si je me faisois bien prier d’ouvrir les cuisses et de me mettre en la posture qu’il vouloit pour avoir plustost fait. Mais il n’importe, quoy que nous fussions en crainte, nous ne laissions pas d’avoir bien du plaisir ; encore estions-nous bien heureux quand cela arrivoit, car quelquefois que nous estions en train de remuer les fesses, nous entendions du bruict qui nous faisoit déconner, et pensez quelle rage cela nous donnoit. Quelquefois aussi c’estoit une fausse alarme ; nous nous remettions et quelquefois nous achevions, quelquefois nous n’achevions pas, parceque quelque autre nous interrompoit. D’autres fois, la présence de ceux qui nous regardoient estoit si importune qu’il estoit assez heureux quand il me pouvoit toucher la cuisse en un jour ou, tout au plus, me mettre l’engin dans la main ; c’estoit encore beaucoup quand nous le pouvions faire toucher au mien et les faire baiser ensemble. Quelquefois que nous estions assis sans nous toucher et que personne ne nous regardoit, il mettoit son manteau audevant et me le faisoit veoir en bon point, se complaignant avec les yeux, de quoy j’avois si grand pitié que je ne me pouvois saouler de le regarder. Cela m’obligeoit quelquefois à m’approcher de luy, et tenant ma chemise levée par dessoubs ma jupe, il couloit la main par la fente de derrière et me touchoit la chair depuis les fesses jusques aux hanches et tout autour du ventre, et se consoloit de cela. Or j’avois plus souvent (prévoyant son dessein) ma robe de dessus à demi troussée, comme ont la plupart des filles quand elles sont à la maison, et cela faisoit qu’il lui estoit plus facile de me passer ainsi la main, parceque ma robe, qui couvroit tout, faisoit penser, quand on le voioit, que c’estoit par dessus la jupe qu’il m’embrassoit, tellement qu’il luy estoit quelquefois aysé de la faire arriver jusqu’au con dans les attouchements. Il me chatouilloit avec le doigt ; j’avais beau luy faire signe et luy dire à l’oreille qu’il s’arrestast, il n’en faisoit rien, et pour peu que ma mère eust le dos tourné ou qu’elle fist un pas à la fenestre, il me faisoit descharger. Cependant, quand je pouvois, je luy prenois l’engin sous le manteau, et regardant toujours ma mère, pour peu qu’elle eust destourné, je luy branlois à luy pendant qu’il me branloit à moy et qu’il me faisoit aussi descharger. Enfin, sans y penser, et à force d’imagination, nous trouvasmes une invention (38) pour chevaucher devant le monde sans qu’on s’en aperçoive.

Susanne. Et comment faites-vous cela ?

Fanchon. Une fois que j’empesois, debout sur la platine, et que ma mère estoit descendue en bas, il s’approcha aussi tost de moy, et troussant ma chemise par la fente de ma jupe, tout en discourant de diverses choses et de la cruauté de nostre destinée, il me mit le manche roide entre les fesses, s’efforçant de le faire aller jusques au con. Je sentis qu’il remuoit là auprès et demeuray attentive à ce qu’il faisoit, sans songer à ce que j’avois sur la platine, qui estoit un cotillon de fustaine blanche que je repassois parce qu’il n’estoit pas assez sec. Voyant qu’il n’y pouvoit arriver, il me mit la main sur le cul et me dit que je me baissasse, et qu’il prendroit bien garde s’il venoit quelqu’un, mais en me baissant la fente de ma jupe n’estoit pas assez longue et luy fit sortir l’engin par la raie du cul, si bien qu’il me fit redresser, maudissant son aventure, et se contenta de me descharger promptement entre les fesses.

Susanne. Quel dommage !

Fanchon. Son ardeur estant appaisée, il remit son engin dans sa brayette, et je m’apperçus aussi tost que le feu avoit pris au cotillon qui estoit sur la platine. Je fis un cry en l’ostant promptement de dessus, et ma mère arriva sur ces entrefaites, qui me querella bien fort de ma négligence et me dit qu’elle ne m’en donneroit point d’autre. Mais Robinet mit le holà le mieux qu’il put, disant que c’estoit une flammèche qui estoit sautée dessus pendant que j’avois regardé à la fenêtre, et que ç’avoit esté la faute de luy, qui n’y avoit pas pris assez garde. Et voilà comme l’affaire se passa.

Susanne. Mais où est donc cette invention que tu dis ?

Fanchon. Entendez-moy, la voicy. Deux jours après, Robinet vint le soir au logis et trouva qu’on dançoit. C’estoit une petite compagnie ou réjouissance qui se faisoit pour le jour de la feste de ma mère. Il avoit trinqué ce soir là plus qu’à l’ordinaire, et faisant semblant qu’il vouloit dormir pendant que tout le monde dançoit, il se mit dans une chaise ou fauteuil bas, et trouvant à point nommé que j’estois si lassée que je n’en pouvois plus, il me tira par derrière et me fit asseoir sur luy pour l’entretenir. Je faisois semblant, en l’escoutant, de regarder les autres, et cependant il me coula la (39) main par la fente du cotillon et fit tant qu’il vint à me toucher le con. Je sentis aussitost son affaire roide qui poussoit dessous moy et cela me mit en humeur de ne luy rien refuser. Il eust bien voulu la passer par la fente du cotillon et me le dit bas à l’oreille, mais il ne pouvoit détrousser le cotillon et n’y avoit pas d’apparence devant tant de gens. Enfin, en mesurant avec la main combien il s’en falloit que ceste fente du cotillon n’estoit pas assez longue pour parvenir au con, il trouva justement à l’endroit qu’il falloit le trou que le feu avoit fait au cotillon, quand ma mère me querella si fort ; il me le dit incontinent tout bas, et sans perdre de temps, rangeant ma chemise, poussa son affaire dans le trou et coula tout entre mes cuisses. Je m’accommoday dessus le mieux que je pus et fis tant qu’il en entra bien la moitié. Nous fusmes longtemps de la sorte sans rien opérer, car il n’osoit branler fort ; néanmoins, s’aydant le mieux qu’il pouvoit, et tousjours appuyant doucement du croupion, la compagnie ne s’aperçeut point qu’il me avoit rien fait. Pour moy, je me tins ferme sur le pivot et fis bonne mine jusques à la fin que j’eus assez de peine à dissimuler le plaisir que je sentois. Il me le fit encore un coup, une heure après, dans la même posture, et du depuis elle nous a bien servy et j’ai béni cent fois le cotillon percé pour m’avoir causé tant de plaisir.

Suzanne. Cela estoit pourtant bien dangereux de la sorte, car comment faisois-tu, quand le foutre couloit dans ton con, pour empescher qu’on ne reconnust que ton plaisir venoit.

Fanchon. Ma cousine, je me contraignois furieusement et grinçois des dents en regardant contre terre.

Susanne. Vrayement, c’estoit là un beau moyen ! Il ne falloit que mettre les mains, comme cela, sur le visage et faire semblant d’avoir mal à la teste.

Fanchon. C’est bien dit, ma cousine, mais, que voulez-vous, on n’a point tout savoir. Je n’ay reçeu jusques à ce jour d’instruction que de votre part, car pour Robinet, hélas ! nous n’avons pas eu loisir de cela ; c’est pourquoy vous sçavez bien tout ce que vous me pouvez avoir appris.

(40) Susanne. Eh bien ! demande ce que tu voudras. Qu’est-ce qui t’empesche ? Tu sais bien aussi si je t’ay jamais rien refusé ; car comment veux-tu que je te devine si tu ne proposes rien.

Fanchon. Ma cousine, de tout ce que nous avons dit des plaisirs, j’ai recueilly que ceste partie de l’homme qu’on appelle le vit est celle qui donne le plus de satisfaction à la femme ; (41) je voudrois bien maintenant que me disiez quelles sortes de vits sont les meilleurs et les plus divertissants.

Susanne. Je suis bien ayse que tu me proposes ainsi la chose par ordre, et nous en viendrons à bout facilement. Tu doibs sçavoir premièrement qu’il y a des vits de toutes les façons, mais tous généralement se réduisent à trois, qui sont petits, grands et moyens.

Fanchon. O bon ! les petits comment sont-ils ?

Susanne. Ils sont de quatre à six poulces de longueur et gros à l’advenant, mais ils ne sont pas de mise quand ils sont si petit, car outre qu’ils ne remplissent guère le con, n’estant pas assez gros, c’est que si la dame a le ventre un peu gros ou la mothe un peu trop grossette, ce qui est une imperfection en elle, ou le trou placé un peu trop bas, ce qui est un défaut pareillement, ils ne sçauroient entrer que deux ou trois doigts en profondeur dans le col de la nature de la femme.

Fanchon. Et les grands ?

Susanne. Les grands escartent et entr’ouvrent trop la dame, par leur grosseur, et luy font mal, quand mesme elle ne seroit pas pucelle, et pour la longueur (42) ils atteignent trop avant dans la matrice, d’où vient qu’il y a des hommes qui sont contraints de mettre des bourrelets contre le ventre, ou bien la dame y met la main en les recevant, pour les marquer selon la longueur qu’elle en veut et empescher que le reste ne passe, et ceux là sont de dix à douze poulces.

(43) Fanchon. Et les moyens ?

Susanne. Les moyens sont de six à neuf poulces et remplissent justement le conduit de la dame et la chatouillent doucement. Néanmoins, il y a des femmes qui sont plus ouvertes ou ont de plus grands cons les unes que les autres, et à celles là il leur faut un puissant engin, bien dur, long, gros et bandé, et qui soit bien proportionné (44) à leur fente naturelle. Mais après tout, ma cousine, soit grands, soit petits, c’est la vérité qu’il n’y a rien de si savoureux et de si bon que le vit d’amy, et quand un homme que l’on ayme bien n’en auroit pas plus gros que le petit doigt on ne le trouveroit meilleur que le plus grand d’un autre qu’on n’aimeroit pas tant. Cependant (45), pour l’avoir bien fait comme il faut, il doibt estre gros et renforcé sur la culasse, et venir en diminuant vers la teste.

(46) Fanchon. Une autre difficulté me survient.

Susanne. Et quelle ?

Fanchon. D’où vient que les hommes, quand ils nous foutent, nous disent quelquefois des injures et des villaines paroles, au lieu de nous en dire de plus honestes, car je ne sçaurois concevoir que l’amour leur fasse dire cela ; c’est enfin toute douceur que l’amour, et qui ne peut rien faire dire qui ne soit de luy.

Susanne. Il est vray, m’amie, et c’est en cela que tu ne le conçois pas. Tout ce qu’ils nous disent d’injurieux et de sale, c’est par amour, et je m’en vais te (47) monstrer comment. Tu doibs sçavoir que la principale cause de l’amour c’est le plaisir du corps, et sans cela il n’y auroit point d’amour.

Fanchon. Ha ! je nie cela, ma cousine. Je sais bien tout ce que vous me direz, qu’il y a des amours brutales ; il est vray, mais il y en a qui ne le sont point aussi, et la différence de les connoistre, c’est que les dernières durent longtemps là où que les autres ce n’est que feu de pailles ; elles sont passagères avec le plaisir.

Susanne. Elles sont toutes brutales, m’amie, si tu le prends là, et je te le prouveray sur le champ, mais donne-moy le temps pour parler.

Fanchon. Tant que vous voudrez, ma cousine, je ne vous interrompray point.

Susanne. Le plaisir passe, mon enfant, il est vray, mais le désir en revient, et c’est ce qui nourrit l’amour. Ha ! parlons tout de bon et sans feintise, aymerois-tu bien Robinet s’il estoit chastré, et l’aurois-tu voulu prendre, pour beau et bien fait qu’il puisse estre, si l’on t’avoit dit qu’il fust impuissant ? responds.

Fanchon. Non, asseurément.

Susanne. Ergo, ce qui est vray à ton esgard ne le doibt-il pas estre aussi véritable quant au sien ? tellement que si tu n’avois point eu d’engin où loger le sien, si tu n’avois point eu de beauté pour le faire bander ou qu’il t’eust trouvée difforme à son gré, serois-tu si simple que de t’imaginer qu’il t’eust aymée ? et pour qui au reste ? pour tes beaux yeux ? si tu n’en avois point ? Non, non, cousine, il faut que tu te detrompes : les hommes n’ayment que pour leur plaisir, et quoy qu’ils nous tesmoignent le contraire quand ils nous recherchent, ils ont tousjours leurs désirs fichez entre nos cuisses, de mesme que nous à les baiser et accoller, par honte de demander le reste. As-tu jamais veu les bestes parmy les champs, combien amoureusement le masle grimpe sur la femelle, le taureau sur la genisse, le cheval sur la cavale (48) ? c’est ainsi qu’il en prend des amours des hommes, et quelques simagrées que fasse un amant devant nous, quelques larmes qu’il répande, et quelques protestations d’honneur, d’amitié et de respect qu’il nous fasse, si le cas y eschet et que nous en soyons touchées, tout cela ne va qu’à nous renverser sur le lict, gaigner le dessus et nous trousser insolemment la cotte, nous saisir d’abord au poil qui nous croist au bas du ventre sur la mothe, se couler par force entre nos cuisses, et en nous empoignant à belles mains par les fesses, nous tirer à eux, malgré que nous le voulions bien. Et pour tout service qu’ils nous rendent, il nous mettent à la main un baston de chair (49), gros, long et estendu, dont toute l’ardeur et l’affection ne va qu’à engaigner au bas du ventre, dans un trou fait exprès pour cela, tandis que nature prompte en nous estre obéissante, malgré nos refus est tousjours preste à le recevoir. Voylà où se terminent (50) tant de souspirs, tant de plaintes et tant de désirs, qui est de s’entrefretiller les uns les autres, et quand ils ont fretillé qu’ils n’en peuvent plus, on voit que ce grand amour se passe et s’esteint, et ne reprend sa force et vigueur qu’à mesure que l’envie leur revient de recommencer. Il arrive de là que ceux qui ayment le plus, comme ces amoureux transis, sont ceux qui chevauchent le moins, et ceux qui trouvent ou chevauchent quand ils veulent n’épousent guère d’affections particulières pour les filles, ou s’ils ont attachement pour quelqu’une, leur amour n’a de la violence qu’à proportion de la difficulté qu’ils rencontrent à la chevaucher. Cela est estrange que les filles, pour la pluspart, qui ayment si constamment et qui font de l’amour un fondement à la vertu, en se chimérisant mille délicieuses pensées, ne sçavent pas pourquoy elles ayment, et cest amour qu’elles ont reçu, par une subversion de raison qu’on leur imprime de jeunesse (51), les séduit si finement qu’elles jureroient bien que ce n’est pas pour chevaucher, et que leurs désirs ont une plus noble fin et plus honeste. Mais cependant, quand ce vient au fait, elles esprouvent le contraire, et quand elles ont esprouvé ce que c’est, au plus loin de leur pensée, et connu la corne avec quoy les hommes choquent, il est force qu’elles prennent des sentiments plus modérez, et reconnoissent alors que cest accouplement charnel et grossier est le feu qui les anime et qu’il est la source et la fin de toutes ces belles pensées et imaginations d’amour spirituelles et eslevées, qu’elles croyoient provenir d’ailleurs que de la matrice.

Fanchon. Certes, je ne m’estonne plus, ma cousine, que vous soyez si habile dans les plaisirs d’amour, puisque vous en sçavez si bien les raisons, et je m’estonne comment et où vous les pouvez avoir aprises.

(52) Susanne. C’est mon amy qui a prins plaisir à m’instruire, pour son grand plaisir, et s’il m’a bien dit de plus que devant qu’il eust couché avec moy, lors qu’il sentoit que mon amour le pressoit trop, il s’en alloit, contre son gré, veoir quelque fille pour se divertir, et estant là s’efforçoit si fort dessus elle qu’il en estoit allégé ; trouvant par une fin contraire à ses désirs celle de son amour, car, comme j’ay dit, l’amour a cela de fin et de merveilleux qu’il ne fait pas penser à chevaucher, et cependant c’est sa seule fin, où de soy il aspire, et qui seule peut guerir son ardeur. Voilà donc qui est résolu sur ce point.

Fanchon. Fort bien, il ne se peut pas davantage.

(53) Susanne. Or, la raison que tu m’as demandée pourquoy les hommes, en faisant cela, disoient des gros mots et villaines paroles, c’est qu’ils prennent plaisir à nous nommer par les choses qui participent à leur plaisir davantage et qu’ils ayment le plus, et comme en l’action de la fouterie ils ont toutes leurs pensées attachées au bas de nostre ventre, de là vient qu’ils ne peuvent s’exprimer qu’en disant : Hé ! ma connaude, hé ! ma couillaude, avec telles autres appellations qu’ils nous donnent selon la pensée qui les anime ; et la langue, qui pourroit dire autrement, en est souvent empeschée par la trop grande attention de l’esprit, qui la fait fourcher et luy fait prendre un mot pour l’autre. En quoy se voit alors la vive peinture à l’esprit de l’objet aymé, et l’âme se réjouissant dans ceste connoissance, redouble les estreintes et les embrassements et fait entendre ces mots en baisant, dans le murmure et la douce union de deux langues qui se chatouillent, de : Ma bonne ! c’est qu’ils admirent la bonté ; que nous avons à leur départir nos faveurs ; s’ils disent : Ma colombe ! c’est qu’ils pensent à quelque ressemblance que nos caresses ont à celles des colombes ; s’ils disent : M’amour ! mon cœur ! c’est qu’ils ayment leur dame de passion et qu’ils luy voudroient couler le membre jusqu’au cœur. Tous des mots dont ils se servent sont autant de mots hiérogliphiques dont chacun d’eux porte une sentence entière, car s’ils disent : Ma connaude ! c’est qu’elle est bien pourvue de ceste partie en laquelle toute idée d’amour se convertit, ou qu’ils reçoivent un grand plaisir de cet endroit-là ; s’ils l’appellent : Ma couillaude ! c’est qu’ils la trouvent forte et vigoureuse et qui trousse un coüillon en masle, ou qu’ils croyent luy en avoir appliqué deux quand ils la joignent par en bas, et ainsi du reste. De plus, il y a deux raisons bien douces et gentilles pourquoy les hommes, quand ils sont aux prises avec nous, appellent toute chose par leur nom.

Fanchon. Sçavoir.

Susanne. La première, que nous possédant en toute liberté, ils s’égayent à nous dire les mots qui nous font le plus de honte (54), pour rendre leur victoire plus célèbre ; la seconde, c’est que leur imagination estant toute confite en délices et dans la contemplation de leur jouissance, ils n’ont pas la parole libre, et suivant la promptitude de leurs désirs, ils s’expliquent par monosyllabes ; d’où vient que ce qu’ils appelleroient en un temps : Paradis d’amour, le centre des délices ou des désirs amoureux, le trou mignon, ils l’appellent simplement un con, et ce mot de con, outre qu’il est bref et qu’il nous donne à leurs yeux de la confusion et de la honte (ce qu’ils sont bien ayses de veoir), c’est qu’il renferme en soy la représentation des plus douces conceptions d’amour. Il en est ainsi de l’engin de l’homme, qu’ils appellent simplement un vit, car autrement il faudroit dire : ce qui n’a point de nom, un membre viril, le membre génital, et autres telles explications sottes et longues, que la fureur d’amour ne donne point le temps de prononcer. Tellement qu’au lieu de proférer avec trop de langueur : Allons, ma chère amie, prenez-moy le membre génital ou nerf qui me pend au bas du ventre et l’adressez au centre des délices de l’amour ! c’est plustost dit, dans l’ardeur de la passion : Sus, m’amour, mets-moy le vit au con ! ou bien : Fais que je te foute, que je te chevauche ! L’amour excuse tout, et il n’y a point de paroles sales à dire entre deux amants qui se baisent estant à chevaucher l’un sur l’autre ; au contraire, toutes celles là, ce sont des douceurs.

Fanchon. Du moins, quand il ne seroit pas vray, ma cousine, vous le persuaderiez bien, à vous ouyr, et vous en feriez bien venir l’eau à la bouche, tant vous en sçavez discourir habilement et avec mignardise. Mais quoy enfin, après tout ce que vous m’avez dit, voudrez vous inférer que Robinet ne m’aymeroit que pour le corps ?

Susanne. Je ne dis pas cela absolument (55) : il y a de la modération partout ; l’esprit sait bien aussi aymer quelquefois autant que le corps, de mesme que le corps l’esprit, et je t’apprendray ce que mon amy m’a confessé là dessus. Comme il croit que j’ay de l’esprit, et du plus fin, il m’a dit que quelquefois, quand il m’avoit entendu discourir sur des matières relevées et honestes, lorsqu’il me pouvoit tirer à l’escart, il estoit si animé à me chevaucher sur le champ, qu’il ne pouvoit plus commander à son vit roide, et ce pour la beauté de mon âme ; qu’il luy sembloit qu’il me chevauchoit l’esprit en me chatouillant le corps, tant il prenoit plaisir à chercher ceste âme par le dedans.

(56) Fanchon. Je suis contente de cela, ma cousine, et me voylà suffisamment instruite ès amours et coustumes des hommes ; mais à l’esgard des filles, sur qui l’amour n’a pas moins de pouvoir, d’où vient qu’il y en a qui sont si scrupuleuses de les baiser, quand mesme on n’en sçauroit rien, et que le bon Dieu, comme vous dites, n’y seroit point offencé ?

Susanne. Ho ! ho ! c’est qu’elles ont peur d’engrosser.

Fanchon. Et comment, ma cousine, c’est donc cela qui engrosse ? et si j’avois à le devenir par tant de foutre que Robinet m’a mis dedans le con ?

Susanne. Va, va, n’aye pas peur ; j’aurois trop de pitié de toy, si cela t’arrivoit, et j’ay des remèdes en ce cas qui ne te manqueront pas au besoin.

Fanchon. Il faut donc que vous m’en donniez, s’il vous plaist, ma cousine.

Susanne. Ouy, ouy, je t’en donneray quand il faudra, et de plus, pour t’oster toute crainte, il y a une chose à considérer encore : c’est que ce malheur n’est pas si extraordinaire qu’on le doibve tant apprehender. Et combien qu’il y ayt des filles grosses dont on ne s’aperçoit point, au moyen de certains busques et habillements faits exprès, dont elles se servent, lesquelles cependant ne laissent pas de se donner bien du bon temps autant qu’elles peuvent avec ceux qui les ont engrossées. Aussi, voylà bien de quoy ! pour neuf mois que l’on passe en délices et plaisirs, on n’engrosse qu’une seule fois, et penses-tu, dame, tous les coups ne portent pas. Non, on est quelquefois bien un an, voire deux, quatre, six et le plus souvent jamais sans s’engrosser, et c’est le plus grand hazard du monde quand cela arrive ou que l’on n’a pas de moyens pour s’en empescher. Au pis aller, on a tousjours sept ou huit mois pour se préparer, et dans ceste intervalle on feint des maladies, des promenades, des pèlerinages, et quand le temps est venu on se descouvre à une sage-femme qui est obligée, sur sa conscience, de tenir le fait caché secret. Un amy vous conseille et assiste au besoing, on fait des voyages d’un mois ou de six sepmaines, et quand mesme on serait espiée, il ne faut qu’un jour ou deux pour se descharger. Après, vous voylà aussi gaye que Perrot : on enlève l’enfant, que l’on donne à une nourrice, et tout cela aux despens de qui l’a fait. Va, va, tu ne connois pas toutes celles qui ont passé par là, et à qui il ne paroît point.

Fanchon. Ma cousine, je m’en doubte et ne craindray plus tant ce malheur, ce me semble, car je me représente encore que c’est une satisfaction bien grande d’avoir mis au monde une créature raisonnable, qu’on a faite avec une personne qu’on ayme.

Susanne. Il est vray cela.

(57) Fanchon. Mais après tout, ces filles qui sont si timides et qui ont si peur d’engrosser, comment peuvent-elles donc faire pour se passer d’hommes, quand l’envie leur en prend et les surmonte si fort que le con estant tout en chaleur il n’y a aucune allegeance de quelle façon vous le frottiez ?

Susanne. Je te diray, cousine, il y en a qui n’ont jamais esté touchées d’aucun et qui ne laissent pas pourtant de se bien donner de bon temps à s’exciter à la volupté, sans crainte de cela.

Fanchon. Comment peuvent-elles donc faire ?

Susanne. J’ai leu dans un livre d’histoire d’une fille de roy, qui se servoit d’une plaisante invention, au défaut de véritable masle. Elle avoit une statue d’homme de bronze, peinte, en couleur de chair et fournie d’un puissant engin d’une matière moins dure que le reste. Cest engin estoit droit et creux, il avoit la teste rouge et un petit trou par le bout, avec deux pendants en forme de coüillons, le tout imité au naturel. Et quand la fille avoit l’imagination eschauffée de la présence de ce corps, elle s’approchoit de cest engin qu’elle se fourroit dedans le con, elle empoignoit les fesses de ceste statue et les trémoussoit vers elle ; et quand ce venoit à descharger, elle tournoit un certain ressort qui luy sortoit derrière les fesses, et la statue jettoit incontinent par l’engin une certaine liqueur chaude et espaisse, blanche comme bouillie, dans le con de la fille, dont elle estoit arrosée et satisfaite pour le coup.

Fanchon. De quelle invention l’amour n’est-il point capable, et qui se seroit jamais allé imaginer cela de la sorte ?

(58) Susanne. Il est pourtant vray cela, et il n’en faut non plus doubter que de ces hommes qui ont des statues de belles femmes dans leurs cabinets, qui leur servent à mesme dessein, et les foutent, quand ils ont le vit roide, par la fente qu’elles ont au bas du ventre, et qui est profonde à proportion.

Fanchon. Il est aussi croyable que l’autre, mais achevez.

(59) Susanne. Les filles qui n’ont point le moyen d’avoir des statues se contentent de gaudemichis ou de simples engins de velours ou de verre, formés à la ressemblance d’un membre viril naturel, lequel elles emplissent de laict chaud et s’en chatouillent comme d’un véritable vit. Les autres se servent avec des cervelas, de grosses chandelles de quatre à la livre, ou, faute de cela, mettent le doigt au con tant avant qu’elles peuvent et se font ainsi descharger. Et tant de pauvres filles recluses malgré elles, et toutes les religieuses qui ne voient le monde que par un trou, sont bien contraintes d’en user ainsi, et ne peuvent chasser les tentations autrement, car le foutre estant naturel comme le manger et le boire, quand elles ont passé quinze ans elles ne sont plus dans l’innocence, et faut bien qu’elles appaisent leur chaleur naturelle vitale.

Fanchon. Aux autres, ma cousine, cela va sans dire.

(60) Susanne. Celles qui ont des amis et qui craignent de s’engrosser se contentent de les baiser et toucher, et elles souffrent aussi d’estre baisées et touchées et mesme que leurs amys leur manient les fesses, les cuisses, le con, les tetons, la mothe, qu’ils mettent l’engin auprès le leur, qu’ils les visitent par tout amoureusement, et qu’ils leur deschargent entre les cuisses, entre les fesses, entre les tetons ou dans la main. Pour porter dans le con, et s’engraisser de ce foutre tout le bas du ventre, point de nouvelle ; ils les grattent seulement avec les doigts entre les babines du con, en les escarquillant et entr’ouvrant, tandis qu’elles les baisent et badinent de mesme avec leur vit roide entre les mains.

Fanchon. Après ?

Susanne. Il y en a de plus hardies qui se laissent enconner et frétiller, mais d’abord qu’ils veulent descharger, elles sont faites à cela et le connoissent, et leur donnent un coup de cul et les jettent dehors. Ainsi elles vont croissant ou diminuant leurs libertez, à mesure qu’elles sont plus ou moins esprises des délices de l’amour, mettant un petit linge à la teste du vit et le laissant descharger sans déconner, parce que le linge reçoit la liqueur d’amour ; et les dernières, qui sont plus hardies que toutes, ne craignent point de se laisser descharger sans mettre le linge, mais (61) elles prennent garde, en s’accordant, que ce soit quelque temps seulement l’un après l’autre. Car c’est vérité connue et expérimentée de tous les médecins, qu’il faut que les deux descharges se passent ensemble pour engendrer et engrosser ; aussi, c’est pour cela que le plaisir en est plus grand et que la fille en ressent deux à la fois qui luy viennent, qui sont la liqueur de l’homme, d’une part, et la sienne qu’elle répand avec luy, de l’autre. D’où vient qu’il y en a beaucoup parmy elles qui se mocquent de toutes ces précautions, et qui ayment mieux recevoir un plaisir certain et infaillible et que l’on réitère souvent, que de s’en priver continuellement par la crainte d’une incertaine grossesse. Je dirois encore mille choses qui font que ceste grossesse n’est rien, mais croy moy seulement que celles qui ont bien envie de se divertir y donnent toujours bon ordre, soit que cela arrive ou par empeschement qu’elles y donnent (comme aussi l’on voit qu’il arrive rarement, et que de cent filles qui chevauchent en secret, il n’y en a pas deux qui engrossent), ou que si elles ne peuvent l’éviter, qui font du moins qu’on n’en parle jamais, après ou devant le coït. Mais fais en sorte que ceste crainte ne te vienne pas troubler en tes plaisirs ; au contraire, recherche avec soin le moyen de les augmenter, car tu ne sçaurois croire enfin, quand tu l’auras mieux esprouvé, combien il est doux et charmant et qui passe tous les contentemens du monde de s’abandonner entièrement à une personne qu’on ayme, pour en faire à sa volonté.

Fanchon. Certes, ma cousine, vous auriez besoin de reprendre haleine après avoir parlé si longtemps, mais puisque vous vous en acquittez si bien, nous n’en demeurerons pas là, car j’ai encore trois ou quatre petites questions à vous faire, et je ne vous laisse aller sans que vous ne m’y ayiez répondu.

Susanne. Tu me tiens à ceste heure, et il n’est possible que je te refuse.

Fanchon. Ma cousine, je vous diray donc (62) que je crains d’estre devenue grosse, et si vous demandez pourquoy, c’est que toutes les fois que nous avons chevauché, Robinet et moy, il a voulu que nous ayons deschargé ensemble, pour y avoir plus de plaisir, car le combat de semence contre semence est entièrement voluptueux, et je vous demande si vous ne sçavez point quelque autre signe que celuy là pour me faire croire que je ne le sois point ?

Susanne. O qu’ouy, vrayement. Ce n’est pas tout que descharger ensemble, il faut de plus que la femme, dans le point de la descharge, si elle veut que le coup porte, tienne les fesses serrées l’une contre l’autre et ne se remue en façon quelconque que tout ne soit fait et achevé. Or, regarde si tu en as usé de la sorte.

Fanchon. Pour bien serrer les fesses, je les ay tousjours serrées, et je pourrois bien estre grosse de ce coup là, mais pour avoir demeuré immobile comme une souche, au milieu d’un si grand plaisir, nullement, et c’est ce qui m’est impossible ; ainsi j’ay tousjours remué avec le plus grand appétit du monde.

Susanne. Eh bien, cela seul est capable de l’avoir empesché, parce qu’en se remuant ainsi cela fait aller le foutre de l’homme çà et là, et il ne tombe pas justement au lieu où il devroit dans celuy de la femme, ce qui fait (63) qu’on engrosse. Mais pour serrer les fesses tu ne t’en doibs pas estonner parce qu’on ne s’en peut point empescher, ce qui est de l’essence du plaisir d’amour de les faire serrer ainsi ; car en avançant le cul en avant, elles viennent à se presser l’une contre l’autre de nécessité et à se faire petites, de la force qu’elles ont à se joindre, et à mesure qu’elles se serrent ainsi par derrière, la nature, qui ne fait rien en vain, fait battailler davantage par devant l’entrée de la matrice, en approchant contre l’homme, à cause de la commodité qu’elle y trouve, et les lèvres du con, pour engloutir mieux le membre viril et se conjoindre ainsi d’autant plus à l’objet aymé ; d’où vient que chacune des parties qui souhaite passionnément cette union, dit tousjours, dans l’action : serre, serre, serre ! qui veut dire : serre par derrière et ouvre par devant, et cela ne manque pas d’arriver ensuite, ainsi que je l’ay dit.

Fanchon. Tousjours en raisonnant avecque vous vous m’apprenez quelque chose, ma cousine et me voylà toute consolée à présent touchant les difficultés de la grossesse, que je n’apprehende plus, tant à cause de ces raisons là (64) que vous m’avez dites qui la peuvent empescher, que pour les remèdes que vous avez contés. Mais ne me sçauriez-vous dire d’où vient que les hommes sont plus ayses que nous leur touchions le vit avec la main que toute autre partie du corps ? et mesme quand ils ont tout mis dans la nostre, ils se délectent encore, en faisant, à nous sentir la main qui leur patine par derrière les ballottes.

Susanne. Cela n’est pas bien mal aysé à décider : c’est qu’un des plus grands plaisirs qu’ils reçoivent est de cognoistre qu’ils nous en font, comme j’ay desjà dit, et c’est en cela que consiste la plus grande bonté de l’amour, qu’il veut partager esgalement tous les biens, en sorte que l’un n’en ayt pas plus que l’autre. Or, quel meilleur moyen avons nous de leur faire cognoistre qu’ils nous en font, si ce n’est en désignant avec la main l’instrument dont ils se servent pour nous en donner à gogo ? Cela leur faict penser, quand nous leur touchons, que nous ne nous rebutons pas, et que nous voulons comme dire en nous-mesmes, tandis qu’ils nous regardent faire : Je prends plaisir à toucher cela avec la main, parce que c’est tout mon bien et mon bon-heur, parce que je l’ayme ainsi faict comme il est et que c’est par luy que je doibs recevoir mon plus grand plaisir. Cela les oblige bien sensiblement de leur costé, et l’attouchement de la main est bien plus exquis et qui faict mieux examiner à la femme qui taste ce que c’est de cest engin, par le soin qu’elle y apporte, que si elle se servoit de celuy de quelque autre membre. Cest attouchement aussi a bien plus de suc et de mouelle pour eux et les pénètre jusqu’au fond, et le simple maniement volontaire d’une main blanche et délicate qui se promène autour de leur baston pastoral est suffisant pour leur expliquer tous les mouvements du cœur de leur dame. La main qui s’applique doucement sur quelque chose est comme le symbole de l’amitié qu’elle lui porte, comme aussi quand elle s’applique trop rudement elle est un tesmoignage de haine. Nous touchons ordinairement les choses que nous aymons avec la main : deux amis se touchent dans la main pour dire qu’ils s’ayment, mais d’un amour purement spirituel et qui ne leur permet pas de toucher autre chose ; mais celuy de l’homme et de la femme estant naturel et plus accomply, en ce que le corps et l’esprit y ont part, ils se touchent aussi l’engin dans la main l’un de l’autre, pour se dire qu’ils s’ayment, et une femme qui faict et souffre cela réciproquement à un homme, luy tesmoigne bien plus sensiblement qu’elle l’ayme que si elle ne le faisoit qu’à la main, car nous n’avons rien de plus cher que les coüillons, et je dis, bien plus, que si elle se laissoit baiser, embrasser, chevaucher, foutre, enconner, en un mot, descharger le vit en son con, et qu’elle refusast néanmoins de luy toucher le vit, elle ne luy tesmoigneroit point si véritablement qu’elle l’ayme que si elle venoit à luy mettre simplement la main dessus, par affection, et qu’elle refusast par crainte de se laisser faire le reste. Aussi est cela le comble du plaisir amoureux, quand la femme ne peut plus rien toucher à l’engin de l’homme qu’elle a tout dans le sien, elle tasche au moins de luy toucher sur le bord ce qui luy en reste dehors dans l’union des deux membres, et faict caresse à ses ballottes (65) qui sont les ministres du plaisir. Il n’y a point de plus grandes privautez que celles qui se font de la main, et la nature qui a prévu à cela que l’homme peut recevoir deux plaisirs à la fois, qui sont celuy du con et de la main, elle luy a laissé une assez grande partie et espace du vit derrière les coüillons, qui ne peut entrer et qui va rendre jusqu’auprès du cul, afin que la femme peust luy toucher, mettre la main dessus, gravonner pendant le temps de la conjonction. Cela monstre bien qu’il n’y a dans la composition de tous deux (66) rien qui ne soit à dessein et dont il n’y ayt des raisons, si on les vouloit esplucher, et partant c’est bien abuser des moyens que la nature nous a donnés pour nous contenter que de ne les pas employer tous selon l’usage pour lequel ils ont esté faicts. Je me suis un peu estendue sur ce discours, parce qu’il me touche à mon esgard et que c’est là aussi un des plus grands contentemens de mon amy, lorsque nous sommes nud à nud entre deux draps, lorsqu’il voit que j’ay (67) les mains bien blanches, que de les appliquer en ce lieu que l’on appelle improprement honteux, parce qu’il est la cachette du plus grand plaisir du monde et qu’il nous faict souvent rougir de honte, par trop d’ayse, quand nous y touchons. Comme aussi je reçois une double joye en mon cœur quand il ne dédaigne pas de me faire les mesmes caresses ; car je te prie, ma chère cousine, quel plus grand délice de voir un petit bout de chair flasque pendant au bas du ventre de son amy, que nous prenons avec nostre main et qui peu à peu se dresse, tant que tout à coup il devient si gros qu’à peine le pouvons-nous empoigner avec une main, et la peau en estant si délicate que l’attouchement de la main seul nous faict pasmer d’ayse, et lorsqu’il est ainsi bien roide, en le broyant bien doucement, vous le sentez enflammé de chaleur et d’une couleur cramoisine qui vous dilecte entièrement la veuë, tellement qu’à force de le frotter, vous faictes extasier vostre amy et voyez enfin que le vit vous crache contre les doigts une liqueur blanchastre, tout opposée en couleur à celle du vit lors qu’il est ainsi en fureur, qui estant passée faict que nous le laissons vistement tomber en mesme façon que nous l’avons pris, jusques à ce qu’un peu après nous recommencions.

(68) Fanchon. Ma cousine, cela va le mieux du monde, mais venons au reste : je vous prie, qui est-ce qui a le plus de plaisir, de l’homme ou de la femme, dans la conjonction naturelle ?

Susanne. Cela est bien mal aysé à résoudre, car si on regarde en l’escoulement de la semence, qui cause le plaisir, il n’y a point de doubte que la femme n’en ayt davantage que l’homme, parce qu’elle sent la sienne, comme j’ay dit, et celle de l’homme en mesme temps, s’entrerencontrant par un mouvement chaleureux et un peu contraire, et qui la chatouillent, au fond de la nature, toutes deux ensemble, là où l’homme ne reçoit point de plaisir de celle de la femme, qui ne coule pas en luy. Mais si on regarde qu’une partie du plaisir consiste dans la chaleur et dans le tremoussement que l’on a, et que celuy qui agit, s’il se plaist davantage dans son action que celuy qui ne bouge, à proportionnée raison ayme celuy sur lequel il s’agite, on ne pourra résoudre en ce cas lequel des deux est plus content et satisfaict.

(69) Fanchon. Et pourquoy est-ce, ma cousine, que le plaisir arrive de la sorte, et que tous deux, naturellement et sans sçavoir qu’il y en ayt, souhaictent tant de se joindre ?

Susanne. C’est qu’autrefois, remarque bien cecy, l’homme et la femme n’estoient qu’un, et ils estoient conjoints ensemble par ces deux membres qui estoient enclos l’un dans l’autre, en sorte que l’homme ne mouroit point et se reproduisoit continuellement en sa partie qui estoit sa femme et qu’il empeschoit de mourir. Et du depuis qu’ils ont esté séparés l’un de l’autre, la nature, qui se resouvient de sa désunion, veut tousjours retourner à soy-mesme, pour avoir l’ancienne conjonction, et s’efforce, quand elle trouve, de deux corps de n’en faire qu’un. D’où vient que, pour signe de réjouyssance, elle en pleure de joye, et il semble en mesme temps que les deux corps ne se doibvent jamais disjoindre, tant ils sont collez l’un à l’autre, et qu’ils ont bien repris racine ; et peu après, elle se retire de tristesse, voyant que cela n’arrive pas.

(70) Fanchon. Ma cousine, qu’est-ce donc que l’amour ?

Susanne. C’est le désir d’une moitié pour servir ou s’unir à son autre moitié.

Fanchon. Expliquez-moy cela plus clairement, s’il vous plaist.

(71) Susanne. C’est un appétit corporel ou un premier mouvement de la nature, qui monte avec le temps jusques au siége de la raison, avec laquelle il s’habitue et se perfectionne en idée spirituelle ; d’où vient que ceste raison examine avec plus de cognoissance les belles convenances qu’il y auroit que ceste moitié fust unie à son autre moitié. Et quand la nature est arrivée à sa fin, ceste idée ou vapeur spirituelle vient à se résoudre peu à peu en une pluye blanche comme laict, et s’escoule, le long de l’espine du dos, dans les conduits, et elle devient le plaisir de la chose dont elle n’estoit auparavant que l’idée.

Fanchon. Et pourquoy est-ce que ceste idée chatouille si fort en passant ?

(72) Susanne. C’est qu’elle se resjouit sur le point qu’elle est proche de se communiquer à la chose aymée.

(73) Fanchon. Cela est certes bien délicat et amoureux, et pourquoy donc ceux qui sont en cest estat ne peuvent-ils rire, veu qu’ils sont si ayses, sur tout dans le moment que le foutre s’escoule, et qu’il semble que toutes choses les y convient ?

Susanne. C’est qu’ils n’ont pas le plaisir dans la teste, et que toute leur joye est au cul ou bien entre con et coüillons.

Fanchon. Ha, ha, ha, ha !

Susanne. Mais il se peut imaginer encore autrement.

Fanchon. Comme quoy ?

Susanne. C’est que l’âme est tirée en bas par la force du plaisir et comme arrachée de son siége par la grande attention qu’elle porte à ceste union si désirée des deux corps, qui se faict en cest endroit ; d’où vient qu’elle ne songe plus à soy et laisse vuides et desgarnies de sa présence les fonctions de la raison. Or, là où elle ne raisonne plus, là aussi elle n’est plus libre, et par conséquent elle ne peut rire, car c’est une propriété de la raison et effect de la liberté. Pour preuve de cela, c’est que, au commencement que ceste idée passe, l’on esprouve une certaine langueur et assoupissement des sens par toute la teste, qui est une marque de la privation de l’âme qui n’y exerce plus son pouvoir, tellement qu’il en arrive comme à ceux que la rencontre d’un cas merveilleux tient suspendus entre l’admiration et la joye, et qui sont tellement saisis et resserrez par ceste dernière, qu’ils n’ont plus la liberté de s’estendre et ne peuvent se partager pour en rire.

(74) Fanchon. Ma cousine, cela est trop délicat pour moy du premier coup, et il mérite bien que nous y fassions reflexion une autre fois. Mais pourquoy est-ce que les hommes, quand ils ne nous peuvent mettre le vit dans le con, ils se plaisent au moins de le mettre entre nos cuisses, entre nos fesses, entre nos tetons, dans nostre main, et quelquefois nous en saluer le visage et autour du menton ? Car certainement il y a là une espèce d’amour aveugle, quoy qu’il n’y ayt point de vray sentiment, dont je ne sçaurois m’imaginer la cause.

Susanne. C’est bien dit, aveugle, et souviens-toy de ce que nous avons dit auparavant de l’idée, c’est que ces membres là de la femme sont aussi bien partie de l’homme que les autres ; car l’amour, qui est aveugle et qui ne sçait où se faict la conjonction, ne se soucie pas pourveu qu’il communique son plaisir en quelque endroit de la femme, ne demandant que la conjonction de deux parties. D’où vient que quand il sent cela il s’agite et remue contre elle, et trompe la raison, parce que l’idée le veut ainsi, à cause de quelque ressemblance que ceste dite conjonction a avec la véritable naturelle ; d’où vient qu’il est ravy quand il sent quelque chose en la personne aymée qui luy presse et qui luy frotte l’engin pour l’abuser d’autant plus, soit quand il le pousse de force entre ses genoux ou soit quand il luy faict serrer les deux mamelles à l’entour, tandis qu’il faict l’action de se remuer.

(75) Fanchon. Ma cousine, c’est assez, et nous n’avons rien dit du baiser de la langue, qui semble aussi estre une fantaisie.

Susanne. Le baiser de la langue, c’est une autre tromperie de l’amour qui cherche la conjonction en toute chose et en toute sorte de manières ; c’est une image et représentation du vit qui entre dans un con, pour s’unir à sa moitié, et la langue qui glisse en la mesme guise soubs une autre langue, estant pressée à l’entour par les deux lèvres ennemies, l’âme est trompée par la ressemblance de cest object. D’où vient qu’elle veut aussi quelquefois plus de résistance par l’opposition des dents, pour mieux imiter ceste douce force que le vit rencontre par en bas pour s’unir parfaictement au con. C’est pourquoy il semble alors que le cœur s’exhale par la bouche en souffrant les caresses qui luy sont faictes, et quand l’amant peut imaginer cela de soy, que son vit iroit de mesme dans le con de la personne qu’il baise, laquelle, de son costé, coupe aussi la mesme pensée, et qu’un plaisir est bien plus délicieux que l’autre, il s’exprime par là aussitost un doux air qui est comme un tesmoignage de ce que les deux moitiés qui cognoissent le symbole de ceste union de langues souhaicteroient davantage, d’où vient qu’elles se picottent çà et là et pressent de ces mesmes langues et imitent les plus vaines et naïfves gesticulations du membre viril, et l’imagination se resjouit presque autant de ceste vaine figure que si le plaisir véritable y estoit conjoint.

(76) Fanchon. Ma cousine, je descharge, n’en parlons plus. Et pourquoy, en dernier lieu, est-il plus plaisant quand la femme est montée dessus l’homme et qu’elle le chevauche, que quand elle est dessoubs et l’homme estendu sur tout son corps, ayant tout à point son vit rougeastre et prest à bander dans son con ?

Susanne. Je t’ay desjà dit cela d’une façon, et le voylà d’une autre : c’est une autre correspondance de l’amour, laquelle ne vient pas de ceste considération d’une moitié, comme il arrive dans la distinction que nous avons faicte de l’homme en deux parties séparées, mais plustost c’est que l’homme et la femme estant considérés comme deux touts parfaicts, ils désirent, par la grande affection qu’ils se portent, de se transformer l’un dans l’autre.

Fanchon. Mais il ne faict rien pour cela que la femme doibve tenir le dessus plustost que le dessoubs.

Susanne. Si fait bien ! il y faict, et elle le doibt ; en voicy la raison : c’est une propriété donc, de l’amour reconnue, que l’amant souhaicte que l’amour luy transforme en la chose aymée.

Fanchon. Eh bien, je l’avoue.

Susanne. Or, en ceste posture où la femme est dessus et l’homme dessoubs, il y a une ressemblance de ceste métamorphose, par la mutation des devoirs qui est réciproque ; au moyen de quoy l’homme se revest entièrement des passions de la femme, et ceste posture luy figure qu’il a changé de sexe, et la femme réciproquement s’imagine d’estre devenue homme parfaict dans la situation qu’elle luy faict garder, se sentant esprise du désir d’en faire les mesmes fonctions ; tellement que l’un ne peut pas s’imaginer estre changé en l’autre, qu’il ne s’imagine aussi que l’autre soit changé en luy. Il faut adjouster à cela que si vous les voyiez de loin accouplés comme ils sont, vous les prendriez l’un pour l’autre ; voylà une raison qui me semble assez pertinente.

Fanchon. Et qui a bien du rapport à nostre première façon de concevoir et qui la fortifie beaucoup dans mon esprit.

Susanne. Quelle ?

(77) Fanchon. Qu’une moitié désire de s’unir à son autre moitié.

Susanne. C’est un tesmoignage de bonté du principe quand les effects et les raisons de la cause qu’on en tire sont bien deduits.

Fanchon. Je suis donc d’advis que nous nous tenions à celui là, ma cousine, sans en chercher d’autre, car aussi bien nous n’en trouverons pas de meilleur.

Susanne. C’est ce qui me semble, mais cependant remarque donc bien ce que nous avons dit ce jourd’huy, pour t’en resouvenir, car après cela je ne pense pas qu’on puisse faire d’autres recherches sur l’amour que celles que nous avons expliquées.

Fanchon. Faites-moy une petite récapitulation, je vous en prie.

(78) Susanne. Nous avons premièrement parlé des effects, qui sont les paroles, les attouchemens, les baisers, les œuvres, les conjonctions ; nous avons expliqué pourquoy ils se practiquent ainsi, qui est ce que beaucoup d’autres ne se souviendroient pas de faire, et néanmoins qui donne un grand prix à la besoigne quand on le sçait ; nous avons dit les humeurs différentes des hommes et des femmes, leurs compositions et appétits divers ; nous avons descouvert ce que c’estoit que l’amour, sa nature, ses propriétés, ses effects et ses usages, pourquoy, comment et en quel endroit il agissoit, et les raisons de tout cela. Et si nous avons oublié quelques choses, elles sont de peu de conséquence, touchant mille petites particularitez que l’on a accoustumé de practiquer et qui diversifient la fonction du plaisir d’amour pour quelque ragoust que l’on y trouve ; ce sont de petites superficies en luy, qui ne valent pas la peine d’estre touchées, et qui ne prennent leur considération seulement que selon le plus ou le moins de conformité qu’elles ont à signifier qu’une moitié veut s’unir à son autre moitié. Comme il y a premièrement les postures, qui sont les embrassemens de plusieurs sortes, il y a les fretillemens, les secousses, les agreements ou gesticulations, les gémissemens, souspirs, esvanouissemens, pasmoisons et coups de main, et toutes les autres caresses que nous avons dites plus amplement à la fin de nostre première conférence, tellement qu’il faut finir celle-cy, et remettre, s’il y a encore quelque chose à dire, à une autre fois.

Fanchon. Ma cousine, touchez là, vous me le promettez donc.

Susanne. Ouy, ouy, je te le promets ; il ne faut point tant de cérémonies.

(79) Fanchon. Cela estant, me voylà en repos et je n’ay plus qu’à vous remercier des bontez que vous m’avez tesmoignées jusques à ceste heure, dont je vous seray éternellement redevable.

Susanne. Comme tu complimentes ! O la belle chose ! et de quoy me remercieras-tu ?

Fanchon. De la patience que vous avez eue à m’instruire tout aujourd’huy, à former mon esprit grossier, qui estoit sans la practique des choses et sans en concevoir les raisons les plus excellentes. Le dernier fruict de vostre discours, c’est que l’amour est une source inespuisable de pensées, et que l’on ne sçauroit dire de luy tant de choses bonnes et de raisons qu’il y en a là où vous avez eu la bonté et l’adresse de me conduire peu à peu, des plus communes et des plus basses jusques aux plus relevées.

Susanne. Or sus, trefve de compliments, et disons encore cecy : l’amour a cela d’accommodant qu’il satisfaict entièrement tout le monde selon sa portée : les ignorans par une pleine jouyssance des plaisirs qu’ils y trouvent sans sçavoir d’où ils viennent, les habiles gens par les douces imaginations que l’esprit y conçoit en les recevant. Par exemple, dans ceste posture que l’homme faict tenir à la femme quand elle monte dessus, combien de douces considérations peuvent satisfaire l’esprit, causées par le seul eschange mutuel des devoirs et des volontez qui se practique entre eux ; car de chevaucher simplement une femme qui se laisse faire et que la honte ou la froideur empeschent de passer outre dans la recherche du plaisir, c’est une satisfaction commune, et il n’y a que le plaisir de descharger dans son con qui chatouille les sens de l’un et de l’autre pour un peu de temps. Mais quand, au lieu de veoir que l’homme se tourmente pour venir au point désiré, c’est au contraire la femme qui prend ceste peine de chevaucher et qui prend la peine d’elle mesme de s’engaigner autour de sa forte et dure lance, en faisant pour cela, à ses yeux, les actions requises et nécessaires, ô ! dame, c’est un bonheur qui n’a point d’esgal et qui les doibt ravir en des contentemens extrêmes. (80) Car il voit sur luy le ventre, le nombril, les cuisses, la mothe, le con et généralement tout le corps de sa mieux aymée, qui donne de vifs esguillons à sa flamme ; il voit et sent l’agitation naturelle qu’elle faict sur luy en luy pressurant amoureusement la plus pretieuse partie de luy mesme ; il l’admire en face, qui faict toutes ces choses ; il semble qu’il doubte, il taste encore pour s’asseurer de son bonheur, il s’escrie de plaisir chaque coup qu’elle donne, il se transit d’ayse en sentant ses attouchemens, et estime plus son bon vouloir que le reste, asseuré qu’il est d’en estre aymé. Et quand l’amour après vient à payer le tribut deu à leurs contentemens, il voit fondre son plaisir dans ses yeux, et comparant les clairs rayons qui viennent de ces mêmes yeux, vrais miroirs de l’âme, avec les postures et grimaces naturelles qu’elle faict de son corps, de ses reins, de sa teste, de ses cuisses et de la partie la plus secrète où il a le contentement de loger son membre tout entier, croit que ses autres membres, bien qu’ils ne voyent goutte, ne laissent pas de sentir leur part du plaisir. La femme aussi, qui est dessus, considère de son costé et faict des reflexions particulières sur chasque posture, en suite à les conter toutes une par une, qui a son nom propre aussi bien que ses ragousts différents, sur lesquels on recommenceroit d’icy à dix ans.

(81) Fanchon. Ma cousine, ce ne seroit jamais faict qui voudroit icy rapporter les imaginations de tout le monde, car, pour moy, j’en puis bien concevoir des autres que celles là, et qui ne me semblent pas moins douces ny moins remplies de volupté et délectation ; mais dites-moy seulement une chose, tandis que vous mettez votre coeffe pour vous en aller.

Susanne. Quoy ?

(82) Fanchon. Quelles sont les qualitez plus requises à deux amans qui baisent, pour se rendre tout à fait heureux dans la possession qu’ils ont l’un de l’autre ?

Susanne. Ha ! ma foy, cela ne se dit pas en si peu de temps qu’en mettant ma coeffe, car il nous faudroit discourir premièrement de la beauté qu’ils doibvent avoir l’un et l’autre, et puis en venir à d’autres particularitez qui seroient trop longues à deduire maintenant.

Fanchon. Et qu’importe, ma cousine, plus vous y serez et plus le plaisir sera grand. Vous voylà bien malade ! pour un quart d’heure que vous y serez. Soyez en plustost deux et accordez cela à ma prière ; car qu’est-ce qui vous presse si fort ? il n’est point encore si tard. Si c’est que tousjours mesme discours vous déplaise, vous avez beau faire, car c’est un effect de ma destinée aujourd’huy que je ne sçaurois entendre parler sinon d’amour.

Susanne. Tu auras encore cela de moy, veu que tu le veux, mais après cela n’attends pas de me retenir davantage, m’estant tout espuisée de ce que je sçavois. C’est pourquoy, aussitost la demy heure passée, à la première question que tu me feras, certes, je couperay court et m’en iray.

(83) Fanchon. Ma cousine, je le veux ; c’est pourquoy remettons-nous dans le discours d’amour, et premièrement, par où commenceray-je ? je ne sçay. D’où vient que quand je suis esloignée quelque temps de mon amy, et que je me représente à tout temps la jouyssance que j’aurois de luy, j’ay une telle imagination et amour pour son vit et ses coüillons que, sans songer à ses autres perfections, je me le figure tousjours tel que s’il me le fourroit dedans le con avec force et qu’il eust de la peine à entrer, tellement que mon engin se quarquillant et se desgluant, le dedans de ma nature me démangeast furieusement, et qu’enfin entré, je le sentisse tout au fond proche la matrice, et là opérant par de petits coups lors que la teste du vit rentre dans la peau et qu’elle ressort avec rage, tellement que je n’en puis plus ? Une telle pensée me met en un tel goust de la fouterie que je ne suis jamais sans y songer, ou à moins que je tienne son vit dans ma main, à belle poignée, qui se bande tant qu’il peut.

Susanne. Cela est commun à tous ceux là qui ayment, et c’est un effect de ton désir qui te met aussi vivement les choses devant les yeux que si elles estoient en effect présentes ; et par la représentation plustost que tu fais de ce vit que de toute autre chose, cela faict veoir que toute l’idée de la beauté que l’on renferme dedans l’object aymé et qui consiste dans une belle façon de visage et agreement des autres membres, lesquels sont incomparablement plus beaux que les deux natures générantes de l’homme et de la femme, néanmoins est effacée et comme soubmise à ceste autre idée qui faict imaginer le plaisir qu’on a quand un membre s’introduit dans un autre, tellement qu’elle est seulement une circonstance qui n’est au plaisir que la dernière et qui ne sert de rien. Par exemple, d’avoir un bel œil, une belle cuisse, une belle main, qui pour rendre plus grand le plaisir que l’on a de mettre le vit dans le con : sçavoir l’œil pour regarder l’action honteuse avec une chaleur vive, et représenter à la personne aymée l’image du plaisir de son âme lorsque le grand et indicible chatouillement arrive ; la belle cuisse sert d’admiration à nos sens, dans la contemplation d’une structure si polie et qui excite merveilleusement nos appétits sensuels ; enfin ceste main blanche, pourprine et délicate, est la cause que le vit s’enfle d’une telle vistesse que nous jugerions, avant que le foutre en soit dehors, qu’il deust crever : si bien que la beauté de ces parties et des autres cause un changement tout extraordinaire et incroyable.

(84) Fanchon. Ma cousine, je conçois ce que vous dites, et puisque nous sommes sur le chapitre de la beauté, je voudrois que vous m’en fissiez une description telle que vous la demanderiez si vous vouliez représenter une jouyssance parfaicte et qui fust accompagnée de tous les plaisirs qui peuvent provenir de ceste beauté.

(85) Susanne. Volontiers. La beauté consiste en deux choses : dans les traicts et perfections du corps, et dans les actions qui partent de luy.

Fanchon. J’ayme ces divisions qui sont nettes.

Susanne. Tellement qu’il y a des personnes qui ont la beauté du corps et qui n’ont pas celle des actions, et d’autres qui ont ce certain je ne sçay quoy qui plaist en tout ce qu’elles font, et cependant qu’on ne peut point proprement appeler belles.

Fanchon. Cela seroit trop long à disputer, si on y vouloit aller. Par exemple, Paris est tout plein de personnes qui ont une partie de la beauté et non pas l’autre, d’autres qui ont toutes les deux, et c’est de celles là que je demande que vous me fassiez une description qui soit le plus à vostre gré.

(86) Susanne. Je commenceray par la beauté du corps et des actions, et premièrement de celle de la femme.

Fanchon. Bon, après nous viendrons à celle de l’homme.

Susanne. Il y a encore des beautez qui sont plus propres à l’amour les unes que les autres, et c’est d’une de celles là que je vais faire la description.

Fanchon. Voyons.

Susanne. Je demande une fille à l’âge de dix et huict ans, médiocrement grasse, et qui ayt la taille droicte et haute, non pas trop, l’air du visage noble et majestueux ; qu’elle ayt la teste bien plantée, les yeux doux et riants, de couleur noire, la bouche médiocrement grande, les dents blanches et bien rangées, le front plus petit que grand, mais doucement courbé dans ce qu’il monstre, les jouës pleines, les cheveux noirs, le tour du visage rond. Je veux à ceste heure qu’elle ayt le tour des espaules un peu large et fourny, la gorge pleine et unie, les tetons durs et séparés, qui se soustiennent d’eux-mesmes, les bras gros et postelés, la peau non pas trop blanche ny trop brune mais d’une teinture esgale entre les deux et qui avec l’embonpoint de la chair qui la faict pousser ne laisse paroistre aucune rudesse ny tacheture dessus, et je veux qu’à son bras soit joincte une main d’yvoire, qui estant fournie avec proportion à l’endroit du poignet, vienne en diminuant insensiblement jusqu’à l’extrémité des doigts. Quant aux mœurs, je veux qu’elle soit proprement vestue, qu’elle soit modeste, gaye dans ses actions, qu’elle parle peu et finement, et qu’avec tout cela elle paroisse estre spirituelle, ne disant pas tout ce qu’elle sçait, mais laissant deviner à ceux qui l’escoutent qu’elle entendroit mieux les matières seul à seul qu’elle n’en faict le semblant devant le monde ; si bien que tous ses discours, soit à dessein ou autrement, ne tendent qu’à donner de l’amour et persuader en mesme temps qu’elle en peut prendre, se réservant pourtant tousjours devers soy un prétexte d’honnesteté qui ne donnera aucune prise à ses ennemis et qui la mettra à couvert toutes les fois qu’ils luy en voudront faire le reproche, promettant affirmativement qu’elle ne sçait ce que c’est dont on luy parle et qu’elle n’y entend point de finesse. Je veux aussi qu’elle soit sobre à table et aux festins où elle se trouvera, boive peu et mange médiocrement, parce que c’est là encore qu’on reconnoît mieux l’humeur d’une fille, selon qu’elle est plus ou moins portée aux autres plaisirs, et que les discours et les actions y sont ordinairement plus libres. C’est pourquoy elle prendra garde de ne point faire d’excès, et si elle est excitée à commettre quelques libertés pour donner carrière à son esprit, il faut qu’elle y soit emportée par l’exemple ou le consentement de toute la compagnie qui n’y trouvera rien à redire ; autrement elle s’en doibt empescher. De plus, elle doibt sçavoir danser, chanter, aymer la lecture des livres d’amour, soubs prétexte de s’instruire à parler proprement sa langue naturelle, et n’y point faire de faute ; avoir son esprit souple aux belles passions d’amour qui y sont représentées, en sorte qu’elle se laisse captiver comme pour soy-mesme aux incidens du roman et aux récits qui sont les plus capables d’insinuer l’amour dans les cœurs.

Fanchon. Cela est bien galand, ma cousine.

Susanne. Avec toutes ces dispositions tant intérieures qu’extérieures, car je n’ay pas encore descrit toutes les perfections du corps, je veux, quand elle sera déshabillée, que l’on voye reluire toutes les beautez que la robe cache, comme un soleil qui sort d’une nue, et qu’elle frappe la veuë et les sens de celuy qui la regarde, comme un beau lieu de délices qui se descouvre tout à plain à celuy qui le cherche avec impatience et qui le trouve infiniment plus beau qu’il ne se l’estoit imaginé. Je veux, parmy toutes ces grâces qui l’accompagnent, qu’on voye pousser son ventre plein et arrondy, comme l’escueil délicieux où se brisent tous les désirs amoureux ; son estomach sera douillet et charnu ; elle aura les pieds petits et bien mignons et bien tournés en dehors, pour dénoter qu’elle les a bien placés ; la jambe grassette par le milieu, les genoux courts et menus, la cuisse grosse, en remontant, et bien garnie, où troussent deux fesses dures et rebondies et séparées comme à des statues de marbre ; le croupion court, les hanches larges médiocrement, le corps menu par la ceinture, les reins forts et souples, pour le mouvement du con, et plus que tout cela, une mothe grassette et bien ferme, cotonnée d’un poil brun qui serve de haye et rempart à la fossette, laquelle sera fendue jusques à six doigts au dessoubs du nombril. Je veux qu’elle ayt tant de beautez espanchées sur le corps, et je veux que la peau en soit tellement bandée, unie et lissée soubs la main de celuy qui la taste, qu’elle ne se puisse tenir dessus non plus que le pied sur la glace, et que la faisant glisser tout autour du corps et par entre ses pilliers de marbre, où l’on ne verra partout pousser aucun poil, elle coule en un instant d’un lieu en un autre ; les deux babines un peu retroussées et colorées d’un rouge attraiant qui passe un peu au dehors entre les cuisses, que le dedans soit bien replié de peau douillette qui soit encontinuée jusques à l’orifice du ventre, qui soit bien percé pour éjaculer la semence en temps et proportion, afin que, quand le vit aura forcé la première barrière, ayant reouvert l’entrée du con, venant un peu plus avant, il repousse toutes ces petites tayes et pousse jusqu’au milieu, où faisant derechef force, tout se puisse exécuter d’un costé et d’autre et donner place à ce vaillant capitaine qui a si valeureusement advancé jusques au logement du milieu, où y trouvant la place vide, il brusque la fortune si avant qu’il vienne jusques à l’entrée de la matrice où se fera le combat naturel qui causera tant de plaisir à ma belle depucellée ; bref, je veux qu’elle ayt tant de beautez que le galant soit (87) desjà perdu d’ayse et de transport avant que d’estre arrivé jusques au noir.

Fanchon. C’est donc encore ainsi que vous appelez le con ?

Susanne. Ouy, en paroles de philosophie et couvertes, en prenant la qualité pour la chose ou le corps.

Fanchon. Certainement il pasmeroit de douceur, comme vous dites. S’il arrivoit qu’il pourroit une fois mettre la main dessus, il n’auroit point la force d’y mettre autre chose. Quel crève-cœur ce seroit, s’il venoit à mourir sans avoir peu enfiler tant de beautez ensemble !

(88) Susanne. Ma foy, je le pense, mais le plaisir n’est pas moindre pour la fille quand toutes les qualitez requises se rencontrent en celuy qui la caresse.

Fanchon. Or, voyons donc celles qu’il doibt avoir aussi, et puis nous ferons un assemblé parfaict de ces deux moitiés accouplées.

Susanne. Presque toute la beauté de l’homme consiste en la belle taille et en la force du corps, non pas en la délicatesse, comme celle de la femme. Je veux pourtant qu’il soit propre en ses habits et en sa personne, qu’il ayt la face grave et majestueuse, les yeux doux et brillans, le nez un peu grandelet et rien de difforme en tout le visage. Je veux qu’il soit de l’âge de vingt-cinq ans, un peu plus maigre que gras, que son poil soit noir et vif, ses cheveux longs, pour la bonne grâce, et bouclez sur les espaules. Il aura le col court et libre pourtant, l’estomach un peu velu et douillet, s’il se peut ; aux endroits du corps où il n’aura point de poil, comme aux espaules, aux reins et sur les fesses qu’il aura larges et bien formées, avec un peu de beauté il faut qu’on remarque beaucoup de force, c’est pourquoy il fera paroistre ses nerfs quelquefois en se remuant, afin qu’embrassant bien estroittement sa maistresse, il la porte où il voudra, la jette sur un lict à la renverse, luy prenne ses deux cuisses sur ses espaules et la porte en ceste posture, après qu’il l’a faict culebuter, et la demeine comme une marionnette que l’on agence à son plaisir. Car il arrive bien souvent que le premier soir qu’une jeune pucelle couche avec un garçon qui entend le jeu dont elle est entièrement ignorante, il aura beau la prier, la caresser, luy monter dessus, si elle n’ouvre pas bien les jambes il est impossible qu’il la puisse bien engaigner, et bien souvent est contraint de faire la première descharge sur la mothe, tellement qu’il faut qu’il ayt la force d’appuyer si fort ses cuisses sur les siennes qu’elle n’ayt moyen de remuer jusques à ce qu’elle se sent brouiller les opopondrilles avec son instrument, dont elle n’avoit point encore accoustumé de jouer pour se divertir. Et à cest effect il aura le pied bien petit et bien planté, la jambe droicte et advenante et non cagneuse, les cuisses grosses et nerveuses et un peu velues, et fera cognoistre, s’appuyant dessus, qu’il a beaucoup de vigueur en tout ce qu’il veut entreprendre. Tu t’estonnes en cest endroit (89), cousine, mais si tu sçavois combien ceste beauté masle et vigoureuse de l’homme a d’attraicts et d’alléchemens quand elle est unie avec ceste autre beauté plus délicate que la sienne, tu n’en voudrois jamais gouster d’autre, et particulièrement quand elle est ombragée au dessoubs du nombril d’un poil large et espais, du milieu duquel on voit sortir un bel ouvrier de nature, fort bandé, qui à bon droit mérite estre appelé membre, pour sa force et vertu, et qui estant accompagné de deux battans au dessoubs qui luy servent d’ornement et de parade, fasse paroistre toute sa beauté, quand il bande, à faire sortir la petite teste rouge et fendre deux doigts dehors sa peau, qui ne peut souffrir d’autres attouchemens que la peau délicate du con d’une fille, et n’entendant point raillerie en tel estat, il saccage tout ce qu’il rencontre dans le con d’une tendre pucelle, quand il pousse de vive force.

Fanchon. Quelle douce cruauté ! J’enrage.

Susanne. Je veux donc que tu sçaches que je ne donnerois pas un festu d’un homme, pour beau et bien faict qu’il fust, s’il n’a les perfections de son manche, et qu’il estonne la femme par son regard tout enflammé, au premier coup qu’elle doibt estre percée, et voylà toute la beauté que je requiers en luy, pour l’accomparer à celle de la femme, car pour les autres vertus qu’il doibt avoir, nous en avons desjà assez discouru dans nos premiers entretiens.

(90) Fanchon. Et cela estant, trouvez-vous qu’une jouyssance consommée de ceux qui sont pourvus de toutes ces belles qualitez doibve estre accomplie en tous les points ?

Susanne. Nenny dea, ce n’est pas assez, car je veux de plus que dans le temps de l’accouplement ils observent les convenances qui suivent. Je veux que la fille soit un peu honteuse à certaines choses et que l’homme soit plus hardy ; je ne veux pourtant pas qu’elle soit si honteuse que de luy refuser sottement quelque chose que l’amour exige d’elle, mais je veux seulement que sa honte tesmoigne qu’elle n’oseroit faire ce qu’elle voudroit bien, et qu’elle ne serve à son amy que d’attraicts pour luy donner plus d’envie de faire, de rapiner des choses que elle luy voudroit refuser ou défendre. Il faut que le garçon ose tout, car la fille n’a pas bonne grâce de tout oser et est bien ayse d’estre prévenue dans le choix des plaisirs qu’elle voudroit sentir et qu’elle n’ose déclarer par crainte. C’est pourquoy il aura l’œil à tout, et qu’il prenne garde aux moindres indices qui partent d’elle, soit aux souspirs, aux gestes ou aux paroles ambiguës, pour conjecturer de là le véritable motif qu’elle a et la satisfaire en ce qu’elle désire. Au contraire, quand il luy aura mis le vit au con, comme il n’est plus temps de délibérer, je veux qu’il la secoue effrontément et sans garder aucune mesure pour considération d’honneur ny de bienséance, et qu’elle, en le regardant, tienne honteusement la veuë collée sur luy, feignant de s’estonner des douces violences qu’il commet en son endroit. Et je veux qu’en l’approchement des deux culs l’eschine du garçon se vienne à recourber en arc jusqu’au bout du croupion, comme à l’endroit où tient par devant la corde de l’arc qui se tire, qu’en suite elle vienne à s’ouvrir droicte en se relaschant et que, se rapprochant subitement à son premier estat d’être courbe, elle fasse juger que la nature est en souffrance quand elle est ainsi droicte, et qu’il lui est plus naturel et plaisant de retourner à son ply. Bref, je veux qu’il n’ayt point autre pensée en l’esprit que celle de practiquer aveuglément tous les moyens qu’il pourra pour l’enfiler mieux à son advantage ; la fille de son costé, pour estre tendre et délicate, se plaindra un peu d’abord, par bienséance, de l’effort, et luy dira par forme qu’il luy faict mal, mais pourtant qu’il ne craigne rien et que le mal soit si grand que le plaisir. Et pour grand que soit son vit, pourveu qu’il soit assez bandé pour faire bresche, il entrera bien dedans, et alors le plaisir en sera tant plus grand par après, de sorte qu’il faut qu’elle soit souple et obéissante à ses volontez et qu’elle ne soit pas si sotte de luy rien refuser de tout ce qu’il luy demandera pour adoucir son plaisir, car elle seroit bien niaise et malheureuse d’un contentement qui luy en devroit tant causer. Et luy, pour cela, sans discontinuer de pousser, luy donnera courage, il la baisera et l’amadoüera par douces paroles, achevant l’ouvrage commencé. Je veux au reste que la fille soit souple et obéissante aux désirs du garçon, qu’elle s’agence en toutes les postures, qu’elle remue de toutes les façons, qu’elle fasse de ses mains tout ce qu’il voudra, bref, que son corps ne soit point à elle et qu’elle ne luy puisse rien refuser de tout ce qu’il luy voudra demander. Cela luy tournera tousjours à honneur et profit, de quelque façon que ce soit, car si elle est ignorante ou qu’elle la veuille faire, comme elle ne devra pas sçavoir ce qui est honneste de permettre ou ce qui ne l’est pas, elle aura tousjours bonne grâce de luy accorder tout par amour et de dire cependant qu’elle ne sçait si cela est bien ; et si elle est sçavante et rusée, au contraire, elle auroit tort d’avoir honte d’une chose qu’elle auroit desjà faicte, et elle seroit bien sotte, encore bien que malicieuse, de se priver d’un plaisir qui en devroit tant donner à ce qu’elle ayme. Je veux donc qu’elle soit privée de tous ces scrupules qui vont directement à la destruction du plaisir. Je ne veux pas non plus qu’elle fasse sortir avec la main le membre de celuy qui est bien intentionné à la chevaucher, c’est un trouble qu’elle ne répareroit jamais, mais si elle a quelque chose à luy tesmoigner, que ce soit seulement de bouche, sans user de main mise, et qu’elle l’oblige à user de plus de douceur envers elle en luy disant ses raisons. Il sera peut estre sensible à la pitié ; au pis aller, si elle ne le peut esmouvoir et qu’elle trouve le membre un peu trop gros, je veux qu’elle se contraigne pour l’amour de luy, et se laissant surmonter par son propre amour, qui est plus fort que toutes choses, à mesure qu’elle fera ses hélas ! et ses complaintes, il faut qu’elle l’estraigne de plus en plus fort et luy laisse deviner, quand elle crie, si c’est de douleur ou de plaisir.

(91) Fanchon. Ma cousine, quand je vous escoute, ces leçons sont bien esloignées de celles qu’une mère faict à sa fille quand elle lui presche la vertu et l’honnesteté.

Susanne. Ainsi va le monde, ma pauvre cousine : le mensonge gouverne la vérité, la raison veut reprendre l’expérience, et les sottises s’érigent en titre de bonnes choses. La virginité est une très-belle chose en paroles et très-laide en ses effects ; au rebours, la paillardise n’a rien de plus hydeux que le nom et rien de plus doux que les effects. Les gens mariés paillardent aussi bien que les autres, ils font toutes les mesmes actions et postures, et encore plus souvent que les garçons et les filles ; les plus scrupuleux, c’est toujours le vit au con qu’ils agissent, et la cérémonie ne change rien au mistère d’amour. Mais c’est assez prescher pour un coup, nous ne sommes point icy pour corriger le monde : il faut qu’il y ayt des fols pour faire paroistre les sages, et ceux-cy ont d’autant de plaisir à cela qu’ils sont seuls à le cognoistre et qu’ils se mocquent de la folie des autres.

Fanchon. Ma cousine, c’est bien dit ; au lieu de nous instruire, nous serions les correcteurs sans gages de la folie d’autruy. Chacun vive à sa mode, et pour nous, achevons ce que nous avons commencé, car il me semble qu’il n’y a rien de plus plaisant que l’amour, et toutes les heures qui sont employées à son exercice sont les plus agréables de nostre vie. Vive un bon gros vit bien nerveux et tendu, vive un joly petit con, avec sa mothe velue, qui nous causent tant de délices. Il n’y a le plus souvent que le foutre qui defaut dedans le vit qui faict qu’il ne peut pas si bien bander, mais tant qu’il y en a, nostre con est toujours prest à l’avaller, quand il couleroit en nous tout entier. Chevaucher trois ou quatre coups ne faict que mettre en appétit ; il faut continuer tant qu’il y en a, pour nous donner du passe temps. (92) Je voudrois bien encore vous faire une question : qui sont les personnes le plus propres à traicter l’amour, des femmes ou des filles ?

Susanne. Ce sont les femmes, et sans doute parce qu’elles ont plus d’expérience et qu’elles cognoissent mieux les délicatesses propres à ceste passion.

Fanchon. Et pourquoy est-ce donc qu’il y en a qui ayment mieux les filles ?

Susanne. C’est qu’ils prennent plaisir à instruire des innocentes et qu’ils trouvent bien plus d’obéissance en elles dans les façons de s’agencer, et que leur con n’estant pas si élargi, le vit y est placé plus à l’estroit et donne plus de chatouillement à l’un et à l’autre.

Fanchon. Et pourquoy est-ce aussi qu’il y en a qui ayment mieux chevaucher les femmes ?

(93) Susanne. C’est, comme j’ay desjà dit, qu’elles sont plus habiles à donner de l’amour, aussi qu’il n’y a pas tant de danger à courir avec elles comme avec les filles.

Fanchon. Et quel danger y a-t-il ?

Susanne. Le danger est qu’elles peuvent devenir grosses, et c’est ce qui donne encore de la peine à elles et aux hommes pour empescher qu’on ne le sçache, et quant à eux, il leur en couste bien du bon argent à la justice, quand on vient à le sçavoir, et tout au moins quand il faut payer des nourrices, des loüages de chambres, ou des robes, à cause qu’elles n’ont point le plus souvent de quoy s’entretenir. Ajoute à cela les ressentimens des parents de la fille, qui se veulent venger quelquefois quand ils le sçavent et tirer raison, suivant la coustume, de ceste offence imaginaire. (94) Mais quand au lieu de filles ce sont des femmes, dame, le mary sert de couverture à tout, et on dit tousjours, quoy qu’il en soit rien, que c’est luy qui a faict la besoigne ; outre qu’il ne faut point d’argent pour les entretenir, à cause que leur maison est desjà toute faicte, et pourtant on gouste le plaisir d’une part et d’autre avec moins d’embarras, et ils y prennent bien de plus grandes douceurs que s’ils avoyent quelque chose à craindre.

(95) Fanchon. Tellement doncques que je n’ay plus qu’à songer de me marier vistement pour bien passer mon temps et me mettre en l’estat de n’avoir plus rien à apprehender.

Susanne. Dame ouy, quand tu seras ainsi pourveuë, tu pourras alors, aux heures de loisir, quand ton mary n’y sera pas, te divertir agréablement avec un autre et passer quelquefois de bonnes nuicts ensemble. A ceste heure, tu n’en aymeras pas moins ton mary pour ce petit plaisir que tu luy desroberas, tant s’en faut, car s’il falloit le préférer à ton ami, tu le ferois asseurement ; mais tu gousteras seulement des embrassemens tantost de l’un tantost de l’autre, et ce changement de vit te plaira pour le moins autant que si tu ne mangeois tous les jours que d’une sorte de viande.

(96) Fanchon. Ma cousine, si je vous disois qu’il y a desjà quelqu’un qui m’en conte depuis que j’ay gousté vos instructions et que ces gentillesses d’amour m’ont un peu poly l’esprit, me croiriez-vous ?

Susanne. Est-ce pour le mariage ?

Fanchon. Vrayement ouy, et quoy donc ?

Susanne. Laisse moy gouverner ceste affaire, car c’est mon mestier cela, et c’est un grand hazard, au cas que la personne t’ayme un tant soit peu, si je n’en viens à bout. J’ay faict des mariages plus d’un, penses-tu. Mais voylà l’horloge qui sonne ; adieu, nous parlerons de cela à une autre fois.

Fanchon. Adieu, ma cousine, en vous remerciant.

Fanchon. Adieu, jusques à revoir.

Quo me fata trahunt.
FIN DE L’ESCOLE DES FILLES.