L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre quatrième/09

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 304-307).


CHAPITRE IX.

QUE NOUS DEVONS NOUS OFFRIR A DIEU AVEC TOUT CE QUI EST A NOUS, ET PRIER POUR TOUS.
Voix du disciple.

1. Seigneur, à qui tout appartient dans le ciel et sur la terre, je veux aussi me donner à vous, par une oblation volontaire ; je veux être à vous pour toujours.

Dans la simplicité de mon cœur, je m’offre à vous aujourd’hui, mon Dieu, pour vous servir à jamais, pour vous obéir, pour m’immoler sans cesse à votre gloire.

Recevez-moi avec l’oblation sainte de votre précieux Corps, que je vous offre aujourd’hui en présence des Anges qui assistent invisiblement à ce sacrifice ; et faites qu’il porte des fruits de salut pour moi et pour votre peuple.

2. Toutes les fautes et tous les crimes que j’ai commis devant vous et devant vos saints Anges, depuis le jour où j’ai pu commencer à pécher jusqu’à ce moment, je vous les offre, Seigneur, sur votre autel de propitiation, afin que vous les consumiez par le feu de votre amour, que vous effaciez toutes les taches dont ils ont souillé ma conscience, et qu’après l’avoir purifiée, vous me rendiez votre grâce que mes péchés m’avaient fait perdre, me les pardonnant tous pleinement, et me recevant, dans votre miséricorde, au baiser de paix.

3. Que puis-je faire pour expier mes péchés, que de les confesser humblement avec une amère douleur, et d’implorer sans cesse votre clémence ?

Je vous en conjure, exaucez-moi, soyez-moi propice, quand je me présente devant vous, mon Dieu.

J’ai une vive horreur de tous mes péchés, et je suis résolu à ne plus les commettre. Ils m’affligent profondément, et toute ma vie je ne cesserai de m’en affliger, prêt à faire pénitence, et à satisfaire pour eux selon mon pouvoir.

Pardonnez-les moi, Seigneur, pardonnez-les-moi pour la gloire de votre saint nom. Sauvez mon âme, que vous avez rachetée au prix de votre sang.

Voilà que je m’abandonne à votre miséricorde ; je me remets entre vos mains : traitez-moi selon votre bonté, et non selon ma malice et mon iniquité.

4. Je vous offre aussi tout ce qu’il y a de bien en moi quelque faible, quelque imparfait qu’il soit, afin que, l’épurant, le sanctifiant, le perfectionnant sans cesse, vous le rendiez plus digne de vous, plus agréable à vos yeux, et que vous me conduisiez à une heureuse fin, moi le plus inutile, le plus languissant et le dernier des hommes.

5. Je vous offre encore tous les pieux désirs des âmes fidèles, les besoins de mes parents, de mes amis, de mes frères, de mes sœurs, de tous ceux qui me sont chers ; de ceux qui m’ont fait, ou à d’autres, quelque bien pour l’amour de vous ; de ceux qui ont demandé ou désiré que j’offrisse des prières et le saint Sacrifice pour eux et pour les leurs, soit qu’ils vivent encore en la chair, soit que le temps ait fini pour eux.

Que tous sentent le secours de votre grâce, la puissance de vos consolations ; protégez-les dans les périls, délivrez-les de leurs peines, et qu’affranchis de tous les maux, ils vous rendent, pleins de joie, d’éclatantes actions de grâces.

6. Je vous offre enfin des supplications et l’hostie de paix, principalement pour ceux qui m’ont offensé en quel que chose, qui m’ont contristé, qui m’ont blâmé, qui m’ont fait quelques torts ou quelques peines ; et pour tous ceux aussi que j’ai moi-même affligés, blessés, troublés, scandalisés, le sachant ou sans le savoir ; afin que vous nous pardonniez à tous nos péchés et nos offenses mutuelles.

RÉFLEXION.

Après s’être purifié par le sacrement de pénitence, et s’être uni, selon tout ce qu’il est, à Jésus-Christ, hostie de propitiation pour le salut des hommes, le prêtre s’offre encore pour eux et pour lui-même, afin que la vertu du sacrifice qui va s’accomplir lui soit appliquée, et à ses frères, et à tous ceux pour qui Jésus-Christ, sacrificateur et victime[1], l’a consommé sur la Croix. Comme le Sauveur s’est immolé pour lui, il veut s’immoler pour le Sauveur, ne vivre que pour sa gloire, et mourir pour elle. Il le supplie de consumer dans le feu de son amour tout ce qui reste en lui d’impur et de terrestre. Il dépose, en quelque manière, sur l’autel et ses pensées et ses affections, ses volontés, ses désirs, tout son être, afin d’être revêtu en Jésus-Christ d’une vie nouvelle, de cette vie selon Dieu[2], qui fait que l’homme ne vit plus pour soi, mais pour celui qui est ressuscité pour lui[3]. Ainsi anéanti dans la présence du souverain Maître, et comme baigné déjà du sang qui demande grâce, il intercède pour ses proches, ses amis, ses bienfaiteurs, pour ses ennemis même, pour ceux qui le haïssent et le persécutent, embrassant dans sa charité, immense comme celle du Christ, toutes les créatures qu’il a rachetées, tous les enfants du Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants[4]. ; Élevé, par l’onction sacerdotale, entre la terre et le ciel, il couvre, pour ainsi dire, le genre humain tout entier de sa prière et de son amour. Il le voit, par le péché, dans un état de mort, et ses désirs l’enfantent à la vie : semblable au Médiateur suprême, qui, dans les jours de sa chair, offrant avec un grand cri et avec larmes des prières et des supplications à celui qui peut sauver de la mort, fut exaucé à cause de son respect[5]. Oui, le salut vient du Seigneur[6], il a fait éclater les merveilles de son Saint[7]. Prêtres du Dieu vivant, offrez-lui le sacrifice de justice[8]. Je vous prierai, Seigneur ; vous entendrez ma voix le matin ; je me présenterai devant vous ; j’entrerai dans votre maison, et, rempli de votre crainte, j’adorerai dans votre saint temple ; et tous ceux qui espèrent en vous se réjouiront, et ils tressailliront d’allégresse éternellement, parce que vous habiterez en eux[9].

  1. Hebr. ix, 14.
  2. I Petr. iv, 6.
  3. II Cor. v, 15.
  4. Matth. v, 45.
  5. Hebr. v, 7.
  6. Ps. iii, 9.
  7. Ps. iv}, 4.
  8. Ps. iv}, 6.
  9. Ps. v, 4, 5, 12.