L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/01

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 125-126).


CHAPITRE PREMIER.

DES ENTRETIENS INTÉRIEURS DE JÉSUS-CHRIST AVEC L’AME FIDÈLE.

1. J’écouterai ce que le Seigneur Dieu dit en moi[1].

Heureuse l’âme qui entend le Seigneur lui parler intérieurement, et qui reçoit de sa bouche la parole de consolation !

Heureuses les oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes aux bruits du monde !

Heureuses encore une fois les oreilles qui écoutent, non la voix qui retentit au dehors, mais la vérité qui enseigne au dedans !

Heureux les yeux qui, fermés aux choses extérieures, ne contemplent que les intérieures !

Heureux ceux qui pénètrent les mystères que le cœur recèle, et qui, par des exercices de chaque jour, tâchent de se préparer de plus en plus à comprendre les secrets du Ciel !

Heureux ceux dont la joie est de s’occuper de Dieu, et qui se dégagent de tous les embarras du siècle !

Considère ces choses, ô mon âme ! et ferme la porte de tes sens, afin que tu puisses entendre ce que le Seigneur ton Dieu dit en toi.

2. Voici ce que dit ton bien-aimé : Je suis votre salut, votre paix et votre vie.

Demeurez près de moi, et vous trouverez la paix. Laissez là tout ce qui passe ; ne cherchez que ce qui est éternel. Que sont toutes les choses du temps, que des séductions vaines ? et de quoi vous serviront toutes les créatures, si vous êtes abandonné du Créateur ?

Renoncez donc à tout, et occupez-vous de plaire à votre Créateur, et de lui être fidèle, afin de parvenir à la vraie béatitude.

RÉFLEXION.

Écoutons la Sagesse incréée : Mes délices, dit-elle, sont d’être avec les enfants des hommes[2]. Mais la plupart des hommes ne comprenant pas son langage, ou craignant de l’entendre, s’éloignent d’elle pour s’entretenir avec les créatures. Elle est venue dans le monde, et le monde ne l’a point connue[3]. C’est pourquoi l’Apôtre nous défend d’aimer le monde, ni rien de ce qui est dans le monde[4], parce qu’il appartient tout entier à l’esprit de malice[5]. Si donc nous voulons attirer en nous l’esprit de Dieu, cet esprit dont l’onction enseigne toutes choses[6], séparons-nous du monde ; renonçons à ses maximes, à ses plaisirs, à ses sociétés tumultueuses. Jésus ne se trouve qu’au désert ; sa voix ne retentit pas dans les lieux publics[7]. au milieu des assemblées du siècle ; mais, lorsqu’il a résolu de répandre ses faveurs sur l’âme fidèle, il la conduit dans la solitude, et là il parle à son cœur[8]. Comment peindre les délices de ce céleste entretien ? Qui les a goûtées une fois ne peut plus supporter les entretiens des hommes. O Jésus ! parlez à mon cœur, je veux désormais n’écouter que votre voix, dans le silence de toutes les créatures.

  1. Ps. lxxxiv, 8.
  2. Prov. viii, 31.
  3. Joan. i, 10.
  4. I Joan. ii, 15.
  5. I Joan. ii, 15.
  6. I Joan. ii, 19, 27.
  7. Matth. xii, 19.
  8. Osee ii, 14.