L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/51

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 247-248).


CHAPITRE LI.

QU’IL FAUT S’OCCUPER D’ŒUVRES EXTÉRIEURES, QUAND L’AME EST FATIGUÉE DES EXERCICES SPIRITUELS.

1. J.-C. Mon fils, vous ne sauriez sentir toujours une égale ardeur pour la vertu, ni vous maintenir sans relâche dans un haut degré de contemplation ; mais il est nécessaire, à cause du vice de votre origine, que vous descendiez quelquefois à des choses plus basses, et que vous portiez, malgré vous, et avec ennui, le poids de cette vie corruptible.

Tant que vous traînerez ce corps mortel, vous éprouverez un grand dégoût et l’angoisse du cœur.

Il vous faut donc, pendant que vous vivez dans la chair, gémir souvent du poids de la chair, et de ne pouvoir continuellement vous appliquer aux exercices spirituels et à la contemplation divine.

2. Cherchez alors un refuge dans d’humbles occupations extérieures, et dans les bonnes œuvres une distraction qui vous ranime : attendez avec une ferme confiance mon retour et la grâce d’en haut : souffrez patiemment votre exil et la sécheresse du cœur, jusqu’à ce que je vous visite de nouveau, et que je vous délivre de toutes vos peines.

Car je reviendrai, et je vous ferai oublier vos travaux et jouir du repos intérieur.

J’ouvrirai devant vous le champ des Écritures, afin que votre cœur ; dilaté d’amour, vous presse de courir dans la voie de mes commandements[1].

Et vous direz : Les souffrances du temps n’ont point de proportion avec la gloire future qui sera manifestée en nous[2],

RÉFLEXION.

Contempler Dieu et l’aimer, le contempler et l’aimer encore, voilà le ciel. L’âme, ici-bas, en reçoit quelquefois un avant-goût. Alors, élevée au-dessus d’elle-même, elle se sent pleine d’ardeur, et, enivrée de joie, elle dit : Il nous est bon d’être ici[3]. Mais bientôt arrive le temps de l’épreuve : il faut descendre du Thabor, et marcher dans le chemin de la Croix. Heureuse l’âme qui, dans le dénûment, l’aridité, les souffrances, demeure en paix, sans se laisser abattre et sans murmurer ; qui, fidèle à Jésus mourant, le suit avec courage sur le Calvaire ; et après avoir partagé le banquet de l’Époux, prête à partager son sacrifice, s’écrie comme un des Apôtres : Et nous aussi, allons et mourons avec lui ![4]

  1. Ps. cxviii, 32.
  2. Rom. viii, 18.
  3. Matth. xvii, 4.
  4. Joann. xi, 16.