L’Indépendance de la Corée et la Paix/La Corée sous la Domination Japonaise

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La Corée sous la Domination Japonaise



L’indépendance de la Corée a été supprimée à l’heure même où elle s’éveillait pour un développement meilleur.

Il est maintenant du plus haut intérêt de savoir comment le pays a été administré. Un rapport impartial de l’administration Japonaise en Corée est d’autant plus important qu’il est démontré que la Corée a progressé sous la domination Japonaise. Il n’est pas exagéré de louer le progrès accompli depuis l’annexion. Mais avant que la Corée n’ait retrouvé son indépendance, on ne saurait répondre à cette question, car se gouvernant elle-même, n’aurait-elle pas progressé comme le fait n’importe quelle autre nation moderne par l’accroissement du commerce extérieur et l’application des sciences à l’industrie ?

Admettons que ces progrès soient le résultat de l’heureuse administration Japonaise et que la Corée se gouverne pour son propre bien. Mais comment ces progrès ont-ils été réalisés et dans quel esprit la Corée est-elle gouvernée ?


L’Organisation administrative.

La forme et le principe de l’organisation administrative sont ceux des autres nations et il serait fatigant de les décrire. Il suffit pour répondre à notre but de décrire les particularités les plus saillantes. Parmi celles-ci la fonction de gouverneur général, représentant l’autorité la plus haute dans un pays où n’existe aucune institution parlementaire est quelque chose de très intéressant. D’après la loi, qui peut être appelée la constitution de Corée, ce devrait être un général ou un amiral Japonais. Il n’est pas responsable devant le parlement Japonais, mais directement devant le Mikado. Il n’y a pas une seule institution au Japon ou en Corée qui puisse critiquer sa politique, tous les journaux Japonais ou Coréens, qui essayent d’élever la voix contre sa politique sont impitoyablement suspendus ou achetés. Le Japon veut s’imposer par un esprit militaire. Il élève des soldats de tous rangs aux places de fonctionnaires, depuis le général gouverneur jusqu’au docteur de l’hôpital gouvernemental et aux instituteurs. Tous ces fonctionnaires doivent porter des uniformes et des sabres qui ne se distinguent guère de ceux de l’armée Japonaise. Le Japon a commencé avec une garnison permanente de deux divisions en Corée. Mais après quelques années d’une administration tendant à l’assimilation, le gouvernement semble avoir trouvé, que sans une armée formidable, l’administration de ces 19 millions de population antagoniste était impossible. La question des renforcements en Corée a, en conséquence, joué un grand rôle dans la chute de maint cabinet au Japon même, et le résultat en a été finalement : 2 divisions de renfort en 1915-1916. Le renforcement était superflu. Il y avait, comme il y a maintenant, assez de policiers et de gendarmes pour étouffer tout le mouvement révolutionnaire contre le régime existant. La statistique officielle de 1915 montre qu’il y avait 273 quartiers généraux de police et de gendarmerie. C’est un nombre étonnamment considérable comparé à celui des institutions charitables, telles qu’hôpitaux et écoles qui étaient respectivement de 14 et 386 établis par le gouvernement. Police et gendarmerie travaillent de concert sous le contrôle de l’inspecteur général de la gendarmerie. La plupart des insurgés politiques Coréens sont traités comme des criminels ordinaires et souvent, sans lecture préalable devant un tribunal, le jugement est prononcé à la gendarmerie d’après les lois soi-disantes « lois particulières ». Le Japon mène la Corée avec un esprit militaire. Citons un des premiers journaux de Tokio « le Tokio Asahi » dont les opinions politiques sont estimées impartiales au Japon même. « Il n’y a pas de doute que les Coréens et les Japonais aient également souffert de la discipline militaire du Comte Terauchi, qui a été d’une rigueur plutôt extrême. Il est vrai qu’il a adopté une attitude menaçante envers les Coréens sous certains rapports. Mais en même temps il a fait quelques efforts énergiques pour les protéger contre l’exploitation de Japonais sans scrupules. Malheureusement la manière d’exécuter cette protestation a été si maladroite qu’elle s’est montrée comme une sorte de bienveillance mal appliquée, qui attira de la part des Coréens des plaintes plutôt que des remerciements. L’autorité militaire du Comte Terauchi était tellement insupportable et oppressive que ceux qui sont en Corée (c’est-à-dire les Japonais) sont enclins à exprimer leur sympathie aux Japonais chez eux, à la nomination du Comte Terauchi comme premier ministre. Mais en même temps ils se félicitent de son éloignement de Corée (voir l’exemplaire de la première et deuxième semaine d’octobre 1916). Le « Tokio Asahi » est infatigable, il attaque finalement un des points de la politique du Comte Terauchi : « La croisade du Comte Terauchi contre la presse a été quelque chose de vraiment efficace. Il a écrasé les journaux les plus puissants et forcé les faibles à se soumettre, il a bouché toutes les issues du libre courant des opinions et n’a pas permis au monde extérieur de connaître l’état réel de la Corée. »


L’Administration judiciaire.

Dans de telles circonstances, il n’est pas étrange que l’administration judiciaire elle-même soit appliquée arbitrairement. Le Japon a déclaré que la Corée était gouvernée par les mêmes lois que le peuple Japonais. Malheureusement ce gouvernement par la loi est une formalité pure et simple.

Récemment un professeur de l’Université Impériale de Tokio, le Dr Yoshino, payé par le trésor gouvernemental, qui a étudié en Europe à titre d’étudiant du gouvernement, écrit un article dans le « Tschuo Koron » (journal mensuel de Tokio, juin 1916) au sujet de l’administration de Corée, comme le fit le Dr Kamilié au sujet de l’administration de Formose. Il a voyagé en Corée et en Mandchurie, afin de se rendre compte des conditions réelles de ces pays : « Quant à ce qui concerne la loi, dit-il. Coréens et Japonais sont absolument sur le même pied, la sécurité et le respect de leurs vies, leurs privilèges, leurs propriétés sont également garantis. Ceci est la théorie, mais le fait n’est pas tout à fait pareil. Il va sans dire que les Coréens sont les sujets d’une nation détruite. À l’étranger on a dit que la Corée avait été annexée au Japon d’après le désir du peuple Coréen. Pourtant en regardant au fond des choses l’affaire s’est présentée différemment. En réalité, la Corée a été annexée par le Japon ».

De quelle manière la théorie devient-elle inutile en pratique ?

D’après la maxime légale que « la loi spéciale » précède la loi générale dans son application les « six codes » Japonais sont pratiquement inutiles quand les codes volumineux de la loi spéciale sont appliqués. Il faut aussi se rappeler que ces codes spéciaux ou généraux, sont faits par des Japonais, peuple tout à fait étranger aux Coréens, qui ignorent l’histoire, les institutions traditionnelles, les coutumes, et surtout les sentiments du peuple Coréen. Même en admettant que ces lois conviennent aux Coréens, l’application elle-même est arbitraire. Le fameux procès appelé « la Conspiration Coréenne » démontre à lui seul comment un Coréen est protégé par la loi. Arrêter d’innocents cultivateurs, de jeunes étudiants et beaucoup d’intellectuels à cause de cette conspiration présumée contre la vie de Terauchi, c’est excessif. Sa vie nous paraît avoir peu de valeur, tant que le militarisme dominera dans l’Empire Japonais. La police a traité les prisonniers d’une manière telle que ce seul fait a inspiré aux « Coréens pro-Japonais » une haine amère. Les mesures sont nettement contre les intérêts du Japon lui-même, puisqu’elles inspirent au peuple Coréen un sentiment fortement anti-Japonais. Aucune personne réfléchie n’aurait voulu croire à ces rumeurs contradictoires d’après lesquelles on aurait systématiquement torturé afin d’obtenir une confession, mais malheureusement ces rumeurs se révèlent fondées : les prisonniers torturés au nombre de 123 sont maintenant délivrés et ils ont raconté, chacun de leur côté, quelles agonies, ils avaient souffertes (voyez illustrations). Les crimes politiques passés, comme l’assassinat de la reine Minn, sont encore présents à la mémoire du peuple Coréen. Ces nouveaux procédés vont certainement entraîner ce peuple de 19 millions dans une haine encore plus acharnée. En réalité, les Coréens sont plus éloignés que jamais de cette assimilation tant vantée, elle nous semble plutôt un prétexte servant une toute autre cause. Si cette assimilation est réellement le but de l’administration, depuis que les Coréens sont privés du pouvoir, il faudrait que le gouvernement en vue d’élever des citoyens capables dans l’Empire, encourage l’éducation.


L’éducation.

L’éducation devrait être telle que le peuple en soit reconnaissant à l’administration Japonaise. Mais le Professeur Yoshino, qui est sûrement bien informé, écrit : « Comme je visitais une certaine école en Corée, le directeur (qui ainsi que tous les directeurs des écoles gouvernementales est Japonais) m’a dit : « Nous regrettons que les Coréens deviennent plus instruits depuis peu. À mon avis, il vaudrait mieux ne pas leur donner trop d’éducation, et ceci dans l’intérêt des Japonais. Il semble qu’une certaine classe d’hommes influents soit d’avis que les Coréens devraient rester ignorants. C’est seulement pour la forme qu’on parlerait de leur éducation. » Ce que le directeur de l’école a dit est certainement bien naïf, mais c’est l’exposé franc de la tendance générale de la méthode d’éducation appliquée en Corée par les Japonais. Cet exposé est précisément ce que démontrent les faits suivants. Dans l’Annuaire Officiel pour 1917 le nombre des écoles publiques pour les Coréens est de 526, c’est-à-dire de une pour 31.650 habitants Coréens, tandis que le nombre des écoles publiques destinées aux Japonais est de 367, c’est-à-dire une pour 874 habitants Japonais. Malgré cette grande inégalité dans la répartition de l’éducation nationale pour les deux sections de la population du pays, le gouvernement a construit dans cette même année 59 nouvelles écoles pour les Japonais contre 25 écoles seulement pour les Coréens. En voyant une telle partialité comment peut-on parler d’égalité entre Japonais et Coréens ? Pour donner les mêmes facilités d’éducation aux Coréens qu’aux Japonais, ce n’est pas 526 écoles qu’il faudrait mais 19.048.

On pourrait dire ici : la qualité vaut mieux que la quantité. Voyons ce que c’est que la qualité de ces écoles. D’abord, si l’assimilation est le but de l’administration, pourquoi alors construire des écoles séparées pour les Japonais. La réponse pourrait être que dans l’une l’enseignement se fait en langue Coréenne et dans l’autre en langue Japonaise.

Mais, en réalité, l’instruction se donne dans toutes les écoles de l’État en langue Japonaise. En 1908, il y avait 233 professeurs Coréens dans les écoles publiques, contre 63 Japonais ; en 1913, les professeurs Coréens étaient 1.138 contre 458 Japonais, c’est-à-dire les professeurs Coréens sont en augmentation de 4,8 contre 7,2 Japonais en cinq années.

Un élève Coréen doit employer les deux tiers de son temps scolaire à apprendre la langue Japonaise et elle lui est familière au bout d’un an. Quelle autre raison y a-t-il pour faire une différence entre l’éducation d’un Japonais et celle d’un Coréen sinon que les sujets enseignés dans les deux sortes d’écoles différent en qualité et en degré ? Dans l’école Coréenne de garçons l’enseignement de l’histoire et de la géographie de Corée et d’autres pays, excepté celle du Japon, est défendu. Les langues étrangères sont aussi prohibées. Pour l’éducation supérieure, aucun exemple n’est plus frappant que celui d’un collège où le droit et la politique ont été enseignés. Depuis l’annexion toutes les matières, telles que droit international, droit constitutionnel, droit criminel, etc., ont été remplacées par l’étude de la langue Japonaise. Les exercices militaires ont été commandés par des officiers Japonais, et de nouvelles matières d’étude comme la « Rédaction des lettres officielles » sont inventées par le « Département d’Éducation » du gouvernement. Lorsque la Corée était indépendante, le gouvernement envoyait des étudiants au Japon et dans les pays européens et américains pour y continuer leurs études. Depuis l’annexion aucun étudiant n’est allé à l’étranger excepté au Japon, mais alors seulement ceux qui « désirent étudier les sciences industrielles » (voir les rapports, etc.). Est-ce que le gouvernement accorde la permission de s’en aller aux étudiants qui désirent aller à l’étranger par leurs propres moyens ? Non, et, si ces étudiants arrivaient à partir en se déguisant, ils ne pourraient plus rentrer, leurs noms étant mis sur « la liste des personnes dangereuses ». Chacune d’elle est surveillée par un détective gouvernemental. Même s’il leur était possible de vivre dans de telles conditions, ils ne trouveraient pas d’occupation en Corée ; le gouvernement n’admet les Coréens qu’à des places très subalternes et dans les entreprises privées on ne désire pas employer ceux dont le nom figure sur « la liste des personnes dangereuses ».

L’accès aux examens pour les services supérieurs n’est pas permis aux Coréens. Il y a seulement quelques fonctionnaires judiciaires qui servent plutôt d’interprètes que de juges. Ils n’ont pas le droit de se mêler aux affaires d’un procureur public. Aucun juge coréen n’est autorisé à examiner le cas d’un Japonais. Leurs appointements sont à peu près le tiers de ceux de leurs collègues Japonais qui reçoivent une somme considérable d’indemnité outre leurs appointements quoi qu’ils soient sortis d’une même école, qu’ils occupent le même rang et soient chargés des mêmes affaires. (Le professeur Yoshino, dont la critique pénétrante de l’administration est restée sans réplique, est du même avis concernant les faits précédents.) Ainsi, les Coréens sont complètement exclus du gouvernement, et n’ont pas le droit de critiquer les mesures prises contre leurs intérêts, qui sont souvent des intérêts vitaux.


Le Travail.

C’est l’ouvrier qui souffre le plus des mesures prises par le gouvernement parce qu’il est forcé de travailler sans recevoir de salaire. Le Dr Yoshino est plus au courant que moi-même de ce travail forcé ; il écrit : « Les Coréens ne s’opposent pas du tout à la construction de bonnes routes. Cependant la manière officielle d’exécuter ces constructions n’a pas été conforme au bon esprit avec lequel les autorités décidèrent de les construire. Sans considération, sans pitié, ils ont eu recours aux lois pour l’expropriation de terrains. Les Coréens visés ont été contraints d’abandonner leur patrimoine presque pour rien. Bien souvent ils ont été forcés de travailler à la construction de ces routes sans être payés. Sans qu’on ait tenu compte des jours qui pouvaient être incommodes aux pauvres ouvriers non payés, ils doivent, et ceci est pire, travailler le jour convenant aux autorités. » L’esprit caractéristique dans lequel se font les constructions des routes et les travaux de cultures est le suivant quels que soient les dommages ou les injustices, commis envers le peuple, les plans sont établis, les ordres donnés, les gens convoqués, on leur ordonnera de commencer le travail. À leurs plaintes on répond par des semences ; à leurs supplications, par des coups de fouet, et ceux qui résistent sont tout simplement mis en prison. Résultat : on construit les routes pour permettre aux troupes Japonaises un déploiement facile, et une marche plus commode dans le pays pour opprimer les constructeurs de ces routes. De nombreuses familles meurent de faim, même un visiteur de hasard ne peut s’empêcher de remarquer la triste situation des habitants de village en village.

CARTE II
CARTE DE L’EXTRÊME-ORIENT
indiquant l’expansion impérialiste japonaise


La Politique d’assimilation.

Dans ces conditions, la politique d’assimilation tant vantée n’est certainement qu’une phrase creuse. Depuis l’administration de Terauchi, qui a proclamé la politique d’assimilation plus bruyamment qu’un autre, les Coréens sont bien plus opprimés que jamais et la politique d’assimilation est maintenant devenue une tâche impossible. Bref, pour citer encore une fois le Dr Yoshino, « les autorités Japonaises ordonnent aux Coréens de s’assimiler aux Japonais, corps et âme leur disant en même temps de ne pas espérer le traitement dont jouissent les Japonais.

Rien ne peut être plus contradictoire. En vérité ces chefs sont plus insensés qu’un homme qui monte sur un arbre pour prendre des poissons. Dans ces circonstances, il n’est rien d’étonnant à ce que les Coréens, plus ils sont éduqués, deviennent anti-Japonais ; en conséquence il semble que les autorités commencent à avoir des doutes sérieux sur la sagesse d’éduquer davantage, ou même un peu les Coréens… On leur enseigne (aux élèves Coréens) à respecter la Maison Impériale du Japon comme si c’était la leur, à chanter le « Kimigayo » (l’hymne national du Japon), à être fiers du drapeau du Soleil Levant, à apprendre par cœur la géographie et l’histoire du Japon, etc. Avec tout cela, sont-ils traités comme le peuple du Japon ? Non ! ils ne sont ni socialement, ni légalement sur le même pied que les Japonais. Il y a entre les deux une différence tant au point de vue officiel que privé ! Il est maintenant évident que le Japon a plutôt l’intention d’opprimer que d’assimiler le peuple Coréen. Cette oppression est non seulement contraire aux intérêts de l’oppresseur lui-même, mais elle empoisonne directement le caractère et le développement du peuple ; c’est un fait souvent démontré par l’histoire. Même si le Japon veut une assimilation réelle, il est douteux que cette assimilation par pure force soit juste au point de vue humanitaire. La partie essentielle de la conception d’assimilation, c’est la volonté d’être pareil au peuple dont on admire les modes de vie. Possédant pour la nouvelle culture venant d’Europe et d’Amérique la même admiration que le Japon, le peuple de la Corée, a quelque répugnance contre l’esprit militaire et commercial du Japon : la Corée aurait évolué différemment si on l’avait laissée seule, sans entraver sa politique intérieure, comme le Japon l’a fait depuis la guerre avec la Chine. Tous ceux qui se sont familiarisés avec les problèmes politiques de l’Orient, qu’ils soient des Japonais ou des Chinois intéressés, des Américains ou des Anglais désintéressés, tous sont d’accord pour conclure que l’assimilation du peuple Coréen est impossible par la méthode existante de politique coloniale Japonaise et qu’il est inutile de compter sur un résultat devenu impossible. (Mr. Walter Weyl qui a fait une enquête personnelle sur le problème en Corée a écrit dernièrement dans le numéro de mars du « Harper’s Magazine » pour montrer clairement que l’assimilation ou dénationalisation de la Corée par le Japon est impossible.) Le Japon devra gouverner la Corée par la force seule et, gouverner par la force un peuple de 19 millions, dont l’aspiration à l’indépendance sous l’oppression Japonaise s’accroît de plus en plus, c’est une tâche désespérante.

Les Coréens ne reconnaissent pas comme légitime et valide leur annexion. La déclaration Japonaise que la Corée a été annexée d’après le désir exprès du peuple ne change rien du fait que l’annexion lui a été imposée par la force militaire, et que tous les ministres Coréens qui ont signé le traité n’ont pas été les représentants légitimes du peuple Coréen, ils n’ont été absolument les représentants de personne. C’est pourquoi l’annexion fut formellement illégale.

L’annexion a été imposée pour deux raisons, comme l’ont déclaré dans leur proclamation Sa Majesté l’Empereur du Japon et le premier Gouverneur Général du temps de l’annexion, c’est-à-dire : 1o Dans l’intérêt de l’Empire Japonais ; 2o dans l’intérêt du peuple Coréen. D’après tout ce que nous venons d’exposer dans les paragraphes précédents nous ne pouvons reconnaître comme valide la seconde raison. Mais il nous faut reconnaître la première et admettre qu’il était nécessaire, pour le Japon, de contrôler la politique étrangère de la Corée, nation faible, entourée de forces agressives, comme l’ancien Empire Russe, une influence Russe illimitée en Corée eût été une menace sérieuse pour le Japon. Mais une Russie socialiste favoriserait-elle encore maintenant l’ancien rêve de Pierre le Grand ? Est-ce qu’une Allemagne défaite, dont les rêves impériaux sont terminés, représente encore un danger pour la Corée ? Est-ce que les Alliés voudraient, après avoir déclaré si souvent qu’ils ont lutté pour le droit de la libre détermination, est-ce qu’aucun d’eux voudrait annexer la Corée et menacer l’Empire Japonais ? De pareils dangers pourraient exister, mais contre ces dangers il va y avoir le plus grand fruit de la guerre — la Ligue des Nations — qui va lutter contre les vieilles et mauvaises coutumes de ces nations aux fortes armes. Ainsi la première raison n’est pas plus valable que la seconde et l’annexion a perdu sa raison d’être. Même si ces raisons pour l’annexion étaient valables, il y en a une importante qui les détruit : c’est que le Japon gouverne la Corée contre la volonté du peuple Coréen. « Ce n’est pas un gouvernement ». La Corée doit décider elle-même de ses propres affaires.


Colonisation de la Corée.

En Corée le sentiment de la propriété foncière est très intense et est un des éléments du patriotisme Coréen. Cet instinct de la propriété chez le fermier et le paysan était un obstacle à la colonisation Japonaise, et les meilleures terres arables étant naturellement dans les mains des agriculteurs Coréens, l’expropriation de leurs propriétaires fut un des principaux buts de la politique Japonaise.

Pour ce faire, une Compagnie fut instituée sous la direction du Gouvernement Japonais, qui la subventionne d’une somme annuelle de 250.000 dollars prélevée sur le Trésor Impérial. Selon un article du New-York Times du 26 janvier 1919, le but de cette Compagnie est de coloniser la Corée avec les Japonais qui sont incapables de se créer une situation dans leur propre pays. Chacun de ces émigrants Japonais reçoit les frais de son transport en Corée, il lui est donné une habitation avec une portion de terrain à cultiver, des approvisionnements, des semences, etc. Cette Compagnie achète les terrains des fermiers Coréens. L’étendue de la Corée est de 82.000 milles carrés, avec 19 millions d’habitants, pour la plupart agriculteurs qui ne veulent pas se séparer de leur héritage.

« C’est là que l’appui du Gouvernement Japonais », continue l’article, « intervient d’une façon tout à fait asiatique : toute l’organisation financière est centralisée à Séoul, à la « Banque de Chosen », sous le contrôle gouvernemental. Cette puissante institution financière, comparable à la Banque d’Angleterre, à la Trésorerie des États-Unis, à la Banque de France, grâce à ses succursales, draine, comme intermédiaire, toutes les espèces du pays et fait baisser la valeur des terrains. D’autre part le Coréen, pour payer ses impôts et pourvoir aux besoins de son existence, doit réaliser ses terres ; de ce fait la baisse s’accentue rapidement, et les agents de la Banque, à l’affût de ces ventes, achètent ces terrains au cinquième de leur valeur réelle. »

« Plus du cinquième des terrains les plus riches de Corée », ajoute l’article, « est dans les mains des immigrants Japonais, qui en ont été pourvus grâce aux opérations de cette Banque. »