L’Onanisme (Tissot 1769)/Article 2/Section 7

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SECTION VII.


Examen des circonstances qui accompagnent l’émission.


IL y a plusieurs évacuations qui se font sans qu’on s’en apperçoive : toutes les autres se font dans l’état de parfaite santé, avec une facilité qui fait qu’elles n’ont aucune influence sur le reste de la machine ; le plus léger mouvement dans l’organe qui en renferme la matière, suffit à l’expulsion. Il n’en est pas de même de l’évacuation du sperme. Il ne faut rien moins que des ébranlements généraux, une convulsion de toutes les parties, une augmentation de vîtesse dans le mouvement de toutes les humeurs, pour la déplacer & lui donner issue. Est-ce trop hasarder de dire qu’on peut regarder ce concours nécessaire de toute la machine, au moment de son évacuation, comme une preuve sensble de l’influence qu’il a sur tout le corps ? Le coït, dit Démocrite, est une espece d’épilepsie. C’est, dit M. de Haller, une action très-violente, qui est très-voisine de la convulsion, & qui y par-là même affoiblit étonnamment, & nuit à tout le systême nerveux. L’on a vu dans les observations que j’ai rapportées plus haut, & dans quelques unes de celles que j’ai citées, l’émission accompagnée de vraies convulsions, d’une espece d’épilepsie ; & la même observation fournit les preuves évidentes de l’influence que ces mouvements violents eurent sur la santé du malheureux qui en est le sujet. La promptitude avec laquelle l’affoiblissement suit l’acte, a paru à bien des gens, & avec raison, une preuve que ce ne pouvoir être la seule privation de semence qui l’occasionnoit ; mais ce qui prouve démonstrativement combien le spasme doit affoiblir, c’est l’affoiblissement qu’éprouvent tous les malades qui ont des accès de maladies convulsives : celui qui suit les accès d’épilepsie est quelquefois excessif.

Ce n’est qu’au spasme qu’on peut attribuer l’effet que le coït produit sur l’Amman d’une ville de Suisse, dont F. Platerus nous a conservé l’histoire, & qui, s’étant remarié déjà vieux, fut saisi en voulant célébrer ses noces, d’une suffocation si violente, qu’il fut obligé de cesser. Le même accident le reprit toutes les fois qu’il tenta le même essai. Il s’adressa à une foule de charlatans ; l’un lui promit, après lui avoir fait prendre plusieurs remèdes, qu’il n’avoit plus aucun danger à courir. Il hasarda une nouvelle tentative sur la parole de son Esculape ; le succès en fut d’abord le même ; mais plein de confiance, il voulut aller jusques au bout, & mourut dans l’acte même, entre les bras de sa femme[1].

Les palpitations violentes, qui accompagnent quelquefois le coït, sont aussi un symptôme convulsif. Hippocrate parle d’un jeune homme à qui des excès en vin & en femmes avoient occasionné, entr’autres symptômes, des palpitations continuelles[2] ; & Dolœus en a vu un saisi dans l’acte même d’une palpitation si violente, qu’il auroit été étouffé s’il avoit persisté[3]. L’on trouve dans Hoffman d’autres faits semblables.

L’observation de l’enfant, cité plus haut, est encore une preuve qui n’a pas échappé à la sagacité de M. Raft, du pouvoir de la cause convulsive ; puisqu’à cet âge, il ne pouvoit guère évacuer qu’une humeur des prostates, & non point une véritable semence.

Ces remarques ont été saisies par le plus grand nombre des bons auteurs qui ont écrit sur cette matière. Galien paraît les avoir déjà faites. La volupté elle-même, dit-il, affoiblit les forces vitales. M. Fleming n’a pas omis cette cause dans fort beau Poëme sur les maladies des nerfs.

Quin etiam nervos frangit quæcumque voluptas[4].

Sanctorius établit positivement, que les mouvements affoiblissent plus que l’émission du sperme : & il est bien étonnant que M. Gorter, son commentateur, ait cherché à persuader le contraire. La raison qu’il en donne, en assurant que ces mouvements n’affoiblissent pas plus que d’autres mouvements quelconques, parce qu’ils ne sont pas convulsifs, ne persuadera personne. Un exemple, s’il peut en citer un, ne fait pas la loi. Lister, Noguez, Quincy, qui ont commenté le même ouvrage avant lui, ne pensent pas comme lui, & ils attribuent une partie du danger à l’affoiblissement que laissent les convulsions. Le coït, dit Noguez, est une convulsion ; il dispose les nerfs aux mouvements convulsifs ; & la plus légère occasion les fait naître[5].

J. A. Borelli, l’un des premiers créateurs de la Physiologie, ne les avoir pas envisagés comme M. Gorter : il est positif sur cet article ; cet acte est accompagné, d’une espece d’affection convulsive, qui porte les plus rudes atteintes au cerveau & à tout le genre nerveux[6].

M. Senac attribue positivement aux nerfs les foiblesses qui suivent le coït. La cause la plus vraisemblable de la syncope qui survient quand un abscès s’ouvre dans l’intérieur de l’abdomen : c’est, dit-il, l’action des nerfs qui se mettent alors en jeu. Cela est confirmé par l’abattement ou par la syncope qui suivent l’effusion du sperme ; car ce n’est qu’aux nerfs qu’on peut imputer cette défaillance[7].

M. Lewis[8] attribue plus a cette cause qu’à l’autre, tout comme Sanctorius.

Dès qu’il y a convulsion, le genre nerveux se trouve dans un état de tension, ou, plus exactement, dans un degré d’action extraordinaire, dont la suite nécessaire est un relâchement excessif. Tout organe, qu’on a monté au-dessus de son ton, retombe au-dessous : par-là même, les fonctions qui en dépendent se font nécessairement mal, & comme les nerfs influent sur toutes, il n’en est point qui n’éprouve quelque dérangement, quand ils sont affoiblis.

Une raison qui contribue aussi à l’affoiblissement du genre nerveux, c’est l’augmentation de la quantité du sang dans le cerveau pendant l’acte vénérien, augmentation bien démontrée, & qui est allée plusieurs fois jusqu’à produire l’apoplexie ; l’on en trouve plusieurs exemples dans les observateurs, & Hoffman rapporte celui d’un soldat, qui se livrant à cet acte avec fureur, mourut apoplectique dans le coït même ; l’on trouva le cerveau plein de sang. c’est par cette même augmentation de sang, qu’on explique pourquoi ces excès produisent la manie[9]. Cette quantité de sang, distendant les nerfs, les affoiblit ; ils résistent moins aux impressions, & c’est ce qui fait leur foiblesse.

En réfléchissant sur les effets de ces deux causes, l’évacuation de la semence & les mouvements convulsifs, il est aisé d’expliquer les désordres qui doivent en résulter dans l’économie animale. L’on peut les ranger sous trois classes ; la dépravation des digestions, l’affoiblissement du cerveau & du genre nerveux, le dérangement de la transpiration. L’on verra qu’il n’est aucune maladie chronique, qu’on ne puisse déduire de cette triple cause.

Le relâchement, dans lequel ces excès jettent, dérange les fonctions de tous les organes, dit un des auteurs qui a le mieux écrit sur la Diætétique ; & la digestion, la coction, la transpiration, les autres évacuations ne se sont plus comme il faut : d’où il résulte une diminution sensible des forces, de la mémoire, & même de l’entendement ; un obscurcissement dans la vue, tous les maux de nerfs, toutes les especes de goutte ou de rhumatisme, une foiblesse étonnante dans le dos, la consomption, la foiblesse des organes de la génération, des urines sanglantes, un dérangement dans l’appétit, des maux de tête & un grand nombre d’autres maladies, qu’il est inutile de détailler ici ; en un mot rien n’abrège autant la vie que l’abus des plaisirs de l’amour[10].

1°. L’estomac est la partie qui se ressent la première de toutes les causes qui affoiblissent, & cela, parce que c’est celle dont les fonctions demandent la plus grande perfection dans l’organe. La plus grande partie des autres sont autant passives qu’actives ; l’estomac est presqu’entierement actif ; aussi, dès que ses forces diminuent, ses fonctions se dérangent : vérité d’observations, qui, jointe à la suivante & à la variété des impressions premières, & souvent fâcheuses, que ce qu’on avale produit sur ce viscere, rend raison de la fréquence, de la bizarrerie & de l’opiniâtreté de ses maladies. Il est, de toutes les parties du corps, l’une de celles qui reçoit le plus grand nombre de nerfs, & dans laquelle, par-là même, il se distribue une plus grande quantité d’esprits animaux. Ce qui affoiblit l’action des uns, & diminue la quantité, ou altère la qualité des autres, doit donc diminuer la force de ce viscere plus que d’aucun autre ; c’est ce qui arrive dans les excès vénériens. L’importance de la fonction, à laquelle il est destiné, fait que dès qu’elle se fait moins bien, toutes les autres s’en ressentent.

Hujus enim validus firmat tenor omnia membra :
At centra ejusdem franguntur cuncta dolore[11].

Dès que les digestions se font imparfaitement, les humeurs prennent un caractere de crudité, qui les rend impropres à toutes leurs destinations ; mais qui empêche sur-tout la nutrition, dont dépend la réparation des forces. Il suffit, pour s’assurer de l’influence générale de l’estomac, d’observer l’état d’une personne, qui éprouve une digestion laborieuse : les forces se perdent dans quelques minutes ; un mal-aise général rend la foiblesse plus à charge ; les organes des sens s’émoussent, l’ame même n’exerce ses facultés qu’imparfaitement ; la mémoire, & sur-tout l’imagination, paroissent anéanties ; rien en un mot, ne rapproche plus un homme d’esprit d’un sot, qu’une digestion pénible.

Une belle observation rapportée par M. Payva, Médecin Portugais, habitué à Rome, répand un grand jour sur l’affoiblissement prodigieux dans lequel les excès de ce genre jettent l’estomac. Quand les désirs vénériens, dit-il, sont montés chez les jeunes gens à leur plus haut degré, ils éprouvent une espece de sensation agréable à l’orifice de l’estomac ; mais s’ils satisfont ces desirs avec trop d’impétuosité & au-delà de leurs forces, ils éprouvent dans ce même endroit une sensation extrêmement désagréable & fâcheuse qu’ils ne peuvent pas exprimer ; & ils payent bien chèrement leurs excès par la maigreur, le marasme &c. dans lesquels ils tombent[12].

Aretée avoit déjà connu cette vérité[13], & M. Boerhaave emploie les mêmes expressions que M. Payva : il ajoute que ce sentiment douloureux se dissipe, à mesure qu’ils reprennent leurs forces[14] : il confirme la même chose ailleurs, en y joignant une règle de pratique très-utile ; c’est que quand il survient des accès d’épilepsie, après des excès vénériens, il faut penser à fortifier les nerfs de l’estomac[15].

2°. La foiblesse du genre nerveux, qui dispose à tous les accidents paralytiques & spasmodiques, est produite, comme je l’ai déjà dit, par les mouvements convulsifs qui accompagnent l’émission ; en second lieu, par le vice des digestions : dès qu’elles péchent, les nerfs s’en ressentent, & s’en ressentent d’autant plus que le fluide qui les pénètre étant le dernier ouvrage de la coction, celui qui suppose la plus parfaite, quand elle est altérée, il est celui des fluides animaux, qui en est le plus sensiblement affecté ; celui sur lequel la crudité des humeurs a le plus d’influence. Enfin, ce qui augmente cet affoiblissement, c’est l’évacuation d’une humeur analogue aux esprits animaux, & qu’à raison de cette analogie, on ne peut point évacuer, sans diminuer la force du genre nerveux, dont les doutes modestes de quelques grands hommes, qui n’osent affirmer en physique, que ce dont la vérité tombe sous leurs sens, & les objections de quelques physiologistes subalternes ou systématiques, ne m’empêchent pas d’attribuer la force à ces esprits. D’ailleurs, indépendamment du dommage qui résulte de cette évacuation, relativement à la quantité d’esprits animaux, elle nuit, en ce qu’elle prive les vaisseaux de ce léger aiguillonnement que produit le sperme repompé, & qui contribue si fort à la coction. Elle nuit donc, & en soustraiyant une partie d’esprits animaux, ou au moins d’une humeur très précieuse, & en diminuant la coction, sans laquelle ces esprits ne sont préparés qu’imparfaitement & insuffisamment.

Il y a, entre les maladies de l’estomac & celles des nerfs, un cercle vicieux. Les premières font naître les secondes ; & celles-ci une fois formées, contribuent infiniment à les augmenter. Quand l’observation journalière ne le prouveroit pas, la seule inspection anatomique de l’estomac suffiroit pour en convaincre. La quantité de nerfs, qui s’y distribuent, démontre combien ils sont nécessaires à ses fonctions, & combien par-là même, elles doivent être dérangées, quand ils ne sont pas en bon état.

3°. Enfin, la transpiratïon se fait moins bien : Sanctorius a même déterminé la quantité dont elle diminuoit ; & cette évacuation, la plus considérable de toutes, ne peut pas être supprimée qu’il n’en résulte promptement une foule de symptômes différents.

L’on comprend aisément qu’il n’est point de maladies qui ne puissent être produites par cette triple cause. Je n’entrerai pas dans l’explication de tous les symptômes particuliers ; ce détail prolongerait trop ce petit ouvrage, & n’intéresseroit que les Médecins auxquels il est inutile : l’on peut voir ce qu’en dit M. Gorter[16].

M. Cliston Wintringham a très-bien détaillé les dangers de cette évacuation relativement relativement aux goutteux, & son explication mérite d’être lue[17].

Feu M. Gunzius[18], enlevé à la Médecine à la fleur de son âge, a donne une explication méchanique très ingénieuse des inconvénients de ces excès relativement à la respiration ; il parle dans cet endroit d’un homme qui s’étoit attiré par-là une toux continuelle, symptôme que j’ai vu chez un jeune homme qui mourut victime de l’onanisme. Il étoit venu à Montpellier pour faire ses études ; ses excès dans cette infamie le jetterent dans l’étisïe, & je me rappelle que sa toux étoit si forte & si continuelle, que tous ses voisins en étoient incommodés. On le saigna fréquemment dans la vue, sans doute, d’abréger ses souffrances. Une consultation lui ordonna d’aller prendre les bouillons de tortue chez lui (il étoit, si je ne me trompe, Dauphinois) & lui promit une guérison complette ; il mourut deux heures après.

Ce qu’on comprend le moins aisément, ou plutôt ce qu’on ne comprend point du tout, c’est cet affoiblissement prodigieux des facultés de l’ame. La solution de ce problême tient à la question insoluble pour nous, de l’influence des deux substances l’une sur l’autre, & nous sommes réduits à l’observation des phénomènes. Nous ignorons, & la nature de l’esprit & celle du corps ; mais nous sçavons que ces deux parties de l’homme sont intimement unies, que tous les changements que l’une éprouve sont ressentis par l’autre : une circulation un peu plus ou moins vîte, un sang un peu plus ou moins épais, quelques onces d’aliments de plus ou de moins, la même quantité d’un aliment plutôt que d’un autre, une tasse de café au lieu d’un peu de vin, un sommeil plus ou moins long ou tranquille, une selle un peu plus ou moins abondante, une transpiration trop forte ou trop foible, changent du tout au tout notre façon de voir & de juger les objets : d’une heure à l’autre, les révolutions de la machine nous font sentir & penser différemment, & nous font, à leur gré, de nouveaux principes des vices & des vertus ; tant sont vrais les vers du premier satyrique moderne.

Tout, suivant l’intellect, change d’ordre & de rang :
Ainsi c’est la nature & l’humeur des personnes,
Et non la qualité, qui rend les choses bonnes.
C’est un mal bien étrange au cerveau des humains[19].

Tant est exact le tableau que Lucrèce a tracé de cette union intime.

——— Gigni pariter cum corpore, & una
Crescere sentimus, pariterque senescerc mentem ;
Nam velut infirmo pueri, teneroque vagantur
Corpore ; sic animi fequitur sententia tenuis,
Inde ubi robustis adolevit viribus ætas,
Consilium quoque majus, & auctior est animi vis :
Post ubi jam validis quassatu’st viribus ævi
Corpus, & obtusis ceciderunt viribus artus ;
Claudicat ingenium, délirât linguaque, mensque,
Omnia deficiunt, atque uno tempore defunt.
Quin etiam morbis in corporis avius errat
Sæpe animus, dementit enim, delitaque fatur.[20].

L’observation nous apprend également que, de toutes les maladies, il n’y en a point qui affectent l’âme plus promprement que celles du genre nerveux : les épileptiques qui, au bout de quelques années, tombent presqu’ordinairement dans l’imbécillité, en fournirent une triste preuve, qui, en même temps, nous apprend qu’il n’est point étonnant si des actes, qui, comme on l’a dit plus haut, sont toujours légèrement épileptiques, produisent cet affoiblissement du cerveau, &, par-là même, des facultés.

L’affoiblissement du cerveau & du genre nerveux est suivi de celui des sens ; & cela est naturel. Sanctorius, Hoffmann, & quelques autres, ont cherché à expliquer pourquoi la vue souffroit plus particulièrement : mais leurs raisons, qui sont vraies, ne me paroissent pas suffisantes. Les principales, & celles qui sont particulières à cet organe, sont la multitude des parties qui composent l’œil, & qui, étant toutes susceptibles de différents vices, le rendent infiniment plus sujet à des dérangements que les autres. Les nerfs, en second lieu, servent ici à plusieurs usages, & sont en très-grand nombre. Enfin cet afflux d’humeurs sur cette partie pendant le temps de l’acte, afflux dont la scintillation, qu’on apperçoit alors dans les yeux des animaux, forme une preuve sensible, produit dans les vaisseaux d’abord une foiblesse, & ensuite des engorgements, dont la perte de la vue est une suite nécessaire.

Il est aisé actuellement de répondre a la question proposée plus haut ; pourquoi les eunuques, qui n’ont point de semence, ne sont-ils pas exposés aux maladies que nous venons de décrire ?

Il y en a deux raisons très-suffisantes. La première, c’est que s’ils ne retirent pas les avantages que produit cette liqueur, quand elle a été préparée & repompée ; d’un autre côté ils ne perdent point cette partie précieuse du sang destinée à devenir semence. Ils n’éprouvent pas ces changements, qui sont dûs à la semence préparée, & que j’ai indiqués plus haut ; mais ils ne doivent pas non plus être exposés aux maux qui viennent de la privation de cette humeur non préparée. L’on pourroit, si l’on veut me permettre d’employer les termes des métaphysiciens, distinguer la semence en semence à faire, semen in potentia ; c’est cette partie précieuse des humeurs que les testicules séparent : & semence faite, semen in actu. Si la première ne se sépare pas, la machine manque des secours qu’elle retire de la semence préparée, & n’éprouve point les changements qui en dépendent, mais elle ne s’appauvrit pas ; elle n’acquiert pas, mais elle ne perd pas ; on reste dans l’état d’enfance. Quand la semence se sépare & s’évacue, c’est alors une privation, un appauvrissement réel. La seconde raison, c’est que les eunuques n’éprouvent point ce spasme, auquel j’ai attribué une grande partie des maux qui suivent ces excès.

Les accidents qu’éprouvent les femmes s’expliquent tout comme ceux des hommes. L’humeur qu’elles perdent étant moins précieuse, moins travaillée, que le sperme de l’homme, sa perte ne les affoiblit peut-être pas aussi promptement ; mais quand elles vont jusqu’à l’excès, le genre nerveux étant plus foible chez elles, & naturellement plus disposé au spasme, les accidents sont violents. Des excès subits les jettent dans des accidents analogues à celui d’un jeune homme dont j’ai parlé plus haut, pag. 47, & j’ai été le témoin d’un triste spectacle en ce genre. En 1746, une fille âgée de vingt-trois ans, défia six Dragons espagnols, & soutint leurs assauts pendant toute une nuit dans une maison aux portes de Montpellier. Le matin on l’apporta en ville mourante : elle expira le soir, baignée dans son sang, qui ruisseloit de la matrice. Il eut été intéressant de s’assurer si cette hémorrhagie étoit la suite de quelque blessure, ou si elle ne dépendoit que de la dilatation des vaisseaux, produite par l’action augmentée de cet organe.

  1. Felic. Plateri, Observat. lib. prim. suffocatio ex congressu, p. 174.
  2. Epidem. l. 3. f. 7, æg. 17, Foef. p. 1117.
  3. Encyclop. Medic. l. 2, c. 6, p. 347.
  4. Neuropathia, l. i, v. 375.
  5. Sect. 6, aph. 10.
  6. De motu animal. l. 2, c. 12, prop. 170.
  7. Traité du cœur, l. 3, c. 12, §. 3, p. 539.
  8. Aphor. 4, p. 6.
  9. De morb. à nim. vener. §. 17.
  10. Lynch guide to health, p. 306.
  11. Q. Serenus Samm.
  12. In tentigine ardentissimâ juvenum inest quid grati in ore ventriculi ; in concubitum si ruant falacissimi, & ultra vires tendant opus, tunc in ore ventriculi manet illud ingratissimum amarumque quod exprimere nequeunt : pœnas & luunt, & pœnitentiâ dolent : hinc macies, marasmus, &c. G. R. De Payva. De affectu atrabilario mirachiali, &c. p. 17.
  13. De morb. chronic. l. 2, c. 6, stomachus delectationis trististiæque princeps est.
  14. De morb. nervor. p. 454.
  15. Ibid. p. 807.
  16. De perspirat. c, 17, §. 8, 12, & aph.
  17. The Works of the late Clifton Wintringham t. 2, p. 85, &c.
  18. Comment, in lib. de humoribus, p. 128.
  19. Regnier, satyre 5.
  20. De natura rerum, l. 4, v. 446.