L’Origine de la Tragédie/19

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L’Origine de la Tragédie dans la musique
ou Hellénisme et Pessimisme
Traduction par Jean Marnold et Jacques Morland.
Mercure de France (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 1p. 168-182).
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19.

On ne peut caractériser plus nettement la teneur intrinsèque de cette culture socratique qu’en la nommant la culture de l’opéra. Dans ce domaine, en effet, cette culture a révélé, avec une particulière naïveté, et son but et sa nature, et cela à notre stupéfaction, si nous comparons la genèse de l’opéra et les manifestations notoires de l’évolution de l’opéra avec les éternelles vérités apollinienne et dionysiaque. Je rappellerai d’abord l’avènement du stilo rappresentativo et du récitatif. Est-il croyable que cette musique, tout extériorisée, incapable de recueillement, ait pu être acceptée et cultivée avec un engouement passionné, en quelque sorte comme une régénération de toute véritable musique, par l’art d’une époque où venait de resplendir la sainteté et l’inexprimable sublime de la musique de Palestrina ? Et, d’autre part, qui voudrait attribuer au seul épicurisme, avide de divertissements, de la société florentine d’alors et à la vanité de ses chanteurs dramatiques, l’exclusive responsabilité de la vogue de l’opéra et de sa soudaine et frénétique expansion ? Que, dans le même temps et chez le même peuple, à côté de la voûte ogivale des harmonies de Palestrina, à laquelle avait travaillé tout le moyen âge chrétien, ait surgi cette fureur pour un mode d’expression qui n’est musical qu’à moitié, c’est là un phénomène que je ne puis m’expliquer que par l’action d’une tendance extra-artistique inhérente à la nature du récitatif.

Pour la satisfaction de l’auditeur qui veut percevoir avec netteté les paroles, le chanteur parle plus qu’il ne chante, et, par ce demi-chant, souligne plus fortement l’expression pathétique du discours. Grâce à ce renforcement du pathos, il facilite la compréhension de la parole et fait violence à l’élément qui constitue l’autre moitié de la musique. Le véritable danger qui le menace alors est qu’il accorde quelquefois mal à propos la prépondérance à la musique, par quoi disparaîtraient aussitôt fatalement le pathétique et la clarté du langage ; et pourtant, il se sent poussé par ailleurs à abandonner sa voix à l’entraînement musical et à la faire valoir avec virtuosité. Ici, le « poète » vient à son secours, en sachant lui ménager suffisamment les occasions d’accents lyriques, de répétitions de mots et de phrases, etc., qui permettent au chanteur de se reposer en ces endroits dans l’élément purement musical, sans prendre souci des paroles. Cette alternance de discours passionnés, expressifs, bien que chantés à moitié, et d’exclamations complètement chantées, qui est l’essence du stilo rappresentativo, les brusques fluctuations de cet effort qui s’évertue à agir, tantôt sur l’intelligence et l’imagination, tantôt sur le tréfonds musical de l’auditeur, tout cela est quelque chose de si absolument anti-naturel, de si profondément opposé aussi bien aux impulsions artistiques dionysiaques qu’à la tendance apollinienne, que l’on est obligé d’en conclure que le récitatif a trouvé son origine en dehors de tout instinct artistique. Il nous faut donc définir le récitatif comme un amalgame des interprétations épique et lyrique et, à coup sûr, en aucune façon comme une combinaison intime et stable impossible à réaliser à l’aide d’éléments aussi totalement disparates, au contraire, comme une espèce de mosaïque, l’agglutination la plus superficielle, comme une chose sans exemple dans le domaine de la nature et de l’expérience. Mais tel n’était pas le sentiment des inventeurs du récitatif ; bien plus, ils se figuraient même, et avec eux tous leurs contemporains, avoir retrouvé dans ce stilo rappresentativo le secret de la musique antique et l’explication de l’ascendant inouï d’un Orphée, d’un Amphion, voire de la tragédie grecque. Le nouveau style fut considéré comme une résurrection de la musique la plus puissamment expressive, celle des anciens Grecs. Grâce à l’opinion unanimement acceptée, à la conception toute populaire que l’on s’était formée du monde homérique, comme étant le monde primitif, originel, on put même se laisser aller au rêve d’un retour aux commencements paradisiaques de l’humanité, où la musique aussi devait nécessairement avoir possédé cette pureté, cette puissance et cette innocence que, dans leurs pastorales, les poètes savaient évoquer d’une manière si touchante. Nous pénétrons ici jusqu’au plus profond du principe générateur de cette forme artistique toute spécialement moderne, l’opéra : une impérieuse aspiration se crée à soi-même un art, mais une aspiration d’ordre inesthétique, l’attrait passionné pour l’idylle, la croyance à l’existence préhistorique d’un être humain artiste et bon. Le récitatif fut regardé comme la langue restaurée de cet homme primitif, l’opéra comme la patrie retrouvée de cette entité idyllique, de cette nature héroïque et bonne qui, dès qu’elle agit, obéit à un instinct artistique naturel, qui, dès qu’elle parle, chante pour le moins un peu, et chante soudain à pleine voix sous l’influence de la plus légère émotion. Peu nous importe aujourd’hui qu’au moyen de cette image reconstituée de l’être paradisiaque, de l’artiste de l’âge d’or, les humanistes de l’époque aient combattu l’antique conception théologique de l’homme prédestiné en soi au mal et à la damnation : ce qui confère à l’opéra la valeur d’une doctrine d’opposition, le sens d’un dogme de l’homme bon, mais lui accorde aussi la vertu d’un réconfort tutélaire contre le pessimisme auquel étaient entraînés spécialement et le plus fortement les esprits sérieux de ce temps, au milieu de l’épouvantable et universelle insécurité de l’existence. Il nous suffit d’avoir reconnu que le charme propre et, par conséquent, le développement de cette forme d’art nouvelle, résulte de la satisfaction d’une aspiration absolument inesthétique, de la glorification optimiste de l’homme en soi, de la conception de l’homme primitif comme l’homme naturellement artiste et bon. Ce principe fondamental de l’opéra s’est transformé peu à peu en une menaçante et terrible exigence qu’il nous est impossible de dédaigner en présence des mouvements socialistes contemporains. « L’homme primitif bon » réclame ses droits : quelles perspectives paradisiaques !

Je veux ajouter encore une confirmation non moins évidente de mon assertion que l’opéra est le produit de notre culture alexandrine, et est basé sur les mêmes principes. L’opéra est l’œuvre de l’homme théorique, de l’amateur critique, et non de l’artiste : un des phénomènes les plus étranges de l’histoire de tous les arts. Ce fut une exigence d’auditeurs bien pertinemment anti-musicaux, que l’on dût avant tout comprendre les paroles ; de sorte qu’il ne serait possible ainsi d’espérer une renaissance de l’art musical que si l’on parvenait à découvrir une espèce de chant dans laquelle le mot du texte commande à la polyphonie comme le maître à l’esclave, les paroles étant au même degré supérieures à l’harmonie qui les accompagne que l’âme est plus noble que le corps. C’est d’après la grossièreté ignorante et antimusicale de ces théories que fut réalisée, dans les commencements de l’opéra, l’association de la musique, de l’image et de la parole ; c’est aussi suivant les préceptes de cette esthétique que les poètes et les chanteurs à la mode en tentèrent les premiers essais dans les milieux aristocratiques dilettantes de Florence. L’homme artistiquement impuissant se crée à soi-même une forme d’art adéquate justement par cela même qu’il est l’homme anti-artistique en soi. Comme il ne se doute pas de la profondeur dionysiaque de la musique, il métamorphose pour son usage la jouissance musicale en compréhension rationnelle d’une rhétorique de la passion faite de sons et de mots dans le stilo rappresentativo, et en un plaisir suprême aux artifices des chanteurs ; parce qu’il lui est refusé d’atteindre jusqu’à la vision, il réclame le secours du machiniste et du décorateur ; parce qu’il lui est impossible de concevoir la véritable nature de l’artiste, il évoque devant soi : « l’homme primitif artistique » selon son goût, c’est-à-dire l’homme que la passion incite à chanter et à parler en vers. Il s’imagine être transporté dans un temps où la seule passion suffit à engendrer des chants et des poèmes ; comme si la passion avait jamais été capable de créer quelque chose d’artistique. Le postulat de l’opéra est basé sur une conception erronée de la nature de l’art, à savoir sur cette hypothèse idyllique que, en réalité, tout homme doué de sensibilité est un artiste. Dans cette acception, l’opéra est l’expression du dilettantisme dans l’art, la manifestation du dilettantisme qui dicte ses lois avec la sérénité optimiste de l’homme théorique.

S’il nous fallait agréger en une formule synthétique les deux principes efficients de la formation de l’opéra que nous venons de décrire, nous n’aurions autre chose à faire qu’à parler d’une tendance idyllique de l’opéra et à faire usage uniquement ici des expressions mêmes et de la démonstration de Schiller. « Ou bien, dit-il, la nature et l’idéal sont un sujet de tristesse, lorsque celle-là est représentée comme perdue et celui-ci comme n’étant pas atteint ; ou bien tous deux sont un sujet de joie, s’ils sont représentés comme étant une réalité. Du premier cas résulte l’élégie au sens strict du mot ; du second, l’idylle dans sa signification la plus étendue ». Il faut s’empresser de faire remarquer ce caractère commun des deux principes générateurs de l’opéra, que, par eux, l’idéal n’est pas conçu comme non atteint, ni l’état de nature considéré comme perdu. D’après cette manière de penser, il y aurait eu une époque primordiale où l’homme vivait au cœur même de la nature, et, dans cet état de nature, avait en même temps atteint à l’idéal de l’humanité, à une maîtrise artistique et une bonté paradisiaques ; nous serions tous les descendants de cet être primitif et parfait, nous en serions même encore la fidèle ressemblance ; seulement, pour nous reconnaître dans cet homme primordial, il nous faudrait rejeter quelque chose de nous, en renonçant volontairement à une érudition superflue, à une culture exagérée. Cette harmonie entre la nature et l’idéal, l’homme cultivé de la Renaissance la retrouvait dans son opéra imité de la tragédie grecque et se transportait ainsi dans une réalité idyllique ; il se servait de cette tragédie, comme Dante de Virgile, pour être conduit jusqu’aux portes du paradis : mais, à partir de là, il reprenait son indépendance pour aller plus loin encore et passait d’une imitation de la forme la plus élevée de l’art grec à une « restitution de toutes choses », à une reconstitution du monde artistique primordial de l’humanité. Quelle assurance ingénue dans ces efforts téméraires au sein de la culture théorique ! — on ne saurait se l’expliquer que par l’existence de cette croyance consolatrice que « l’homme en soi » constitue le héros d’opéra éternellement vertueux, qu’il est le berger qui éternellement chante et joue de la flûte, enfin que cet « homme en soi » doit nécessairement toujours se retrouver comme tel, au cas où, à un moment quelconque, il se serait perdu lui-même pendant quelque temps ; et on reconnaît ici l’authentique conséquence de cet optimisme qui s’élève des profondeurs de la conception socratique du monde, comme une vapeur parfumée, aux relents douceâtres et perfides.

L’opéra ne nous offre donc nullement l’expression de cette douleur élégiaque que cause une perte irréparable, mais bien la sérénité d’une perpétuelle recouvrance, la jouissance facile d’une idyllique réalité que, tout au moins, on peut à chaque instant s’imaginer réelle, — auquel cas il arrive parfois peut-être que l’on ait soudain le sentiment que cette prétendue réalité est seulement une fantasmagorie bouffonne et inepte, et que quiconque aurait le pouvoir de la comparer à la terrible gravité de la vraie nature, aux véritables scènes primitives des origines de l’humanité, devrait s’écrier avec dégoût : « Qu’on nous débarrasse de ce fantôme ! » On se tromperait pourtant si l’on se figurait pouvoir chasser cette apparition de mascarade qu’est l’opéra simplement par un grand cri, comme on fait pour un spectre ou un revenant. Celui qui veut détruire l’opéra doit engager la lutte contre cette sérénité alexandrine, qui symbolise si naïvement en lui ses théories favorites, et dont il est, en réalité, l’adéquate forme artistique. Mais qu’espérer pour l’art lui-même des effets d’une forme artistique dont les principes générateurs ne sont pas d’ordre esthétique, qui s’est, au contraire, échappée d’une sphère mi-morale, pour s’introduire à la dérobée dans le domaine de l’art, et ne peut dissimuler cette origine hybride que de temps en temps et par hasard ? De quels sucs se nourrit cet organisme parasite qu’est l’opéra, si ce n’est de la sève de l’art véritable ? Ne sera-t-il pas à prévoir que, sous l’influence de ses séductions idylliques, de ses captieux artifices alexandrins, la tâche la plus haute et la plus vraiment sérieuse de l’art — arracher le regard à l’horreur des ténèbres et épargner au « sujet », par le baume salutaire de l’apparence, les affres des convulsions de la Volonté — en arrive à dégénérer jusqu’à n’être plus qu’une occasion de plaisir, un moyen de distractions frivole ? Qu’adviendra-t-il des éternelles vérités dionysiaque et apollinienne, avec cet amalgame de styles qui est l’essence du stilo rappresentativo ? où la musique est considérée comme la servante et le texte comme le maître, où la musique est comparée au corps et la parole à l’âme ? où, dans le meilleur cas, le but suprême est une peinture musicale imitative, à peu près comme il en fut jadis dans le dernier dithyrambe attique ? où la musique est absolument déchue de sa véritable fonction, dépossédée de sa dignité de miroir dionysiaque du monde, de telle sorte que, devenue l’esclave de l’apparence, il ne lui reste plus d’autre rôle que celui d’imiter la modalité de formes des apparences et de provoquer un plaisir tout extérieur par le jeu des lignes et des proportions ? Un examen attentif montre que cette influence néfaste de l’opéra sur la musique coïncide exactement avec l’évolution tout entière de la musique moderne. L’optimisme latent, inhérent à la genèse de l’opéra et à l’esprit de la culture qu’il représente, a réussi, avec une rapidité inquiétante, à dépouiller la musique de son caractère d’expression dionysiaque du monde et à lui inculquer les qualités d’un art agréable, s’amusant aux arabesques des formes. Et l’on ne saurait peut-être comparer cette transformation qu’à la métamorphose qui fit de l’homme eschyléen, l’homme de la sérénité alexandrine.

Mais si nous avons démontré par des exemples et légitimement affirmé la connexité qui se révèle entre la disparition de l’esprit dionysien et une modification insolite, une dégénération de l’homme grec frappante au plus haut point et inexpliquée jusqu’ici, — quelles espérances ne doivent pas renaître en nous lorsque les présages les plus certains nous garantissent l’avènement du phénomène contraire, le réveil progressif de l’esprit dionysien dans notre monde actuel ! Il n’est pas possible que la divine force d’Hercule sommeille éternellement en esclavage, dans les liens voluptueux d’Omphale. Du tréfonds dionysiaque de l’esprit allemand, une force a surgi, qui n’a rien de commun avec les principes fondamentaux de la culture socratique, et que cette culture est impuissante aussi bien à expliquer qu’à justifier, une force qui, au regard de cette culture, est au contraire quelque chose d’effrayant et d’inconcevable, quelque chose d’odieux et d’extravagant, la musique allemande, telle surtout qu’elle nous apparaît dans son radieux et puissant essor de Bach à Beethoven et de Beethoven à Wagner. Que peut essayer d’entreprendre, dans les circonstances les plus favorables, la curiosité positive et empirique du socratisme de nos jours, avec ce démon évoqué d’insondables profondeurs ? Ni l’arabesque dentelée de la mélodie d’opéra, ni la machine arithmétique de la fugue ou la dialectique du contrepoint ne sont capables de livrer les formules dont la triple puissance aurait le pouvoir d’enchaîner ce démon et de le forcer à parler. Quel spectacle est celui de nos esthéticiens qui, armés du filet de leur idée spéciale de la « beauté », poursuivent le génie de la musique évoluant devant eux avec une déconcertante vitalité, et cherchent à s’en saisir, au milieu de préoccupations relevant aussi peu des lois de la beauté éternelle que de celles du sublime. On n’a qu’à regarder un peu de près et en personne ces chaperons de la musique, lorsqu’ils crient avec une si infatigable ardeur « Beauté ! Beauté ! », pour voir s’ils se conduisent, en cette occurrence, comme les fils préférés de la nature, ses enfants gâtés élevés dans le giron du beau, ou s’ils ne cherchent pas plutôt ainsi un masque hypocrite pour dissimuler leur cuistrerie naturelle, un prétexte esthétique pour excuser leur apathie et leur platitude : à ce propos, je pense, par exemple, à Otto Jahn. Mais que le menteur et l’hypocrite prennent garde à la musique allemande ; car, au centre de toute notre culture, elle seule est le feu spirituel inaltéré, limpide et purificateur, d’où proviennent et où vont toutes choses entraînées dans un double orbite comme dans le système du grand Héraclite d’Éphèse ; et tout ce que nous nommons aujourd’hui culture, intelligence, civilisation, doit comparaître un jour au tribunal de Dionysos, l’infaillible justicier.

Rappelons-nous alors, comment, grâce à Kant et à Schopenhauer, il fut possible à la philosophie allemande, dérivée des mêmes principes, d’anéantir le satisfait plaisir de vivre du socratisme scientifique, par la détermination de ses limites ; comment cette démonstration eut pour résultat une conception incomparablement plus profonde et plus sérieuse des problèmes éthiques et de l’art, conception que nous pouvons définir en toute assurance comme la sagesse dionysienne exprimée en idées. Que signifie pour nous cette connivence mystérieuse de la musique et de la philosophie allemandes, si ce n’est l’avènement d’une nouvelle forme d’existence dont nous ne pouvons nous faire une idée qu’à l’aide d’analogies helléniques ? Car l’exemple des Grecs conserve pour nous, qui sommes arrivés à la ligne frontière de deux différentes formes d’existence, cette valeur inappréciable que toutes ces luttes et ces évolutions nous sont présentées par lui sous un aspect classique et plein d’enseignement. Il semble seulement que nous revivions analogiquement, en quelque sorte dans l’ordre inverse, les grandes époques décisives de l’Hellénisme et que nous remontions en arrière, par exemple, de l’ère alexandrine jusqu’à l’époque de la tragédie. Nous éprouvons en même temps cette impression que la naissance d’une époque tragique n’aie d’autre signification pour l’esprit allemand que celle d’un retour à sa propre nature, d’une bienheureuse recouvrance de soi-même, après que, durant un long temps, de monstrueuses forces étrangères avaient asservi au joug de leur forme cet esprit abandonné à une informe barbarie. Après avoir désormais retrouvé la source vive de sa véritable nature, il peut oser s’avancer enfin, débarrassé du harnais d’une civilisation romane fier et libre en face de tous les peuples, s’il sait s’attacher inébranlablement aux seuls enseignements d’un peuple duquel on peut dire qu’apprendre de lui est déjà une gloire insigne et un honneur exceptionnel, du peuple grec. Et quand les leçons de ces maîtres suprêmes pourraient-elles nous être plus nécessaires qu’à l’heure présente, alors que nous assistons à une renaissance de la Tragédie, et que nous sommes en danger d’ignorer d’où elle vient et de ne pouvoir nous expliquer le but qu’elle veut atteindre ?