L’amour saphique à travers les âges et les êtres/30

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(auteur prétendu)
Chez les marchands de nouveautés (Paris) (p. 240-246).

L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre
L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre

XXX

L’AMOUR LESBIEN À TRAVERS LE MONDE


Pratiqué de tout temps, le saphisme est également en usage, de façon plus ou moins avouée, dans tous les pays de l’univers.

À peu de chose près, la façon d’aimer des femmes, qu’elles soient Esquimaudes, Chinoises, Turques, négresses ou Indiennes, reste la même ; ce qui diffère, c’est plutôt la mentalité, la façon d’envisager et d’accomplir cet acte.

En Afrique, il est des peuplades où la mère masturbe gravement sa petite fille pour lui « faire son sexe ». Chez d’autres les caresses sexuelles sont permises entre les petites filles, qui se les donnent en public sans le moindre trouble, et interdites à partir de la puberté.

Dans l’Inde, lorsqu’une fille a atteint douze ans sans que les signes de sa nubilité apparaissent, l’on est convaincu qu’elle est sous un charme maléficieux que les pratiques lesbiennes auront le pouvoir de chasser.

C’est, du reste, de l’excellente médecine empirique, car les parties sexuelles encore endormies ne tardent pas à s’émouvoir sous les vibrations amoureuses, et la puberté s’épanouit.

En Perse, en Turquie, et en général dans tous les pays où l’islamisme fleurit, l’amour saphique est considéré par les hommes avec une telle indifférence qu’il n’est même pas un ragoût pour leur sensualité.

Quelques maris ferment même les yeux sur les caresses stériles que leurs femmes sollicitent des eunuques commis à la garde de leur vertu.

Cependant, en général, l’amour n’est pas toléré entre les femmes et ces moitiés d’hommes, au lieu qu’entre elles les habitantes des harems se donnent les caresses les plus ardentes sans exciter la plus petite jalousie ni la moindre réprobation de la part de leur époux.

Une seule chose est exigée, c’est que les pucelles ne soient point déflorées par les doigts ou par des objets étrangers ; c’est à quoi veillent soigneusement les mères, qui expliquent par le menu aux fillettes tout ce qu’il leur est loisible de faire et ce dont il faut se garder.

Les Orientales, très friandes du plaisir sexuel, en augmentent volontiers l’intensité par l’usage des parfums brûlés qui mettent dans le cerveau une langueur, un trouble, tandis qu’ils activent prodigieusement leurs sens. Elles ont coutume aussi de se frotter la vulve avec certains parfums qui leur causent un prurit qui rend le baiser saphique infiniment voluptueux.

Dans certains districts de Perse, une jeune fille n’est pas considérée comme bonne à marier si au moins depuis six mois une femme experte ne l’a pas initiée à la volupté, tant théoriquement que pratiquement, bien que toujours en réservant l’étroit tabernacle, qu’il appartient au mari de pénétrer.

Ce n’est pas la mère qui se charge de cette intéressante partie de l’éducation de la jeune vierge, mais une parente ou une amie, choisie parmi celles qui sont les plus savantes et les plus goûtées de leurs maris.

Il peut se trouver que ces initiatrices soient de simples esclaves ou de très grandes dames, qui bénévolement flattées dans leur amour-propre — et vraisemblablement touchées dans leurs sens — consentent très volontiers à jouer le rôle d’institutrice pratique de la sensualité.

Quelquefois, cette coutume devient un simple moyen de flatter une dame influente, et même si son expérience est médiocre, la mère avisée lui mène sa fille et, telle qu’un courtisan habile, vante les leçons que celle-ci reçoit.

Chez les Esquimaux, la virginité est considérée comme un obstacle des plus gênants au plaisir, et livrer une fille non dépucelée à un époux est le plus vilain tour qui puisse lui être joué.

Souvent c’est le père qui se charge de cette tâche ingrate, mais il est bien entendu qu’il serait impardonnable de déposer sa semence dans le sein de sa fille. Aussi, tandis que s’accomplit l’opération, la mère guette-t-elle et se tient-elle toute prête à recevoir le membre que son mari retirera à temps du vagin désormais ouvert de la jeune fille.

Très souvent, soit que le père se refuse à cet acte, soit que la mère le considère comme dangereux, c’est elle qui se charge de dépuceler sa fille avec un de ces os d’ours ou de baleine dont les gens de ces régions polaires se servent pour confectionner des ustensiles de ménage, cuillers, manches de fouets et d’outils, etc.

En Suède, l’amour saphique est très répandu dans certaines classes de la société. Dans le « monde » on ne l’avoue pas ; dans la petite bourgeoisie, on en parle à mots couverts, avec des sourires indulgents lorsqu’il s’agit de jeunes filles. L’on est, au contraire, fort sévère pour les femmes mariées qui s’adonnent à ce vice.

Dans l’Amérique du Sud, l’usage de se masturber avec des objets est si répandu parmi les femmes indiennes, que le nom du membre viril est donné à un arbre singulier dont les jeunes pousses arrondies et de bois souple comme du caoutchouc sont souvent employées en guise de membre artificiel par les femmes. Pas de maison qui n’ait son « f’taï » pendu à la muraille, parmi les ustensiles de cuisine. Même, l’objet est souvent manié par le mari quand ses sens repus ou trop faibles ne lui permettent pas de contenter son épouse.

En Espagne, les tribades sont légion, et de ce pays vient l’invention d’un instrument spécial, destiné à faire jouir simultanément les deux amantes, assez long et pourvu de deux extrémités semblables ; celle qui tient le rôle de l’homme en introduit un bout dans son vagin et pousse l’autre bout dans la vulve de son amie. Grâce à ce procédé, tous les mouvements de l’une servent au plaisir de l’autre.

On y pratique aussi le baiser saphique d’une façon particulière. L’amante commence par s’emplir la bouche d’alcool et le souffle dans le sexe de son amie, puis le reboit ensuite. Le contact de l’alcool sur les muqueuses rend l’orgasme vénérien d’une grande intensité.

Dans les classes populaires, la femme virile qui volontiers possède une compagne est regardée avec une certaine admiration ; au contraire, celle qui s’abandonne à ses désirs est traitée avec mépris et, pour un homme, il est peu flatteur de devenir l’amant d’une fille qui se laisse aimer par des femmes. Beaucoup de danseuses publiques sont de hardies don Juan femelles, et leur titre fouette le désir des hommes qui sont flattés de les soumettre à leur tour à la passion naturelle.

En Angleterre, le saphisme est très répandu ; il accompagne ordinairement ses joies de la flagellation et de l’alcoolisme. Deux amies se réunissant commencent par s’assurer de la bouteille qui leur permettra de se confectionner des grogs nombreux et de haut goût.

Comme pour tout ce qui touche à ses vices l’hypocrite Albion ne livre pas volontiers aux étrangers le secret de ses mœurs, néanmoins, lorsqu’on a habité pendant quelque temps l’Angleterre, l’on se convainc aisément que l’amour lesbien, pratiqué avec le dernier des cynismes et parfois avec une grossièreté et une brutalité répugnantes, existe dans toutes les classes de la société, aussi bien dans la haute que dans la moyenne ou les classes inférieures. Dans leur chambrette de maids, Dolly et Polly s’étreignent en balbutiant de tendres mots avinés, tout comme miss Maud et miss Addah, les petites bourgeoises et les nobles ladies des aristocratiques châteaux.


L’Amour saphique, Vignette de fin de chapitre
L’Amour saphique, Vignette de fin de chapitre