La Bataille de la Marne (Reichsarchiv)/05

La bibliothèque libre.
Reichsarchiv (Poczdam)
Traduction par des contributeurs de Wikisource.
Verlegt bei E. S. Mittler & Sohn (p. 232-282).


Chapitre 5.

L'intervention de l'état-major général dans la décision de la bataille

Remarque préliminaire. En raison de la pauvreté des matériaux officiels engendrés pendant la mission du lieutenant-colonel Hentsch, et les grandes contradictions, que l'on ne peut encore aujourd'hui résoudre, entre les indications des personnes qui ont agi, il semble nécessaire exceptionnellement de donner une liste des matériaux qui se rapportent à cette affaire, puisque ces événements ont pris une signification sur le plan de l'histoire mondiale. L'annexe 1 apporte une évaluation critique des matériaux utilisés pour la présentation qui suit. Dans l'impossibilité de résoudre les nombreuses contradictions encore aujourd'hui, il a été donné intentionnellement dans cette partie un plus grand espace à la présentation des diverses conceptions, de leurs fondements qu'il n'est par ailleurs usuel.


1. Événements à l'état-major général, le matin du 8/9

Carte 6 (1:000 000)

Jusqu'au soir du 7/9, les opérations se déroulaient en sorte que l'état-major général n'avait pas eu l'occasion d'intervenir. Tandis que des bonnes nouvelles sur l'état du combat provenaient des 5e, 4e et 3e armées dès le soir du 7/9 — la 3e armée voulait partir à l'attaque à la baïonnette sur l'ensemble du front le 8 au matin — il manquait des renseignements plus précis de l'aile droite de l'armée. Ce n'est que les rapports issus de là tôt le 8/9 qui ont apporté de la clarté sur la situation réelle de cette aile de l'armée. Tout d'abord, il arriva vers 4 h du matin une communication radio paraissant fiable de la 1re armée (envoyé le 7/9 à 5 h de l'après-midi (p. 61) ) ; puis « la bataille du IIe corps d'armée et du IVe corps de réserve, par l'appui du IVe corps d'armée était en marche sur l'aile droite contre une ligne à l'est de Nanteuil-Meaux. Les IIIe et IXe corps d'armée étaient en mouvement. L'attaque sera poursuivie le lendemain (8/9) avec une perspective de succès. Le commandant de la 2e division de cavalerie couvre le secteur Meaux-Coulommiers, où aucun ennemi plus fort n'est attendu... » C'est ainsi qu'était formulé le rapport. La lacune créée par le retrait des IIIe et IXe corps d'armée au nord de la Marne, qui n'était comblée que par la cavalerie, a provoqué chez le général v. Moltke un souci, malgré le caractère rassurant du rapport sur la situation à cet endroit. Un rapport arrivant à la même heure de la 2e armée le renforça dans sa conception sérieuse de la situation. Cette armée s'était affirmée sur ses positions malgré une domination, et voulait continuer le 8/9 l'attaque sur son aile gauche, en commun avec deux divisions saxonnes, et c'est pourquoi la fin du rapport concluait : « Suite à de fortes pertes, la 2e armée a encore la puissance de combat de 3 corps d'armée (p. 91). », ce qui a eu sur le chef d'état-major général un effet peut-être plus fort que l'expéditeur ne l'avait souhaité (Sur l'origine de cette phrase terminale, le premier officier d'état-major de l'état-major général, le lieutenant-colonel Matthes rapporte : « Cette phrase a été encore ajoutée au dernier moment sur l'ordre personnel du général v. Bülow sous cette forme, uniquement pour faire allusion à la force de combat diminuée. Des sept corps de la composition initiale, la 2e armée ... n'avait plus que 3 ¾ corps d'armée (Garde, Xe corps, Xe corps de réserve, et ¾ du VIIe corps) ... Quand on considère que les 3 ¾ corps restants avaient derrière eux les batailles de Namur et de Saint-Quentin, et se battaient depuis 3 jours sur le Petit Morin, alors, une diminution de la force de combat de 20 % n'a rien de surprenant. »

Un message radio arrivant et entendu peu après 7 h, du même commandement au corps de cavalerie Richthofen, selon lequel ce dernier devait assurer de façon urgente la protection du flanc de l'aile droite de l'armée qui se tenait au nord de Montmirail, a eu un effet dans la même direction. Peu après 9 h du matin, une communication radio écoutée de même de la part du commandant de la 1re division de cavalerie au commandement de la 2e armée a paru éclairer tout d'un coup le sérieux de la situation sur l'aile droite de l'armée. D'après ce message, l'ennemi avait pénétré la brèche entre les 1re et 2e armées : « La position sur le Petit Morin : Biercy-Orly-Villeneuve est percée. Le commandant de la 1re division de cavalerie se retire lentement derrière Dollau. » Ainsi, pour le général v. Moltke, le danger d'une percée entre les deux armées de l'aile droite sembla se rapprocher de façon menaçante.

Dans cette situation arrivèrent des nouvelles tout à fait bienvenue de Belgique, qui montrèrent la possibilité d'apporter bientôt des renforts à l'aile droite de l'armée menacée. Le terrain entre Gand - Seebrügge - Ostende - Lille, soit toute la Belgique occidentale et la France du nord, a été déclaré libre de l'ennemi par des reconnaissances aériennes. C'est pour cela que la 7e armée en train de formation est disponible pour de nouvelles tâches. La plus importante était alors l'appui de l'aile ouest en combat lourd. Le général d'armée v. Heeringen reçut au matin du 8/9 l'ordre de « renforcer l'aile droite de l'armée », et en même temps l'ordre de « de mettre en route tous les parties disponibles, — 7e division de cavalerie, VIIe et IXe corps de réserve — immédiatement en direction de Saint-Quentin. Faire suivre les unités valides du XVe corps d'armée, selon les circonstances. »

Dans une conférence qui eut lieu peu après l'arrivée de tous ces messages, entre le général v. Moltke, le colonel Tappen, et à laquelle assistaient aussi le colonel v. Dommes et le lieutenant-colonel Hentsch, et remarquablement, pas l'adjoint du chef de l'état-major général, le général de division v. Stein, on a débattu en détail la situation générale de l'armée de l'ouest. Les renseignements sur la diminution de la puissance de combat de la 2e armée et sur la percée de la position du Petit Morin ont eu un effet particulièrement fort sur le chef d'État-major général et sur le lieutenant-colonel Hentsch. Ils inclinaient à un jugement sérieux sur la situation, tandis que les colonels Tappen et v. Dommes n'attribuaient à ces nouvelles aucune importance sérieuse sur l'issue de la bataille, vu les bons renseignements reçus du commandement de la 1re armée, qui laissaient espérer un succès pour la 1re armée. Ils se tenaient d'autant plus à leur vision pleine d'espoir de la situation générale qu'en cas de victoire de la 1re armée, il n'y aurait plus à craindre de percée de l'ennemi entre les 1re et 2e armées. Leur confiance se fondait sur la croyance en une puissance supérieure de la troupe ; ils croyaient en la victoire de la 1re armée. Dans la conviction inébranlable qu'une bataille est seulement perdue si on la croit perdue, tout dépendait pour eux, malgré les difficultés de la situation, de s'en tenir sans en dévier à l'idée de victoire. Cette confiance ne resta apparemment pas sans influence sur le général v. Moltke. Finalement, lui aussi exprima l'espoir que l'on pourrait vaincre la crise présente par une persévérance tenace, et que les mouvements de recul n'étaient pas absolument nécessaires. Le lieutenant-colonel Hentsch, par la suite de l'entretien, s'est retenu d'exprimer sa vision négative, bien que lui ne croie pas à une victoire de la 1re armée, et qu'il vît sur la base des informations de la 2e armée et du corps de cavalerie Richthofen la situation déjà comme si sérieuse, que le retrait de l'aile droite allemande lui parût inévitable. Il a exprimé cette pensée après la réunion (p. 231). Les colonels Tappen et v. Dommes pensent cependant se rappeler avec certitude qu'il n'a pas exposé ce point de vue pendant la réunion.

Au cours de la réunion, il est ressorti comme une nécessité urgente de clarifier avec fiabilité et en détail la situation de l'aile droite, et en particulier de la 1re armée. Les perspectives de résistance dépendaient de l'état de la bataille pour cette armée, et par conséquent toutes les décisions à prendre. Le colonel v. Dommes s'offrit pour aller à la 1re armée. Mais le général v. Moltke se décida pour l'envoi du lieutenant-colonel Hentsch, puisque celui-ci se trouvait familier avec les circonstances des 1re et 2e armées, ayant déjà été brièvement sur place. Il considérait le colonel Tappen comme indisponible, dans sa qualité de chef du département des opérations.

Le lieutenant-colonel Hentsch était considéré comme un officier d'état-major particulièrement capable, qui s'était fait remarquer dans tous ses postes par de particulièrement bonnes actions. Sa personnalité ne reculait devant aucune responsabilité, mais il n'était pas non plus enclin à risquer le maximum dans des situations difficiles. Ceci contredisait son être consciencieux, prudent dans ses estimations. Selon le jugement du général v. Kuhl, qui avait longtemps été son chef au grand état-major, « son sérieux avait été testé sous tous les rapports. » Une apparence sûre et solide, ainsi qu'un jugement tranquille, clair et convaincant lui donnaient dans une mesure particulière la capacité d'influencer ses collègues. Selon un rapport du chevalier v. Zoellner, alors colonel à l'État-major général, en date du 15/12/1925, « la manière de ses rapports toujours remarquablement concis et clairs avait un effet suggestif très prononcé. »

La consigne donnée au lieutenant-colonel Hentsch par le général v. Moltke au cours de la réunion n'a pas été rédigée par écrit. Aucun des participants n'a pris de notes à ce sujet immédiatement après la réunion, si bien que des différences considérables d'interprétation sur le texte existent.

Dans une note marginale du général v. Moltke sur le journal de campagne de la 1re armée, probablement écrite en février 1915, il est écrit : « Le lieutenant-colonel Hentsch n'avait que la mission de dire à la 1re armée que — si sa retraite devait s'avérer nécessaire — elle devait se replier sur la ligne Soissons-Fismes, pour rétablir le contact avec la 2e armée. Il n'avait en rien la mission de dire que la retraite était inévitable. Il faudra comparer le rapport rédigé par le lieutenant-colonel Hentsch sur ces événements. Je n'ai jamais donné un ordre de retraite à la 1re armée. Ni d'ailleurs à la 2e armée. » Dans son rapport sur la retraite de la Marne en date du 26/7/15, le général v. Moltke s'exprime sur le même ton : « ... J'ai envoyé... le lieutenant-colonel Hentsch aux 2e et 1re armées, afin de se renseigner sur la situation. Il devait indiquer à la 1re armée, au cas où elle serait forcée à reculer, de se replier sur la ligne Soissons-Fismes, pour reprendre ainsi le contact avec la 2e armée... » Cette position est confirmée par un mémo du 28/12/25 du capitaine v. Harbou, alors au département des opérations : « Je me souviens clairement de ce que le colonel v. Dommes, qui s'entretenait souvent avec moi pendant ces jours critiques, m'a brièvement dit après la réunion chez le chef d'état-major général, que le lieutenant-colonel Hentsch était envoyé aux 1re et 2e armées, pour accorder leurs mouvements au cas d'une retraite devenue nécessaire. De la conversation était ressorti que le colonel v. Dommes ne pensait pas qu'une telle « retraite devenue nécessaire » surviendrait. »

Selon des rapports des colonels à l'époque Tappen et v. Dommes en date du printemps 1917, la mission du général v. Moltke aurait été plus restreinte encore, et dans le sens général suivant : « Au cas où des mouvements de retraite auraient déjà été amorcés sur l'aile droite, il (Hentsch) devait essayer de les conduire en sorte que la retraite des ailes internes des 1re et 2e armées en direction de Fismes bouche la brèche entre les deux armées. »

Dans un écrit encore postérieur de 1920, v. Dommes, alors général de brigade écrit même que Hentsch avait eu en premier lieu la mission « d'empêcher la retraite des armées. » La consigne d'harmoniser les retraites éventuelles des armées ne serait apparue qu'en seconde ligne. Dans un mémo du 1925, Tappen, alors général de division, souligne également que selon ses souvenirs, la mission « d'empêcher la retraite des armées » avait été spécialement soulignée. « Pendant la réunion, il a toujours été souligné que les armées doivent tenir coûte que coûte. » Ceci aurait correspondu au plus près à l'instruction générale d'attaque et de résistance que le Chef suprême des armées avait donné la veille au chef d'état-major général à son rapport la veille (p. 144). Mais apparemment, dans la mission du général v. Moltke au lieutenant-colonel Hentsch, la volonté impériale n'avait pas été exprimée avec suffisamment de clarté et de sûreté.

Les indications des quatre participants à la réunion concordent en ce que le but principal de la mission du lieutenant-colonel Hentsch était de clarifier la situation de l'aile droite de l'armée allemande. Cependant, pour les colonels Tappen et v. Dommes, le lieutenant-colonel Hentsch n'avait à apporter d'indications que pour le choix de la direction de retraite, au cas où des mouvements de retraite auraient déjà été entamés, tandis que pour le général v. Moltke, ces indications auraient été données pour le cas où « la retraite deviendrait nécessaire » pour la 1re armée. Les indications du général v. Moltke ne permettent pas de reconnaître sans ambiguïté qui devait décider de la nécessité de la retraite de la 1re armée. Par suite, il n'est pas exclu que le lieutenant-colonel Hentsch ait considéré dans sa mission une délégation de pouvoirs afin de pouvoir décider par lui-même de la nécessité de la retraite.

D'après Hentsch lui-même, il aurait reçu une délégation de pouvoirs encore plus étendue. Comme il l'indique dans son rapport en date du 15/9/14, il aurait reçu « l'habilitation » certaine de « prescrire en cas de danger un mouvement de retraite des 1re à 5e armées, jusqu'à dernière la Vesle et à la hauteur du bord nord de l'Argonne. » Il peut paraître surprenant qu'aucun des participants à la réunion, et en particulier pas le général v. Moltke n'ait soulevé d'objection à ce moment là contre cette position. On peut alors se demander si le chef d'état-major général et les colonels Tappen et v. Dommes, alors sous la pression des événements qui se bousculaient, aient pris d'ailleurs connaissance de ce rapport. Aucun des trois ne l'a contresigné, alors qu'ils apposaient très régulièrement leur paraphe sur tous les écrits qu'ils examinaient, comme signe de prise de connaissance. Tappen, maintenant général de division, explique dans une note à la Reichsarchiv, qu'il lui a été impossible en raison de sa mise à contribution extraordinaire « par la situation opérationnelle extrêmement tendue pendant ces jours-là, et par l'accumulation des tâches, d'apporter une attention particulière au rapport de Hentsch, qui se rapportait à des événements passés, d'autant plus qu'il s'opposait au rapport oral fait par le lieutenant-colonel Hentsch au général v. Moltke le 10/9. » v. Dommes, maintenant général de brigade s'exprime dans le même sens, et il indique en plus que Hentsch indique selon le rapport fait oralement au général v. Moltke à son retour le 10/9 (p. 327), il se serait tenu exactement à la mission qui lui avait été donnée, si bien que les conditions de l'activité de Hentsch lui parurent alors clarifiées ; il n'aurait eu connaissance du rapport écrit ultérieur du lieutenant-colonel Hentsch qu'en avril 1917. Le général v. Moltke ne l'a probablement jamais reçu en communication, puisqu'il avait été démis de ses fonctions dès le 14/9.

Selon le rapport complémentaire du lieutenant-colonel Hentsch du 14/5/17, le général v. Moltke lui aurait indiqué pour le repli de l'ensemble de l'armée la ligne Ste Menehould - Reims - Soissons - Fismes (Les villes sont rapportées dans cet ordre dans l'original du rapport). Il lui aurait explicitement donné les pleins pouvoirs de donner des ordres au nom de l'État-major général. Le rapport du capitaine König, de l'état-major général, qui accompagnait le lieutenant-colonel Hentsch dans sa mission, ne contredit pas cette position au sujet de la consigne donnée (p. 231).

La contradiction entre les indications sur la teneur explicite des instructions au lieutenant-colonel Hentsch ne pourra plus guère être clarifiée aujourd'hui, puisqu'il n'y en a pas eu de spécification écrite, et que le lieutenant-colonel Hentsch n'a pas laissé de notes sur sa mission avant son départ. En outre, les deux participants majeurs, le général v. Moltke et le lieutenant-colonel Hentsch, ne sont plus parmi les vivants. À propos des raisons pour lesquelles le texte de la mission n'a pas été spécifié par écrit, le colonel d'alors v. Dommes concède que cette négligence « en raison de l'importance fatale et historique sur le plan mondial que cette mission a reçue, a certainement été une erreur. Et malgré cette reconnaissance, et regardant en arrière, il me faut encore aujourd'hui dire que l'on ne donnerait pas par écrit à un chef de département une mission aussi simple, si elle ne contenait pas une délégation de pouvoirs importante. Mais il ne l'a pas fait. » — Les indications sur la teneur de la mission sont toutes arrivées plus tard, parfois après des années, rapportées de mémoire, si bien que des erreurs sont absolument possibles. Il paraît douteux que les instructions données oralement aient été claires et certaines. Hentsch écrit que la mission découlait de son propre jugement de la situation générale, d'instructions pour des cas particuliers, et des questions et réponses qu'il avait posées. La grande diversité des indications peut s'expliquer d'une part psychologiquement, d'autre part aussi peut-être par les positions intérieures différentes des participants. Chacun a mis dans une mission qui n'avait pas été clairement formulée, ce qui correspondait le mieux à sa conception. Les alors colonels Tappen et v. Dommes contestent en tous cas dans toutes leurs opinions les indication du lieutenant-colonel Hentsch sur la teneur de sa mission avec la plus grande décision. Le premier a rapporté en 1920 : « Qu'il lui (Hentsch) ait été conféré par le chef d'État-major général les pleins pouvoirs pour ordonner en cas d'urgence la retraite des 1re à 5e armées derrière la Vesle et à la hauteur du nord de l'Argonne, il n'en a jamais été question en ma présence. » Mais comme il ne subsiste aucun doute sur l'amour de la vérité du lieutenant-colonel Hentsch, et qu'il est également certain que Hentsch pendant les jours qui ont suivi était pénétré fermement, dans ses expressions, ses mesures, et ses actions d'avoir entièrement suivi la mission qui lui était impartie, et qu'il avait agi dans le sens du général v. Moltke, alors s'impose l'hypothèse que Hentsch, au cours de l'entretien journalier qu'il avait en sa qualité de chef du département des informations avec le général v. Moltke, apparemment seul après la réunion générale, a pu exposer encore entre quatre yeux sa sérieuse conviction. Il est presque certain, d'après les recherches entreprises, que cet entretien du lieutenant-colonel Hentsch a eu lieu le 8/9, mais on ne peut en préciser l'heure avec certitude. Très vraisemblablement, il a eu lieu après la réunion commune, soit entre 10 h et 11 h du matin. Ceci est indiqué par le témoignage de l'officier du bureau des renseignements, le capitaine König, selon lequel le lieutenant-colonel Henstch après la première réunion avec le général, se serait rendu d'abord à son bureau situé un étage plus bas, pour donner des instructions pour le voyage au capitaine König, et puis il serait remonté au premier étage, où était le bureau du général v. Moltke. Hentsch est resté en haut jusqu'au départ, environ une heure après. Cependant, aucun membre du département des opérations, situé également à cet étage, ne l'a aperçu. L'hypothèse qu'il est resté pendant tout ce temps au rapport chez le général v. Moltke est favorisée. On pourrait alors penser que ce fut pour eux l'occasion de revoir la situation générale en détail, et d'établir un accord de vues. Le capitaine König rapporte : « Hentsch est arrivé d'en-haut juste avant le départ, il m'a pris dans mon bureau du département des informations, et nous sommes partis avec le capitaine Koeppen. »

Pour un entretien spécial de Hentsch, on peut citer aussi la circonstance qu'il s'est amèrement plaint pendant le voyage de ce « qu'il n'a pas pu obtenir que sa mission soit rédigée par écrit. » Cependant, dans la réunion générale, le lieutenant-colonel Hentsch, comme les colonels à l'époque Tappen et v. Dommes se rappellent clairement, n'a posé aucune exigence de ce genre. Il faudrait donc qu'il ait encore parlé avec le général v. Moltke seul à seul. Il est remarquable aussi que Hentsch n'ait pas été tout d'abord à la 1re armée, mais qu'il ait parcouru tous les autres commandements d'armées auparavant. Il serait difficile de trouver une explication pour cette décision de la part du consciencieux lieutenant-colonel Hentsch, à moins qu'elle ne lui ait été commandée.


Comme diverses remarques pendant le voyage le font remarquer sans ambages, le lieutenant-colonel Hentsch a entrepris cette mission sous la pression d'un cheminement de pensée bien défini, qui prenait forme toujours plus fort dans son esprit dans les derniers jours, sous les impressions des renseignements. Le capitaine König, un de ses adjoints, qui jouissait d'une confiance spéciale, rapporte à ce sujet : « Dans son jugement sur la situation générale de la guerre, Hentsch différait de beaucoup d'officiers de l'État-major général, en ce qu'il considérait la situation de l'Allemagne comme très sérieuse, après que l'Angleterre se soit jointe à nos ennemis, et ce même après les premiers succès de l'armée allemande. Il ne croyait pas à une fin proche de la guerre, même si on pouvait prendre Paris. »

Il avait porté un jugement particulièrement grave sur les renseignements au sujet de puissants débarquements de troupes sur les côtes belges et françaises, dans le dos des armées allemandes, ainsi que les renseignements qui arrivaient depuis début septembre sur un regroupement des forces françaises, en particulier les transports de troupes vers Paris. Il voyait un avantage stratégique du commandement français dans un réseau de communications radio sûr, entre tous les points d'importance, ainsi que dans le réseau ferré indemne et très fonctionnel dont disposaient les Français, et qui leur permettait de déplacer rapidement des unités d'une aile à l'autre. Par contre les Allemands ne disposaient que de communications radio très insuffisantes, et en raison des destructions de voies ferrées, devaient déplacer les troupes à pied, ce qui retardait considérablement les redéploiements. Il ne voyait dans les instructions de l'État-major général du 5/9 qu'un « expédient » insuffisant. Selon lui, les opérations allemandes en étaient arrivées à un point mort. Les armées du front pivotant avaient marché à mort dans une poursuite ininterrompue pour des semaines, et étaient devenues incapables d'une offensive efficace en raison de la diminution des effectifs d'officiers et de troupes. À l'inverse, il considérait les forces armées françaises sur leur propre sol comme remontées. Quand les renseignements sur l'avancée de Paris arrivèrent, puis quand plus tard l'ordre du jour de Joffre pour une offensive générale fut connu, l'image de la situation ne fit que s'assombrir à ses yeux — et ce au contraire des vues des colonels Tappen et v. Dommes, qui saluèrent cette évolution (p. 135), parce qu'elle laissait espérer la décision sur le champ de bataille si longtemps cherchée en vain. Dès le début, le lieutenant-colonel Hentsch n'a eu que peu de confiance dans les mesures prises par la 1re armée pour se défendre de l'attaque française. La brèche entre les 1re et 2e armées lui faisait un réel souci. Il « craignait que l'ennemi marche dans cette brèche et fasse ainsi éclater l'aile droite de l'armée (Communication du alors capitaine du département des opérations Mewes). » Il ne croyait pas à une victoire de la 1re armée. Il interpréta les renseignements parvenant au matin du 8/9 dans le sens de ses conceptions acquises alors. Même dans le cas d'un succès tactique, la situation de la 1re armée lui paraissait intenable dans le cas d'une percée de l'ennemi dans la brèche : il la voyait battue et repoussée vers le nord-ouest. C'est pourquoi il avait tendance à considérer toute l'opération en cours comme manquée, et il pensait qu'elle ne pourrait être « réenclenchée que par une aide radicale. » Un « décrochage » de l'ennemi, passager, à temps et spontané de toutes les 5 armées lui paraissait inévitable, et ce n'est que par un mouvement vers l'arrière que la brèche si menaçante entre les deux armées de l'aile droite pourrait encore être colmatée. Ce n'est que quand un front de l'armée fermé serait rétabli, et que l'aile ouest serait retirée de la zone de danger de Paris, qu'il tenait la reprise de l'offensive comme possible. Celle-ci pourrait alors être accomplie avec succès avec la 7e armée nouvellement formée derrière l'aile droite. Il envisageait un tel mouvement vers l'arrière du front pivotant de l'armée comme un simple épisode opérationnel passager, destiné à créer des conditions plus favorables pour une nouvelle offensive.

L'idée du lieutenant-colonel Hentsch semble s'être dirigée dans cette direction, comme on peut le voir à peu près sans faille dans les entretiens qu'il a eus avec les commandements des armées. En lui, n'avaient trouvé d'espace apparemment que les estimations purement raisonnables d'un esprit à la pensée rapide et terre-à-terre. Elles laissaient dans l'ombre l'estimation des forces morales, en particulier de la confiance dans la victoire et de l'élan moral de la troupe face à l'ennemi — circonstance peut-être explicable en partie aussi par le grand éloignement de l'État-major général du front de combat.


2. Voyage du lieutenant colonel Hentsch aux 5e, 4e et 3e armées, et entretien avec la 2e armée

Cartes 4 et 5 (1 : 200 000)

Le lieutenant-colonel Hentsch quitta le 8/9 vers 11 h du matin l'état-major général de Luxembourg en compagnie des capitaines d'état-major König et Koeppen. Encore juste avant leur départ, on avait entendu un message radio très confidentiel de la 3e armée à la 2e sur l'état de la bataille : « Ici, la bataille progresse bien. Juste... (illisible) jeté Sommesous. Ennemi apparemment en retraite ici. » Peu après, le commandement de la 3e armée avait annoncé directement à l'état-major général que « l'attaque des deux groupes d'armées était en lente progression. » En quittant le bâtiment du service, le lieutenant-colonel Hentsch parla encore dans l'escalier au colonel v. Dommes, mais n'évoqua pas d'un seul mot la mission qui lui était confiée. En montant en voiture, le capitaine Koeppen lui demanda de peser s'il ne serait pas plus avantageux d'aller avec sa voiture directement au commandement de la 1re armée, puisque ce serait là « le point le plus important et le plus décisif pour juger de la situation. » Il pourrait aller de là à la rencontre du lieutenant-colonel Hentsch au commandement de la 2e armée, et lui faire un rapport sur la situation dans la 1re armée. Hentsch refusa cette proposition, parce qu'il voulait garder constamment à sa disposition le capitaine Koeppen pour des situations imprévues, et qu'aucun retard majeur ne résulterait de sa visite préalable aux commandements des 5e, 4e et 3e armées. Il jugeait ces consultations importantes, pour arriver dans les quartiers généraux des 1re et 2e armées avec une image complète de la situation sur le reste du front de l'armée.

Pendant le voyage des 8 au 10/9, le lieutenant-colonel Hentsch est resté frais intellectuellement et corporellement, rapporte le capitaine König. « On ne remarquait rien des suites d'une affection biliaire subie fin juillet - début août. » À l'inverse, le capitaine de l'état-major v. Cochenhausen, un autre collaborateur du lieutenant-colonel Hentsch rapporte : « Je me souviens en tous cas qu'il se plaignait alors de ne pas se sentir bien. » Selon le jugement unanime de tous ses collaborateurs à l'état-major général, il avait eu lors de la période de tension juste avant la déclaration de guerre, fin juillet, une colique hépatique, avec une forte fièvre et un ictère, qui avait très fortement attaqué sa santé.

Au sujet des conversations du lieutenant-colonel Hentsch pendant le trajet, le capitaine König rapporte qu'il jugeait « très grave » la crise survenue dans l'aile droite de l'armée, mais qu'immédiatement après son départ du grand État-major, il avait exprimé l'espoir de voir la situation s'arranger et que la bataille se termine avec succès pour nous. Son état d'esprit avait alors été « sérieux, » mais pas « pessimiste. » Pendant le trajet, le lieutenant-colonel Hentsch avait parlé en détail de sa mission, et s'était exprimé involontairement en mots très durs sur le fait qu'à cette occasion, où la décision pourrait avoir les suites les plus lointaines, ce n'était pas le général v. Moltke, le général de division v. Stein, le colonel Tappen, ou au moins quelque officier du département des opérations qui aille vers les armées, et non pas lui qui y soit envoyé. Il s'était plaint à plusieurs reprises de ce que sa mission n'ait pas été formulée par écrit. Il pouvait être forcé à des décisions importantes, et en cas d'échec, passerait ultérieurement pour le bouc émissaire, sur lequel on déchargerait toute la faute.

v. Dommes, alors colonel, tient cette indication de Hentsch comme absolument injustifiée. Il écrit à la Reichsarchiv : « Le général v. Moltke était une nature fondamentalement distinguée. Dans tous les cas, il prenait part à toutes les instructions données en son nom. Il ne se serait jamais dérobé à ses responsabilités. » Néanmoins, il est remarquable que le lieutenant-colonel Hentsch n'ait pas écrit lui-même les termes de sa mission. Même non signée, une telle affirmation serait de grande importance. Il était absolument courant de consigner dans son journal ce genre de note, pour sa propre utilisation. Selon les souvenirs du capitaine König, le lieutenant-colonel Hentsch lui avait présenté sa mission en ce qu'il devait vérifier la situation des 1re et 2e armées sur place, et au cas où des mouvements de retraite seraient nécessaires, il devait prendre les dispositions nécessaires pour une collaboration entre les deux armées, au nom du chef d'état-major général. « Je ne sais plus sûrement si le lieutenant-colonel Hentsch avait aussi l'autorisation de donner l'ordre de retraite au nom de l'état-major général. Mais je le crois cependant... Le lieutenant-colonel Hentsch lui-même considérait la situation de l'armée allemande comme sérieuse, et pensait que le retrait de l'aile droite était nécessaire » — L'autre compagnon du lieutenant-colonel Hentsch, le capitaine Koeppen n'était pas témoin de ces conversations, parce qu'il suivait seul dans une voiture de secours.

Vers 2 h de l'après-midi, le lieutenant-colonel Hentsch arriva au commandement de la 5e armée à Varennes. Selon une communication du chef de l'état-major de cette armée de l'époque, le général de division Schmidt v. Knobelsdorf, son séjour y fut bref. On n'y parla que de la situation de cette armée. Le lieutenant-colonel Hentsch n'a pas évoqué pendant cette visite la situation de l'aile droite de l'armée. Hentsch rapporte aussi lui-même — « pour ne pas provoquer d'insécurité » — qu'il n'a pas parlé de sa mission auprès des 3e, 4e et 5e armées ! À la 5e armée, il a trouvé tout en état d'attaque prometteuse. On y espérait « avoir un succès décisif après avoir pris le fort Troyon et Les Paroches. » Avant de partir, il indiqua son intention de repasser par là après avoir pris connaissance de la situation de l'aile droite.

Hentsch arriva au quartier général de la 4e armée à Courtisols vers 4 h 15 de l'après-midi. Là aussi, selon son propre rapport, il a eu une impression favorable de l'offensive de la 4e armée au sud du canal de la Marne au Rhin, et il y a appris aussi l'état gagnant de la bataille sur l'aile gauche de la 2e armée. Comme une liaison radio était établie entre Courtisols et l'état-major général à Luxembourg, il a pu faire un rapport sur ses impressions jusqu'alors dans un sens favorable.

Au commandement de la 3e armée à Châlons, où il arriva à 5 h 45 de l'après-midi, le lieutenant-colonel Hentsch a reçu du chef d'état-major, le général de brigade v. Hoeppner, des communications aussi assurées sur l'état du combat. « L'attaque du matin a été réussie, et l'armée fait une avancée, en liaison avec la 4e armée (XIXe et ½ XXIe corps d'armée) et avec la 2e armée (½ XIIe corps d'armée et XIIe corps de réserve). Mais la situation ne serait pas aussi favorable sur l'aile droite de la 2e armée, menacée par un encerclement. » Henstch rajouta de sa propre initiative au rapport du soir justement prêt pour l'envoi à l'état-major général : « Situation et opinion tout à fait favorables à la 3e armée. » Selon des notes du général baron v. Hausen, celui-ci, lors de la première visite du lieutenant-colonel Hentsch eut l'impression qu'il n'avait été envoyé que comme officier de renseignement de l'État-major général, sans délégation de pouvoirs spéciale.

Le capitaine König écrit au sujet de l'impression générale des visites aux commandements des 5e, 4e et 3e armées, que le lieutenant-colonel Hentsch aurait, pendant le trajet vers le commandement de la 2e armée, exprimé la conviction « qu'une retraite de ces armées ne paraissait pas nécessaire, tout au plus l'aile droite de la 3e armée pourrait être considérée pour un repli, au cas où un recul des 2e et 1re armées serait nécessaire. » Ici se montre un certain changement dans le jugement par rapport aux explications au capitaine König au moment du départ. Apparemment, l'atmosphère confiante qu'il avait rencontrée jusqu'alors n'était pas restée sans effet sur lui.


Le lieutenant-colonel Hentsch arriva au quartier général de la 2e armée à Montmort vers 7 h 45 du soir. Sa première impression n'y fut pas favorable. Dans la rue du village se tenait l'équipage du commandement avec le timon dirigé vers le nord, donc prêt pour un mouvement de retraite. Mais à ce moment, il reçut l'ordre de ne pas faire le changement de quartier général qui avait déjà été ordonné (Comme l'ont montré de nouvelles recherches, un jeune officier d'état-major plein de zèle avait donné l'ordre de lui-même, sans consulter le général commandant l'armée et ses conseillers, quand il a eu les premiers renseignements sur la situation provisoirement difficile sur le front).

Peu après, le général v. Bülow revint de sa position de combat à Fromentières. Lui et son état-major firent sur Hentsch une impression fiable et calme. La victoire rapide après un bref revers sur le front, entre les Xe corps de réserve et le Xe corps d'armée (p. 186) avait certainement influencé favorablement l'atmosphère. Selon les rapports convergents des membres encore vivants de l'état-major étroit du commandement, l'idée d'une « retraite » n'avait pas été évoquée du tout dans les estimations jusqu'alors, et encore moins le mot « retraite » en contexte opérationnel, même si la situation en raison de la grande brèche entre les 1re et 2e armées était jugée sérieuse, comme auparavant. C'est là que s'opposaient dès le début les conceptions du général v. Bülow et du lieutenant-colonel Hentsch.

Le chef de l'état-major du commandement, le lieutenant-colonel Matthes, rapporte que Henstch se serait présenté au commandant de l'armée en disant à peu près « qu'il avait été envoyé par l'État-major général, pour s'orienter sur la situation auprès de commandement de l'armée, et pour amener les décisions ultérieures en accord avec les intentions de l'État-major général. » Le général v. Bülow lui aurait indiqué alors qu'il le convoquerait bientôt, et se serait retiré dans son quartier général. « Tandis que je me retirai alors pour liquider diverses questions qui m'étaient posées, le chef d'état-major, le général de division v. Lauenstein, s'est mis un peu à part avec le lieutenant-colonel Hentsch pour une première conversation d'orientation. — Quand je suis revenu après environ dix minutes vers les deux messieurs, le général v. Lauenstein me dit que selon ce qu'il avait entendu du lieutenant-colonel Hentsch, la situation de la 1re armée était apparemment encore bien pire que ce que nous avions pu en juger. Selon les vues du lieutenant-colonel Hentsch, on ne pouvait apparemment pas compter sur le fait que la 1re armée puisse complètement repousser l'ennemi venant de Paris, puis réussisse à battre un adversaire s'enfonçant entre les 1re et 2e armées. Aussi douloureux que cela puisse être, il faudrait éventuellement, d'après l'état-major général, envisager la possibilité d'une retraite derrière la Marne. C'est ainsi que fut prononcé pour la première fois le mot retraite... — Cette idée de retraite arrivant sur moi soudain me fit naturellement la plus forte impression, et j'en indiquai immédiatement les conséquences dramatiques. Le lieutenant-colonel Hentsch répliqua à la place du général v. Lauenstein qu'il ne resterait rien d'autre à faire si l'ennemi parvenait à s'enfoncer entre les 1re et 2e armées. Il ajouta encore, que selon les vues de l'État-major général un retrait à temps, et volontaire de l'aile droite de l'armée serait bien moins dramatique que si la 1re armée se faisait prendre de dos et anéantir par un ennemi s'enfonçant dans la brèche. C'est alors qu'une retraite du reste de l'armée dans une toute autre proportion serait évidemment nécessaire ! »


Après ce court premier entretien, le général de division v. Lauenstein alla chez le général v. Bülow, pour lui rapporter ce qu'il avait entendu, et le ramener discuter avec le lieutenant-colonel Hentsch. Cet exposé court et préparatoire du général v. Lauenstein eut lieu entre quatre yeux. Il n'y a donc pas de notes à ce sujet. On ne peut pas savoir l'impression que la communication du chef de l'armée exprimée par Hentsch fit sur le général v. Bülow, parce que celui-ci, comme le général v. Lauenstein, est décédé. Peu après eut lieu une discussion dans le bureau du chef. Outre le commandant de l'armée, son chef d'état-major et le lieutenant-colonel Hentsch, y ont participé aussi le lieutenant-colonel Matthes ainsi que les capitaines König et Koeppen. On n'a pas établi de compte-rendu; sur la base de rapports ultérieurs de certains participants, le déroulement de la réunion s'est joué à peu près ainsi (Cette représentation suit en premier lieu le rapport du lieutenant-colonel Hentsch du 15/9/14 et le rapport fait au vu de notes prises immédiatement par le lieutenant-colonel Matthes. Les rapports écrits de mémoire seulement après la guerre par les maintenant chefs de bataillon König et Koeppen (cf. Annexe 1), n'ont été utilisés que comme compléments.) : tout d'abord, le général v. Bülow décrivit en détail la situation de la 2e armée. Les capitaines Koeppen et König rapportent de manière cohérente que le général avait souligné en introduction que l'armée avait tellement perdu en puissance de combat en raison des opérations menées jusqu'alors, « qu'elle ne pourrait pas avoir de succès éclatant comme l'exigeait la situation. » Le capitaine Thilo, alors officier d'état-major au commandement de la 2e armée, écrit au contraire que le général v. Bülow avait considéré « en accord avec ses subordonnés la puissance d'attaque de la troupe comme intacte. » Le lieutenant-colonel Matthes conteste aussi que le chef de l'armée ait fait une assertion de ce genre ou similaire. Il n'avait que souligné les forces de combat diminuées (p. 221) et l'absence de réserves. Mais il aurait tenu la force de combat des troupes pour préservée, en accord avec tous ses subordonnés.

Un rapport de l'actuel chef de bataillon König du 13/1/26 présente au contraire l'opinion, basée cependant uniquement sur des souvenirs, que soit le général v. Bülow lui-même, soit le lieutenant-colonel Mattes aurait utilisé « en ce qui concerne la 2e armée la désignation de « scorie ». » Le lieutenant-colonel Hentsch aurait plus tard réutilisé le mot à la 1re armée. Pour apprécier cette communication, il faut considérer qu'elle n'a émergé des souvenirs pour la première fois que 11 ans ½ après les faits. On comprend difficilement sur quelle base le général v. Bülow ou le lieutenant-colonel Matthes auraient pu arriver à un jugement aussi sombre sur l'état de la 2e armée. Toutes les troupes de cette armée venaient de montrer pendant les combats du 8/9 un degré élevé de puissance de victoire, et le général était revenu le soir du 8/9, comme cela a été confirmé de tous côtés, y compris par le lieutenant-colonel Hentsch, de sa position de combat à Fromentières avec un esprit tout à fait enthousiaste et confiant (p. 186 et 233). Ce ne sont que les renseignements en provenance de la 1re armée qui lui faisaient paraître la situation de cette armée sous un jour sombre, comme cela a été exprimé dans la réunion. L'ex-capitaine Brinckmann rapporte que l'on avait souvent parlé ces jours-là au commandement de la 2e armée de la 1re armée comme d'une « scorie ». Il n'est donc pas exclu que le général v. Bülow ait utilisé devant le lieutenant-colonel Hentsch cette expression en parlant de la 1re armée, et que l'indication du capitaine König résulte d'une confusion entre les 1re et 2e armées — erreur qui paraîtrait tout à fait explicable, faute de notes prises sur le vif.

En outre, le général fit une description de ce qui se passait sur le front. L'aile gauche avait progressé, tandis que la droite n'avait fait que défendre sa position face à l'adversaire. L'armée tiendrait cependant ses positions coûte que coûte le lendemain, même sur l'aile droite, qui s'étendait jusqu'aux environs de Montmirail — à condition que cette aile ne soit pas encerclée. La large brèche entre les 1re et 2e armées, béante en raison du retrait des IIIe et IXe corps d'armée, et bouchée avec difficulté par la cavalerie, menaçait les ailes des deux armées. Plusieurs colonnes ennemies, d'apparemment une division chacune, seraient déjà en marche par La Haute Maison (à 12 km au sud-ouest de La Ferté-sous-Jouarre), vers le nord-est, et signalées vers le nord par Doue et Rebais. Une autre colonne, repérée près de Choisy, aurait continué sa marche en avant sur Thiercelieux. Dans ces circonstances, il fallait compter avec la possibilité d'une percée d'importantes forces ennemies entre les 1re et 2e armées, au cas où la 1re armée ne se tournerait pas incessamment vers son devoir le plus clair : la « protection de l'aile droite de l'armée. » Le général v. Bülow qualifiait de faute pour cette armée de s'être tant approchée de Paris, où l'ennemi pouvait échapper à tout coup décisif en se réfugiant derrière la ceinture de fortifications, et où il recevait à chaque heure de nouveaux renforts et secours, tandis qu'il avait simultanément une liberté de mouvement presque sans entrave sur la Marne, dans le dos de la 1re armée. La crise actuelle était uniquement la faute de la 1re armée, puisqu'elle avait retiré les IIIe et IXe corps d'armée de l'aile droite de la 2e armée. Le mieux serait de reculer la 1re armée assez loin pour qu'elle puisse aussi bien empêcher une percée de l'ennemi sur la Marne, et protéger le flanc droit de l'armée face à Paris.

Pendant ces explications, le général de division v. Lauenstein fut appelé au téléphone. Il revint avec l'information que l'aile droite de l'armée avait été repoussée dans la région de Montmirail (p. 181). Il proposa, vu le manque de réserves, l'inflexion vers l'arrière de cette aile, derrière le secteur de la Verdonnelle, ce qui fut accepté par le général commandant, même si la brèche considérée comme si sérieuse entre les 1re et 2e armées était élargie de plus de 15 km, et la grande route par Château-Thierry était livrée à l'ennemi. Le général v. Bülow n'accordait pas une importance spéciale à la circonstance, et en particulier, tout son jugement favorable sur la situation de la 2e armée n'était nullement influencé par cette mesure prise pour des raisons purement tactiques. Le lieutenant-colonel Hentsch semble avoir cependant jugé ces événements de façon plus sérieuse, comme ses négociations ultérieures avec le commandement de la 1re armée le feront reconnaître.

C'est alors que le lieutenant-colonel Hentsch fit connaître la conception de l'état-major général. Elle voyait avant tout la situation de la 1re armée comme sérieuse. Étant apparemment prise avec toutes ses forces devant Paris, elle ne serait pas en état de repousser un ennemi poussant en avant à travers la Marne. Si cet événement devait arriver, il faudrait que la 1re armée recule, pour ne pas être prise par les deux côtés et démantelée, et « il avait une délégation de pouvoir pour éventuellement commander ceci au nom de l'état-major général. » Là dessus le général v. Bülow prit la parole pour remarquer que le danger d'une percée de forces ennemies supérieures en puissance existait certes, mais que ce n'était pour l'instant « pas encore une réalité. » Il fallait tout d'abord examiner toutes les possibilités pour empêcher une retraite. Le meilleur moyen pour cela serait la proposition déjà faite que la 1re armée décroche aussi vite que possible de l'ennemi, et se rapproche suffisamment de la 2e armée pour pouvoir empêcher une percée de l'adversaire sur la Marne, et aussi protéger le flanc de l'armée contre Paris. Le général pointa alors plusieurs fois avec le doigt sur la ligne approximative La Ferté-Milon - Château-Thierry. Le lieutenant-colonel Hentsch douta alors que la 1re armée soit encore en état de le faire. Le général v. Bülow ne fut pas d'accord. Ce mouvement était encore tout à fait possible, s'il était commencé tout de suite. Des allusions répétées du lieutenant-colonel Hentsch à la situation extrêmement difficile de la 1re armée, le général v. Bülow tira l'impression que l'état-major général voyait la situation de la 1re armée encore plus défavorablement qu'il ne la voyait lui-même.À l'inverse, le lieutenant-colonel Hentsch, selon les indications du capitaine König (Selon un mémo du alors capitaine König du 13/1/26, le lieutenant-colonel Hentsch « n'aurait appris des détails plus fouillés de la situation des 1re et 2e armées » qu'après ses conversations avec le commandement de la 2e armée, qui lui a décrit la situation de la 1re armée comme désespérée... Des descriptions du commandement de la 2e armée, le lieutenant-colonel Hentsch ne vit clairement que ses craintes sur la situation menacée de la 1re armée étaient justifiées.) a été convaincu de la nécessité du retrait immédiat de la 1re armée par lejugement très défavorable de sa situation par le général v. Bülow. Il écrit : « je dois souligner que c'est particulièrement le commandement de la 2e armée qui... m'a convaincu de la nécessité d'un retrait de la 1re armée, compte tenu du jugement de sa situation par le général v. Bülow.  » D'après le rapport de l'ex-lieutenant-colonel Matthes, le lieutenant-colonel Hentsch a entre temps commencé par poser la question si la 1re armée était encore libre de ses mouvements. Elle aurait été tellement accrochée au front par les forces sorties de Paris que sa position serait devenue intenable dès qu'un ennemi puissant aurait attaqué la ligne de la Marne et aurait marché sur ses arrières. Le général v. Bülow et le général v. Lauenstein ont pensé qu'il fallait adhérer à ce jugement.

Selon toutes les informations jusqu'alors sur le combat de la 1re armée, sa situation ne se présentait vraiment pas sous un jour favorable. L'ex-lieutenant-colonel Matthes écrit dans son rapport : « Au début, le 6/9, le général d'armée v. Kluck avait espéré que trois corps suffiraient pour défendre l'avancée en provenance de Paris, et il avait placé à dans ce cadre les IIIe et IXe corps d'armée sous les ordres du commandement de la 2e armée. Mais dès douze heures plus tard, vers midi le 7/9, l'information suivante avait circulé : « les IIe et IVe corps d'armée et le IVe corps de réserve sont en combat difficile », puis peu après : « Faire intervenir les IIIe et IXe corps d'armée sur l'Ourcq de manière urgente — l'ennemi se renforce considérablement. » Là-dessus, le général v. Bülow avait mis en route immédiatement le IIIe corps, et le IXe devait suivre au matin du 9/9 (il faut que ce soit le 8/9). Mais quelques heures plus tard, le commandement de la 1re armée avait interféré avec les dispositions du commandement de la 2e armée, et avait immédiatement retiré le IXe corps, sans penser que ceci pourrait amener la 2e armée dans la situation la plus difficile. Un comportement aussi inhabituel du commandement de la 1re armée ne pouvait s'expliquer que parce que la 1re armée se trouvait apparemment en grande difficulté. Cette hypothèse fut apparemment confirmée par les informations suivantes : « La 1re armée se trouve en combat très vif à l'ouest de l'Ourcq, au nord de Meaux. Les IIIe et IXe corps sont mis en œuvre », puis vers midi le 8/9 : « Le combat à l'ouest de l'Ourcq continue, une tentative de percée de l'ennemi vers Trocy pour l'instant (!) contenue... L'attaque ennemie devant la 1re armée est stoppée ». »

Peu avant la réunion, arriva l'information que « la 1re armée était toujours en vif combat contre un ennemi puissant, et que l'ennemi progressait en direction de La Ferté. » Le lieutenant-colonel Matthes n'a pas reproduit dans son rapport tous les messages adressés du commandement de la 1re armée à celui de la 2e, et en particulier pas celui, important, sur l'attaque d'une brigade mixte sur la brèche, qui est arrivé au commandement de la 2e armée vers 1 h 15 de l'après-midi le 8/9 (p. 178).

Mais comme il a déjà été évoqué (p. 201), le commandement de la 1re armée n'a pas fait de communication sur l'attaque prévue de la 1re armée, qui n'était pas simplement le passage d'une crise difficile, mais qui pouvait laisser espérer un accès à la décision de la bataille en faveur des armes allemandes. Et aussi, le lieutenant-colonel Hentsch, qui avait eu connaissance des intentions d'attaque de la 1re armée par un message arrivé à 4 h du matin à l'État-major général à Luxembourg (p. 220), avant son départ, n'en a pas parlé à Montmort. Si bien que le général v. Bülow, en accord avec Hentsch, a jugé la situation de la 1re armée, avec une percée d'un ennemi puissant sur la Marne, comme éminemment dangereuse. Pour pénétrer les cheminements de la pensée de Hentsch, il remarquait que non seulement la situation de la 1re armée, mais aussi celle de la 2e serait dangereuse, puisqu'il n'y avait plus nulle part de réserves, pour attaquer ou se défendre contre un ennemi passant la Marne. Cet ennemi aurait deux possibilités : soit de se tourner contre le flanc gauche et les arrières de la 1re armée, soit contre le flanc droit de la 2e. Les deux pourraient conduire à une catastrophe. Le lieutenant-colonel Hentsch était d'autant plus d'accord avec cette analyse que selon les vues de l'état-major général, un décrochage de l'ennemi à temps et volontaire de l'aile droite était bien moins problématique que si la retraite s'effectuait sous la pression de l'adversaire en territoire ennemi, où tous les habitants disposaient d'une arme. Cela pouvait entraîner des suites imprévisibles. Il réaffirma explicitement que l'état-major général « ne pensait plus que la 1re armée soit encore en mesure de s'affirmer en cas de percée ennemie sur la Marne. Sa situation serait alors complètement intenable, et il avait la délégation de pouvoir pour commander cette retraite au nom de l'état-major général, au cas où la 1re armée ne l'aurait pas entamée de son propre chef. »

Par la suite de la réunion, les vues sur les mesures à prendre pour surmonter la crise se mirent à différer notablement. Le lieutenant-colonel Hentsch recommanda comme seule issue possible à la situation dangereuse un retrait volontaire et à temps, concentrique, des 1re et 2e armées. Ce n'est qu'ainsi qu'on rétablirait le contact entre les deux armées. De cette manière, on pourrait rapidement former, à l'aide de la 7e armée nouvellement créée, arrivant derrière l'aile droite de l'armée, un nouveau front fermé, et plus tard une bonne position de départ pour reprendre l'offensive.

Contrairement à Hentsch, pour qui le rétablissement du contact n'était possible que par un mouvement des deux armées vers l'arrière, le général v. Bülow voulait tout d'abord essayer d'éviter une retraite de son armée, et rétablir le contact par un mouvement latéral de la 1re armée. Il pensait fermement que la 1re armée, après un décrochage de l'ennemi devrait essayer de reprendre la protection du flanc de l'armée, par une rotation sur la ligne approximative La Ferté-Milon - Château-Thierry. Une troisième solution, qui aurait été de forcer le contact entre les armées vers l'avant, en reprenant vigoureusement l'offensive, n'a pas du tout été évoquée dans le cadre de cette réunion. Le général considérait, au vu des messages arrivés et des représentations de Hentsch, qu'il était complètement exclu que la 1re armée ait encore les réserves nécessaires pour défendre le danger qui menaçait ses arrières, ou qu'elle puisse faire tourner la bataille sur le front de l'Ourcq en sa faveur, au moyen des deux corps d'armée introduits. L'officier d'état-major alors au commandement de la 2e armée, le capitaine Brinckmann écrit que la situation « d'un succès tactique sur l'aile droite de la 1re armée n'était envisagée comme possible par personne au commandement de la 2e armée. » Un autre officier d'état-major du commandement, le capitaine Thilo, rapporte « qu'à partir du soir du 8/9, la situation de la 1re armée était considérée comme désespérée vue du commandement de la 2e armée. »

Tous les participants à la réunion, en raison de la description du lieutenant-colonel Hentsch, voyaient en fait la situation de la 1re armée sous un jour très défavorable. Ses présentations étaient, selon le rapport du lieutenant-colonel Matthes, faites de façon si claire et sobre que le doute sur leur contenu ne pouvait pas se manifester. Il écrit : « Hentsch faisait toutes ses interventions sur un ton tranquille, objectif, et nous étions tous sous l'impression qu'il ne nous parlait que comme interprète des vues de l'État-major général. Celles-ci auraient été déjà fixées avant le départ du lieutenant-colonel Hentsch et étaient convaincues de la nécessité d'un « décrochage », ainsi que l'exprimait le lieutenant-colonel Hentsch. »

Après de longues tergiversations, on se mit finalement d'accord sur le fait que la 2e armée ne devait reculer que si l'ennemi franchissait réellement la Marne avec une puissance importante, et qu'il puisse surgir sur les arrières de la 1re armée. Pour ce cas, le lieutenant-colonel Hentsch donna déjà des instructions plus précises sur l'étendue et la direction d'une retraite qui deviendrait nécessaire. Selon les vues de l'État-major général, la fermeture de la brèche entre les 1re et 2e armées devrait si nécessaire être tentée par un retrait des ailes internes des deux armées dans la direction générale de Fismes. Le général v. Bülow s'en tint provisoirement à l'espoir que la 1re armée réussirait quand même à décrocher au cours du 9/9, et à se rapprocher de la 2e armée. Dans ce ferme espoir, il précisa à la fin de la réunion que la 2e armée devait reprendre son attaque à partir de son aile gauche, dès lors que cette aile avait encore été renforcée au cours du 8/9 par la 24e division de réserve de la 3e armée.

Sur la base de cette décision du général commandant, les ordres pour le 9/9 furent élaborés. Ils contenaient en introduction que « l'ennemi devait être encore repoussé par un puissant combat devant le centre et l'aile gauche, » et que le 9/9 « l'attaque devait être continuée à partir de l'aile gauche, avec un retrait de l'aile droite de l'armée. »

Tout dépendait maintenant d'une clarification aussi rapide que possible de la situation de la 1re armée, en utilisant les heures de la nuit. Tout le reste en dépendait. Le lieutenant-colonel Hentsch se proposa pour entreprendre cette clarification, et il promit de renvoyer le capitaine Koeppen sans faute au commandement de la 2e armée pour rapporter le résultat de l'enquête. Le général v. Bülow fut d'accord avec cela. Ce n'est qu'au retour de cet officier qu'il pourrait prendre des décisions définitives. L'ex-lieutenant-colonel Matthes rapporte : Mais le lieutenant-colonel Hentsch déconseilla vivement au général commandant, compte tenu de l'incertitude et des difficultés de communication avec la 1re armée, de faire dépendre ses décisions du retour du capitaine Koeppen. Le dernier moment qui pourrait selon les vues du représentant de l'État-major général mettre en question un ordre de retraite serait — comme indiqué — le franchissement de la Marne par de puissantes forces ennemies. Car si la 2e armée n'arrivait pas à l'empêcher, alors on pourrait encore moins espérer que la 1re armée, en proie à un vif combat sur le front de l'ouest, puisse libérer encore à temps suffisamment de forces pour rejeter au-delà de la Marne un ennemi qui se serait avancé sur ses arrières.Il faudrait alors que la 2e armée se replie — avec ou sans ordres. » Le général v. Bülow ne pensa pas pouvoir échapper à cette idée présentée de manière convaincante. Cependant, au lieu de se rendre immédiatement au commandement de la 1re armée pour y discuter, afin de clarifier la situation pendant la nuit, le lieutenant-colonel Hentsch se décida à passer la nuit au quartier général de l'armée à Montmort, pour ne repartir que tôt au matin du 9/9, selon les dires du capitaine König, « afin d'attendre les informations qui pourraient arriver pendant la nuit. »

Au sujet du résultat de la réunion extrêmement importante avec le commandement de la 2e armée, le lieutenant-colonel Hentsch ne rendit compte à l'État-major général que par radio avec les mots : « Situation de la 2e armée sérieuse, mais pas désespérée. » Il ne semble pas avoir évoqué l'idée évidente d'envoyer un de ses collaborateurs le soir même au quartier général de la 4e armée, situé non loin, et qui disposait d'une bonne liaison radio avec Luxembourg, pour faire un rapport détaillé sur la mission en cours, et en particulier sur la réunion avec le commandement de la 2e armée. Le commandement lui-même, qui faisait rapport à l'État-major général chaque soir en détail sur la situation et les intentions pour le lendemain a négligé cette communication ce soir-là. La possibilité d'une intervention du général v. Moltke fut ainsi empêchée. Loin de là, à Luxembourg, il resta dans une incertitude atroce.

Au dîner à Montmort, l'atmosphère était pesante. L'officier d'ordonnance, le lieutenant-colonel prince August Wilhelm de Prusse, rapporte que le lieutenant-colonel Hentsch « avait fait une impression grave, presque sombre, si bien que l'humeur plutôt gaie du général en avait été sans nul doute marquée. Il y avait à table une atmosphère généralement pesante ... » D'après les notes de l'ex-lieutenant-colonel Matthes, Hentsch « avait lui-même moralement souffert de la mission qui lui était confiée, mais il était apparemment décidé à accomplir sa tâche peu réjouissante et ingrate selon tout son savoir et toute sa conscience. » Il s'était également plaint auprès du commandement de la 2e armée de ce que « l'État-major général l'ait choisi pour cette mission extraordinaire, à la place d'officiers dont c'était le rôle. » Peu après le dîner, le général v. Bülow se retira, après que le lieutenant-colonel eut pris congé de lui, puisqu'il voulait partir le lendemain le plus tôt possible pour la 1re armée.

Comme le lieutenant-colonel Hentsch avait à plusieurs reprises parlé de sa « délégation de pouvoirs pour commander éventuellement de sa propre initiative une retraite des deux armées de l'aile droite, » le conseiller du général commandant lui demanda le soir même de produire un ordre écrit de l'État-major général. Mais le général v. Bülow refusa de se délester de sa responsabilité sur cet officier. S'il était convaincu de la nécessité d'une retraite de la 2e armée, il voulait en porter seul la responsabilité. Encore tard dans la nuit, il fut entendu que la 1re armée infléchirait l'aile droite de l'armée derrière la Verdonnelle sur la ligne Marguy - Le Thoult. La division de cavalerie de la garde avait tenu occupé le secteur de Dollau, et « en cas de pression, se replierait sur la région de Condé en Brie. La 5e division de cavalerie serait alors repoussée au nord de la Marne. » Mais le commandement de la 2e armée ne fit pas plus part à celui de la 1re armée de ses intentions pour le 9/9 que l'inverse.

Le départ de Montmort du lieutenant-colonel Hentsch, prévu pour 6 h du matin le 9/9, fut retardé d'une heure par un long entretien avec le général de division v. Lauenstein et le lieutenant-colonel Matthes dans le parc voisin. Selon les notes de ce dernier, il « n'y fut question que d'une récapitulation des opinions et accords de la veille au soir. » Il semble qu'il se soit agi encore un fois de la situation sur l'aile droite de l'armée, dont le décrochage devrait intervenir « si nécessaire en direction d'Épernay, » alors que lors de la réunion de la veille au soir, Fismes avait été fixé comme direction générale de retraite des ailes internes des deux armées. Le peu de messages et informations arrivés dans la nuit ne pouvaient pas modifier de quelque manière le panorama de la situation. La 3e armée voulait « attaquer très tôt en direction de Sézanne » avec son groupe de droite. Sa question sur la situation à la 1re armée traduisait son souci de l'issue de la bataille sur cette aile. Le Xe corps d'armée ne se montrait pas prêt à continuer l'attaque au matin du 9/9 en compagnie du corps de la garde et de la 14e division d'infanterie. Le Xe corps de réserve et la 13e division d'infanterie avaient pris leurs nouvelles positions sans perturbation par l'ennemi. Des deux divisions de cavalerie du général de division baron v. Richthofen qui sécurisaient la brèche, la 5e division de cavalerie annonça son regroupement tôt le 9/9 vers Marigny en Orxois « après de vifs combats sur le Petit Morin, » tandis que la division de cavalerie de la garde, après avoir assuré le secteur du Petit Morin contre des forces trop puissantes, s'était retirée derrière le secteur de Dollau : Essises - Rozoy (Bellevalle). Et elle occupait ce secteur. Toutes ces informations, jusqu'au décrochage de la 5e division de cavalerie loin au nord de la Marne, faisaient paraître la situation de la 2e armée tout à fait favorable, encore plus que la veille au soir. Il ne semblait pas y avoir pour l'instant de sérieux danger menaçant l'aile droite de façon imminente. Le général v. Lauenstein résuma donc encore l'intention du commandement que la 2e armée reste sur ses positions. Une condition de base serait cependant que la 1re armée décroche immédiatement du combat et se rapproche de la 2e armée. À nouveau, le lieutenant-colonel Hentsch exprima des doutes sur les possibilités de la 1re armée dans cette direction. Conformément à ce qui avait été convenu la veille au soir, le général v. Lauenstein ne tenait un repli de la 2e armée pour nécessaire qu'au cas où l'ennemi franchirait la Marne avec une force importante, et surgirait sur les arrières de la 1re armée. Pour ce cas, le lieutenant-colonel Hentsch fit alors des propositions précises. On se mit d'accord sur le fait que la 2e armée se retirerait tout d'abord derrière la Marne puis derrière la Vesle, tandis que le lieutenant-colonel Hentsch donnerait pour l'aile gauche de la 1re armée la direction générale de Fismes. À 7 h du matin, il entama le trajet vers Mareuil, le quartier général de la 1re armée avec ses deux accompagnants.

Le général v. Bülow n'avait pas reçu à nouveau le lieutenant-colonel Hentsch avant son départ. Son chef d'état-major ne lui donna le résultat de l'entretien matinal que plus tard à la réunion du matin. Le général était, ce matin du 9/9, de très mauvaise humeur, apparemment suite à la réunion de la veille au soir. Son officier d'ordonnance personnel, le capitaine de cavalerie v. Ernest rapporte : « le matin en question, il (le général) était de très mauvaise humeur, et il ne parla pas d'un repli. Je ne peux que me souvenir qu'il en vint à parler brièvement du lieutenant-colonel Hentsch, en l'appelant un terrible pessimiste. » Entre 8 h et 9 h du matin, il fit une promenade dans le parc de Montmort en compagnie de l'officier d'ordonnance, le lieutenant-colonel prince August Wilhelm de Prusse. Celui-ci raconte alors « qu'il m'a raconté que Hentsch considérait la situation générale comme assez défavorable, notamment pour la 1re armée. À ma question sur la situation de la 2e armée, il a appuyé sur la situation dangereuse de son aile droite, suite au retrait des IIIe et IXe corps. La situation de la 1re armée était particulièrement sérieuse, parce que l'adversaire se disposait apparemment à marcher dans la brèche entre les 1re et 2e armées. Au cours de la suite de la conversation, il se plaignit à plusieurs reprises que l'« on » (apparemment, le prince pense par là au lieutenant-colonel Hentsch ou à l'État-major général) voulait le forcer à la retraite. Il dit à peu près littéralement « je dois me retirer, et je ne le veux pas, parce que je ne considère pas la situation comme si grave ». Dans la situation actuelle, une retraite n'était en rien justifiée. De l'entretien avec le général, je tirai l'impression très sûre que sa décision finale sur la retraite n'était pas encore prise, et que tout était encore flottant. Après la fin de la promenade, le général de division v. Lauenstein eut une discussion avec le lieutenant-colonel Matthes. »

Le chef d'état-major de la 2e armée, avec la ferme volonté d'affirmer le 9/9 les positions de l'aile droite, et de continuer l'attaque du centre et de l'aile gauche, prit des mesures, immédiatement après le départ du lieutenant-colonel Hentsch, pour barrer le passage du secteur de la Marne, et pour accélérr la décision sur l'aile gauche. Dès 7 h 15 du matin, l'ordre suivant parvenait au corps de cavalerie Richthofen : « La 2e armée se bat sur la ligne Marguy - le Thoult - Pleurs avec son aile offensive. La division de cavalerie de la garde doit protéger le flanc droit jusqu'à la Marne, échelonnée autant que possible vers la droite et l'avant. La 5e division de cavalerie doit barrer le passage de la Marne de Château Thierry vers l'amont jusqu'à Binson. » Là-dessus, le lieutenant-colonel v. Egan-Krieger, officier d'ordonnance, fut envoyé au corps de la garde et à la 3e armée, pour pousser à une exécution accélérée de l'attaque envisagée de l'aile gauche de l'armée contre les positions en hauteur de Sézanne, malgré la tension générale de la situation. Il faudrait y briser au plus vite la résistance de l'ennemi, pour lui ravir la dernière position au nord de la Seine. Une victoire de cette aile soulagerait aussi le centre et l'aile droite, et simultanément écarterait le danger de la brèche entre les 1re et 2e armées. Peu après 8 h, arriva une observation aérienne, selon laquelle « aucun combat dans la région à l'ouest et au nord-ouest de Montmirail, et les routes Montmirail - La Ferté et Montmirail - Château Thierry libres de colonnes. » Ce renseignement renforça encore chez le général v. Bülow la décision de se maintenir, et il approuva entièrement les mesures prises par son chef d'état-major. Mais les informations suivantes sur les événements du front furent attendues avec une impatience compréhensible, en particulier celles en provenance du commandement de la 1re division de cavalerie, et du corps de la garde.

3. La décision de la bataille de la 2e armée et du groupe droit de la 3e armée le 9/9

Carte 4 (1 : 200 000)

Le 9/9, l'attaque de la 2e armée devait avoir lieu, comme indiqué (p. 241), à partir de l'aile gauche, avec un recul de l'aile droite. Pour cela, sur l'aile droite, la 13e division d'infanterie et le Xe corps de réserve devaient se tenir prêts au combat à partir de 6 h du matin, au côté du Xe corps de réserve, dans la région Marguy, Le Thoult, tandis que le Xe corps d'armée et la 14e division d'infanterie devaient tout d'abord tenir leurs positions gagnées ce jour. Le corps de la garde, et les trois divisions saxonnes devaient poursuivre l'attaque, la garde des deux côtés de la route Fère Champenoise - Sézanne vers Sézanne et Chichey, les Saxons en connexion « immédiate » avec la garde.

Jusque tôt le matin du 9/9, parmi le corps de cavalerie Richthofen, la 5e division de cavalerie s'était tenue à 10 km au nord de la Marne vers Marigny en Orxois, et la division de cavalerie de la garde s'était affirmée au sud de la rivière dans le secteur de Dollau, vers Essises et Montfaucon. Le général de division baron de Richthofen se tenait à proximité de cette division, mais il avait commandé à 6 h 10 du matin à la 5e division de cavalerie, sur laquelle il n'avait pas plus de renseignements, de se diriger vers Château Thierry. Il lui commanda ensuite à 8 h 30 du matin de se diriger sur la région de Courboin, pour se joindre aux mouvements prévus de la division de cavalerie de la garde. Cette dernière avait reçu l'ordre du général v. Richthofen de conquérir Condé et les hauteurs au sud, afin d'être selon les circonstances, à même de se préparer à la défense de l'aile droite de l'armée sur la Dhuis, avec un front vers l'ouest, ou de pouvoir enfoncer par une attaque l'aile gauche ennemie vers le sud. À la suite de quoi, la division de cavalerie de la garde se trouva vers 11 h du matin avec son gros vers Montigny (au sud de Condé), avec une brigade en sûreté immédiate de l'aile droite de l'armée près de Verdon. Par contre, la 5e division de cavalerie n'avait pas rempli sa mission, et s'était repliée encore plus au nord sur les hauteurs de Bussiares et de Hautevesnes (p. 214).

Le général baron v. Richthofen reçut l'ordre du commandement de la 2e armée à 7 h 15 du matin de barrer la Marne de Château Thierry vers l'amont jusqu'à Binson, et d'assurer la sécurité du flanc droit de l'armée vers 11 h à Condé en Brie. En raison de la ligne très longue à défendre par la cavalerie, il abandonna la perspective d'une solution offensive de sa tâche. La division de cavalerie de la garde était déjà disposée selon les ordres, et l'instruction fut transmise à la 5e division de cavalerie. Pour les raisons indiquées, on n'arriva pas à barrer les passages sur la Marne devant le front de cette division. La division de cavalerie de la garde resta jusque midi tout à fait tranquille sur sa position de Condé en Brie. L'adversaire ne faisait que des incursions très prudentes, principalement avec la cavalerie, de Montmirail vers le nord vers Artonges.

Le matin, la situation des autres unités auxquelles était confiée la sécurité de l'aile droite de l'armée s'esquissait de façon semblable. La 13e division d'infanterie, repliée dans la nuit vers Marguy possédait au matin une position naturellement très forte au nord-ouest et au sud de ce village, position encore renforcée au cours de la matinée. Un contact étroit avait lieu avec le Xe corps de réserve, situé au sud, et la 2e brigade de cavalerie de la garde qui se trouvait au nord près de Verdon. L'adversaire n'était poursuivi qu'avec hésitation et prudence. Ce n'est que vers 10 h du matin que l'artillerie ennemie entra en action près de Corrobert. Elle fut immédiatement couverte par les batteries lourdes allemandes. Environ une heure plus tard, l'infanterie ennemie se montra sur la route Corrobert - Marguy, mais elle n'ouvrit qu'un feu modéré. On ne ressentit pas d'envie d'attaquer ni même de poussée en vue d'une poursuite de la part de l'adversaire.

Pour le Xe corps de réserve, la marche du Petit Morin vers la nouvelle position pendant la nuit et les petites heures du matin s'effectua sans difficultés. Là non plus, l'ennemi ne poussa nulle part par derrière. Ce n'est que vers midi que des tireurs français firent des essais contre la position de la 19e division de réserve au nord-ouest de Fromentières. Mais cette attaque tourna vite à un combat de tirs stationnaire, et par endroits, l'infanterie ennemie sembla se replier. Vers la 2e division de réserve de la garde, l'activité de l'adversaire se limita à un feu d'artillerie vif mais sans conséquences.


L'ensemble de l'aile droite repliée de la 2e armée n'a donc pas été sérieusement attaqué jusqu'au matin tôt. Les troupes avaient certes encaissé une marche de nuit, mais elles étaient de bonne humeur et tout à fait aptes au combat. On ne remarquait nulle part de menace d'encerclement de l'aile droite par les Français au sud de la Marne.

La situation du matin devant le centre et l'aile gauche de la 2e armée se dessinait de manière encore plus favorable.

Devant le front du Xe corps d'armée, au début, tout resta tranquille. Devant la 19e division d'infanterie, le feu ennemi disparut complètement tôt le matin, et plus tard, les combats se limitèrent à un duel d'artillerie. La division tint son secteur au sud de Bannay sans encombre. La 20e division d'infanterie resta pour l'essentiel sur les positions conquises la veille près d'Oyes et à Bois de Botrait (au sud de St Prix). Seul le 164e régiment d'infanterie eut à essuyer tôt le matin une attaque, et malgré une grande supériorité ennemie, et de lourdes pertes, il prit héroïquement d'assaut pendant la matinée le village et le château de Mondement, où il se maintint jusqu'au soir malgré toutes les contre-attaques ennemies.

Ce succès remarquable aurait pu avoir une action décisive, s'il avait été exploité par la 14e division d'infanterie, qui était en contact à gauche. Mais celle-ci ne passa à l'attaque sur Allemant qu'entre 9 h et 10 h du matin, quand l'ennemi, probablement sous l'action de la garde attaquant plus à l'est, évacua Bannes et abandonna aussi vers midi ses positions près du Mesnil. La 14e division d'infanterie le poursuivit sur les hauteurs du Mesnil. Mais l'adversaire avait évacué le champ de bataille. En liaison ave la 20e division d'infanterie et de la garde, il semblait qu'un plein succès se manifestait.

Sur l'aile gauche décisive de l'armée, le général d'infanterie v. Plettenberg avait préparé à l'attaque dès 5 h du matin le corps de la garde de part et d'autre de la chaussée Fère Champenoise - Sézanne. La 1re division d'infanterie de la garde se déployant à droite repoussa tout d'abord une forte contre-attaque ennemie grâce à un soutien efficace de l'artillerie et du feu des mitrailleuses, qui occasionnèrent de lourdes pertes chez les Français, puis vers 9 h du matin passa de son côté à l'attaque sur l'ordre du commandant de division, le général de division v. Hutier, mais ne progressa que lentement à cause du feu nourri des batteries françaises. Le paysage de forêts obscures aida largement un défenseur tenace. La garde dut le conquérir avec de lourdes pertes parcelle après parcelle. En outre, les fatigues des jours précédents, la chaleur et le manque d'eau se faisaient sentir. Néanmoins, l'attaque continua à avancer sans discontinuer. Quand la 1re division d'infanterie de la garde atteignit vers 2 h 30 de l'après-midi la ligne Ferme Hozet - région nord-ouest et ouest de Connantre, des mouvements de recul se manifestèrent chez l'adversaire. Le point-clef de la position ennemie, le Mont Août, fut évacué. Des batteries projetées rapidement vers l'avant réussirent à ouvrir un feu destructeur sur les Français qui se retiraient. Un grand succès était acquis. Le commandant du 1er régiment à pied de la Garde, le colonel prince Eitel-Friedrich de Prusse, décrit l'attaque de son régiment ainsi : « La montagne (Mont Août)... fut prise solidement en main. Dans la dépression à l'ouest de la ferme de Hozet, on voyait alors les Français se replier en vagues nettes, le champ de bataille en grouillait. Ici et là se dépêchent des cavaliers isolés, et des batteries galopent. Un tableau pittoresque de bataille à l'ancienne mode. Les grenadiers se tenaient enthousiasmés, et voyaient là se dessiner le succès de leur pénible lutte de quatre jours. Des batteries du 3e régiment d'artillerie de campagne de la Garde furent amenées, groupement v. Bülow, et les gens se tenaient près des canons au bord de la forêt comme aux exercices de tir, et observaient les effets de notre artillerie, qui faisait systématiquement le vide dans les rangs ennemis. Comme les tirs d'artillerie ennemis avaient pratiquement complètement cessé — l'artillerie de l'adversaire devait changer de position vers l'arrière — et que l'ennemi était hors de portée de fusil, on commença à reprendre la poursuite. » À la suite immédiate du grand succès de la 1re division d'infanterie de la Garde, l'ennemi avait entrepris une forte contre-attaque contre son aile gauche, qui avait été repoussée sans difficulté. Cela sembla être un dernier essai de l'adversaire pour détourner la défaite sur cette partie du champ de bataille.

Sur le côté gauche de la 1re division d'infanterie de la garde, la 2e division de la garde s'était avancée. Son attaque, en raison de la mauvaise configuration du terrain, s'était heurtée à des difficultés encore plus grandes que la division voisine. Au sud du ruisseau de Vaure, il y a une montée de Fère Champenoise en glacis vers des hauteurs dominantes aux cotes 130 et 138. Seul le lit étroit du ruisseau de Vaure offrait un mince couvert. Le chef de division, le général de brigade v. Winckler, n'ordonna tout d'abord l'attaque qu'à la 4e brigade d'infanterie de la garde, tandis que la 3e brigade d'infanterie de la garde était retenue en formation de marche au sud-est de Fère Champenoise, et ne devait franchir le terrain sans couverture à l'est de la route Fère Champenoise - Corroy qu'après que la brigade voisine serait passée au combat. Vers 7 h du matin, la 4e brigade de la garde attaqua aussi à partir de Fère Champenoise. Peu après 8 h du matin, la 2e division d'infanterie de la garde communiqua à la 24e division de réserve qui attaquait à gauche de la 2e division d'infanterie de la garde, ce qui se passait avec son aile droite de Connantray contre les hauteurs au nord d'Euvy. Alors, le commandant de la division donna l'ordre d'emporter la cote 130. Mais l'ennemi opposa une résistance tenace, si bien que l'attaque ne fit que de lents progrès au début. De la 3e brigade d'infanterie de la garde, seuls quelques bataillons avaient attaqué au début, en marchant en avant sous le couvert du lit de la Vaure. Peu après, les autres parties de la brigade se dirigèrent du bord sud-est de Fère Champenoise vers la cote 138. Vers midi, l'attaque se poursuivit rapidement, malgré une puissante contre-attaque ennemie. À ce moment, l'officier d'ordonnance du commandement de la 2e armée, le lieutenant-colonel v. Egan-Krieger arriva à l'état-major de division : « Le général v. Bülow attend que la division attaque avec le courage qu'elle a toujours montré. La victoire acquise aujourd'hui est d'une importance décisive pour l'issue de la guerre. » Ceci confirmait ce que nous avions senti instinctivement. Les brigades ont été immédiatement informées de cette affirmation. Elles l'ont transmises vers l'avant. Chaque homme dans la division savait de quoi il s'agissait aujourd'hui (d'après les notes de l'officier d'état-major de la 2e division d'infanterie de la garde, le chef de bataillon Heinrich v. dem Hagen). La force de résistance de l'ennemi cédait visiblement. Vers 2 h 45, il évacua les cotes 130 et 138 dominantes, ainsi que la Ferme St Georges et reflua en désordre par Corroy et le secteur de Maurienne, poursuivi par la 2e division d'infanterie de la garde jusqu'au moulin de Connantre et aux hauteurs au nord du ruisseau de Maurienne. La liaison avec les trois divisions saxonnes qui se battaient sur la gauche de la garde fut établie. Le général de division v. Winckler, commandant la division s'exprime ainsi sur l'importance de ce grand succès : « Si une troupe a eu raison de se tenir en plein sentiment de victoire, ce sont les régiments de la 2e division d'infanterie de la Garde, qui ont repoussé l'ennemi d'au moins deux milles après des combats presque ininterrompus de 4 jours, si bien que le 9/9 après-midi, les patrouilles d'infanterie ne constataient plus nulle part sa présence. »


Le général commandant le XIIe corps de réserve, qui commandait le groupe de droite de la 3e armée, le général d'artillerie v. Kirchbach, avait défini l'attaque de ses trois divisions pour 6 h du matin, sur la base de l'ordre pour l'armée du 8/9 au soir (p. 185) : la 24e division de réserve avec l'aile droite sur Fère Champenoise - Connantre, la 32e division d'infanterie en liaison avec la 24e division de réserve avec l'aile gauche par Les Anclages - milieu de Courgançon, tandis que la 23e division de réserve devait d'abord, en s'échelonnant sur la gauche, conquérir les hauteurs au sud de Mailly.

À la 24e division de réserve, cet ordre arriva vers minuit à Normée, où l'état-major de division bivouaquait près de la route, immédiatement à côté du commandement général du corps de la garde. L'officier d'état-major de la division avait déjà constaté que la même zone d'attaque avait été indiquée pour la 2e division d'infanterie de la garde de la 2e armée que pour sa propre division, et que la 32e division d'infanterie avait pris les hauteurs au sud de Connantray (p. 184). La division se décida donc, en déviant des ordres du corps, de marcher sur Connantray par la gare de Lenharrée, et de trouver un espace d'attaque entre le corps de la garde et la 32e division d'infanterie. L'énergique commandant de la division, le général de division v. Ehrenthal, avait conduit sa 24e division de réserve en marches forcées ininterrompues. La division, encore fraîche malgré toutes ces marches, brûlait de soulager par son attaque le 9/9 la garde, et donc l'aile gauche de la 2e armée.

Pendant le déploiement de la 24e division de réserve, un tir d'infanterie ennemi se mit soudain à venir des parcelles de forêt au sud-ouest de Connantray. Peu après 8 h du matin, la 47e brigade d'infanterie de réserve passa à l'attaque contre l'ennemi qui se tenait là, et elle fit de grands progrès en marchant rapidement vers l'avant. Au départ, la 48e brigade d'infanterie de réserve resta à la disposition de la division près de Connantray. Un contact constant était maintenu avec la 2e division de la garde et la 32e division d'infanterie. Dès que possible, un soulagement fut apporté à la 2e division d'infanterie de la garde par l'attaque en cours.

Un ordre du corps (émis à 9 h 40) arriva vers 10 h 30 du matin. Il commandait à la 24e division de réserve et à la 32e division d'infanterie de se rendre maîtres des hauteurs au nord du secteur de Maurienne. Pour cela, la 24e devait avancer avec son aile gauche par Euvy vers le nord-est de Courgançon dans la direction des hauteurs. Ceci signifiait pour elle un nouveau changement de direction d'attaque, qui fut rapidement accompli. Vers 12 h 45 après-midi, Euvy était pris. Peu avant, était arrivé un nouvel ordre du corps de 11 h 20, selon lequel la 24e division de réserve devait en lien avec la 32e division d'infanterie, s'emparer des hauteurs au sud et au sud-ouest de Courgançon. Mais tout d'abord, l'adversaire devait être délogé de sa position derrière le secteur de Maurienne, avant de pouvoir réussir l'attaque par Corroy - Pleurs, puisque les hauteurs au sud du secteur de Maurienne sur la ligne Corroy - Pleurs avaient été reconnues comme occupées par l'ennemi, et que les tirs d'artillerie français de cette zone étaient déjà perceptibles. Pour exécuter l'ordre du corps, la 24e division de réserve avec ses deux brigades passa vers 1 h de l'après-midi à l'attaque contre les hauteurs au sud du secteur de Maurienne, et l'avance se fit rapidement malgré un vif feu d'artillerie ennemi. Vers 5 h de l'après-midi, la 48e brigade d'infanterie de réserve occupait la chaîne de hauteurs à l'ouest de Courgançon, tandis que la 47e occupait ce village. Corroy était occupé en liaison avec le corps de la garde. L'attaque menée avec un grand élan par la division de réserve avait conduit à un succès complet.

La 32e division d'infanterie qui combattait en liaison et sur la gauche de la 24e division de réserve avait, sur la base de l'ordre du corps du soir du 8/9, disposé ses deux brigades, à partir de la route Vaurefroy - Montrépreux pour une attaque contre la ligne Euvy - centre de Courgançon. De l'infanterie ennemie retranchée fut repérée dans les parcelles de forêt à l'est et au sud-est d'Euvy. Comme la division se lançait à l'attaque contre cet ennemi, le premier ordre du corps déjà indiqué de 9 h 40 (p. 251, note 2) arriva, à la suite duquel la division devait conquérir en commun avec la 24e division de réserve les hauteurs au nord du ruisseau de Maurienne. Ceci nécessitait un décalage de la zone d'attaque de la 32e division plus loin vers l'est. Peu après 11 h du matin, la division atteignit son nouveau but. Le deuxième ordre du corps de 11 h 20 arrivant pendant la progression indiquait que la division ne devait attaquer les hauteurs au sud du ruisseau de Maurienne que de Courgançon jusqu'à Semoine, ce qui demandait un changement substantiel de la direction d'attaque de la division. Malgré un feu nourri d'artillerie français, le mouvement d'attaque progressa bien. Vers 4 h de l'après-midi, l'infanterie, accompagnée de batteries avancées, s'approcha de l'orée sud des forêts au sud-est d'Euvy, qui avait été libérée par l'ennemi. L'attaquant fit de nombreux prisonniers. Un grand succès s'annonçait aussi pour cette division. Son commandant, le général de division Edler v. der Planitz, écrit au sujet de cette bataille : « L'attaque ... commandée par l'État-major général ... sur les hauteurs au sud de la Maurienne pouvait commencer. Elle avait été remarquablement préparée par l'artillerie avancée loin. Le feu des canons ennemis était de plus en plus faible, son infanterie quittait le champ de bataille en nombre de plus en plus grand, et de plus en plus vite. La traversée du cours d'eau indiqué ne pouvait plus présenter de difficulté pour nos régiments, qui avaient vaincu la veille la Somme profonde sous le feu le plus fort de l'ennemi près de Lenharrée. La performance de la journée n'avait jusqu'alors pas épuisé notre infanterie. La nuit tranquille du 8 au 9/9 et un ravitaillement convenable avaient ravivé les forces, et les succès jusqu'alors poussaient vers l'avant. On avait encore plusieurs heures de plein jour devant soi... Le plein de munitions et aussi l'appui des réserves étaient tout à fait assurés pour le groupe droit de la 3e armée, même si l'ennemi réussissait à jeter dans la bataille des troupes fraîches de l'autre côté de la Maurienne. D'où la solide confiance dans le commandement sûr et réfléchi du général commandant v. Kirchbach. »

Pendant ce temps-là, la 23e division de réserve avait aussi fait des progrès substantiels. Tôt le matin, elle s'était préparée en s'échelonnant vers la gauche à l'ouest et à l'est de la route Sommesous - Mailly. Vers le milieu de cette préparation, il y eut une poussée de l'infanterie française à partir de Mailly, qui a cependant été repoussée sans peine. Des mouvements simultanés de fortes colonnes ennemies à partir de Mailly vers Semoine ont été pris avec succès sous le feu de l'artillerie et de l'infanterie allemandes. Ceci dispersa l'adversaire, qui s'enfuit vers les forêts au sud-ouest de Mailly. Sur un renseignement qu'une force française substantielle s'était mise en marche vers 6 h 30 de Trouan vers le nord-ouest, le commmandement de l'armée commanda vers 7 h 30 à la division « de conquérir la hauteur au sud de Mailly pour y sécuriser le flanc des deux groupes d'armées, et d'y rester. » Cet ordre se recouvrait pour l'essentiel avec l'ordre donné au corps (p. 250) la veille au soir, mais il ne fut pas exécuté immédiatement. Sur le renseignement de la progression d'un nouvel adversaire dans la direction de Mailly, le commandant de la division, le général de division v. Larisch commanda plutôt vers 10 h 40 du matin à la 46e brigade d'infanterie de réserve de progresser jusqu'à la hauteur de l'orée de la forêt au nord de la cote 171, et à la 45e jusqu'à la hauteur du passage à niveau au nord de Mailly. Les secteurs atteints devaient être tenus à tout prix en cas d'attaque française. L'intention de cet ordre était donc plus défensif, et la division y était incitée, tant que la situation de son flanc gauche n'était pas clarifiée. Les régiments de la 23e division de réserve atteignirent la ligne ordonnée sans trouver de résistance substantielle. Et la situation du flanc gauche se clarifia bientôt. L'ennemi qui y avait été signalé ne s'était pas tourné contre la division. Le commandant de la division prit alors de sa propre initiative la décision de se joindre avec sa division au mouvement général vers l'avant. Vers 12 h 20 après-midi, il commanda à la 45e brigade d'infanterie de réserve de prendre Mailly en s'échelonnant vers la gauche, et à la 46e de progresser contre la ligne forêt au nord de la cote 171 - passage à niveau au nord-ouest de Mailly. L'attaque de la division saxonne décidée et exécutée réussit sur toute la ligne. Vers 2 h 30 de l'après-midi, Mailly était pris. Après un bref repos, des parties des troupes victorieuses poussèrent jusqu'aux parcelles de forêt des Quatre Tilleuls (à la cote 174), en faisant de nombreux prisonniers. La 23e division de réserve avait réussi sur l'aile extrême un succès éclatant. Le commandant d'alors du 103e régiment d'infanterie de réserve, le colonel baron v. Ompteda, rapporte : « ... L'ennemi était tellement secoué qu'il ne se retira pas entièrement. Même par des patrouilles, on n'arriva pas à établir où il restait ... Je me rendis moi-même seul à pied, parce que je ne pouvais pas monter à cheval à cause de ma blessure, vers l'orée sud de la forêt, et je m'y assis avec la vue sur Mailly. Cette heure restera pour moi inoubliable, car après les fatigues des derniers jours, je me trouvais avec tous les membres de mon brave régiment en plein sentiment de victoire acquise, incontestée ... de près ou de loin, on ne voyait ou n'entendait plus rien de l'ennemi ... »

C'est ainsi que les trois divisions saxonnes ont pris une part substantielle à la victoire acquise sur l'aile gauche de la 2e armée. Grâce au commandement prudent par les généraux commandants baron v. Plettenberg et v. Kirchbach, la décision de la bataille était tombée entre les mains des armes allemandes, comme pour la garde et aussi chez les Saxons. Une victoire complète avait été gagnée sur toute la ligne. L'adversaire fuyait partout en désordre en direction du secteur de l'Aube. Si les Saxons s'infléchissaient vers l'ouest dans la poursuite, conformément aux essais renouvelés de la 2e armée, la situation deviendrait intenable pour les forces ennemies aussi devant le centre et l'aile droite de la 2e armée. Aussi durement qu'avaient souffert les courageux régiments à cause des quatre durs jours de combat, ils étaient prêts dans un élan de victoire à donner leurs dernières forces pour former une victoire décisive.


Le lieutenant-colonel v. Egan-Krieger, qui avait été envoyé tôt le matin par le général v. Bülow vers le corps de la garde et le commandement de la 3e armée, pour les inciter à une conduite accélérée de l'attaque, après s'être acquitté de sa mission, s'était rendu vers l'avant au contact des troupes combattantes, pour donner des impressions aussi fiables et immédiates que possible sur l'état de la bataille. Il y assista aux « combats héroïques de la garde et des Saxons. » Quand il se fut convaincu personnellement que « les hauteurs dominantes du Mont Août avaient été escaladées par l'infanterie allemande, » et que « les dernières forces françaises se tournaient vers la fuite, » il se dépêcha à toute vitesse avec cette joyeuse nouvelle d'une victoire gagnéevers le commandement de la 2e armée. Pour montrer le souci poignant qui le tenaillait de ne peut-être pas y arriver à temps avec sa nouvelle de victoire sur l'issue de la grande bataille, on peut citer les mots qu'il cria au chauffeur de sa voiture en embarquant : « Malgré les routes bombardées, il devait conduire comme s'il était question de sa vie. »


En considérant la question dans le passé, on constate sur la base des connaissances actuelles que la situation de l'ennemi l'après-midi du 9/9 donne l'image d'une victoire complète de l'aile droite de l'armée allemande. Presque à la même heure que la garde et les Saxons, l'aile droite de la 1re armée avait accompli un succès décisif. La terrible crise de la bataille de presque cinq jours (la bataille avait commencé pour la 1re armée dès le 5/9) était gagnée grâce au dévouement et au courage des troupes et au commandement prudent et énergique. Une progression des Anglais à travers la Marne dans la brèche menaçante entre les 1re et 2e armées ne représentait plus de danger. Ils auraient couru à leur propre perte. L'effet opérationnel et tactique des victoires simultanées en des points décisifs devait amener à la retraite l'ensemble du front ennemi entre l'Ourcq et l'Aube. La campagne de la Marne semblait décidée en faveur des Allemands !

Il a été important dans le poids du destin que les généraux allemands de l'aile droite de l'armée, quand il leur a fallu prendre des décisions importantes pour la campagne, n'avaient pas une connaissance aussi claire de la situation favorable en faveur du côté allemand. En particulier, le général v. Bülow n'a eu connaissance de l'état de réussite de la bataille, tant à la 1re qu'à la 2e armée, que très tardivement, parce que de nombreuses liaisons radio au sein de l'armée qui lui avait été confiée avaient été détruites. Ce jour là, il ne s'était pas rendu vers l'avant à son poste de combat de Fromentières, mais était resté au quartier général de Montmort, pour recevoir le plus vite possible tous les renseignements qui arriveraient de la surveillance aérienne demandée sur l'avance des Anglais dans la brèche, et ceux qu'il attendait de façon si urgente du lieutenant-colonel Hentsch sur la situation de la 1re armée.


4. Le lieutenant-colonel Hentsch commande la retraite à la 1re armée au nom de l'État-major général

Carte 3 (1 : 200 000)

Le trajet du lieutenant-colonel Hentsch, de Montmort au quartier général de la 1re armée à Mareuil l'avait mené par Reims - Fismes - Fère en Tardenois. Les impressions qu'il ressentit en route de l'état des troupes chargées du barrage de la brèche ont dû influencer très défavorablement son humeur déjà oppressée, et étaient propres à le renforcer de manière très néfaste dans son jugement sombre de la situation générale. Hentsch écrit lui-même dans son premier rapport du 15/9/14 : « L'impression que j'ai eue ... pendant mon trajet vers le commandement de la 1re armée n'était pas favorable. Partout, je rencontrais des trains et des bagages des divisions de cavalerie. Ils prenaient tous la direction de Fère en Tardenois. Des troupes de blessés déferlaient dans la même direction. Elles craignaient d'être déjà coupées. À Neuilly St Front, tout était bouché par des colonnes. Une attaque aérienne avait suscité une panique totale (Les bombes d'avion avaient été prises pour les obus d'une division de cavalerie anglaise qui avait forcé le passage). À plusieurs reprises, je dus descendre pour me ménager par la force un passage vers l'avant. Devant Neuilly, je me tournai vers le sud, pour atteindre Mareuil par Crouy. Devant Brumetz, je dus faire demi-tour, parce que la cavalerie anglaise était déjà dans les parages. Ce n'est qu'à midi que je réussis à atteindre Mareuil par Chézy ... En route, j'entendis que l'adversaire avait repoussé notre cavalerie de la Marne, et avait déjà traversé la rivière. » L'ex-capitaine Koeppen caractérise cette description dans un mémoire du 5/3/25 comme « exagérée. » Il écrit : « L'état général de la situation (sur les routes) ne me fit pas l'impression décrite par Hentsch ! » Ailleurs chez le même : ses accompagnateurs rapportent en plein accord que les événements « de type panique » près des colonnes avaient fait une forte impression sur lui. « Ils l'auraient presque dissuadé de son devoir de visiter la 1re armée. » Le chauffeur de la voiture, membre du corps automobile volontaire, le sénateur v. Marx, rapporte sur la base d'entrées dans son journal que Hentsch aurait été pendant le trajet, plusieurs fois hésitant sur la nécessité de continuer. « Environ au milieu du trajet, pas loin de Château Thierry (sans doute plutôt Fère en Tardenois), j'ai dû faire trois fois demi-tour, en retraversant le même village. » La confusion dans les colonnes, due au rejet soudain de l'armée de la Marne vers l'Ourcq et au mélange important entre les unités a fait de manière compréhensible sur le lieutenant-colonel Hentsch qui venait du calme de l'État-major général à Luxembourg, une impression plus forte que ce n'aurait été le cas pour un officier d'état-major habitué aux circonstances juste derrière le front. Le fort mélange entre unités en colonnes était dans cette situation tout à fait naturel, et n'avait rien d'extraordinaire ou même d'angoissant. Compte tenu de l'activité et de la prudence de nos commandants de colonnes de l'époque, et des ordres appropriés — qui avaient été donnés par le commandement de la 1re armée — ce genre de difficulté se résolvait d'habitude de soi-même, comme l'expérience le montrait. Ce fut aussi le cas ici (Dans un mémo du 21/12/25, le général v. Kluck remarque à ce propos : « À la louange du train de la 1re armée, que j'ai laissé passer à toute occasion, je dois souligner que celui-ci ... a fait de grands progrès dans la marche de l'ouest du Rhin jusqu'à l'est de Paris. Ceci est aussi visible dans la retraite vers l'Aisne, qui s'est accomplie sans perte de train.) »

Apparemment les impressions qui l'ont profondément marqué psychiquement pendant ce trajet lui ont imposé l'idée que la retraite de la 1re armée était inévitable, quelles que soient les circonstances, et qu'il fallait qu'elle ait lieu d'autant plus vite que les troupes anglaises avaient déjà franchi la Marne, et que sur la base de ses entretiens avec le général v. Bülow, il fallait absolument compter avec un début de retraite de la part de la 2e armée. Le capitaine König rapporte que : « Le lieutenant-colonel Hentsch était persuadé qu'il fallait aussi que la 1re armée se retire. » Lui-même considérait, selon son témoignage du 14/5/17, qu'il était justifié, sur la base de sa délégation de pouvoirs « de commander la retraite à la 1re armée au nom de l'État-major général, puisqu'il avait eu pendant son trajet de la 2e à la 1re armée une impression personnelle de la situation difficile de l'aile gauche de la 1re armée, et donc de la menace qui planait sur l'aile droite de la 2e armée. » Il voyait la 1re armée courir à son malheur, au cas où elle n'avait pas amorcé la retraite de son propre chef. Si la retraite devait avoir lieu sous la pression des armes ennemies, il pourrait arriver ce qu'il avait justement voulu éviter par un repli à temps et volontaire : une catastrophe.


Vers 12 h 30 après-midi, le lieutenant-colonel Hentsch arriva au quartier général de la 1re armée à Mareuil. Environ une heure auparavant, la situation y avait atteint une très haute tension. On venait de surmonter la crise survenue aussi au commandement de la 1re armée par le passage des Anglais outre la Marne. La situation commença à se détendre dans la perspective d'une attente sûre de la victoire sur l'aile droite (p. 211). Le chef d'état-major, le général de brigade v. Kuhl, rencontra le lieutenant-colonel Hentsch déjà dans la rue du village, et les deux ont eu une première discussion courte sur la situation. Le général v. Kuhl fit sur Hentsch et ses compagnons une impression tout à fait sûre et tranquille — on ne remarquait pas chez lui la moindre excitation intérieure. D'après les indications du capitaine Koeppen, « on ne remarquait rien de la nervosité qu'un chef d'état-major aurait pu montrer dans une situation aussi critique. » Le général v. Kuhl entretint le lieutenant-colonel Hentsch tout d'abord sur l'état de la bataille, et lui indiqua que le commandement venait de commander pour la sécurité du flanc gauche, de retirer l'aile gauche, tandis que l'aile droite de la 2e armée s'était repliée sur Marguy, et les Anglais étaient en train de passer la Marne. À la différence de cela, le lieutenant-colonel Hentsch affirme que le général v. Kuhl avait utilisé les mots suivants au moment de leur premier salut : « Oui, si la 2e armée a retiré son aile, nous ne pourrons pas tenir dans la durée. » En soi, cette affirmation sur le retrait de l'aile droite de la 2e armée ne pouvait pas surprendre le lieutenant-colonel Hentsch, puisque la décision en avait été prise la veille au soir par le général v. Bülow (p. 241). Mais il semble qu'il y ait vu l'introduction de la retraite générale qu'il attendait déjà de la 2e armée, en raison de l'avancée des Anglais. Ce n'est que comme cela que peut apparaître explicable tout son comportement dans la conversation avec le général v. Kuhl. De cette affirmation sur la situation de la 2e armée et du fait du retrait de l'aile gauche de la 1re armée, le lieutenant-colonel Hentsch tirera l'impression par la suite de l'entretien que « la retraite générale » avait été commencée aussi pour la 1re armée. Le général v. Kuhl conteste de façon décisive avoir fait une remarque de ce genre, et l'ex-colonel v. Bergmann écrit : « Je considère comme tout à fait exclu que le général v. Kuhl ait fait une telle affirmation. Car elle aurait été en pleine contradiction avec ses développements qui ont suivi, tenus en ma présence, et qui me sont solidement restés en mémoire dans leur esprit. » Les compagnons du lieutenant-colonel Hentsch n'ont pas non plus entendu d'assertion de la part du général v. Kuhl telle que la rapporte Hentsch. Peut-être celui-ci a-t-il, à partir de la remarque tombée dès le début du général v. Kuhl, sur la nécessité de replier l'aile gauche, donné une signification exagérée en raison de toute sa disposition intérieure.

À la suite de cette première conversation rapide, a eu lieu dans le bureau de l’état-major une discussion détaillée. Le capitaine König rapporte à ce sujet : « … Le lieutenant-colonel Hentsch entra avec le général v. Kuhl dans le bureau de ce dernier, où l’on accédait pas un bureau plus grand où travaillaient plusieurs officiers d’état-major du commandement de la 1re armée, et où j’ai attendu avec le capitaine Koeppen. Le colonel v. Bergmann a d’abord été appelé, et est réapparu après un certain temps, où il a traversé le grand bureau… Il y a donc eu alors dans le bureau du général v. Kuhl une conversation seul à seul avec le lieutenant-colonel Hentsch… » À la différence de ceci, le général v. Kuhl souligne que le colonel v. Bergmann est réapparu très vite (et non pas après quelque temps). « Entre temps, on n’a parlé de rien d’autre. J’attachais de l’importance à ce qu’un témoin soit là quand Hentsch arriva. Ce n’est pas correct que la première partie de cet entretien absolument important ait eu lieu sans témoin. »

Le général v. Kuhl a ensuite développé, comme lui-même et l’ex-colonel v. Bergmann l’ont rapporté en plein accord, sa vision tout à fait favorable de l’état de la bataille, et les perspectives pour son issue (De même qu’au commandement de la 2e armée, il ne fut pas pris de notes au commandement de la 1re armée pendant cette discussion. Sa description se fonde principalement sur le rapport du lieutenant-colonel Hentsch du 9/9/14, à 4 h de l’après-midi, de Fismes pour le commandement de la 2e armée (p. 286), sur son rapport du 15/9/14, ainsi que sur une note commune du général v. Kuhl et du colonel v. Bergmann du 10/9/14. Tous les autres rapports n’ont servi que comme compléments — v. Annexe 1.) Certes, l’aile gauche avait été passagèrement menacée par l’avance d’une puissante infanterie par Charly et Nanteuil, mais ce danger était écarté par le décrochage et l’envoi de la 5e division d’infanterie sur Dhuisy. La pénétration des Anglais dans la brèche entre les 1re et 2e armées ne devait pas être prise au tragique, compte tenu de l’état des troupes anglaises. La 1re armée les avait repoussés devant elle sans arrêt depuis les jours de Mons et du Cateau (Le lieutenant-colonel Grautoff, premier officier d’état-major, rapporte à ce sujet : « À l’état-major de la 1re armée, on considérait l’avancée des Anglais au-delà de la Marne — je me le rappelle encore aujourd’hui en détail — malgré tout comme assez décontractés. De notre propre expérience, nous savions combien les Anglais opéraient lentement… » ). Pour se défendre contre ce danger, les mesures prises suffiraient amplement jusque la victoire sur l’aile droite soit acquise. De ce côté, la bataille tournait bien, le IXe corps d'armée et la 6e division d'infanterie, en collaboration avec la brigade Lepel et une brigade de territoriaux avait entrepris l'attaque contre le flanc gauche et les arrières de l'ennemi. L'attaque progressait bien, et l'encerclement de l'aile ennemie laissait espérer de grands succès.

On ne peut pas encore établir sans hésitation l'impression que ces explications importantes ont exercée sur le lieutenant-colonel Hentsch, et en particulier si elles ont provoqué chez lui une vision plus confiante de la situation générale, ou si peut-être les soucis et les doutes subsistant de la crise qui venait d'être surmontée ont eu de tels échos qu'elles n'ont pas réussi à dissiper entièrement sa vision pessimiste. Il faut ici exercer une d'autant plus grande prudence en écrivant l'histoire, que le danger subsiste malgré tout qu'il soit accordé plus de place aux impressions des vivants sur la situation qu'à celles des morts, qui ne peuvent plus s'expliquer. Mais pour juger le comportement du lieutenant-colonel Hentsch, la question d'importance décisive est justement celle de l'impression que les développememnts du général v. Kuhl ont faite sur lui. L'ex-colonel v. Bergmann déclare que les explications du chef d'état-major, qui étaient animées par une forte confiance dans la victoire de la 1re armée, ont dévoilé pour la première fois au lieutenant-colonel Hentsch la véritable situation, et ont eu sur lui un effet de surprise tel qu'il s'était apparemment fait jusque là une image totalement fausse. Le général v. Bergmann écrit : « Cette surprise pouvait clairement se lire sur son visage. C'est encore un souvenir vivant pour moi qu'il était, comme on le dit vulgairement « baba », quand il a entendu cette description si contradictoire avec sa vision préconçue. » Dans son rapport envoyé quelques heures plus tard de Fismes au commandement de la 2e armée — le seul écrit de sa main pendant tous ces événements (p. 286) — le lieutenant-colonel Hentsch a décrit convenablement la situation de la 1re armée. Le 15/9/14, il rapportait qu'il n'avait pas pu juger « de l'étendue de l'avance de la 1re armée contre les Français sur la ligne de Nanteuil vers le sud. La confiance et le calme du commandement de l'armée auraient pu faire espérer un succès (Hentsch n'a pas essayé de se faire une idée claire sur la situation dans cette aile, que ce soit par un rapide trajet sur place, ou par une question à la radio au général commandant le IXe corps). » Le lieutenant-colonel Hentsch dans son rapport du 21/10/14 insiste explicitement sur le fait que « la 2e armée aurait pu résister frontalement sur ses positions, si la 1re armée s'était rapprochée très rapidement, et avait bouché la brèche (le rapport du 15/9/14 ne contient rien à ce sujet). » Selon le rapport du 14/5/17, suite aux explications du général v. Kuhl, il aurait posé une série de questions : « si un soutien immédiat de la 2e armée était possible », et si la 1re armée était en mesure de soutenir la 2e le lendemain de toutes ses forces, si elle arrivait à battre son propre ennemi le 9. Ce n'est que quand le chef d'état-major a répondu négativement à cette question, et en ce qui concerne la dernière « eu égard à l'état de l'armée », qu'il a fait usage de sa délégation de pouvoirs. Le général v. Kuhl et le colonel v. Bergmann contestent ces événements de la manière la plus ferme. D'après leurs descriptions faites dès le 10/9/14, le lieutenant-colonel Hentsch, au cours de sa réplique aux explications du chef de l'armée, a décrit la situation sur l'ensemble du front comme défavorable. La 5e armée était fixée devant Verdun, les 6e et 7e devant Nancy - Épinal. La situation de la 2e armée était sérieuse, elle « devait reculer, si la 1re armée ne trouvait pas immédiatement la liaison. » L'aile droite, le VIIe corps d'armée, avait été « rejetée en arrière, et non retirée (p. 180, note) » et voulait partir « si nécessaire en direction d'Épernay. » Il fallait tout d'abord une bonne fois « décrocher » toutes les armées, la 3e armée au nord-est de Châlons, les 4e et 5e ensuite sur Verdun par Clermont en Argonne. Comme la 1re armée n'était plus en mesure de se rapprocher immédiatement de la 2e, en raison de la percée des Anglais à travers la Marne, elle devait aussi se replier, pour regagner la liaison avec la 2e armée par une marche arrière, ceci dans la direction Soissons - Fismes, et au pire des cas plus loin, même vers Laon - La Fère. Une nouvelle armée allemande serait rassemblée vers St Quentin. En connexion avec celle-ci, on pourrait alors commencer une nouvelle opération. Le lieutenant-colonel Hentsch avait dessiné au fusain sur la carte du général v. Kuhl la ligne à atteindre par les armées.

Le général v. Kuhl s'opposa tout à fait décidément à l'exigence de repli, en soulignant la situation favorable de l'aile droite de la 1re armée, en plaidant explicitement pour une continuation inconditionnelle de l'attaque. Une retraite dans cette situation serait très fâcheuse, car l'armée serait alors complètement bousculée, et qu'elle était déjà extrêmement épuisée. Le sous-chef d'état-major soutint les explications du général v. Kuhl tout à fait explicitement, et indiqua particulièrement que pour la continuation de l'attaque, les forces étaient suffisantes, mais qu'elles risquaient de céder pendant une retraite. Une retraite serait difficile et dangereuse, en raison du mélange des unités. Le train et les équipages n'y étaient pas préparés et manquaient de recul. La forte cavalerie de l'armée ennemie essaierait de se placer sur les arrières de l'armée sur les hauteurs escarpées et boisées du secteur de l'Aisne. Il conclut en désignant la proposition du général v. Kuhl de poursuivre l'offensive jusqu'à une fin victorieuse comme la seule issue possible à la crise. Le général v. Kuhl et le colonel v. Bergmann auraient encore une fois fait allusion explicitement à l'envoi de la 5e division d'infanterie pour soutenir le corps de cavalerie et la sécurisation et le soutien ainsi obtenus de l'aile droite de la 2e armée. Le lieutenant-colonel Hentsch le rapporte aussi dans son rapport du 15/9/14 (Dans ce rapport, Hentsch évoque aussi un renseignement sur l'avance des Anglais qui aurait été présenté pendant la discussion. Le général v. Kuhl ne peut pas s'en souvenir, et aucun des officiers d'état-major, des aides de camp ou officiers d'ordonnance n'aurait vu un tel renseignement aboutir dans le bureau. Le capitaine Koeppen écrit : « Pendant l'entretien, personne n'est entré dans la salle de conférences, ce dont je me souviens bien puisque j'étais assis avec Alten et Grautoff dans la pièce devant ! »).

Mais le lieutenant-colonel Hentsch s'opposa toujours à toutes les objections du général v. Kuhl et du colonel v. Bergmann avec l'indication de la nécessité irrémédiable de la retraite déjà commencée de la 2e armée fortement commotionnée derrière la Marne. Comme un accord ne voyait pas le jour, le lieutenant-colonel Hentsch expliqua finalement qu'il avait la délégation de pouvoirs pour commander à la 1re armée au nom de l'État-major général la retraite sur la ligne Soissons - Fismes. Le commandement de l'armée devait suivre cet ordre sans délai, parce que c'était la seule manière de rétablir un front unifié pour l'armée. Le général v. Kuhl ne céda cependant pas, il indiqua qu'à partir de la bataille en cours, une retraite dans la direction commandée de Soissons - Fismes n'était absolument pas possible, mais seulement en droite ligne avec l'aile gauche vers Soissons derrière l'Aisne. La brèche entre les 1re et 2e armées qui devait être colmatée par le mouvement vers l'arrière resterait donc ouverte vraisemblablement pendant une retraite, dans la mesure où l'aile droite de la 2e armée éventuellement voudrait se replier vers Épernay, et non vers Fismes. Il indiqua encore que la crise ne pourrait bien plus facilement être résolue que par une vigoureuse « continuation du combat jusqu'à une victoire finale. » ; la récupération de la liaison devait être recherchée vers l'avant. L'exploitation des succès acquis jusqu'à présent par une continuation de l'attaque pourrait conduire à une pleine victoire de la 1re armée sur la 6e armée française qui lui faisait face. Alors, les Anglais qui s'avancent à travers et contre la Marne se retireraient très rapidement.

Le lieutenant-colonel Hentsch reconnut comme justifiées les réticences du chef d'état-major en ce qui concerne la direction de retraite, mais il expliqua que pour une continuation de l'offensive, il était déjà trop tard — il était 1 h de l'après-midi — car la « retraite de la 2e armée était inévitable » : elle était déjà en mouvement vers l'arrière et gagnerait déjà le rivage de la Marne le lendemain matin, le 10/9. On ne pouvait plus revenir sur cette mesure. Probablement, le lieutenant-colonel Hentsch avait supposé que le général v. Bülow, en raison de l'avancée des Anglais sur la Marne, et conformément aux accords de la veille au soir, s'était décidé à la retraite, et avait déjà commencé celle-ci. Mais d'autre part, il fallait qu'il se dise qu'entre toute décision de retraite et sa mise en œuvre, de nombreuses heures étaient nécessaires, si bien que la 2e armée à midi le 9/9 ne pouvait pas encore se trouver en retraite. Peut-être aussi avait-il mal interprété, dans son excitation, la bienvenue que lui avait souhaitée le général v. Kuhl dans la rue, avec l'information que l'aile droite de la 2e armée se retirait, comme indiqué (p. 258). Dans sa réplique du 21/10/14 au rapport du commandement de la 1re armée du 19/10/14, donc à considérer comme une justification, le lieutenant-colonel Hentsch explique de lui-même : « Le retrait de la 2e armée n'était inévitable que si et parce que la 1re armée avait laissé se faire la brèche entre les 1re et 2e armées sur la Marne, en retirant les IIIe et IXe corps d'armée, et la percée des Anglais était déjà connue à la 2e armée dès le 8 au soir (Ici, on trouve une erreur du lieutenant-colonel Hentsch. Les Anglais et les Français n'avaient pas encore atteint la Marne le 8/9 au soir, encore moins traversé, on ne pouvait donc pas parler d'une percée). J'ai explicitement souligné que la 2e armée pouvait se maintenir frontalement sur ses positions. Mais une condition fondamentale pour cela était que la 1re armée se rapproche au plus vite pour boucher la brèche. Seulement si cela n'était pas possible, et ce ne l'était pas compte tenu de la situation de la 1re armée, la direction de retraite des deux armées devait être déterminée. J'ai fait cela alors de la manière esquissée par la 1re armée, et en accord avec le commandement de la 2e armée. Je ne peux pas indiquer si le IXe corps d'armée pouvait avoir un plein succès le 9/9, pourquoi cela ne fut pas tenté, puisqu'il ne s'agissait que de reprendre l'aile gauche menacée par les Anglais, et de réaliser avec la liaison avec la 2e armée. »

À la question étonnée du général v. Kuhl comment le général v. Bülow avait pu se décider à la retraite, le lieutenant-colonel Hentsch répliqua littéralement, selon une communication du général v. Kuhl : « La décision de retraite a été très désagréable pour le vieux Bülow. » L'objection du chef d'état-major que la 2e armée, autant qu'il sache n'avait qu'infléchi son aile droite, fut repoussée par Hentsch, en soulignant encore que l'aile droite n'avait pas été retirée mais rejetée. « La 2e armée ne serait plus qu'une scorie. » (Une explication définitive pour cette expression funeste employée par Hentsch au sujet de la 2e armée n'a pas encore été trouvée, malgré des recherches détaillées, à moins que l'on ne prenne l'explication du capitaine König (p. 235) comme suffisante. La déclaration de Hentsch sur l'état de la 2e armée est néanmoins en contradiction flagrante avec son rapport du 21/10/14 cité, où il souligne que « la 2e armée pouvait se tenir frontalement sur ses positions »). Ces mots firent la plus profonde impression sur le général v. Kuhl et le colonel v. Bergmann. Ils devaient acquérir une importance de poids. Le premier écrit à ce sujet : « Ces mots se logèrent dans ma mémoire. Une erreur est exclue ... Pour moi, ils furent décisifs. Si la 2e armée était « battue », si elle n'était plus qu'une « scorie », et si sa retraite était déjà en route, alors, la 1re armée ne pouvait plus rester en place isolée. Elle ne pouvait se battre sur l'Ourcq que si la 2e armée restait sur ses positions. » Le lieutenant-colonel Hentsch ordonna avec des mots précis la retraite de la 1re armée, avec son aile gauche non pas comme l'ordre du général v. Moltke le mentionnait, vers Fismes, mais vers Soissons. Cette directive devait être suivie sans égard pour d'autres messages qui pourraient arriver.

Dans ces circonstances, le général v. Kuhl crut devoir obéir, et comme il l'écrit : « non pas parce qu'il s'agissait d'un ordre — je n'aurais pas craint de l'ignorer — mais parce que selon les indications précises sur la situationde la 2e armée « battue » et en retraite, le maintien de la 1re armée sur l'Ourcq n'était plus possible. » La 1re armée, selon lui, ne pouvait plus attaquer tandis que la 2e armée était en retraite, car son flanc gauche serait alors complètement dégarni. Le général v. Kuhl écrit : « Même une victoire sur Maunoury ne pouvait plus alors nous empêcher d'être encerclés sur l'aile gauche par des forces supérieures, et d'être séparés de l'armée. La 1re armée serait alors restée isolée. » Toute possibilité d'empêcher une retraite si lourde en conséquences semblait alors éliminée.

Les dés étaient jetés !

Le général v. Kuhl ne posa pas de question à l'État-major général, car à ce moment, il n'y avait pas de liaison qui permette un échange de vues immédiat. On n'aurait pu que télégraphier. « On sait combien de temps cela prenait. Une réponse à une question courte arriverait pendant la nuit au plus tôt. En outre, il n'y avait pas moyen de faire un arrangement par ce moyen (Mémo du général v. Kuhl du 20/12/25). » L'essai de se mettre avec un avion immédiatement en contact avec la 2e armée, pour vérifier les indications de Hentsch, et d'arrêter peut-être encore la retraite de la 2e armée ne fut pas fait, comme le raconte le général v. Bergmann, car pendant l'entretien, en raison du grand calme et de la force de conviction des développements faits par le lieutenant-colonel Hentsch, aucun doute sur leur véracité n'avait surgi chez lui ni chez le général v. Kuhl.

Après l'entretien avec le lieutenant-colonel Hentsch, le général v. Kuhl se rendit immédiatement chez le commandant de l'armée. Il écrit (v. Kuhl, ibid. p. 219) : « Le général v. Kluck devait suivre les ordres le cœur lourd ... Voyant le but à atteindre tout proche, le commandant devait le laisser tomber de ses mains ... »

Pendant le rapport du chef d'état-major, le colonel v. Bergmann était resté seul avec le lieutenant-colonel Hentsch dans le bureau. Au bout de peu de temps, le général v. Kuhl revint en apportant l'accord du commandant pour la retraite. Le lieutenant-colonel Hentsch quitta le quartier général de l'armée vers 2 h de l'après-midi, pour se diriger, par Fismes et Reims vers Châlons au commandement de la 3e armée. Auparavant, il donna au capitaine Koeppen la mission d'aller au commandement de la 2e armée avec la consigne : « L'affaire est maintenant en ordre avec la 1re armée. J'ai tout discuté avec Kuhl. Il y a entente complète avec la 2e armée. » Puis il lui expliqua comment la retraite de la 1re armée devait se dérouler, et, de manière surprenante, en contradiction avec ce qui avait été convenu avec le général v. Kuhl, il indiqua que la direction de la retraite de l'aile gauche de la 1re armée n'était pas Soissons, mais Fismes. Il chargea le capitaine Koeppen d'aller à Montmort via Épernay. Au cas où le commandement de la 2e armée serait déjà en retraite, il le rencontrerait sur la route entre Épernay et Montmort. Le capitaine Koeppen suivit le lieutenant-colonel Hentsch jusque Fismes. La discussion au commandement de la 1re armée et la résistance qui lui avait été opposée avait fait sur ce dernier la plus forte impression. Selon une communication du sénateur v. Marx qui conduisait la voiture, il se présentait pendant la suite du trajet « profondément secoué psychologiquement. » Pendant ce trajet, il discuta avec son compagnon, le capitaine König du résultat de ses entretiens jusqu'à présent. Celui-ci rapporte : « Il était absolument convaincu de la nécessité et de la justesse des décisions prises, mais cependant il n'avait pas de doute sur leurs conséquences. Il insista plusieurs fois sur le fait que faute d'ordre écrit, la culpabilité pour une issue malheureuse des opérations se retournerait de plusieurs côtés contre lui. »

Le premier officier d'état-major du commandement, le lieutenant-colonel Grautoff, rapporte qu'immédiatement après le départ du lieutenant-colonel Hentsch : « le général v. Kuhl fit part aux membres présent de l'état-major, que la 1re armée devait cesser le combat sur l'Ourcq sur ordre de l'État-major général, et amorcer aujourd'hui même le repli sur l'Aisne. Le général v. Kuhl, qui était auparavant plein de confiance sur l'issue de la journée, était maintenant abattu et ému. Nous étions tous aussi complètement consternés, car la signification de l'ordre ne pouvait être douteuse pour personne. Les explications que le général v. Kuhl donna pour fonder les instructions de l'État-major général me sont restées en mémoire avec beaucoup de détails. Elles faisaient apparaître la situation comme tout à fait critique... Les armées devaient être « reculées », la 2e armée n'étant plus qu'une « scorie ». La 1re armée devait se préparer à reculer jusqu'à La Fère... afin de rendre possible une nouvelle opération. Le lieutenant-colonel Hentsch avait eu les pleins pouvoirs pour commander au nom de l'État-major général. Ultérieurement, des voix se firent entendre, pour ne pas exécuter l'ordre de retraite de l'État-major général, surtout quand des exigences semblables en provenance du commandement du IXe corps d'armée furent connues (p. 274-275)... On resta néanmoins sur la décision qui avait déjà été prise (L'officier d'état-major qui était aussi présent, le capitaine v. Alten, décrit cet événement de façon concordante) »

L'élaboration des arrangements difficiles pour la retraite de l'armée fut attaquée immédiatement. Pendant ce temps, on transmit au général v. Kuhl un message arrivé déjà à 1 h 04 en provenance de la 2e armée sur la station radio du commandement de la 1re armée : « Un pilote d'avion signale l'avancée de quatre longues colonnes sur la Marne, début à 9 h du matin sur Nanteuil s. M., Citry, Pavant, Nogent l'Artaud. La 2e armée entame la retraite, aile droite Damery (L'original du message contient, dans les actes du commandement de la 2e armée encore les mots : « Quelle situation pour la 1re armée ? » Cette phrase importante n'a pas été transmise à cause de la hâte. » Mais peu après, l'officier de renseignements du IXe corps, le capitaine Bührmann, rapporte vers 1 h 55 après-midi : « Des avions rapportent à 12 h 30 après-midi : La brigade Lepel se bat près de Baron, artillerie ennemie, environ une section, à l'est de Nanteuil. Apparemment infanterie en position de réception pour des troupes provenant de Bois du Roi, qui est bien dégagé, avec un bruit de combat plus faible... » Cette annonce de victoire ne pouvait plus rien changer à la décision.

5. La décision de retraite du commandement de la 2e armée

Carte 4 (1 : 200 000)

Comme il a été évoqué, le général v. Bülow n'a pas eu connaissance de l'état favorable de la bataille sur le front de la 2e armée pendant la matinée et vers midi (p. 255). Sa conception de la situation au matin s'était effacée vers 9 h du matin pour un jugement plus sérieux. Selon une communication radio entendue à cette heure du corps de cavalerie Marwitz à la 1re armée, « de fortes colonnes avançaient de La Ferté en direction de l'est. » Les soucis provoqués par cette information augmentèrent quand peu après 10 h du matin, une communication très détaillée du lieutenant d'aviation Berhold de la section d'aviation de l'armée parut dévoiler tout le sérieux de la situation. Cinq colonnes étaient repérées (dans la communication à la 1re armée et au corps de cavalerie Richthofen, seules 4 colonnes sont indiquées, cf. la communication mentionnée au commandement de la 1re armée), avançant de la ligne La Ferté sous Jouarre - Montmirail vers le nord sur les routes suivantes :

  • St Cyr - Saacy, départ à 9 h 15 de Saacy
  • Orly - Nanteuil, départ à 9 h 15 à Nanteuil
  • Boitron - Pavant, départ à 9 h 10 à Pavant
  • Sablonnières - Nogent, départ à 9 h 10 à Nogent l'Artaud
  • Viels Maisons - Chézy, départ à 9 h de Chézy.

De plus de forts rassemblements de troupes étaient signalés vers Bussières (à l'est des Pavillons) et Replonges (au nord-est de Hondevilliers) et également des sections de cavalerie à l'est d'Essises et près de Coufremeaux. Par contre, le territoire entre Château Thierry - Montmirail - Condé en Brie était libre d'ennemis.

Juste après l'arrivée du renseignement, la conférence chez le général commandant eut lieu. Ce qui se dessinait dans les derniers jours de façon de plus en plus menaçante était devenu une réalité : l'ennemi signalé « en marche en direction nord » ne semblait avoir trouvé aucune résistance sur la Marne, et il semblait vouloir s'introduire dans la brèche entre les 1re et 2e armées. Le danger d'une percée à cet endroit semblait s'être rapproché de façon menaçante ! Les forces pour la défense n'étaient pas disponibles dans la 2e armée. La situation semblait très sérieuse au général v. Bülow. Toutes les colonnes se dirigeaient vers l'arrière de la 1re armée. D'après les descriptions de la veille au soir par le lieutenant-colonel Hentsch, sa situation face à l'ennemi sorti de Paris était déjà difficile. Aujourd'hui, aucune information du commandement de la 1re armée n'était parvenue. Le lieutenant-colonel Hentsch n'avait pas non plus fait de rapport, bien qu'il dût être, selon les calculs du commandement de la 2e armée, déjà depuis une à deux heures au commandement de la 1re armée. Si la situation qu'il avait décrite de la 1re armée était correcte — et il ne subsistait plus aucun doute à ce sujet — sa situation semblait courir à la catastrophe. L'ennemi avait apparemment le plan de saisir l'aile droite de l'armée allemande en bousculant et en annihilant la 1re armée ! Ceci devait être contrecarré par tous les moyens. Une défaite ou une retraite de la 1re armée semblaient maintenant inévitables. L'une comme l'autre mettrait en très grand danger la 2e armée, dont le flanc droit serait alors complètement sans protection. On pouvait craindre le pire dès les prochaines heures, si l'on n'agissait pas rapidement. Pendant la conférence, la vue fut exprimée unanimement que maintenant « il n'y avait plus aucun doute que la retraite de la 1re armée était inévitable d'après la situation tactique et opérationnelle, » et que conformément aux accords de la veille, « il fallait aussi que la 2e armée se retire, pour soutenir la 1re armée au nord de la Marne, et lui offrir à nouveau la possibilité d'opérer la liaison avec l'aile droite de la 2e armée. À l'aide de la 7e armée qui arrivait, on pourrait alors construire un nouveau front sur l'Aisne en quelques jours (v. Bülow, Mon rapport sur la bataille de la Marne, p 60 et 61). »

Le renseignement aérien de 10 h du matin trouva bientôt une confirmation et un complément par une communication radio du général v. der Marwitz, selon laquelle « de puissantes colonnes d'infanterie étaient en marche vers le nord par Charly et Nanteuil. Le corps de cavalerie avait l'ordre d'attaquer. »

Le cœur lourd, le général v. Bülow se décida à donner l'ordre de la retraite à son armée jusqu'alors toujours victorieuse. L'offensive en cours du centre et de l'aile gauche de l'armée, dont il n'avait pas encore d'information, devait pendant ce temps être poursuivie à toute force, et la retraite entreprise seulement quand l'ennemi serait repoussé partout. C'est dans ce sens que l'ordre de retraite fut préparé. Simultanément, le général v. Bülow fit encore un dernier essai pour obtenir une clarification sur la situation réelle de la 1re armée.

Dès 11 h 02, un message radio du commandement de la 1re armée arriva, sur l'avancée des colonnes ennemies passées sur la Marne, et sur l'intention de commencer la retraite avec l'aile droite vers Damery, et en même temps il était demandé de façon urgente des informations sur la situation de la 2e armée (sur le fait que cette phrase finale n'a pas été transmise, cf. p. 267, note). La réponse était attendue avec une tension extrême, et une impatience brûlante. Il restait encore un faible espoir que l'on pourrait peut-être éviter le pire, car les commandements des divisions 1 et 2 de cavalerie à ce moment envoyèrent l'information que l'ennemi ne poursuivait pas avec force la division de cavalerie de la garde sur Condé, et que le corps de cavalerie Marwitz voulait « attaquer » avec la brigade Kraewel l'ennemi qui était passé. Cela sonnait rassurant. Mais quand vers midi, il n'y avait toujours pas de nouvelles de la 1re armée, les ordres élaborés pour la retraite furent distribués aux troupes, par mesure de sécurité. Nulle part, le mouvement de retraite ne devait commencer avant 1 h de l'après-midi, et il devait commencer par l'aile gauche. C'est alors qu'arriva, probablement vers 1 h de l'après-midi (L'heure n'est pas notée sur le message), le message radio suivant de la 1re armée : « L'aile gauche recule par Crouy - Coulombs jusqu'à Montigny - Gandelu. Le commandement de la 2e division de cavalerie couvre ce mouvement contre l'ennemi, qui passe près de Charly, peut-être pour attaquer. »

C'est alors qu'arriva en plus un malentendu malheureux : ce message, qui avait été envoyé avant l'arrivée du lieutenant-colonel Hentsch à Mareuil, pour informer le commandement de la 2e armée de la mesure purement tactique d'infléchissement de l'aile gauche de la 1re armée, fut considérée par le général v. Bülow comme la réponse longtemps attendue du lieutenant-colonel Hentsch. On considéra dans le retrait de l'aile gauche l'introduction d'une retraite générale. Le lieutenant-colonel Hentsch semblait ainsi avoir eu raison quand il dépeignait la situation de la 1re armée en couleurs si sombres la veille au soir, et quand il ne tenait pour possible la reconstitution d'un front fermé pour l'armée sur l'aile droie allemande, que par un mouvement vers l'arrière. Même le général v. Bülow tenait maintenant le décrochage de l'aile droite de l'armée pour indispensable. Et il lui parut en fait que c'était le dernier instant pour retirer aussi la 2e armée. Le général v. Lauenstein esquissa personnellement un message à l'État-major général, qui disait : « Selon les informations de Hentsch, la 1re armée recule, aile gauche Coulombs - Gandelu ... La 2e armée, en accord avec Hentsch, arrête sa lente attaque et gagne la rive nord de la Marne, aile droite à Dormans. Remplacement des troupes bientôt nécessaire de façon urgente » (On remarquera que dans la communication du commandement de la 2e armée à la 1re armée sur le début de la retraite (p. 267), ce n'est pas Dormans qui est désigné comme direction de marche pour l'aile droite, mais Damery. Apparemment, le général v. Bülow, au vu de l'information que cinq colonnes anglaises marchaient sur la Marne, a cru, comme cela avait déjà été suggéré par le lieutenant-colonel Hentsch (p. 243), ne plus pouvoir passer qu'en direction de Damery (au nord-ouest d'Épernay). Dans un message envoyé quelques heures plus tard à l'État-major général, il n'a plus considéré la situation de son aile droite comme tellement en danger, si bien qu'il a cru pouvoir se retirer par Dormans, dans le sens de l'État-major général.) Dans ce message parti seulement à 2 h 30 de l'après-midi, les mots d'introduction suivants ont été ultérieurement rayés : « Selon les informations de Hentsch » — apparemment parce que le message radio venant de la 1re armée n'était pas signé par Hentsch, mais par le commandement de la 1re armée. Rien ne fut changé aux ordres donnés dès midi aux troupes pour la retraite, que le général commandant aurait encore pu changer jusqu'à 1 h. C'est ainsi que la décision a été prise aussi à la 2e armée !


Le puissant combat historique sur l'Ourcq et la Marne a été interrompu ! L'aile droite de l'armée allemande commença sa retraite à partir d'une victoire déjà gagnée !