La Bible d’une grand’mère/189

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L. Hachette et Cie (p. 474-476).

CLXXXIX

ASSUÉRUS

(510 ans avant J.-C.)



Dans la troisième année du règne d’Assuérus, roi de Perse, et dans le temps de la captivité du peuple d’Israël, le roi donna un festin magnifique à tous les princes de sa cour, à tous ses officiers, aux plus braves d’entre les Perses, aux premiers d’entre les Mèdes, et à tous les gouverneurs de provinces, lui-même assistant au festin. Il voulait faire éclater sa gloire et ses richesses et montrer sa puissance. Ce festin dura cent quatre-vingts jours.

Petit-Louis. Ah ! mon Dieu ! Quel festin ! Ils devaient être tous morts de fatigue et d’indigestion.

Grand’mère. Non, parce qu’on ne restait pas à table jour et nuit ; on dormait et on se promenait comme on voulait.

Les sept derniers jours, Assuérus voulut qu’on invitât tout le peuple, hommes, femmes, enfants, mendiants, tout le monde. On avait dressé dans le jardin des tentes immenses de couleurs bleue, rose et blanche, et rattachées par des cordons écarlates passés dans des anneaux d’ivoire ; des colonnes de marbre soutenaient les tentes ; le pavé était en porphyre, marbre précieux et rare. Des lits d’or et d’argent étaient rangés tout le long des tables, car vous savez que dans ce temps-là on mangeait couché sur des lits, et non assis sur des chaises comme nous le faisons. On buvait dans des coupes d’or, les plats et les bassins étaient en or ou en argent. On y servait des vins excellents et en grande abondance. À chaque table présidait un grand de la cour qui veillait à ce que chacun fût bien servi et ne manquât de rien.

Le dernier jour, le roi, qui avait beaucoup bu et qui était un peu ivre, eut l’idée de faire voir à tout le peuple la reine Vasthi, pour faire admirer sa grande beauté. Il lui envoya donc un de ses officiers et lui fit dire de mettre ses plus beaux ornements et son diadème royal, pour faire voir sa beauté à tout le peuple. Vasthi était fière ; elle se trouva humiliée de comparaître comme une esclave, pour être montrée au peuple, et elle refusa d’obéir au roi.

Quand Assuérus apprit que la reine refusait de se rendre à ses ordres, il entra dans une grande colère ; transporté de fureur, il consulta les sages qui ne le quittaient jamais, et auxquels il demandait leur avis sur toutes choses. « Quelle peine, leur dit-il, mérite la reine Vasthi, qui a refusé d’obéir à un ordre que je lui ai donné ? »

Après s’être consultés quelques instants, Mamuchan, le chef des conseillers du roi, répondit au nom du conseil :

« La reine Vasthi n’a pas seulement offensé le roi, mais encore tous les peuples et tous les grands seigneurs des provinces invités au festin. Car cette conduite de la reine, étant sue de toutes les femmes, elles aussi mépriseront leurs maris et refuseront de leur obéir. Ainsi, la colère du roi est très-juste.

« Si donc le roi y consent, qu’on publie un édit par lequel le roi, voulant punir la reine d’avoir refusé d’obéir à un de ses commandements, lui défend de se présenter à l’avenir devant lui ; et sa couronne de reine sera donnée à une autre plus digne de la porter. »

Henriette. Je trouve que c’est une trop grande punition pour ce qu’avait fait la reine. D’abord le roi était ivre, et ne savait pas trop ce qu’il faisait ; ensuite ce n’était pas agréable pour la reine d’être promenée comme une bête curieuse au milieu de tous ces gens ivres et grossiers.

Grand’mère. Certainement, mais les rois étaient si absolus, qu’ils ne comprenaient pas la résistance à leur volonté, surtout de la part d’une femme. Et quant aux conseillers, la reine Vasthi s’était si bien fait détester par son orgueil et son insolence, qu’ils étaient enchantés de cette occasion de s’en débarrasser.

Le roi, qui était aussi ennuyé des exigences et du mauvais caractère de la reine, approuva beaucoup la décision de ses conseillers, et la fit exécuter immédiatement. Assuérus est le même roi que celui auquel on donne, dans l’histoire, le nom d’Artaxercès Longue-main.