La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 71

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LXXI

885 Reis Corsablis il est de l’ altre part : D’autre part est le roi Corsablis.
Barbarins est e mult de males arz. Il est de Barbarie ; c’est une âme perfide et mauvaise ;
Cil ad parlet à lei de bon vassal, Cependant il parle ici tout comme un bon vassal,
Pur tut l’or Deu ne voelt estre cuarz... Et pour tout l’or de Dieu ne voudrait être lâche.
As vus poignant Malprimis de Brigal : Mais voyez-vous venir Malprime de Brigal ?
890 Plus curt à piet que ne fait uns chevals, Il court plus vite à pied que ne fait un cheval,
Devant Marsilie cil s’escriet mult halt : Et, devant Marsile, s’écrie à haute voix :
« Jo conduirai mun cors en Rencesvals ; « À Roncevaux ! j’y veux aller,
« Se truis Rollant, ne lerrai que ne l’ mat. » Aoi. « Et si j’y trouve Roland, je le tue. »


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Vers 885.Corsalis. O. Ce roi est nommé Corsablix : au v. 1235 — M. Müller rapproche de Corsablis, le Corsabrins de Venise (IV et VII), le Corsablis et le Corsabrins de Paris, le Cursabile du Ruolandes Liet, le Kursabiles et le Kursabels du Stricker. — Cette laisse lxxi de notre poëme est omise dans Versailles ; mais Venise (VII) comble cette lacune : « Rois Corsabrins juint de l’autre part ; — Ba[r]barins est e de mout male part. — Por nulle rien n’en pout amer cohart. — E dit au Roi : « Porquoi avez regart ? — Je sui le tierz ; or esli[s]ez le quart. » — Après parla Malpin de Mont-Brigart : — Plus cort à pié que lion ne lipart. — Cil a parlé à loi de fel musart : — « En Rencesvals metrai mon estendart. — Se truis Rollant qi a la cors jalant (sic pour gaillart), — Je l’ocirai à mon tranchant fausart. — Des XII pers ferai grant essart. »

Vers 889.Poignant. O. Lire puignant. V. la note du vers 415. ═ Brigant. O. La forme Brigal se trouve au vers 1261. M. Müller énumère les variantes de ce nom dans toutes les versions.

Vers 890.Un cheval. O. Pour le cas sujet, il faut uns chevals. = Lire pied.

Vers 892.Rencesvals. « Je suis allé à Roncevaux il y a environ huit ans. J’ai parcouru tranquillement et attentivement le chemin qui sépare cette abbaye de Saint-Jean-Pied-de-Port. J’ai suivi le chemin du Val-Carlos. Partout la gorge est extrêmement resserrée. Il est impossible que toute l’armée ait passé par ce col ; elle a dû se diviser, et, selon moi, a pu passer par Irun, par le Val-Carlos, par la route qui domine le château Pignon, et aussi par la voie antique de la vallée d’Aspe à Somport (commune d’Urdos). Les passages difficiles du Val-Carlos ont une longueur de dix kilomètres. Dans beaucoup d’endroits, deux hommes ne peuvent passer de front. Sur l’autre route, que je n’ai pas suivie, il y avait au moyen âge deux hôpitaux : Orisson et Reculus. Ces deux chemins partent également de Saint-Jean-Pied-de-Port, et viennent se rejoindre avant Roncevaux, près de l’ancienne chapelle d’Ibagneta. L’Abbaye est bien déchue. Si mes souvenirs sont exacts, elle n’offre pas de vestiges d’architecture remontant au delà du xive siècle. En 1862, elle était encore occupée par douze chanoines. La bibliothèque m’en a paru fort délaissée. On y montre une paire de souliers de velours violet, comme ayant appartenu à Turpin : ces souliers ont la forme de ceux de François Ier. On y conserve aussi une prétendue masse d’armes de Roland : c’est un boulet de bronze rattaché par une chaîne à un solide manche de bois. Et voilà où est aujourd’hui tombé le souvenir de Roland ! » (Mémoire manuscrit de M. P. Raymond.)

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