La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre LXXVIII

La bibliothèque libre.
, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 267-268).

Chapitre soixante-dix-huitième.
Ci devise comment on puet trère au sueill les bestes noires.


Aussi puet-il trère aux bestes noires au sueill. Et doit regarder et cerchier par les forests et par les buissons, sus les ruisseauls, graves, mares, marrhiès et autres lieux moulz, s’il y ha sueillz qui soient hantés de sanglers, ou d’autres bestes noires ; quar, comme j’ay dit devant, c’est leur nature que de soiller. Et quant il verra en aucun lieu où les bestes haront bien hanté et venu soiller souvent, il doit fère au dessoubz du vent par où il voit que les bestes vienent au sueill, quar voulentiers vienent au sueill quant ils revienent de leurs menjures, sus quatre fourches aucune mote de terre, ou une souche du hault de deux piez près du sueill, à un bon giet de palet ; et là doit il venir deux lieues[1] devant le jour et que la lune soit levée et dure jusques tant qu’il soit jour. Lors doit il monter sus sa mote ou souche et avoir l’arc apareillé, et atendre einsi jusques tant qu’il soit jour ; si verra venir diverses bestes au sueill, selon que en la forest en hara. Et s’il ha d’autres sueills en la forest, se ait des compaignons qui fassent einsi meismes. On doit estre au sueill haut[2] et au dessouz du vent ; quar un sengler ne autre beste n’a mie le vent de hault, fors que de bas. Quar si un homme estoit sus un arbre, ou sus une souche, jà beste n’en haroit le vent einsi que s’il estoit en terre. Donc pourra il choisir et trère à ses bestes que bon li semblera. Et quant il aura féru sa beste, il doit le matin, à l’aube du jour, metre son chien sur le sanc et aler après comme dit est.

Séparateur

  1. La lieue de pays était généralement l’espace qu’un homme à pied peut parcourir en une heure ; aussi Gaston prend-il ici le mot lieue pour équivalent du mot heure.
  2. Haut, élevé au-dessus de terre.