La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre LXXXV

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, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 277-279).
LXXXV. Ci devise comment on puet tendre pouches ou menues cordeletes ou royseulz pour prendre les lièvres à leur relevée

Chapitre quatre-vingt-cinquième.
Ci devise comment on puet tendre pouches ou menues cordeletes ou ronseulz pour prendre les lièvres à leur relevée.


Aussi les puet on chassier aux chiens, et cordes de nuyt tendre ses pouches ou menues cordes, ou royseulz ou ce qu’il hara ou le vespre. Quant lièvres sont relevées, ou le matin, une lieue devant le jour, lequieu qu’il voudra mieulz, ou chasser le vespre ou le matin et tendre ses cordes, lesqueles doivent estre tendues ès pas des voies à venir tousjours haut ; quar une lièvre quant chiens la chassent tousjours vuelt il aler une fois au plus haut du païs. Et doit regarder les venues par où lièvre doit fuir. Là doit il tendre ses cordes. Puis doit leisser aler ses chiens qui trouveront les lièvres relevéez et les chasseront. Et sil y a lièvres ou païs, il en prendra assez, si le scet bien fère. Et a autant d’un chien ou de deux pour fère beaucoup de mal comme de mil. Aussi puet on fère haies et laz et autres choses pour le lièvre comme pour le cerf et senglier, et autres bestes selon sa petitesse. Et sa nature, et moult d’autres engins et soutilités, des queuls je me teys, quar y me samble que j’ay touchié au meilleur de la vénerie, selon mon petit savoir.


Et pour ce qu’il ne puet estre que je n’aye failli ou lessié trop de choses qui apartiennent à bon veneur par moult de raysons : l’une que je ne suis pas si saige comme il me seroit mestier ; l’autre que je ne suis mie si bon veneur, combien que ce soit mon mestier, que l’on n’i trouvast bien que amender et que reprendre ; l’autre tant de choses faut à estre parfet veneur que on ne les puet tous comprendre ne dire que aucune chose on n’en leisse ; et aussi ma langue n’est si duite de parler le fransois comme mon propre lengaige ; et trop d’autres raisons qui seroient longues pour escrire ; pour ce je pri et suppli au très haut, très honoré et très puissant seigneur messires Phelippes de France, par la grâce de Dieu, duc de Bourgoigne, comte de Flandres, d’Artois et de Bourgoigne, et cetera, au quel je envoie mon livre, quar je ne le puis, ce me semble, en null lieu mieulz employer, par trop de raysons ; pour le grant et noble linhaige dont il vient, pour les nobles et bonnes coustumes et vaillances qui sont en luy, et pour ce qu’il est meistre de nous tous qui sommes de mestier de vénerie. Et combien que je saiche que à lui ne convient jà envoyer ma povre science, quar il en a plus oublié que je n’en sceu oncques ; mes pour ce que je ne le puis maintenant veoir à mon aise, dont moult me poyse, li envoye-je mon livre pour remenbrance qu’il se souveigne de moy, qui suis de son mestier et son serviteur. Et le suppli par sa bonne courtoisie qu’il lui plaise de supplir et amender les defaultes.

Et aussi li envoye-je unes oroysons que je fis jadis quand Nostre Seigneur fut courroucié à moy. Et li suppli et pri que, une fois chescun jour, il veuille bien reconnoistre Dieu et faire tous les biens et almosnes qu’il pourra, quar c’est le mieulz que on puisse fère ; et Notre Seigneur li fera ses besoignes mieulz qu’il ne sauroit souhaidier ; et me pardonner des folies que je li escris, et me commander ses bons plaisirs, les queuls je suis apparelliés de acomplir tousjours à mon povoir.

Et Nostre Seigneur li doinst tant de bien en cest monde et en l’autre, comme il meisme voudroit.

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