La Chasse au roi/06

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Société générale de librairie catholique (p. 132-152).


VI

DES RAISONS QUE DONNA LE ROI POUR RESTER CHEVALIER DE SAINT-GEORGES, DE SES CONFIDENCES DE CŒUR ET D’UNE VISITE INOPINÉE QUI LUI CAUSA BEAUCOUP DE SURPRISE.


— Raoul, dit le chevalier de Saint-Georges, après le départ de Douglas et de Drayton, je suis ici tranquille, sinon heureux, et je n’ai pas l’ambition de régner… Ils ont tranché la tête de mon aïeul Charles Ier, Raoul !

— Sire, répondit Chateaubriand, régner n’est pas seulement un droit qu’on réclame ou qu’on abandonne : c’est encore et c’est surtout un devoir qu’il faut accomplir.

— Je reçus un jour, poursuivit Jacques Stuart avec une profonde mélancolie, et je dégainai d’une main ardente l’épée que me tendait le grand roi Louis XIV. Les diamants qui brillaient à la garde de cette royale épée m’éblouirent comme un rayon de soleil. Ce jour-là, j’étais prêt. Mon cœur battait la fièvre des batailles, et je me disais : Dieu est avec nous !… Mais Dieu n’était pas avec nous, Raoul, car il ne permit pas que mon pied touchât le rivage de l’Angleterre !

— Les voies de Dieu sont lentes, sire, et la Providence attend son heure.

— Que fais-je, sinon attendre la volonté de Dieu ?

— Celui qui ne s’aide pas… commença Raoul.

Verba et voces ! s’écria Jacques Stuart avec une impatience soudaine qui envoya un peu de sang à ses joues. Des mots, Raoul ! Rien que des mots ! Ce que nous n’avons pu accomplir avec l’aide du grand roi, du roi d’Espagne et de Sa Sainteté le pape, pouvons-nous le tenter seuls, ayant l’Espagne neutre, Rome paralysée et la France ennemie ? Vicomte, je ne suis pas un lâche, mais je ne veux pas être un fou ! La mort, sur un champ de bataille, dans nos bruyères écossaises, je l’accepte ; mais on peut me faire prisonnier, Raoul. Penses-tu que George Ier vaille mieux que Cromwell ? je vois souvent dans mes songes cette lugubre fenêtre du palais de White-Hall qui s’ouvrit une fois pour le supplice d’un roi… Que réponds-tu à cela ?

— Rien, sire.

— Rien, vicomte !… me mépriserais-tu ?

— À Dieu ne plaise, sire ! Mais, dans mes songes, moi, c’est la porte de White-Hall que je vois, la grande porte ouverte à deux battants pour recevoir Stuart victorieux, tandis que le peuple enivré chante la délivrance de la patrie…

— Tu es jeune, Raoul ! pensa tout haut le chevalier de Saint-Georges.

— Je suis du même âge que Votre Majesté.

— Et tu m’aimes sincèrement, je le sais bien.

— Sire, répondit le vicomte gravement, mon père proscrit trouvait à la cour de votre père un noble et généreux asile.

— N’est-ce donc que de la reconnaissance ?

— C’est un dévouement aveugle, sire ; une affection jusqu’à la mort !

Le chevalier de Saint-Georges lui prit la main et la serra un instant dans les siennes.

— C’est vrai ! murmura-t-il, nous étions ensemble à Londres. Le traître Montmouth disait que tu étais plus beau et plus hardi que moi. Et à Saint-Germain encore, nous étions tous deux. C’étaient d’heureux temps, Raoul, te souviens-tu ?… Voyons ! Douglas est la sagesse, et tu es la vaillance ; j’ai foi en toi comme en lui. Il ne sera pas dit que je t’ai congédié sans t’entendre… Parlez, vicomte, nous vous écoutons.

— Sire, s’écria Raoul, qui éleva la main du roi jusqu’à ses lèvres, si vous me laissez plaider ma cause, elle est gagnée ! Du fond du cœur, je rends grâces à Votre Majesté.

Le roi secoua la tête et répéta :

— Nous vous écoutons, monsieur le vicomte.

— L’Espagne n’est pas neutre, sire, commença Raoul après s’être un instant recueilli ; ceux qui vous ont dit cela vous ont trompé. L’Espagne prépare en secret une armada pour combattre l’Angleterre, et ses vaisseaux mettront leurs voiles au vent dès que l’épée de Votre Majesté donnera le signal. Rome n’est pas paralysée, car l’Église est infaillible autant qu’immortelle. La France seule est contre vous : non plus, la France de Louis XIV et de Saint Louis, mais la France de Philippe d’Orléans et de l’abbé Dubois… Souffrez que je n’en dise pas plus long ; l’orgie d’un homme ne peut souiller un peuple ! Pour vous, vous avez l’Irlande qui cicatrise les blessures qu’elle reçut à la bataille de la Boyne ; l’Écosse, la loyale Écosse, votre propre patrimoine, où le mot roi est synonyme du nom de Stuart et une bonne moitié des comtés de l’Angleterre elle-même, où l’ombrageuse cruauté de George de Hanovre lui a créé des milliers d’ennemis. Pour commencer la guerre, vous avez deux armées ; celle de votre cousin le noble comte de Mar, dans le Haut Pays, celle de Murray dans la Basse Terre. Voulez-vous que je vous cite les noms de vingt clans prêts à entourer votre drapeau blanc, bordé de rouge, la claymore à la main ?

— Non, répondit froidement Jacques Stuart, je veux que vous me fassiez savoir, vicomte, par quels moyens merveilleux je puis me rendre invisible, passer au milieu de la France ennemie et gagner les grèves de l’Écosse, afin de compter par moi-même ces innombrables soldats qui doivent me ramener triomphant à Windsor.

Raoul se mordit la lèvre. Il ne croyait pas avoir fait si peu de chemin.

— Sire, répliqua-t-il, le voyage est notre propre affaire. Nous répondons de Votre Majesté !

— Ah ! ah ! fit le roi, non sans raillerie.

— Nous répondons de Votre Majesté, poursuivit Raoul, sur notre vie et sur notre honneur !

Le roi s’inclina et perdit son sourire moqueur.

— Vous qui ? demanda-t-il.

— Ceux que vous savez déjà, sire : parmi vos propres sujets, Lee, Seymour, Arundel, Harrington et d’autres ; parmi les Français jaloux de laver la tache que la politique du régent imprime à l’écusson de la France, le marquis de Lauzan, le marquis de Quatrebarbes, le cadet de Courtenay Bourbon, les deux messieurs de Coëtlogon…

— Que comptent-ils faire ?

— Ils ont agi déjà, sire.

— Qu’ont-ils fait ?

— Toutes les mesures sont prises.

— Oh ! oh ! toutes !

— Vous allez en juger. De Bar-le-Duc aux côtes de Normandie où devra avoir lieu l’embarquement, il y a trente relais, par conséquent trente hôtels des postes, dont les maîtres sont gagnés et où trente gentilshommes dévoués, déguisés en postillons, vous attendent…

— Oh ! oh ! fit encore le roi.

Il ajouta :

— On a un peu bien avancé les choses, sans prendre, au préalable, l’avis de Ma Majesté.

— Une seule maison de poste n’est pas à nous, poursuivit Raoul, parce que sur les entrefaites, le maître a pris maladie et s’est laissé mourir. C’est à Nonancourt. Mais n’ayez aucune inquiétude, sire, je m’en charge. À Nonancourt, ce sera moi Raoul de Châteaubriand-Bretagne, qui prendrai la casaque et le fouet de postillon, pour mener grand train Votre Majesté.

— Je vous rends grâces, vicomte, dit le roi d’un ton glacé. Et après ?

— Après, au grand galop jusqu’à Honfleur !

— Ah ! nous avons choisi Honfleur ?

— Oui, sire.

— Très bien ! nous voici donc à Honfleur. Et après ?

L’enthousiasme de Raoul tombait devant ce froid parti pris de sarcasme. Il continua cependant :

— À Honfleur, sire, un navire vous attend, armé par le marquis de Lauzan de ses propres deniers, et monté par trente-cinq matelots des Orcades. Il porte quatre canons. Trois autres navires sont destinés à l’expédition française et portent neuf canons à eux trois. En trente-six heures, avec un vent favorable, vous laisserez derrière vous l’embouchure de la Tamise et vous rangerez les côtes de l’Écosse, choisissant vous-même le lieu de votre débarquement.

— C’est très bien ! répéta pour la seconde fois le roi.

Puis il ajouta :

— Mon cousin de Mar est un bon soldat, Murray aussi, mais ils se casseront mutuellement la tête à la première occasion : voilà pour l’Écosse. Pour la France, Lauzan est un charmant cavalier qui a perdu depuis longtemps sa dernière once de cervelle ; Courtenay est un désespéré, flairant au vent pour voir… d’où lui viendra enfin une destinée de prince du sang ; Quatrebarbes est un fou sérieux qui rêve d’indépendance de la Bretagne, et toi…

— Moi, Sire ? répéta Raoul en se redressant.

— Toi, dit le roi avec un rire attendri, cette fois : tu es le dernier chevalier !

— Faut-il espérer ?…

— Il ne faut rien espérer, monsieur le vicomte, interrompit Jacques Stuart. Dites-moi seulement quand vous comptiez m’enlever ?

— Cette nuit, sire.

— Ah ! bah ! c’était un impromptu !… Vicomte, demain nous chasserons et nous réfléchirons…

— Demain, il sera trop tard, sire. Les entreprises comme celles-ci emploient beaucoup de gens et le secret s’en échappe. L’occasion ne dure qu’une heure.

— Et bien ! vrai, vicomte, l’occasion ne me séduit pas assez pour que je la saisisse aux cheveux. Laissons là toutes ces rêveries et parlons un peu raison. Approche-toi, Raoul… plus près… Donne-moi ta main… l’as-tu jamais revue !…

La voix de Jacques Stuart tremblait. Il y eut dans le regard abattu de Raoul un rayon d’espoir.

— De qui parle Votre Majesté ? demanda-t-il.

— Je parle, répondit le roi avec une profonde émotion, de celle qui fut l’amie des dernières années de mon enfance, la compagne de nos jeux et presque ma fiancée aux jours de ma jeunesse, je parle de ma noble cousine, Marie Stuart de Rothsay.

— Oui, sire, je l’ai revue.

— Y a-t-il longtemps ?

Raoul hésita, puis répondit en rougissant :

— Oui, sire il y a longtemps.

— T’a-t-elle parlé de moi ?

— Non, sire.

Le chevalier de Saint-Georges soupira, puis sourit.

— Dieu fait tout pour le mieux, murmura-t-il. Elle m’a oublié, c’est bien.

Puis il reprit :

— Raoul, tu étais sans cesse avec nous à Saint-Germain. Te souviens-tu de ce baron allemand, M. de Rüdder, qui prétendait avoir vécu plusieurs siècles et qui voyait l’avenir dans un miroir d’argent ? Nous allâmes ensemble, tous les trois, toi, Marie et moi, à sa maison de Louveciennes, pour avoir notre bonne aventure. Il me dit que je deviendrais octogénaire ; il dit à Marie qu’elle mourrait en gravissant les degrés d’un trône. Nous racontâmes cela, et le duc de Rothsay, croyant que ce trône fatal était le mien, éloigna de moi la pauvre Marie. Comme elle pleura ! comme je pleurai ! Tu fus longtemps, bien longtemps à me consoler, Raoul !

— Bien longtemps, répéta le jeune vicomte. Mais pourquoi le roi me rappelle-t-il ces choses que je n’ai point oubliées ?

— Parce que, répondit Jacques Stuart, dont les yeux étaient baissés.

Il sourit après cette réplique enfantine.

— Voulez-vous encore être mon confident, vicomte, ajouta-t-il, comme autrefois ?

— Si votre Majesté m’en juge digne…

— Le plus digne de tous, vicomte ; la preuve, c’est que mon secret ne sera confié qu’à vous seul. Quand je vous l’aurai dit, vous saurez un des motifs privés qui m’empêchent de me jeter tête baissée dans votre extravagante entreprise. Voilà quinze jours, je ne tenais pas à la vie ; si vous étiez venu me proposer de partir à pied pour la côte normande et de traverser la Manche dans une barque de pêcheur, je vous aurais répondu : Marchons, et à la grâce de Dieu !… Mais maintenant, j’ai quelque chose à perdre, Raoul, mon loyal ami ; maintenant, je veux vivre, parce que j’espère être heureux !

La figure du jeune vicomte exprimait un singulier mélange d’espoir obstiné et de désappointement. Jacques Stuart, tout entier à sa pensée, ne l’observait point. Il poursuivit :

— Moi, je n’avais pas oublié Mary Stuart de Rothsay, ma cousine, mais son souvenir était comme un nuage charmant qui reposait ma pensée. Son nom prononcé faisait battre doucement mon cœur. Il y a si longtemps ! Je ne sais pas si je la reconnaîtrais, tant son image a pris pour moi le caractère du rêve… Il y a quinze jours, j’entendais le salut à la collégiale de Bar-le-Duc. La nuit tombe vite en cette saison et la nef pleine d’encens n’était éclairée que par les cierges. Certes, je ne pensais pas à Marie ; je me souviens que je priais pour ma mère bien-aimée. Tout à coup mon regard tomba sur un éblouissement : je ne sais si tu comprends, mais je ne peux exprimer mieux ce que je ressentis à sa vue…

— À la vue de qui ?

— À la vue de celle qui est désormais l’espoir de ma vie !

— Alors, dit Raoul sévèrement, c’est pour un tel motif ?…

— Tais-toi ! On peut gronder les rois sur leur trône ; dans l’exil, jamais ! Laisse-moi te raconter : c’est étrange, va, et ce n’est pas de l’inconstance. Je ne pouvais être subjugué que par le sourire même de Marie !

Raoul tourna la tête et dit du bout des lèvres :

— Était-ce donc Lady Mary Stuart de Rothsay qui était là ?

— Je le crus, répartit le roi : sur ma parole, je le crus d’abord, mais quelle apparence ! Marie est en Écosse… Marie, d’ailleurs était petite, et celle-ci a si bien la taille d’une reine ! Elle était non loin de l’autel, la lumière des cierges éclairait son front angélique ; mon âme s’élança vers elle…

— Et lui parlâtes-vous, sire ?

— Je n’osai. Il me sembla que son regard se détournait de moi. Je n’ai pas la hardiesse de mon âge, sais-tu, Raoul ? J’ai gardé la timidité des adolescents. Va ! vous ne devez pas me regretter. Je pense souvent que j’aurais fait un pauvre roi… En sortant de la collégiale, je demandai son nom ; j’aurais donné l’espoir de ma couronne pour connaître son nom. Personne ne le savait. C’est une étrangère, une Française sans doute, connue sous le nom de la Cavalière. Et certes Diane Chasseresse ne méritait pas mieux d’être appelée ainsi…

— Votre Majesté l’a donc vue à cheval ?

— Une seule fois… En tout je ne l’ai vue que deux fois, et la seconde rencontre ne fut qu’une apparition. Tout d’abord, ce surnom : la Cavalière, me donna des espérances. Nos amis aussi s’appellent là-bas les Cavaliers. Dieu sait combien de rêves en l’air je bâtis sur le hasard de ce rapprochement ! Était-elle ici pour moi ? Il y a des cœurs héroïques qui se passionnent pour le malheur. Je me disais : Elle viendra peut-être… Elle n’est pas venue : J’ai appris successivement, et avec quelle peine ! qu’elle habitait le château de Béhonne et qu’elle semblait accomplir dans le pays une œuvre mystérieuse. T’ai-je bien dit que, parmi mes espoirs, le plus cher et le plus fou était de trouver en cette inconnue ma cousine Marie elle-même ?

— Non sire, répliqua Raoul, qui écoutait désormais avec le respect convenable, Votre Majesté ne m’a pas dit cela.

— Il en était ainsi pourtant ; mais pourquoi Marie me fuirait-elle ? La seconde fois que je l’ai rencontrée c’était en forêt, et depuis lors, je chasse chaque jour que Dieu donne, mais je ne l’ai plus revue. Elle venait à l’encontre de moi, suivie par deux gentilshommes. Je fis ranger mon escorte pour lui céder le haut du chemin ; mais elle rabaissa son voile sur son visage et prit au galop une route de traverse, comme si son désir eût été de m’éviter.

— Votre Majesté, dit Raoul, ne connaissait aucun des deux gentilshommes qui l’escortaient ?

— Leurs feutres tombaient sur leurs yeux et le bas de leurs visages était enfoui dans leurs manteaux… Raoul, mon ami, je ne suis pas comme vous tous qui avez prodigué votre cœur ; moi, j’ai encore mon cœur d’enfant et j’aimerais mieux mourir, entends-tu, Raoul, que de quitter ce pays d’exil qui est ma vraie patrie, tant que je m’y sens près de celle à qui ce cœur s’était donné.

Il s’arrêta. Comme Raoul gardait le silence, il essuya la sueur de son front et ses paupières se baissèrent, tandis qu’une pâleur soudaine envahissait de nouveau son visage.

— Monsieur le vicomte, reprit-il en changeant de ton et avec une dignité sévère, peut-être en avons-nous trop dit ? Nous ne permettrions pas même à un ami de porter sur notre conduite un jugement téméraire…

— Ah ! sire !… voulut s’écrier Raoul.

— Nous vous prions, monsieur, de ne point nous interrompre.

Jacques Stuart se leva en prononçant ces derniers mots. Une parole était sur les lèvres de Raoul, qui la retint avec peine. Certes, à en juger par sa physionomie, ce ne pouvait être un blâme bien amer. Mais le roi, au lieu d’observer son compagnon, regimbait peut-être contre les reproches de sa propre conscience.

— Avant de vous donner congé, monsieur le vicomte, poursuivit-il, j’ai besoin de vous faire savoir que mon refus s’appuie sur d’autres motifs, lesquels pourront vous paraître moins futiles. La reine ma mère, monsieur, continue à jouir de l’hospitalité française. J’ai pensé qu’il n’était point de mon devoir de troubler par des tentatives désespérées la tranquillité de ses derniers jours. Au premier coup de mousquet, la veuve de Jacques II deviendrait une prisonnière et peut-être un otage. Je crois savoir que, concernant le sujet qui nous occupe, l’avis de S. M. la reine douairière d’Angleterre est entièrement conforme au mien. Cela dit, monsieur le vicomte nous vous offrons notre main, nous vous remercions, vous et vos amis, et nous prions Dieu qu’il vous ait en sa garde.

Pendant que Raoul, ainsi formellement congédié, se penchait sur la main froide et blanche qu’on lui tendait, la porte s’ouvrit à deux battants, et Drayton parut, disant :

— Un message de S. M. la reine douairière d’Angleterre.

— Qui l’apporte ? demanda le roi.

— Lady Mary Stuart de Rothsay, sire.

Jacques, tremblant, chancela et fit un pas vers la porte.

— Qu’on introduise ma noble cousine à l’instant ! balbutia-t-il.

Drayton annonça à haute voix :

— Sire, lady Mary Stuart de Rothsay !

Puis il entra, et, se plaçant à droite de la porte, il s’inclina jusqu’à terre pour laisser passer la messagère de la reine.

Celle qui franchit le seuil alors était une jeune femme de haute taille, vêtue en amazone et voilée. Sa merveilleuse chevelure gardait le désordre produit par une course à cheval. Derrière elle, venaient deux gentilshommes, coiffés de feutres rabattus.

À quelques pas de Jacques, la jeune femme, relevant son voile, montra un visage d’une très grande beauté, tandis que ses deux suivants se découvraient avec respect. Le roi porta la main à ses yeux éblouis et ne dit qu’un mot :

— La Cavalière !