La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre XIII

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 79).
CHAPITRE XIII.
DU SYSTÈME QUI N’ADMET COMME PARTIES DE DIEU QUE LES SEULS ANIMAUX RAISONNABLES.

Dira-t-on qu’il n’y a que les animaux raisonnables, comme les hommes, par exemple, qui soient des parties de Dieu ? Mais si le monde tout entier est Dieu, je ne vois pas de quel droit on retrancherait aux bêtes leur portion de divinité. Au surplus, à quoi bon insister ? ne parlons que de l’animal raisonnable, de l’homme. Quoi de plus tristement absurde que de croire qu’en donnant le fouet à un enfant, on le donne à une partie de Dieu ? Que dire de ces parties de Dieu qui deviennent injustes, impudiques, impies, damnables enfin, si ce n’est que pour supporter de pareilles conséquences, il faut avoir perdu le sens ? Je demanderai enfin pourquoi Dieu s’irrite contre ceux qui ne l’adorent pas, puisque c’est s’irriter contre des parties de soi-même. Il ne reste donc qu’une chose à dire, c’est que chacun des dieux a sa vie propre, qu’il vit pour soi, sans faire partie d’un autre que soi, et qu’il faut adorer, sinon tous les dieux, car ils sont tellement nombreux que cela est impossible, du moins tous ceux que l’on peut connaître et servir. Ainsi, comme Jupiter est le roi des dieux, j’imagine que c’est à lui qu’on attribue la fondation et l’accroissement de l’empire romain. Car s’il n’était pas l’auteur d’un si grand ouvrage, à quel autre dieu en pourrait-on faire honneur, chacun ayant son emploi distinct qui l’occupe assez et ne lui laisse pas le temps d’entreprendre sur la charge des autres ? Il n’y a donc sans contredit que le roi des dieux qui ait pu travailler à l’accroissement et à la grandeur du roi des peuples.