La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre XXII

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 84).
CHAPITRE XXII.
DE LA SCIENCE QUI APPREND À SERVIR LES DIEUX, SCIENCE QUE VARRON SE GLORIFIE D’AVOIR APPORTÉE AUX ROMAINS.

Quel est donc ce grand service que Varron se vante d’avoir rendu à ses concitoyens, en leur enseignant non-seulement quels dieux ils doivent honorer, mais encore quelle est la fonction propre de chaque divinité ? Comme il ne sert de rien, dit-il, de connaître un médecin de nom et de visage, si l’on ne sait pas qu’il est médecin ; de même il est inutile de savoir qu’Esculape est un dieu, si l’on ignore qu’il guérit les maladies, et à quelle fin on peut avoir à l’implorer. Varron insiste encore sur cette pensée à l’aide d’une nouvelle comparaison : « On ne peut vivre agréablement », dit-il, « et même on ne peut pas vivre du tout, si l’on ignore ce que c’est qu’un forgeron, un boulanger, un couvreur, en un mot tout artisan à qui on peut avoir à demander un ustensile, ou encore si l’on ne sait où s’adresser pour un guide, pour un aide, pour un maître ; de même la connaissance des dieux n’est utile qu’à condition de savoir quelle est pour chaque divinité la faculté, la puissance, la fonction qui lui sont propres ». Et il ajoute : « Par ce moyen nous pouvons apprendre quel dieu il faut appeler et invoquer dans chaque cas particulier, et nous n’irons pas faire comme les baladins, qui demandent de l’eau à Bacchus et aux Nymphes du vin ». Oui certes, Varron a raison : voilà une science très-utile, et il n’y a personne qui ne lui rendît grâce, si sa théologie était conforme à la vérité, c’est-à-dire s’il apprenait aux hommes à adorer le Dieu unique et véritable, source de tous les biens.