La Femme grenadier/23

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REVUE HISTORIQUE
de
toutes les Jeannes célèbres


J’ai fait l’appel, pendant la nuit,
Des femmes que l’on nomme Jeanne :
Sans crainte d’être contredit,
Ou bien de passer pour profane,
Je réserve tout mon encens
À la Patrone de Céans.

Jeanne de Bourgogne, à Paris,
Fonda Collège, dit l’histoire :
À sa place, mes bons amis,
J’aurais planté vigne pour boire ;
Pour boire, dans de doux momens,
À la Patrone de Céans.

De Nonains, à Bourges, un couvent
Fut doté par Jeanne de France :
La nôtre instruit en amusant,
Dans des récits pleins de décence :
Relisons les jolis romans
De la Patrone de Céans.

Épouse de quatre maris,
Jeanne, à tous les quatre infidèle ;
Jeanne de Naples, mes amis,
N’a point de place ici pour elle :

Gardons nos plus chers sentîmens
À la Patrone de Céans.

Mère du tyran Charles-Quint,
Jeanne d’Espagne, ou bien la folle,
Dans ce séjour républicain,
Ne saurait obtenir un rôle :
Gardons nos plus chers sentimens
À la Patrone de Céans.

Dans nos biographes savans,
Une autre Jeanne, dite Flore,
Fit des contes plus que galans :
Passons vite ; passons encore ;
Et réservons nos cœurs aimans
À la Patrone de Céans.

Enfin, la Cité d’Orléans,
De Jeanne d’Arc est toute fière :
Quoiqu’on en dise, aux faits vaillans
De cette femme, je préfère,
Je mets au-dessus les romans
De la Patrone de Céans.

Mes amis ! j’avais donc raison :
Jeanne la folle, ou Bourguignonne ;
Jeanne d’Arc, ou tout autre nom
Ne valent pas notre Patrone :
Amis ! portons avec amour
Nos toasts à Jeanne D***.

Sylvain M***.