La Fleur d’Or/Les Cornemuses

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La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 96-97).


Les Cornemuses


Un pauvre Italien, de figure romaine,
Jouant de la piva tristement se promène ;
 
Or, nul pour l’écouter ne s’arrête, et l’enfant
De maison en maison toujours s’en va chantant.
 
Un seul, au premier bruit de l’instrument rustique,
Tressaillit (il venait, celui-là, d’Armorique) :

— Ami, prends cet argent et sonne encore un air !
Vous, mes yeux, fermez-vous à ce ciel pur et clair !
 
Ah ! le corn-boud résonne au loin, l’Océan fume.
Et la fille d’Arvor a passé dans la brume ;
 
Plus légère en passant qu’une biche aux abois.
Ou qu’une blanche fée aux clairières des bois…
 
Sonne encore, ô piva, sonne, instrument sauvage !
Une voix te répond sur un autre rivage ;

De l’Est à l’Occident, pays, répondez-vous :
L’un si cher à mon cœur, l’autre à mes yeux si doux !

Qu’aujourd’liui ma province en songe m’apparaisse,
Là tous mes souvenirs, là toute ma tendresse ;
 
Un jour si le corn-boud chante aux brouillards d’Arvor,
Je dirai : « Levez-vous devant moi, pays d’or ! »
 
Et la rouge Sabine et l’Italie entière
Éblouiront mes yeux avides de lumière.