La Fleur d’Or/Les Goëlands

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La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 23-24).


Les Goëlands


Un brick appareillait dans un des ports de Nantes.
Et des femmes en pleurs, des filles, des amantes
Erraient dans les rochers, tout le long de la mer ;
Puis, dansant une ronde, elles chantaient cet air :

« Ce matin, à la mer haute.
Les jeunes gens du Croisic
Vont s’embarquer sur leur brick,
Mes sœurs, chantons sur la côte.
Goëlands, goëlands,
Ramenez-nous nos amants ! »

Les goélands volaient par milliers sur les lames.
De la terre au navire, et des marins aux femmes
Ils allaient, revenaient, passaient en tourbillons
Sur la ronde plaintive et dans les pavillons.
 
« Goëlands, aux ports d’Espagne
Guidez nos chers matelots,

 
Et parlez-leur sur les flots
Des filles de la Bretagne.
Goëlands, goëlands,
Ramenez-nous nos amants ! »

Le brick ouvre sa voile ; adieu ! l’ancre est tirée.
Il part comme un marsouin, poussé par la marée.
Les fidèles oiseaux l’ont suivi ; mais, hélas !
Les femmes vers la mer tendaient en vain les bras.

« Suivez, suivez leur voyage,
En Espagne, en tout pays !
Ne craignez pas leurs fusils,
Les amis au blanc plumage.
Goëlands, goëlands,
Ramenez-nous nos amants ! »