Aller au contenu

La Flotte internationale dans l’Adriatique/05

La bibliothèque libre.
La Flotte internationale dans l’Adriatique
Le Monde illustré des 25 septembre et 2, 17, 24 octobre, 4 décembre 1880 et 12 février 1881 (p. 17-19).
◄  04
06  ►

Albanie : Types et costumes


Ce numéro serait insuffisant s’il nous fallait décrire les costumes que le voyageur rencontre en Albanie : caleçons, fustanelles, vestes brodées, guêtres, pantalons, gilets, fez, coiffures, varie d’une tribu à l’autre. J’imagine que les clans d’Écosse n’apportaient pas plus de soin à se distinguer les uns des autres dans leurs vêtements que n’en apportent les diverses populations de cette partie de la Turquie d’Europe. La différence des races et des religions en est ici le principal motif : catholiques, orthodoxes et musulmans ne doivent pas pouvoir être confondus ; il est plus difficile de reconnaître à son habit un Slave, un Turc ou un Albanais. Les musulmans seuls, dans les villes du moins, sont armés ; vous les voyez en fustanelle se promener, fiers et dédaigneux, au milieu des rues, tandis que les chrétiens suivent d’un pas toujours timide et plus hâtif non pas le chemin de la promenade, mais celui qui les mène par le plus court à leurs affaires.

À Scutari, ces derniers portent de larges pantalons de lustrine noire, fermés au genou et retombant avez mille plis sur leurs bas blancs ; c’est de beaucoup le plus laid des vêtements en Orient, le plus disgracieux ; une ceinture leur serre la taille, qu’ils ont presque toujours très fine, et passe sur le gilet de soie groseille et la veste écarlate, brodée de noir, qu’ils portent invariablement tous. — Les musulmans ont le plus souvent la fustanelle, les guêtres brodées, la veste richement soutachée, la ceinture pleine d’armes ; ces armes d’un beau travail et mériteraient d’être reproduites par la gravure ; les pistolets, encore à pierre, sont couverts d’ornements d’argent où le filigrane et le lourd relief marient très bien ; presque toujours le bois de la crosse est entièrement caché sous ce somptueux revêtement, quelques-uns même sont ornés d’or et de pierreries ; les kandjars sont à eux seuls de véritables chefs-d’œuvre d’orfèvrerie.

Dans la montagne, les costumes sont plus simples, ils ne sont pas moins pittoresques : on y trouve d’aussi belles armes parfois, mais le plus souvent les ornements en sont en cuivre ; les longs fusils ont souvent le canon damasquiné d’argent ; les chevaux ont des harnachements pittoresques, gais à l’œil. Chaque jour de marche amène un spectacle nouveau : l’architecture des maisons, la construction de leurs huttes, pour mieux dire, varie d’une vallée à l’autre ; les mœurs, les lois sont différentes ; la langue même n’est pas toujours la même et les dialectes albanais sont nombreux. Quant aux costumes, puisque c’est là ce qui nous intéresse actuellement, ils ne sont jamais les mêmes. Voyez ce Mirdite avec sa longue redingote blanche, comparez-le à ces montagnard des Klementi : tous deux sont catholiques, sur la carte ils semblent voisins ; pourtant vous ne les confondrez jamais, et c’est ainsi pour la plupart des tribus.

Que dirons-nous des femmes, dont le vêtement est la seule richesse. Nos gravures donnent une idée de cette étonnante variété ; il faudrait, comme nous le voudrions voir faire pour les armes des hommes, consacrer une planche spéciale à la reproduction des ornements de leur toilette ; montrer ces bijoux d’un beau caractère antique, ces colliers, ces boucles, ces épingles, ces ceintures, qui semblent arrachés aux tombeaux de la Grèce, et dont la forme a toujours du charme, que le bijou soit d’or, d’argent, de cuivre ou d’étain. Pour nourriture, un mauvais fromage de chèvre, de la galette de maïs ou de millet ; pour armes, des fusils à pierre incrustés d’argent, des colliers, des chaînes et des boucles d’étain blanc sur le front des jeunes femmes, comme tout cela est loin de nous, comme ces sauvages sont plus à l’abri sur leurs cimes inaccessibles que ne l’ont été les peaux-rouges d’Amérique, comme ils restent plus inconnus ! Ils sont pourtant en Europe, à quelques heures de l’Italie !


Montagnarde catholique de Pulti. Montagnarde catholique de Kraia.  Albanaise de religion grecque (costume d’intérieur).  Albanaise musulmane (costume d’intérieur).  Jeune fille de Scutari (costume d’intérieur).  Musulmane (costume de sortie). Montagnarde catholique de Scie ci. Femme de Scutari (costume de sortie).
EN ORIENT. — Types d’Albanaises. — (Dessin de M. de Haenen, d’après les photographies obligeamment communiquées par M. X.)