La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres, et des arts/ame s. f.

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ÂME. I. Philosophie. — On entend par ce mot ce qui, en nous, sent, pense et veut. À cette simple affirmation se réduit tout ce qu’on peut dire d’universellement accepté et d’incontestable. En dehors d’elle, on ne rencontre que des hypothèses, dont aucune, depuis que la philosophie existe, n’a réussi à s’imposer victorieusement et à se faire accepter à titre de vérité scientifique. Ce sujet, en effet, est l’un des trois ou quatre problèmes fondamentaux qui constituent la métaphysique, c.-à-d. cet ensemble de questions que l’esprit humain ne peut ni abandonner ni résoudre. Il ne peut donc être traité ici que sous la forme historique. À cet égard, la matière est exubérante, car l’histoire des théories sur l’âme n’est guère moins que celle de la philosophie tout entière. Les exposer en détail serait un travail fastidieux, parce qu’il obligerait à des redites perpétuelles ; inutile, parce qu’elles trouveront leur place dans le cours de cet ouvrage, au nom des principaux philosophes. Les hypothèses faites sur ce sujet sont en définitive peu nombreuses, quand on les dégage des particularités propres à chaque penseur : ce sont elles que nous allons passer brièvement en revue. — Mais avant l’éveil de la spéculation philosophique et la naissance des théories savamment élaborées, l’homme primitif dans presque tous les pays et tous les temps, par l’effet de son imagination ou d’une réflexion toute spontanée, s’est fait quelque idée plus ou moins grossière de l’âme et a eu un terme pour la désigner. Chez le vivant, elle est presque partout identifiée avec le souffle, la respiration et considérée par conséquent comme le principe de la vie. Le sanscrit âtman, le grec psychë, le latin animus n’ont pas d’autre signification étymologique. Dans l’Iliade (en particulier IX, 108) on voit, à la mort, l’âme sortir de « l’enclos des dents ». Elle a été identifiée par d’autres peuples à la chaleur vitale et logée dans le cœur ou dans le sang : ce qui est une autre manière d’en faire un principe de vie. Après la mort, la conception est autre. Comme l’ont montré les ethnologistes contemporains, l’âme du mort est considérée comme son double, c.-à-d. un second exemplaire de lui-même adapté à ses nouvelles conditions d’existence. Cette idée très répandue de nos jours chez les peuples demi-sauvages a existé dans l’antiquité. On en a des preuves pour l’Égypte. Dans Homère, l’âme des morts appelée « ombre », « image » (eidôlon), se repait du sang des victimes et y puise un regain de vie. La plupart des auteurs qui ont étudié ce sujet en détail pensent que cette conception est née des rêves auxquels l’homme primitif attribue toujours une origine surnaturelle et qui semblaient lui montrer ses défunts sous une forme visible et venant d’un autre monde. On trouvera une grande abondance de documents sur ce point dans les livres de Taylor, Herbert Spencer (Sociologie, t. Ier), et dans l’ouvrage très indigeste que Bastian a consacré à l’évolution de l’idée de l’âme dans l’ethnographie (Beiträge sur vergleichenden Psychologie : die Seele und ihre Erscheinungsweisen in der Ethnographie ; Berlin, Dümmler, 1868). Si nous rappelons à grands traits ces imaginations bien grossières, c’est qu’elles ont nécessairement servi de point de départ aux spéculations philosophiques. La réflexion des premiers sages n’a pu s’exercer d’abord que sur cette matière première qui leur était fournie par les croyances populaires. Quelque épuration qu’elles aient subie dans le cours des siècles, il serait curieux de déterminer ce qui en est resté, même dans les doctrines les plus raffinées : mais c’est un travail qui, à notre connaissance, n’a jamais été fait. — Les hypothèses métaphysiques, parvenues à la pleine conscience d’elles-mêmes et telles qu’on les rencontre dans l’histoire, peuvent se réduire à quatre : 1o L’âme est conçue comme une substance ou essence, indépendante du corps (spiritualisme ou dualisme) ; 2o C’est une simple fonction de l’organisme, n’ayant pas d’existence propre par elle-même (matérialisme) ; 3o Elle est la seule réalité, tout le reste n’étant qu’apparence ou dérivé d’elle (idéalisme) ; 4o Elle est, comme la matière, la simple manifestation d’un principe supérieur qui est la seule réalité et elle n’a, par conséquent, qu’une existence phénoménale (panthéisme, monisme).

I. On ne peut nier (sans que cela préjuge d’ailleurs rien sur sa valeur) que la doctrine philosophique la plus répandue est celle qui considère l’âme et le corps comme deux choses distinctes. Elle l’est si bien, que les langues, miroir fidèle de l’opinion prédominante, rendent difficile l’exposition exacte de toute autre doctrine. On l’appelle également dualisme, parce qu’elle maintient la dualité fondamentale du corps et de l’âme, et spiritualisme, parce qu’elle considère l’esprit comme une substance ou du moins quelque chose qui existe par soi. Tout le monde connaît les arguments par lesquels les métaphysiciens modernes défendent cette thèse ; il suffira de les rappeler. Ils partent d’une donnée expérimentale : la distinction entre deux groupes de faits, les uns physiques et physiologiques dont l’ensemble constitue l’organisme et qui sont soumis tous à une condition dernière, l’espace, sans laquelle ils ne peuvent être perçus ni imaginés ; les autres psychiques (sensations, sentiments, idées, désirs, volitions) qui ne nous sont jamais donnés comme étendus et dont la seule condition est d’exister ensemble ou successivement dans le temps. Pour le spiritualisme ces deux groupes sont absolument irréductibles l’un à l’autre : d’abord, parce que les phénomènes psychiques ont pour caractère fondamental d’être conscients, or, la conscience est irréductible au mouvement, phénomène dernier auquel la science moderne réduit toutes les propriétés de la matière. Aucune expérience n’a montré que le mouvement puisse se transformer en conscience, comme il se transforme en chaleur, en lumière, en action chimique, etc. À cette raison générale s’en ajoutent d’autres. Nous avons conscience de notre unité et de notre identité, qui n’est que l’unité persistant à travers les variations incessantes de notre vie ; et comme le corps est en état de rénovation continue et qu’il ne vit même qu’à cette condition ; comme il est formé de parties coordonnées entre elles et constituant un tout très complexe, il n’a ni identité, ni véritable unité. L’unité que réclame l’esprit, en effet, est rigoureuse. Penser, c’est lier, c’est unir. L’acte mental le plus simple, comparer, juger, suppose un sujet qui fasse la synthèse de deux termes, et par conséquent un sujet parfaitement un. L’âme se trouve donc avoir pour caractère essentiel l’unité, l’identité, la simplicité, et cette marque qui lui est propre, qui la différencie du corps, est ce qu’on nomme la spiritualité. La plupart des spiritualistes modernes se rattachant à la doctrine émise par Leibnitz font de la force l’essence de l’âme : elle est une cause essentiellement agissante et spontanée et ils la définissent : « Une force libre ayant conscience d’elle-même. » — Mais cette séparation si nette et si tranchée, que le dualisme établit entre l’âme et le corps, lui devient un embarras lorsqu’il s’agit d’expliquer leur union, leur dépendance réciproque, ce que l’on appelle dans la langue courante l’influence du physique sur le moral et du moral sur le physique. Ils sont si bien séparés qu’ils ne peuvent plus se réunir, et on sait que ce problème a donné lieu à plusieurs hypothèses, dont la plus célèbre est l’harmonie préétablie de Leibnitz.

II. Le matérialisme est aussi ancien que la philosophie ; mais, dans l’antiquité, l’état peu avancé des sciences de la nature ne lui a guère permis de sortir de cette assertion vague, que la sensation et la pensée sont des attributs de la matière en général. Dans les temps modernes, le progrès des sciences physiques et biologiques lui a fourni un point d’appui et lui a permis de se préciser. Il se réduit à cette proposition que l’âme n’est qu’un terme collectif pour désigner l’ensemble des phénomènes psychiques et que ceux-ci ne sont qu’une fonction du système nerveux en général et du cerveau en particulier. Pour établir leur thèse, les partisans de cette doctrine font remarquer que, si l’on descend jusqu’aux derniers degrés de l’échelle animale, on voit les premières lueurs de la sensibilité, — les premiers éléments de la vie psychique, — apparaître avec les premiers rudiments du système nerveux ; que, à mesure que l’on remonte dans la série, ce système croit en complexité et en coordination, que le nombre des manifestations psychiques et leur coordination croissent dans la même mesure, jusqu’au moment où, chez l’homme, le cerveau et l’âme atteignent le plus haut degré de développement connu. Partout et toujours, on peut dire : tel système nerveux, telle âme. — Chez l’homme ne voit-on pas l’âme suivre les progrès ou la décadence de l’organisme ? Ébauchée chez le petit enfant, elle atteint peu à peu son développement complet, pour se désorganiser chez le vieillard avec l’usure du cerveau. Comment donc lui attribuer une existence indépendante ? Les maladies fournissent de nouveaux arguments contre le spiritualisme. Sans parler du retentissement que tous les désordres du corps exercent sur l’âme, on sait que les maladies mentales sont en réalité des maladies du cerveau ou de ses annexes. Chaque progrès de la science établit de mieux en mieux cette vérité encore contestée au commencement de notre siècle. Quoique la lésion matérielle qui répond à chaque forme de maladie mentale soit loin d’être établie pour tous les cas, la faute n’en est qu’aux moyens insuffisants d’investigation qui ont été employés jusqu’ici ; en sorte que le spiritualisme ne pourrait invoquer en sa faveur qu’un état d’ignorance momentanée. L’atrophie congénitale ou acquise du cerveau chez l’idiot entraîne la disparition presque complète de l’âme, ou du moins sa réduction à ces formes inférieures qui caractérisent l’animal. À ces arguments de fait, dont nous ne donnons qu’un grossier sommaire, qu’oppose-t-on ? Cette hypothèse, que tout cela doit arriver également, si le corps est l’instrument de l’âme, celle-ci se trouvant desservie, au lieu d’être servie par lui. Mais c’est une règle de bonne logique, « qu’on ne doit pas multiplier les êtres sans nécessité » ; or l’hypothèse de l’âme est inutile, elle n’explique rien, elle doit disparaître comme cette autre entité, « le principe vital », qui a paru si longtemps indispensable aux physiologistes pour expliquer les caractères propres aux êtres vivants, et que, de nos jours, le progrès des sciences a définitivement enterré. — Enfin, l’unité et l’identité dont le spiritualisme se prévaut ne sont pas non plus inexplicables. Le corps, quoiqu’il change perpétuellement, a son identité : la constitution, le tempérament et même la forme extérieure d’un homme conservent quelque chose de permanent sous les changements superficiels. Le corps a aussi son unité, non l’unité chimérique d’un point mathématique qu’on attribue à l’âme, mais l’unité réelle et concrète d’un consensus entre diverses parties. Quant à la conscience, il faut bien reconnaître que c’est un phénomène sui generis, irréductible à tout autre jusqu’à présent, mais il n’y a aucune raison pour l’ériger en entité, en faire une substance, une essence. Quelques savants contemporains (surtout Maudsley), se sont, en effet, attachés à établir que la conscience n’est qu’un phénomène indicateur du travail cérébral qui s’est produit, qu’elle n’est qu’un résultat et non une cause, que l’action nerveuse est l’essentiel, l’état de conscience l’accidentel, et que ce dernier est comparable à l’illumination qu’une machine à vapeur projette dans l’ombre : Cette lumière éclaire la machine, mais ce n’est pas elle qui la fait marcher.

III. L’idéalisme procède comme le matérialisme, mais en sens inverse. Il supprime aussi l’un des deux termes que le dualisme maintenait en présence l’un de l’autre, mais cette fois c’est le corps (la matière en général). L’esprit est la seule réalité ; en dehors de lui il n’y a qu’une réalité apparente ou dérivée. Quoique par l’ensemble de sa doctrine, Descartes doive être classé parmi les dualistes, il est cependant le promoteur de l’idéalisme moderne par son célèbre : « Je pense, donc je suis. » Cet axiome, en effet, pose le fait de la pensée, comme seul immédiat, seul indiscutable, seul intelligible par lui-même ; et de là toute la théorie idéaliste se déduit logiquement. Les partisans de l’idéalisme disent aux matérialistes : Vous êtes complètement dupes des apparences. Vous réduisez tout à la matière (et, en ce qui concerne l’homme, au corps) ; mais votre matière se réduit, en définitive, à des états de conscience, à des états de l’esprit. Tout ce que vous pouvez affirmer sur la matière se réduit à deux choses : des qualités sensibles, comme la pesanteur, la résistance, l’impénétrabilité, la forme, la couleur, etc. ; et un certain nombre de lois (c.-à-d. de rapports constants entre les phénomènes) découvertes et formulées par les sciences de la nature. Mais tout cela c’est de l’esprit. Ce qu’on appelle qualités ou propriétés de la matière, ce sont simplement nos manières de percevoir. Qu’est-ce, par exemple, que la résistance, sinon le sentiment que j’ai d’un certain effort ? Sans cet état purement subjectif, sans cette modification de mon esprit, tout devient pour moi inintelligible, le mot et la chose. Le même raisonnement est applicable à toutes les propriétés de la matière, sans exception ; elles se résolvent, en fin de compte, en états de l’esprit. Pour les lois, c’est tout aussi clair ; raisonner, induire, déduire, calculer, ce sont là des actes de l’esprit. La matière se résout donc en états spirituels et nous avons raison de dire que la matière n’est que l’extériorisation de l’esprit, sa projection au dehors, sous certaines conditions d’espace et de temps. Tout ce que vous affirmez au sujet de votre thèse peut être repris par nous et interprété en notre faveur. Le fait même de la sensation qui vous sert de point d’appui témoigne contre vous : car une sensation non sentie est un pur verbiage, et sentir est justement ce que nous appelons un acte de l’esprit.

IV. Si l’on ne veut ni admettre à la fois le corps et l’âme, ni confisquer l’âme au profit du corps, ni confisquer le corps au profit de l’esprit, reste une dernière solution : c’est de les identifier. Mais dés lors, ils n’ont plus ni l’un ni l’autre une véritable réalité, une existence indépendante et propre. Le corps et l’âme, ou, pour parler plus correctement, les phénomènes physiques et les phénomènes psychiques ne sont que la manifestation d’un principe supérieur qui les contient et les domine. La forme la plus ancienne de cette doctrine est le panthéisme, qui ne peut être exposé ici parce qu’il sort du cadre de cet article. Spinoza en est le représentant le plus rigoureux. Il n’y a pour Iui d’autre réalité que la « substance », c-à-d. ce qui existe en soi et par soi. Elle a parmi ses attributs la pensée, dont les âmes sont des modes, et l’étendue dont les corps sont des modes. Les âmes individuelles ne peuvent donc avoir qu’une existence passagère et une réalité d’emprunt. — De nos jours une doctrine analogue s’est produite sous le nom de monisme. Elle en diffère cependant, non seulement par la dénomination, mais par le fond. Comme son nom l’indique, elle est la doctrine de l’unité, mais elle exclut la conception théologique que le mot panthéisme impliquait. Elle part, non de la notion métaphysique d’une substance ou de Dieu, mais de la réalité concrète telle qu’elle nous est donnée par l’expérience avec toutes ses manifestations physiques, vitales et psychiques. Elle ne les sépare pas les unes des autres. Elle ne conçoit aucun phénomène spirituel comme distinct de la matière et indépendant d’elle ; mais aussi elle croit trouver, jusque dans les derniers éléments de la matière, des analogues de l’activité psychique : les attractions et répulsions, les actions chimiques, les combinaisons et dissociations sont comme une ébauche de ce qui sera plus tard amour, haine, désir, etc. L’irritabilité des derniers éléments anatomiques est la première lueur de ce qui deviendra sensibilité et, plus tard, intelligence, pensée. C’est une fusion du physique et du psychique à tous les degrés et sous toutes les formes. Il est évident que, dans cette hypothèse, l’âme n’est plus une substance. Elle n’est qu’un aspect de la nature des choses. Elle est constituée par un groupe d’événements dont le seul caractère commun est d’être donnés comme intérieurs et de s’opposer par là aux événements dits matériels dont le caractère est l’exté-


riorité. Mais il n’y a entre ces deux groupes qu’une différence de point de vue : au fond c’est une seule et même réalité, vue dans des conditions différentes, tantôt par le dedans, tantôt par le dehors.

V. Nous n’avons pas ici à faire un travail critique. D’ailleurs, l’exposé de chaque doctrine fait assez ressortir les points faibles des autres. Pour terminer, il nous reste à dire quelques mots de ceux qui, au lieu de spéculer sur la nature de l’âme, se bornent à en étudier les manifestations. Ici nous passons du domaine de la métaphysique dans celui de la science. Il est vrai que ce passage ne se fait qu’au prix d’un sacrifice : se résigner à beaucoup ignorer. Cette doctrine toute phénoméniste (puisqu’elle s’en tient aux seuls phénomènes) est issue à la fois de la critique faite par Hume et par Kant et du progrès des sciences naturelles. Elle est représentée par ce que Lange a appelé « la psychologie sans âme ». De même que le physicien et le chimiste étudient les propriétés et les lois de la matière brute, sans spéculer sur l’essence de la matière ; de même que le biologiste étudie les propriétés des corps vivants et leurs lois, mais sans essayer de déterminer l’essence de la vie ; de même aussi les représentants de la psychologie nouvelle se bornent à étudier les phénomènes de la vie mentale, mais sans spéculer sur l’âme. Elle est pour eux un x, une inconnue, peut-être un inaccessible et un inconnaissable, qu’ils relèguent dans le domaine de la métaphysique, c.-à-d. des hypothèses et des conjectures. En tout cas, ils soutiennent que si l’esprit humain peut jamais arriver à quelque clarté sur ce sujet, ce résultat ne pourra être que le fruit de longues recherches ; que le problème doit être abordé par en bas, non par en haut, et que c’est une grande témérité que d’espérer le résoudre d’emblée. Aussi, dans leurs écrits, n’emploient-ils pas le mot « âme » qui prête à l’équivoque ; ou, s’ils en font usage, c’est en lui donnant le sens vague qu’il a dans la langue courante ; pour désigner simplement l’ensemble des phénomènes psychiques, mais sans rien préjuger sur leur cause ou leur nature. Ils se contentent d’étudier les phénomènes en eux-mêmes, de les rattacher autant que possible à leurs conditions physiologiques, d’en déterminer les lois, de leur appliquer même les procédés expérimentaux, quand cet emploi trouve sa place (recherches sur la durée des actes psychiques, travaux des psycho-physiciens sur la mesure de l’intensité des sensations, etc.) ; enfin de noter toutes les manifestations de la vie psychique dans la série animale et de les suivre dans leur évolution. Le problème de l’âme se dissout ainsi en une infinité de recherches dont beaucoup sont encore inabordées, et dont bien peu sont achevées.

Th. Ribot.

III. Théologie. — Anéantissement, immortalité conditionnelle, rétablissement final, peines éternelles, résurrection de la chair, jugement (V. Eschatologie).

III. Musique. — (Terme de luth.). L’âme, malgré ses petites dimensions, est une des parties les plus importantes des instruments à cordes. C’est un cylindre allongé en sapin bien sec, placé entre la table et le fond du violon, à deux Bues derrière le pied du chevalet, et à neuf lignes juste d’éloignement du point central de la table. Il est bien entendu que l’âme de l’alto ou du violoncelle est plus grande que celle du violon, mais dans les mêmes proportions. Les maîtres luthiers du Tirol et d’Italie avaient merveilleusement appliqué, dans la pratique, les lois qui président à la place de l’âme dans le violon, et à son rôle dans ta construction de l’instrument ; mais ce fut Savart qui le premier exposa la théorie des fonctions de l’âme. Pendant longtemps, on avait cru que non seulement l’âme servait à soutenir la table supérieure et l’aidait à supporter le poids des cordes, mais aussi que la sonorité de l’instrument dépendait uniquement de cette petite pièce de bois. Savart, par un procédé ingénieux, trouva moyen de fixer l’âme sur la table et non au dessous ; cette table perdit de sa solidité, mais la sonorité du violon n’en fit pas altérée. Le véritable office de l’âme est de mettre en communication la table et le fond, et de rendre leurs vibrations normales. Une autre fonction de l’âme consiste à rendre immobile le pied droit du chevalet, et, de cette façon, le pied gauche peut communiquer ses mouvements à la barre (V. Barre). À l’exposition de 1867, un luthier avait placé deux âmes dans ses violons, l’une à sa place ordinaire, l’autre dans la queue. Non seulement cette seconde âme est inutile, mais elle peut altérer la qualité du son. Aux xvie et xviie siècles, les luths avaient plusieurs âmes, mais elles ne servaient qu’à soutenir les éclisses et la table. On a fait des âmes en bois de différentes essences et même en verre. On appelle aussi âme de la clarinette un petit trou, gros comme la tâte d’une épingle, qui, percé près de l’embouchure, donne de l’égalité au chalumeau.

V. Marine. — Mèche en chanvre placée à l’intérieur des cordages composés de quatre torons, pour prévenir leur déformation (V. Mèche).

V. Artillerie. — Vide intérieur d’une bouche à feu. L’âme se divise habituellement en trois parties qui sont, en allant du fond à l’entrée : la chambre où l’on met la poudre ; le logement ou la chambre du projectile ; l’âme proprement dite. Cette dernière partie, qui sert à guider le projectile lorsqu’il se met en mouvement sous l’action des gaz de la poudre, est toujours cylindrique : elle est tantôt lisse, tantôt rayée. Dans les canons à âme lisse, toutes les parties ont même diamètre et la chambre se termine, du côté du fond, soit par un plan perpendiculaire à l’axe, soit par une surface ellipsoïdale. Dans les obusiers et les mortiers, la chambre est tronconique ou cylindrique ; dans le dernier cas, elle est d’un diamètre moindre que l’âme et se raccorde avec celle-ci par un tronc de cône ou par une portion d’hémisphère. L’âme des canons rayés se chargeant par la bouche ne diffère, en général, de l’âme des canons lisses que par la présence des rayures qui s’étendent tout le long de l’âme proprement dite et dans une portion du logement du projectile ; les parties de l’âme primitive qui subsistent entre les rayures portent le nom de cloisons. Dans les canons et les mortiers rayés se chargeant par la culasse, la chambre et le logement du projectile sont ordinairement cylindriques, le diamètre de la chambre est toujours plus grand que le diamètre du logement, qui est lui-même légèrement supérieur au diamètre de l’âme proprement dite, mesuré sur les cloisons. Le logement se raccorde avec la chambre par un tronc de cône fortement accusé, de manière que le projectile s’arrête toujours exactement à la même position. Lorsque le diamètre de la chambre est notablement supérieur à celui de l’âme, on dit que le canon est chambré ; des bouches à feu de ce genre ont été expérimentées, pendant ces dernières années, en Angleterre d’abord, puis successivement en France et en Allemagne (V.Bouche à feu, Balistique intérieure, Projectiles, Rayures. — On donne aussi le nom d’âme au vide ménagé, suivant l’axe du cartouche, dans la composition d’une fusée de guerre ou d’une fusée de signaux (V. ces mots), en vue d’accélérer la combustion de cette composition et, par suite, la vitesse d’ascension de la fusée.