La Lanterne magique/88

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Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 136-137).
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Huitième douzaine

LXXXVIII. — AUTRE DON JUAN

Il a volé au chat sa grâce agile, et au carlin sa bonne tête noire à moustaches. Il a pris au roi un morceau de sa robe de pourpre, au juif un morceau de sa robe jaune, au printemps un morceau de sa robe verte, et avec ces lambeaux il s’est fait un habit de singe, qui colle sur son corps gracieux et envolé. Il a mis dans sa ceinture de cuir rouge une batte couverte de belle peau blanche, qui avant de frapper, chatouille et caresse ; ses souliers rouges, dans lesquels il y a du vif-argent, tracent sans repos l’image d’une chanson effrénée, et il s’est taillé dans une nuée un chapeau ondoyant et divers, qui sans cesse change de figure.

C’est pourquoi, servi comme un roi, habile comme un juif, toujours jeune comme l’immortel Avril en fleur, il s’enfuit à travers les villes et les verdures, amoureusement suivi par les Colombes et les Colombines blanches qui, voyant qu’il a de quoi les étourdir, les éblouir et les battre, adorent ce monstre horrible et charmant. Lui cependant, voltigeant comme le papillon hideux aux brillantes ailes, il les embrasse de son bras flexible ; il les amuse, les courtise, les caresse et les bat, et les entraîne dans sa danse vertigineuse parmi la nature enchantée et conquise, il les fait baiser son museau de chien noir, — et c’est Arlequin !