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La Liberté, ou Mlle Raucour/04

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Dans les coulisses de tous les théâtres, même chez Audinos (p. 25-34).

Réponſe de la vicomteſſe de Con-fendu & de ſes adhérentes à l’intervention de la ſecte anandrine.

Avec tout l’eſprit qu’on ſuppoſe à mademoiſelle Raucour, avec toute la pénétration dont elle eſt réellement douée, on eſt forcé de convenir que ſes lumieres ſont quelquefois en défaut ; elle vient d’en donner une preuve non équivoque dans ſon diſcours à ſes compagnes pour les engager à prendre fait & cauſe contre nous, ſur un rapport que rien ne pouvoit lui faire regarder comme authentique.

Soit maladreſſe, ſoit éclipſe d’eſprit, ſoit défaut de meilleurs moyens, mademoiſelle Raucour, fronde impitoyablement les opérations de l’auguſte aſſemblée nationale ; préſente, ſous un aſpect odieux & terrible, tous les évènemens que la révolution a produits ; & voue au mépris & à l’exécration la brave garde nationale dont le courage & la vigilance ſont le plus ferme ſoutien de la liberté publique. Dans la fange de la diſſolution où elle croupit, elle oſe porter un œil profane ſur l’heureuſe conſtitution qui faît la joie des bons citoyens ; ſa bouche impure oſe diſtiler le poiſon de l’envie ſur tout ce que le patriotiſme a de plus reſpectable parmi les Français ; accoutumée à vivre avec les ſuppôts de l’ariſtocratie, elle en a pris les idées, accoutumée à branler, à ſuccer leurs vits, elle en a avalé les principes avec le foutre. Ce n’eſt pas pour en venir à ce qu’elle appelle ſon objet principal, que la demoiſelle Raucour étale ſes ſentimens ſur la révolution, c’eſt qu’elle eſt réellement ariſtocrate elle-même, c’eſt qu’elle voudroit faire adopter ſa façon de penſer à ſes compagnes, dans la folle eſpérance, peut-être, de faire quelqu’impreſſion dans le public ; mais elles comptent pour ſi peu de choſe dans le monde, qu’on n’a rien à craindre de leur part.

En expoſant ainſi au grand jour les vrais ſentimens de la demoiſelle Raucour & de ſes ſectatrices, nous nous croyons obligées, avant de répondre à leur intervention & aux injures dont elle eſt parſemée, nous nous croyons obligées de faire notre profeſſion de foi.

Nous déclarons donc que nous ſommes patriotes zélées, & qu’il ne tiendra pas à nous que la conſtitution ne s’acheve à la ſatisfaction de tous les partiſans de la bonne cauſe ; nous reſpectons l’aſſemblée générale, nous en aimons les membres en particulier, & nous leur en donnons des preuves toutes les fois qu’ils daignent nous honorer de leur viſite ; nous ſommes avec eux ſans réſerve ; nous nous prêtons à tout pour les amuſer con, cuiſſes, feſſes, tétons, tout eſt à leur diſpoſition, & leurs moindres deſirs ſont pour nous des ordres ſacrés & reſpectables : telle eſt notre maniere de voir & de ſentir dans les circonſtances actuelles ; nous ne craignons pas de la publier, parce que, toutes putains que nous ſommes, nous ſavons apprécier les choſes, & diſtinguer ce qui eſt bon d’avec ce qui eſt mauvais.

Bien loin de prendre des moyens pour défendre leur abominable ſecte, les anandrines devroient rougir de honte de louer un goût qui les déshonore aux yeux des perſonnes qui font le moins de cas de l’honneur, à nos propres yeux ; car convenir qu’on a une paſſion décidée & inſurmontable pour un clitoris, pour un engin dont l’uſage ne doit que très-rarement produire l’éjaculation ; n’eſt-ce pas le comble de l’infame ? n’eſt-ce pas outrager la nature ? ne vaudroit-il pas mieux mille fois ſe ſervir d’un bon gros vit, aux riſques d’attrapper la vérole la plus complette, aux riſques même de voir gâter ſa taille ? Et les tribades oſent nous appeller une vile engeance ! mais cette épithéte flétriſſante ne leur convient-elle pas mieux qu’à nous ? Je le demande à tous les connoiſſeurs en fouterie.

Nous n’avons pas plus d’amour-propre qu’il ne faut ; mais, ſans prévention, nous oſons nous flatter qu’aux yeux du public, nous ſommes moins avilies, moins mépriſables qu’elles ; la raiſon en eſt ſimple & à la portée d’un chacun. Nous foutons, nous branlons, quelquefois même, puisqu’il faut l’avouer, nous gamahuchons ; mais c’eſt pour gagner notre vie, & qu’importe, après tout, de quelle maniere on la gagne ? Les uns ſe procurent leur ſubſiſtance à la ſueur de leurs fronts, nous vivons de celle de nos culs ; d’ailleurs en ſatisfaiſant ce beſoin le plus urgent pour tout être vivant, nous rempliſſons le but de la nature, qui ne nous a pas fait des cons pour y loger des ſouris, & ſi nous n’avons pas ſouvent le plaiſir de faire des enfans, nous avons celui de décharger, & ce n’eſt pas le moins ſenſible de tous. Mais les anandrines, qui nous taxent de mauvaiſes coquines, peuvent-elles alléguer en leur faveur des raiſons auſſi plauſibles que celles que je viens d’expoſer, je les en défie. Elles ſont au-deſſus du beſoin, elles en conviennent ; leur coït ne peut pas remplir le but de la nature ; c’eſt tout ſimple : le plaiſir qu’elles ſe procurent doit être bien peu de choſe ; ce n’eſt donc que par un rafinement mal entendu, ce n’eſt que par un excès de libertinage qu’elles ſe foutraillent mutuellement ; & par-là même, elles ſont plus viles, plus mépriſables que les branleuſes de la place Louis XV. La demoiſelle Raucour, pour étayer ſon ſyſtême clitorial, ou peut-être pour faire parade d’une érudition dont nous nous foutons comme des couilles de Tarquin ; nous cite d’un ton empoulé l’exemple des Amazones, des dames romaines, des femmes du Canada : oh ! pour le coup, la Raucour ſe fout de nous, ou elle a perdu la tête. Quand je vois une femme ſe foutre le ton de pédantiſer, il me ſemble qu’on m’arrache les poils du con l’un après l’autre, & je lui foutrois volontiers de mon pied dans le cul ; mais la Raucour a-t-elle voyagé chez les Amazones pour nous parler de leurs mœurs avec tant d’aſſurance ? Non, ſans doute ; elle a vu cette farce dans quelques vieux bouquins dont elle auroit mieux fait de ſe torcher le derriere. Nous n’en croyons pas plus ce qu’elle dit des dames romaines ; comme elle n’a jamais foutu le nez dans leur aſſemblée, comme celles qui les tenoient, ont foutu le camp pour l’autre monde, il eſt impoſſible qu’elle ſache ce qui s’y paſſoit ; elle voudra bien nous pardonner notre incrédulité à cet égard. Pour ce qui concerne les femmes du Canada, c’eſt encore un galbanum qu’elle nous fout par la figure : nous n’avons jamais lu que Dom-Bougre ; mais nous gagerions bien le rogome qu’il n’y a pas un auteur aſſez couillon pour avoir écrit ces foutaiſes-là ; & ſuppoſez même que quelque bande-à-l’aiſe ſe fut aviſé de l’écrire, il ne ſeroit pas mal couillonné, ſi nous lui demandions à en faire la preuve. Ce qui nous refout le plus dans tout ce que dit la demoiſelle Raucour, c’eſt qu’elle offre de citer des autorités plus récentes, & qu’elle ſe contente de mettre une enfilade de points ; encore ſi c’étoit des couilles, ça nous réjouiroit la vue ; mais des points ; oh ! les plaiſantes autorités ! Il eſt vrai qu’elle feint de n’oſer s’expliquer ; elle n’oſe toucher à l’arche ſainte crainte de gagner une paralyſie. Qui auroit jamais penſé que la demoiſelle Raucour qui a touché & branlé tant de vits ; qui les a ſi ſouvent logés dans ſon con, ſans craindre de gagner la vérole, ſeroit devenue ſi puſillanime ? Qui auroit pu ſe perſuader que celle qui touche, qui branle, qui léche le con de la demoiſelle Lange, pouſſeroit la délicateſſe juſqu’à n’oſer toucher ce qu’elle appelle l’arche ſainte ; n’eſt-ce pas ſe foutre des gens à leur barbe que de vouloir faire avaler des pillules ſi mal dorées ? Apparemment la demoiſelle Raucour nous prend pour ce que nous ne ſommes pas, pour des bonnes couilles de femmes ; elle a oublié que nous ſommes putains, & que comme telles, en fait de fouterie, nous en ſavons auſſi long qu’elle.

La Préſidente des tribades trouve extraordinaire que la demoiſelle Adeline ne prenne pas le parti des ſodomiſtes ; elle l’a défiée même de leur jetter la pierre, par la raiſon, dit-elle, qu’il n’y en a pas une parmi elles, qui ne ſe ſoit laiſſée enculer. La demoiſelle Raucour en juge ſans doute d’après elle ; & on croit aiſément qu’une femme qui eſt actuellement tribade, a été précédemment gouine, & gouine dans toute l’étendue du terme[1] : mais peut-elle, ſans impudence, meſurer les autres à ſon aulne ? Elle en offre pour preuve le mince intervalle qui ſépare les deux ouvertures ; ſi c’eſt là une raiſon péremptoire, il faut en conclure que les trois quarts des femmes ont été bardaches ; car dans la plupart, non-ſeulement l’intervalle eſt mince, mais même le con & le cul ſe communiquent, & ſont tellement confondus, qu’ils n’offrent plus qu’un vaſte gouffre. Et puis, parce qu’un roi eſt mort de la vérole, il ne s’enſuit pas que ceux qui l’ont gagnée depuis, en doivent tirer vanité, ou en ſoient plus excuſables.

Enſuite des raiſons bonnes ou mauvaiſes de la demoiſelle Raucour, les anandrines craignant pour leur ſecte, nous ont déclaré intervenir contre nous dans l’affaire des bougres & des bardaches pour prévenir les belles démarches que nous nous diſpoſons à faire contre elles. Eh bien, nous nous en foutons, & nous leur annonçons que quelques ennemis de plus ne font que redoubler notre courage : elles ſe propoſent propoſent de nous pourſuivre devant tous les tribunaux de fouterie juſqu’à entier déſiſtement de notre part ; ſi elles ne déchargent pas juſqu’àlors, le foutre leur ſortira par les yeux ; ni leurs richeſſes, ni leurs menaces ne ſauroient nous foutre la peur dans le ventre, tant qu’il nous reſtera du poil au cul, tant que les hommes banderont, tant que nos mains ſauront branler les pines, nous ſerons inacceſſibles à la crainte. Il n’y a que la miſere & bicêtre qui puiſſent nous effrayer. Ainſi qu’elles s’attendent à la réſiſtance la plus opiniâtre ; nous ſommes femmes, nous ſommes putains, & par conſequent entêtées. Nous n’avons rien, ou preſque rien à perdre, ; mais duſſions nous vendre juſqu’au dernier poil du cul, duſſions-nous faire des barbes à douze ſols, nous les forcerons à redevenir putains, quand elles devroient en crever de dépit. Signées, la vicomteſſe de Con-Fendu, & Genevieve Succe Couille, Secrétaire, à l’original.

Collationné ſur ſon original
pour ſervir en jugement,
ſignée, Succe-Couille,
Secrétaire.
  1. Le mot gouine signifiait anciennement prostituée, cf. Le Robert Dictionnaire historique de la langue française éd. 1992, t. 1. (Note de Wikisource)