La Nuit de Noël/Après une lecture de Pascal (Alfred Busquet)
APRÈS UNE LECTURE DE PASCAL
De nos tristes métamorphoses
Qui sait l’origine et la fin ?
Dieu seul est grand ; Dieu sait les causes ;
Mais nous… Bien sot est le plus fin !
Quelle est la vie ?… un grand peut-être !…
Un prétexte aux illusions,
La trame d’un mensonge, où naître
Et mourir sont des visions !
La nuit prête son voile sombre
À la tombe ainsi qu’au berceau ;
Nous mourons, nous naissons dans l’ombre,
Déjà marqués du même sceau.
Vie et mort sont sujets à doutes ;
De quoi sont composés nos sens ?
Qui sait si les célestes voûtes
Ont des abris compatissants ?
Qui sait encor — doute suprême —
Si les vivants ne sont pas morts,
Et si les chers morts que l’on aime
Ne vivent pas loin de leurs corps ?
Si nous ne menons pas un rêve
En dehors de la vérité,
Comme en un sommeil qu’on achève,
On croit à la réalité ?
C’est ainsi que, — double mensonge ! —
Notre esprit a deux visions ;
Il entasse songe sur songe
Et fictions sur fictions.