La Nuit de la Toussaint
LA NUIT DE LA TOUSSAINT
— Ma porte, Julien, quel dommage !
S’ouvrit d’elle-même à tes pas :
C’est aux Saints qu’il faut rendre hommage ;
Julien, les Amours n’en sont pas.
À ma patronne, à la vierge Marie
N’insultons pas quand le pénitent crie…
(Une voix dans la rue)
Réveillez-vous, gens qui dormez ;
Priez Dieu pour les trépassés.
— Au doux signal qu’Amour te donne
Toujours cédant, toujours tu crains ;
Tu craignais hier ta Madone,
Tu crains aujourd’hui tous les Saints.
Plus de frayeur ! et qu’importe, Marie,
À nos amours le pénitent qui crie…
(Une voix dans la rue)
Réveillez-vous, gens qui dormez ;
Priez Dieu pour les trépassés.
Tremblante dès qu’un rayon terne
Blanchit tes vitres un instant,
Tu prends pour l’aube la lanterne
Qui dans aux mains du pénitent.
Aimons encor ; nous le pouvons, Marie ;
Le jour est loin quand le pénitent crie…
(Une voix, etc.)
Tu crains ton vieil époux, Marie,
Quand le vent souffle au corridor ;
De nos amours, je le parie,
Ce vent est complice, et l’endort.
Aimons toujours ; sans l’éveiller, Marie,
La cloche tinte, et le pénitent crie…
(Une voix, etc.)
L’amant part enfin, mais il tombe
Sous un poignard jaloux, hélas !
Et sans rêver poignard ni tombe
L’amante a fermé ses yeux las.
Réveille-toi : sous ton balcon, Marie,
Heurtant un mort, le vieux pénitent crie :
Réveillez-vous, gens qui dormez ;
Priez Dieu pour les trépassés !