La Route du Simplon/Notes C

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J.G. Neukirch (p. 46-48).
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C.


De la Suisse dans l’intérêt de l’Europe. Paris 1821 chez Anselin et Pochard.




L’auteur combat l’opinion du général Sébastiani, énoncée dans la séance de la chambre des Députés du 17 Juin 1820, sur la nécessité où se trouveroit la France de violer la neutralité Suisse dans le cas d’une nouvelle guerre avec l’Allemagne, afin de se rendre maîtresse des versans du Rhin et du Danube, et de couvrir ses frontières en menaçant celles de l’ennemi. Il s’attache à prouver par les évènemens même de la campagne de 1799, que le plan d’offensive du directoire, basé sur le projet de séparer les armées ennemies en Allemagne et en Italie moyennant l’occupation des Grisons et du Tyrol, était dangereux et mal conçu dans le sens stratégique et militaire, vu que les armées autrichiennes se trouvèrent toujours à même de devancer les armées françaises dans les positions principales. C’est ainsi que la défense du seul point de Feldkirch par le général Hotze avait rendu illusoires tous les succès obtenus par les français dans les Grisons. Cette considération a gagné en importance depuis que l’Autriche a fait l’acquisition de la Valteline, de Chiavenne et de Bormio.

L’auteur conseille à la France de renoncer à de nouvelles tentatives de conquête sur cette Italie gagnée et reperdue tant de fois, vu les difficultés d’occuper le Piémont et celles plus grandes encore de conserver ce pays, depuis la réunion de Gênes aux états de Sardaigne.

« Cette réunion, dit-il, a changé la situation militaire et politique du Piémont. Gênes peut être considéré comme un camp retranché, inexpugnable, d’une armée que la mer nourrirait, et suffirait par conséquent pour empêcher tout établissement solide des français dans le bassin du Piémont et de la Haute-Italie. Le roi de Sardaigne, à cheval sur les Alpes et resserré entre deux puissances colossales, a toujours dû pencher vers celle dont il avait à redouter le plus de mal. Ses intérêts ont toujours été ce que les a faits la géographie de son pays. Aujourd’hui il y a un fait nouveau qui change sa position. Vulnérable par Gênes qu’on ne peut point fermer aux Anglais, le Piémont pèsera beaucoup plus dans la balance contre les intérêts français qu’il n’a pu le faire jusqu’ici, et cette circonstance met fin aux incertitudes du cabinet de Turin en cas de guerre entre la France et l’Autriche. »

« Si toutefois, continue l’auteur, la manie des conquêtes se réveillait, les routes militaires du Mont-Cenis et du Simplon favoriseraient singulièrement le succès d’un général habile et fort de la confiance et de la supériorité de ses troupes. Deux armées formidables pourraient tomber à la fois au midi des Alpes sur les deux capitales du bassin du Pô ; et c’est ce dont Napoléon, dans ses gigantesques conceptions, avait voulu se réserver la possibilité. »

« Cette route du Simplon flattait singulièrement ses projets de domination. Elle perce le centre de cette contrée qu’il était accoutumé à regarder comme le domaine de la France. L’armée qui débouche sur le Lac-Majeur, prend de revers les corps stationnés en défensive vers les défilés des hautes Alpes, des basses Alpes et des Alpes maritimes. Elle coupe le Milanais du Piémont. Elle a le choix d’agir sur l’une ou l’autre rive de Tesin. Trois marches la conduisent à Milan ou à Turin ou sur les bords du Pô vis-à-vis d’Alexandrie et de Tortone, dans ces lieux où de si grands intérêts ont été disputés ! Il y a de quoi enflammer les généraux élevés à l’école de Bonaparte. Cependant les hommes d’état, habitués à consulter l’histoire et la raison, seront toujours d’accord à démontrer l’absurde folie des expéditions ultramontaines. Observons d’ailleurs que, si cette route admet une nombreuse armée, c’est pour y passer rapidement, et en supposant que la marche n’éprouve aucun obstacle ; or rien n’est si facile que de retarder une armée dans cette longue gaine étroite du Valais où elle mourrait de faim. »

Ce dernier raisonnement qui me paraît très juste, ne s’accorde toutefois pas avec l’opinion de l’auteur sur les dangers que présente la conservation de la route du Simplon pour l’indépendance de la Suisse. Après qu’il a été démontré que le succès d’une invasion ne saurait être basé sur les facilités que pourrait offrir cette route, je ne puis me persuader qu’elle puisse jamais devenir un sujet d’alarmes pour les amis de la paix.