La Route fraternelle/47

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La Route fraternelleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 197-198).

AMOUR ET SOUFFRANCE

À Gabriel Audiat.



Tu souffres : bénis ta détresse.
La douleur en bonté mûrit ;
C’est pour le cœur une richesse,
Une lumière pour l’esprit.

Bénis cette sombre tourmente
Dont tes agrès sont ravagés ;
Ta voile en sera plus clémente
Au sort des autres naufragés.

Et ta nacelle aux flots en proie,
Comprendra mieux le cri d’appel
Que la vague à la rive envoie,
Que la rive renvoie au ciel.

Fraternité de secourance,
C’est toi qui rends les maux moins lourds,
Qui fais des lèvres l’attirance,
Et des yeux tendres le velours !


Poète, ou disparais du globe
Ou sache encore aimer, souffrir ;
Quand rien ne bat plus sous sa robe,
Le vates n’a plus qu’à mourir.

En toute saison de la vie,
Aux saintes amours livre-toi,
Car la nature t’y convie,
Et Dieu même t’en fait la loi.

Si le vrai Dieu s’appelle Idée,
Surtout, surtout il est Amour ;
Et sa silhouette, accoudée
Au balcon de l’astral séjour,

Sourit aux hommes, paternelle ;
Et les hommes voient clairement
Leur ciel futur en sa prunelle,
Surtout, surtout un ciel aimant.