La Seconde après-disnée du Caquet de l’Accouchée

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La Seconde après-disnée du Caquet de l’Accouchée



LA SECONDE APRÈS-DISNÉE
DU CAQUET DE L’ACCOUCHÉE1.

Comme ordinairement, aux maladies froides et humides, la melancholie y tient le premier rang, et que le seul remède de dissiper tous ses nuages, c’est de prendre une heure de passe-temps pour se rasserener les esprits debilitez et attenuez par la longueur de l’indisposition, ayant veu ces jours passez que j’avois repris une partie de mon embonpoint à entendre les devis recreatifs des femmes qui estoyent venuës visiter ma cousine, accouchée depuis peu à la ruë de Quinquempoix, je me resolus, puis que l’occasion m’avoit esté si favorable, et que tout avoit tellement reüssy à mon advantage, d’y retourner pour la seconde fois, esperant, si le caquet de la première après-disnée m’avoit apporté quelque vigueur et quelque accroissement de santé, que les gaillards entretiens de la seconde journée ne m’apporteroyent pas moins de force et de soulagement à dissiper le reste de l’humeur melancholique que la maladie me pouvoit avoir laisse imprimé en la puissance imaginative.

Cette resolution, excitée plustost d’une consideration interne de reprendre mes premières forces, que d’une curiosité particulière que j’aye d’entendre leurs discours (sçachant trop bien, selon ce que j’avois peu voir auparavant, que les entreprises des femmes ne sont fondez le plus souvent que sur des choses inutiles et de peu de consequence), esveilla en moy un desir d’en voir la fin aussi bien que le commencement. Je m’y rencontray donc à l’heure precise, où je trouvay madame l’accouchée qui commençoit un peu à se bien porter. Je m’enquestay de sa maladie, et elle reciproquement de ma disposition ; je luy dis qu’à la verité depuis l’autre jour qu’elle m’avoit fait ce bon heur que de m’insinuer dans la ruelle de son lict, et que j’avois entendu les discours des femmes qui l’estoyent venu voir, que ma maladie s’estoit de beaucoup diminuée. — Vramy, mon cousin, respondit-elle, vous en orrez bien tantost d’autres : car on m’a adverti que je recevray ceste après-disnée la plus jovialle compagnie qui se puisse imaginer ; mais, afin que vous y preniez du contentement et que vous ne soyez descouvert, derrière le chevet de mon lict il y a une petite estude, où l’on peut entrer par une petite porte : de là vous entendrez facilement et sans aucune doute.

Je fus quelque temps, depuis une heure jusqu’à deux, à discourir avec elle sur diverses particularitez qui se presentoyent ; enfin, sur les deux heures on commença de frapper à la porte : cela me fit resserrer subtilement dans l’estude prochaine, qui respondoit sur le chevet du lict, d’où je pouvois facilement et contempler les actions des femmes et entendre leurs discours. La chambre bien parée, et les siéges dressez, la compagnie entre, chacun prend sa place, on se saluë, et demeurèrent quelque temps sans rien dire, comme par ceremonie et par respect l’une de l’autre ; toutesfois, comme les langues des femmes ne peuvent demeurer arrestées, n’y ayant rien de plus mobile qu’elles, une damoyselle d’auprez de la porte Sainct-Victor s’avança de dire : Vramy, Mesdames, vous estes bien ceremonieuses ; s’il vous arrivoit ce qui m’arriva l’autre jour, sur les onze heures du soir, devant les Carmes deschaussez, vous ne parleriez jamais de ceremonies : j’y fus entièrement bruslée ; c’est la raison pourquoy je n’ai pas deffait mon masque en entrant2, car je ne suis pas encor guarie tout à fait.

— Comment, ma cousine, respondit une jeune mariée, estiez-vous à ce feu ? Je ne vis jamais un tel desordre ny tant de degasts ; un de mes frères y a eu aussi toute la face emportée, et n’y a encor aucune apparence de guarison.

— Mais à quoy bon toutes ces superfluitez ? dit alors une vieille edentée ? De mon jeune temps je n’oüis jamais parler de canoniser les saincts de la façon3 ; c’est plutost les canonner que les canoniser4.

— Tout beau, tout beau, ma tante, dit une marchande de la rue Sainct-Denis : on en a bien fait davantage à Rome. Ce sont des resjouyssances publicques, il n’y a point de danger de faire quelques fois ces superfluitez, quand on y est porté d’une pure et sincère affection. Et puis, ce que les Carmes deschaussez en ont fait, ce n’a esté que par le commandement de la reyne, qui a fourni ceste despence, à cause que saincte Therèse estoit d’Espagne5. — Il n’importe, on y a plus offencé Dieu mille fois que lui faire honneur, dit une bourgeoise d’auprès Saint-Leu. Je vous promets, pour moy, que je n’approuve aucunement ces choses. Combien pensez-vous qu’il y ait eu de filles enlevées ? Tous les bleds des environs sont renversez et bruslez ; il ont trouvé le mois d’août plustost que celuy de juillet. — Pour moy, dit la femme d’un advocat du grand conseil, j’eusse esté d’avis de mettre toutes ces superfluitez à la decoration de leur eglise ; à tout le moins cela leur fust demeuré, et les eust-on estimé d’avantage, sans faire evaporer tant de richesses en fumée ; cela eust allumé le feu de devotion dans le cœur de ceux qui les eussent visité, où, au contraire, tout l’air voisin et les champs des environs ont esté embrasez de leur fuzées ; j’ay encore un colet monté à cinq estages6 qui est entièrement gasté. Encor si on eust allumé le feu à huict heures, on n’y eust perdu tant de manteaux : tous les escoliers y estoyent en armes.

— Mais ce qui est plus à rire, ma commère (dit la femme d’un procureur de la paroisse Sainct-Germain), c’est qu’en allant à l’eglise des Carmes deschaussez, j’entendis crier la Vie et miracles de madame saincte Therèse. J’en voulus acheter une, afin de pouvoir gaigner les indulgences ; mais comme je fus retournée au logis, mon mary commença à lire, et fust estonné qu’on avoit attribué deux pères à saincte Therèse7 : le premier, le roy dom Bermude, et le second, Alonse Sanchez de Cepède ; il n’y a peut-estre personne d’entre nous autres qui y eut pris garde.

— C’est peut-estre la faute de l’imprimeur, dit la femme d’un libraire de la ruë Saint-Jacques ; cela est excusable : c’est une chose qui arrive souvent ; on rapporta l’autre jour un livre à mon mary, où il y avoit autant de fautes que de mots. — Une femme du palais, que tout le monde cognoist assez bien, luy respondit : Ma commère, il ne se faut pas esmerveiller : l’autre jour nous avions fait faire un factum chez un certain imprimeur, demeurant en l’université, qui est bon compagnon ; mais je ne vis jamais tant de fautes : en tous les lieux où il falloit un V, il y avoit mis un Y grec8 ; je ne sçais pas si c’est pour declarer à tout le monde que mon mary porte les cornes.

— Porter les cornes, dit la femme d’un conseiller de la Cour ! il y a plus de dix ans que mon mari en porte quelques unes, qui l’accompagneront en fin jusques au tombeau ; aussi bien a-il desjà un pied dans la fosse ; rien ne luy servira d’avoir une barbe reverende et une calotte à l’antique.

— Tout beau, ma cousine, dist la femme d’un Maistre des Comptes : il ne faut jamais scandaliser son mary, principalement en une bonne compagnie. Il faut empescher tant qu’on peut les langues de mal parler, et particulièrement d’un bon vieillard comme vostre mary ; cela est mal seant : le bon homme n’y songe pas peut-estre ; encor faut-il porter quelque respect à sa barbe.

— Mais à propos de barbe, dit une de la rue Sainct-Honoré, je vois quelquefois passer un prelat, je ne sçay s’il est evesque ou archevesque9, mais je ne vis jamais une telle barbe ; on dit qu’il est tous les jours pour le moins deux heures à la peigner et attifer ; il n’y a point de ferremens assez à Paris pour la friser ; il en fait venir de Normandie. — N’en sçavez-vous que cela ? dit une dame de la Cour. Je cognois de nom et de surnom celuy dont vous parlez. Mais il fait bien d’avantage : il a esté si curieux qu’il s’est fait peindre en cinq ou six endroicts de ceste ville, et a envoyé des coppies de son pourtraict à Rome, pour ravir les cardinaux de la beauté de sa barbe. Mon fils m’a dit l’avoir veu en plus de six endroicts depeint dans Rome. — C’est de quoy le reprenoit dernièrement un abbé vestu de rouge (dit la vefve d’un Maistre des Requestes) ; mais il ne s’en soucie pas beaucoup, car, avec le temps, il espère que sa barbe parlera grec, comme celuy qui la porte. — Ho ! ho ! grec ! dit une bossüe qui avoit leu la Bible, ce seroit pire que l’asne de Balaam, qui parloit hebreu. — Nous avez leu la Bible, luy dit une boiteuse qui estoit assise contre le pied du lict. — À la verité, Madame, j’en ai leu quelque chose ; quelques fois j’y passe une heure de temps. — Mais est-ce à faire aux femmes à lire et manier un livre si hazardeux, qui tuë et occist ceux qui le veulent expliquer et manier trop indiscrettement ? Voilà d’où viennent tant de ministres et tant d’errans que nous voyons aujourd’huy, qui tourne-boulent, couppent, rongnent et disposent de l’Escriture selon leur plaisir. Si est-ce qu’ils ont beau feuilleter, on ne trouvera jamais dans la Bible qu’il faille se rebeller contre son roy, et se partialiser contre l’authorité de son souverain. — La bossüe alloit respondre, mais l’Accouchée, levant un peu sa teste, ce pendant qu’on relevoit son oreiller : Mais, dit-elle, Mesdames, vous ne dictes rien de l’armée ; n’y a-il rien de nouveau ? Il y a long-temps que je n’en ay entendu aucun bruit.

La femme d’un courrier extraordinaire, de la ruë aux Ours, prenant la parole : Je receus, dit-elle, des lettres hyer au soir de la Cour, par où on me mandoit que tout succedoit entièrement selon la volonté du roy : les rebelles ne furent jamais si mal menez. Montauban est aux abbois10, la Rochelle enclose et fermée par mer et par terre11. Il ne reste plus qu’à bien servir sa Majesté, comme font quelques uns ; mais il y en a d’autres qui veulent faire leur main, aussi bien que le connestable deffunct, qui en un jour mettoit dix ou douze mille hommes dans sa pochette : il y a de la tromperie partout12.

— Tromperie ! dit une sculptrice de la ruë Sainct-Martin. Mercy de ma vie ! je vois là tous les jours devant ma porte mille sortes d’inventions pour attraper l’argent du roy. Il ne suffit pas aux tresoriers de gaigner cent mille escus en un an, ils veulent faire leurs commis et partisans aussi riches qu’eux : s’il faut mener une voye d’argent à Sa Majesté13, on prendra quatre cens hommes à qui l’on baillera tous les jours un escu ou deux pour gages, de sorte que devant que l’argent soit à l’armée, on trouvera, si on veut bien conter, qu’il couste quinze ou seize mil escus à le mener. Et cela se fait tous les mois. Encor si ceux qui conduisent les chariots se contentoient de cela ; mais par où ils passent, ils ruynent et gastent tout (je ne dis pas qu’il ne faille accompagner l’argent qu’on envoye à Sa Majesté par un bon nombre de soldats ; mais il y a moyen de les treuver à meilleur marché).

— J’entendois l’autre jour chez M. le prince qu’il s’en plaignoit grandement (dit une fille de chambre). — Aussi y a-il de l’interest, respondit sa sœur : car il est un peu avaricieux ; il a bien pris son temps : voicy une belle occasion, où il se garnira comme il faut. Quant je pense à ses liberalitez, je ne peux me tenir de rire. Il me souvient que j’estois un jour à la messe aux Enfans-Rouges, où de fortune il arriva. Comme il entendoit chanter un Salve, il demanda à celuy qui chantoit combien il prenoit. — Dix-huict deniers, Monsieur, luy respondit-il, car il ne le cognoissoit pas, tant son train est grand. — Tiens, dit-il, chantes-en un pour moy, je te donne trois sols. N’estoit-ce pas se mettre en frais ?

— C’est à faire à M. de Soubize (dit une autre qui estoit freschement revenuë de Poictou) de se mettre en frais ; il y entre jusques aux reins, et sans son cheval, qui estoit fort et massif, il y eust entré pour jamais ; aussi l’a-on placé et enroollé dans la Chronologie et le martyrologe des rebelles14, qui est grossi depuis un an de trois volumes entiers.

Une certaine de Languedoc : On n’a garde d’y mettre M. de Rohan (dit-elle), ny de l’enchroniquer si avant dans les Annales : car il ne s’est jamais trouve aux meslées ; il sçait mieux escrimer de l’espée à deux jambes que d’une picque. Ne l’a-il pas fait paroistre à Saint-Jean-d’Angely15 et en tant d’autres lieux, où sa poltronnerie l’a signalé par dessus tous ceux de son party ? Pour M. de la Force, il a joüé un tour de son mestier : car quand il a veu qu’il estoit forcé, et que toute sa force avoit perdu sa pointe devant Thonins, Clerac et autres places, il s’est rendu quasi comme en reculant, et a attrappé de bon argent16.

— Il ne le tient pas encore (dit une grande dame qui a esté mariée depuis peu à un homme de soixante ans) ; je sçay de bonne part qu’il n’a encore rien touché, sinon la promesse que M. de Chomberg17 luy a faicte ; mais il faut qu’il face voir les effects de la sienne auparavant.

— Pour mon regard (dit alors une marchande du Palais), c’est une estrange chose que nous ne faisons plus rien : il n’y a plus de curiosité à Paris ; depuis que le roy est party18, nous n’avons fait aucun trafic ; la boutique, qui souloit estre remplie, est vague ; les courtisans et la noblesse s’en sont allez avec le roy, de sorte que nous perdons infiniment ; et encor, qui pis est, les loüages des boutiques nous ruynent.

— Comment, loüage ! respondit une gantière de dessus le pont Nostre-Dame. Vramy, vous devez bien vous plaindre ! Je ne sçay comme on n’y met ordre : il n’y a pas un petit trou sur le pont, depuis le bruslement19 et l’incendie du feu qui arriva en octobre dernier, qui ne soit rehaussé de la moitié ; nous ne gaignons pas le loüage de nos chambres ; encor, depuis que la mode est venuë de porter des gans à l’Occasion et à la Negligence20, toute la marchandise que nous avions à la Guimbarde21 a perdu sa vente et n’est plus en credit. Mais patience ! puisque c’est la mode, il faut vivre à l’Occasion.

Sur ce mot de mode et d’occasion, une jeune brunette qui vend de l’encre nouvelle22 sur le pont : Hélas ! dit-elle, ma mie, c’est bien à nous à nous plaindre des destins si cruels, et à vivre à l’occasion ! La fortune nous a bien tourné le dos ; depuis que le roy est party, nous n’avons pas gaigné un teston en nostre boutique. Si ce n’estoit le petit trafic que nous faisons au logis, je ne sçay comment il nous seroit possible de vivre. Ce n’est pas faute de marchands, nostre boutique est tousjours assez garnie : vous y en trouverez tousjours trois ou quatre ; mais leur bourse est si sterile qu’il n’y a point moyen de tirer ny d’arracher une pistolle d’eux.

Sa sœur alloit advancer quelque propos ; mais sa mère, interrompant son discours, bien que d’un front ridé, dit ces paroles : Mes enfans, il faut prendre patience ; nous sommes en un temps miserable, où le vice a tellement pris pied dans la nature que la vertu s’en est bannie et exilée d’elle-mesme ; on ne parle que de coupeurs de bourses, que de Grisons23 et Rougets24 ; et mesme c’est une chose estrange que les archers, qui devroient empescher le desordre, au lieu d’y prendre garde, s’endorment et s’assoupissent sur la venaison.

— Et moy, dit une jeune marchande d’auprès le Chastelet qui dès le lendemain de ses nopces à emmoysé25 et acteonisé son mary, le plaçant dans le zodiaque au signe du Capricorne, arrive ce qu’il pourra, je ne peux plus manquer ; il ne m’en chaut que nous ayons guerre ou paix, je suis asseurée sur un bon et ferme pillotis ; mes enfans ont des benefices dès l’instant de leur conception, et mesme devant que l’embrion soit formé.

— Je ne m’estonne plus pourquoy les femmes ont tant de mal à se descharger de leur fruict, dit la mère de l’accouchée, veu que leurs enfans sortent avec la crosse et la mittre en teste.

— Mes enfans, repliqua la marchande, n’ont ni crosse ni mittre, mais j’espère que celuy en qui j’ay fondé ma confiance en aura bien-tost ; à tout le moins on m’a dit que l’evesché26 est en grand bransle, et qu’il sent bien la resinée. Si cela est, je vous laisse à penser du succez de mes affaires, et comme je m’accommoderay, pourveu qu’il me face tousjours participante de ses affections et de sa faveur. — Mais vous n’en dictes mot, de la faveur, dit une fille de chambre qui aymoit à parler des affaires d’estat.

— Ne parlez point de choses qui nous sont indifferentes, repliqua sa maistresse : les murailles ont des oreilles ; on ne sçait quelque fois devant qui on parle.

— Il est vray, Madame, dit la femme d’un advocat du Chastelet : on me disoit l’autre jour qu’une honneste compagnie estant venuë voir madame l’accouchée, qu’il y avoit derrière son lict un certain quidam qui tenoit registre de tout ce que la compagnie disoit ; ce qui ne tourne qu’à nostre desavantage, car chacun nous appelle caqueteuse. Si d’avanture il y estoit maintenant, il nous luy faudroit bailler son change.

Et moy qui entendois toutes ces plaintes, je me resjouyssois de n’avoir pris ma première place, car sans doute on m’eust faict un affront.

— Nostre Dame ! dit alors une damoiselle de marque, parlant à l’accouchée, y auroit-il bien quelqu’un de si hardy que de nous jouër ce tour-là ?

— Je vous promets, madamoiselle, que je n’en ay ouy parler aucunement.

Une vieille ridée alors se leva : Je vous jure saincte Brigide (dit-elle) que j’en sçauray la verité. Et de ce pas elle alla en la ruelle du lict, où elle trouva le nid ; mais l’oyseau s’estoit envolé. Et moy, qui m’esclattois de rire, je ne peus jamais mettre en ligne de compte tout ce que deux ou trois bourgeoises se disoyent secrettement à l’oreille. Là, là, Madame, en bonne compagnie il ne faut rien celer : est-ce de la faveur que vous parlez ?

— Comment parlerions-nous de la faveur ? il n’en a plus.

— Il y a deux ans que le feu connestable faisoit bien ses affaires devant Sainct-Jean-d’Angely, dit l’autre27 : il avoit la solde pour 40,000 hommes, et n’en entretenoit pas vingt-cinq mille. C’est la cause qu’on n’a pas pris Montauban l’an passé, ma commère : il n’avoit pas seulement dix mille hommes là devant. N’est-ce pas une volerie ? Mais il a trouvé le terme de ses pilleries dans Monheur28.

— Je voudrois que vous eussiez veu la prediction du curé de Mil-Monts29 sur ce sujet, dit la femme d’un astrologue de l’Université ; vous l’eussiez admiré. Il y a bien dix mois qu’il l’apporta en nostre logis30 ; elle estoit ainsi :

Quand L. sera changé en R.
Et Loys changé en vray roy,
Lors nous verrons ce vice-roy,
Ce connestable de Luyne,
Qui s’esvanoüira en LaiR,
Et sera changé en Ruyne31.

Jamais il ne fit prediction32 plus certaine ; mais de ses deux frères on n’en parle plus. Que font-ils ?

Lors la femme d’un certain secretaire porte-calotte dit : Madame, depuis que la teste est à bas, tout le reste ne vaut plus rien. Je l’ay bien remarqué en nous depuis la mort de feu Mgr. le connestable : nous y perdons plus de cent mil escus ; ses deux frères33 n’y perdent pas moins. Il y en eut un l’autre jour qui pensa mourir à Saumur de despit : il voulut jouër en trois rafles avec un certain de la cour ; mais de malheur il ne sceut amener qu’une rafle de quatre, et l’autre luy donna une rafle de cinq. Aussi il ne faut jamais s’adresser à des mareschaux : ils sont du naturel des chevaux, ils ruent.

— Mamie, dit une dame de la cour, la decadence de l’un, c’est l’eslèvement de l’autre : le marquis d’Ancre est tombé, Luyne a pris sa place ; Luyne est tombé. Pour trois pelerins qui alloyent en Esmaü, on vit aussitost naistre quatre evangelistes dans le conseil. Maintenant on ne faict plus rien que par l’advis de M. le prince de Condé, c’est le ressort de la guerre34 ; mais le roi commence à s’ingerer dans les affaires plus avant qu’il n’avoit encore faict ; luy-mesme il veut assister à tout ce qui se delibère. Cela sera cause que plusieurs n’oseront desrober si hardiment que l’an passé.

Une femme de Tresorier d’auprès l’hostel de Guise, voulant mettre son nez en cette cause : Arrive, dit-elle, ce qui pourra, Monsieur de Joinville ne s’en soucie pas ; il est maintenant remplumé35, il a l’oyseau et les plumes. Qu’il le faict beau voir avec les diamans du connestable ! Comme il se rit du soing et du travail que ce pauvre deffunct a eu d’acquérir tant de richesses ! On luy demandoit l’autre jour quelque debte qui estoit sur le registre dès long temps : Ouy da, dit-il, il est raison que je vous paye : ma femme, outre son bien, m’a donné cent mille escus pour payer mes debtes.

— Que voulez-vous, ma commère ! dit une rousse du mesme cartier, ainsi va la fortune : l’un monte, l’autre descend. Pour moy, je ne l’ay jamais esprouvé favorable à mes désirs : j’ay dix enfans en nostre logis, dont le plus grand n’a que xij. ans ; il me met hors du sens ; j’avois fait venir un pedan de l’université pour le tenir en bride, mais il y a perdu son latin. Ils seront en fin contraints d’aller demander l’aumosne, si le temps dure.

— Il y a tant de pauvres maintenant, dit une bourgeoise de qualité, que nous en sommes mangez. Je ne sçay comment on ne fait pas un reiglement sur le desordre ; mais ceux qui ont charge des bureaux sont bien aises de pescher en eau trouble.

— Il y a un moyen très facille d’y remedier, dit la veufve d’un eschevin. Du temps que mon mary estoit en charge, il y voulut apporter un expedient ; mais les gros bonnets n’y voulurent jamais songer. Premierement, ou les pauvres sont impuissans, ou habiles à faire quelque chose : si impuissans de bras, il les faut employer aux reparations de la ville, ils ont bon dos ; si impuissant des jambes, il les faut mettre en un lieu à part, et leur apprendre à travailler des mains36. S’ils peuvent faire quelque chose, à quoy est bon de voir tant de gueux par les ruës ? Mercy de ma vie ! j’en parle comme sçavante, car dernierement ils en pensèrent voller en mon logis. Il seroit besoin d’y remedier pour les viellards. À quoy sert de nous taxer et cottiser pour les pauvres enfermez, si on ne les y renclost ? — Chacun approuvoit assez son dire, quand une tavernière de l’Université se leva : Ce n’est pas tant aux gueux qu’il faut prendre garde, dit-elle, qu’à une infinité de vagabonds et de courreurs de nuict, qui pillent, vollent, destroussent mesmes tous nos marchands ordinaires, et, qui pis est, ils empruntent le nom des escoliers, et font semblant d’estre de leur caballe ; mon mary y pensa perdre la vie l’autre jour, près des Cordeliers37.

— Mais on ne parle plus des Cordeliers38, dict une vieille de la paroisse de Sainct-André ; on ne sçait plus quel party ils tiennent, on n’y recognoist plus rien. Il y en a encor quelques uns qui portent des souliers fendus ; mais je crois que c’est plustost pour la chaleur que pour l’austerité ou le bon desir qu’ils ayent de reprendre la reforme, car ils ont desjà la plus part quitté le manteau.

— Tout beau, Madame, dit une devote qui estoit en un coin ! il ne faut jamais mal juger de son prochain : il y a encor de fort bons religieux là dedans. Ne sçavez-vous pas qu’on voit toujours quelque grain de zisanie parmy le froment ? Il est impossible autrement, car on ne recognoistroit par les bons d’avec les meschans, ny le vice de la vertu.

— Je ne plains en cela que le pauvre père general, dit la femme d’un advocat de la cour, de n’avoir peu faire entheriner ses lettres au parlement ; mon mary y a travaillé en ce qu’il a peu, et toutesfois il n’a rien effectué. N’est-ce point une chose estrange que ce bon père, qui est l’humilité mesme et le miroir où tous les religieux de son ordre devroient mouler leurs actions, aye tant pris de peine et travaux de venir en France pour trouver ses enfans rebelles ? Je ne sçay, pour moy, où le monde d’aujourd’hui a l’esprit.

Une de la ruë Sainct-Anthoine, qui n’avoit point encor parlé, oyant discourir d’esprit : Par sainct Jean, Madame, je vous vay conter le plus plaisant conte que jamais vous ayez entendu d’un esprit39 (mais il estoit domestique et familier). Un bon compagnon, depuis quinze jours en ça, s’est mis en cervelle de faire l’esprit, de sorte qu’il espouventoit tous les petits enfans de nuict. Ce pendant il disoit au maistre du logis que l’esprit s’estoit apparu à luy, et qu’il falloit faire un service à un costé et un pèlerinage à l’autre : on lui fournissoit l’argent, dont il s’accommodoit fort bien. En fin il pria un jour son maistre de le laisser coucher dedans son estude, et qu’infailliblement il feroit en sorte, par ses inventions, qu’on n’entendroit plus d’esprit, ce qu’il fit : car, estant dans l’estude, il print huict cens livres à son maistre, et depuis on n’a point ouy parler d’esprit.

— Il n’y a pas long temps que la mesme chose arriva en nos cartiers, dit une femme d’auprès Sainct-Jacques de la Boucherie ; mais l’esprit ne peut jouer si bien son personnage que celuy dont vous parlez, car il fut mené prisonnier au Chastelet.

— Saincte Barbe ! n’en sçavez-vous que cela ? dit une femme du faux-bourg Sainct-Germain ; vramy, on en dit bien d’autres en nos cartiers : on tient qu’il revient un esprit dans les Carmes deschaussez (je ne sçay si ce n’est point celuy qui s’est fait enterrer en son jardin). L’autre jour la reyne en voulut sçavoir des nouvelles certaines40 : elle y envoya un gentil-homme, qui sur ce suject fut prié de disner au refectoir ; mais il n’eust pas loisir de manger : car l’esprit, bien qu’invisible, luy deschira son collet et son pourpoint.

— N’est-ce point aussi la déesse Cerès41, qui est sur l’eglise des Carmelines, qui demande ses interests sur les bleds et les terres qui ont esté gastées dernièrement ? dit une du faux-bourg Sainct-Michel.

— Madame n’a pas trop mauvaise raison, dit une autre jeune fille qui avoit les pasles couleurs : car, comme on a desjà dit, il y eut un grand degast, et encor toute ceste estenduë appartient à de pauvres particuliers, qui d’autre part estoient assez en disette sans souffrir ceste perte. Vous sçavez qu’un escu à un pauvre qui en a besoin vaut autant que dix escus à un riche qui n’en a aucune indigence ; mais on tient que les Chartreux deffendront leur cause, car les terres des environs où fut fait ce degast leur appartiennent, c’est leur propre.

— Je vous responds, ma commère, dit la femme d’un clerc, quand ils se mettroyent en procez, je ne sçay si l’affaire leur succederoit selon leurs desirs, car tout est aujourd’huy corrompu, l’argent fait tout ; il y a tant de tours de souplesse entre ceux qui plaident, tant de destours, ambiguitez, labyrinthes et faux chemins, qu’il est bien difficile de parvenir au vray temple de la Justice. On ne fait maintenant trophée que de tromper son prochain ; tel aujourd’huy vous monstre beau visage, qui en son cœur vous voudroit avoir mangé42.

— Et vous, Madame, à ce coin, vous ne dites mot, dit une jeune femme de la ruë du Coq. Il semble, à vous voir, que vous ayez de la tristesse : est-ce point qu’on vous a mariée contre vostre volonté ? (Elle parloit à une jeune femme de la ruë Sainct-Marceau43, qu’on avoit mariée depuis peu, malgré l’inclination qu’elle avoit, à un certain44 partisan du père Denis.) Il a pourtant des commoditez, et il peut en bref vous rendre dame d’honneur ; plusieurs montent aujourd’huy de la cave à la première chambre. — Vous ne dictes jamais rien plus vray, Madame : il a des moyens, à la verité. Mais vous, qui estes toute fraiche, vous sçavez bien que ce n’est pas là la consequence ; les premiers feux sont tousjours plus cuisans, et les premières flammes plus poignantes que les dernières45.

— Comment, se dit une de ces anciennes voisines, vous avez donc aymé quelque autre, qui avoit preoccupé vostre cœur devant le mariage ? — Ouy, Madame ; mais la consideration des biens a aveuglé mes parens46 à me faire embrasser un party où je n’ay eu d’affections47.

— Là, là, Madame, dit une autre, vous estes dans les biens jusques aux yeux ; cela vous doit porter à passer vostre printemps parmi les delices du monde. — Si nous avons du bien, replicqua-elle, nous ne l’avons pas acquis, encor nous faut-il soustenir de grands procez48 pour l’usurper ; mais à tout le moins il se faut resouldre : tout ce qu’est bon à prendre, comme on dit, sera bon à rendre.

— Encor vaut-il mieux faire restitution que de se laisser excommunier, dit une vieille qui avoit fait son temps.

— Mais que diriez-vous d’une rencontre où je me trouvay l’autre jour ? dit une sage-femme. Une certaine de nos voisines49, sur l’esperance qu’elle avoit d’une succession, accoucha de deux enfans ; mais c’est bien le pis qu’ils ne partageront aucunement au gasteau50. Je vous laisse à penser combien le père est fasché maintenant d’avoir si fort avancé sa besogne : il pensoit tromper les autres, il s’est trouvé trompé51.

— Voylà mon conte, dit la première. Pour le jourd’huy on ne tasche qu’à envahir le bien d’autrui. N’avez-vous point ouy parler des Pères de l’Oratoire52, qui ont fait mille tours et ambassades pour s’installer dans Sainct-Louys de Rome, disans que cela leur appartenoit53 ?

— J’en ay ouy quelque mot en passant, dit la femme d’un certain Italien de la ruë Sainct-Honoré ; mais on dit qu’ils vouloyent bannir et chasser tous les pauvres prestres françois qui se retirent en ce lieu, pour y prendre leurs places et en recevoir les usufruicts 54.

— Voylà comme ils font dans Sainct-Honoré : ils veulent supprimer toutes les chanoineries, dit une autre, et s’installer en leurs places, afin qu’au temps advenir ils ayent tout le revenu55 ; mais ils en pourront bien torcher leur bouche, aussi bien que des six mille escus de rente qu’ils pretendoient d’avoir à Rome en l’église Sainct-Louys.

— Mon mary me conta l’autre jour la plus belle plaisanterie du monde, dit la femme d’un conseiller du conseil privé. Quand on les va voir, ils font apporter une carte. — Messieurs, disent-ils, voicy nostre plan56 : voilà le grand autel, icy sera la porte, icy la sacristie ; voilà les chappelles. — Ouy ; mais, mon père, vous n’aurez guères de veuë de ce costé-là57. — Nous aurons bonne veuë, Monsieur : il ne nous faut point de lunettes pour voir les benefices. Voicy la chappelle de monsieur un tel, voilà la chappelle de son frère. — Mais qui sont toutes ces petites entrées que je vois dans vostre plan ? — Ce sont des oratoires, Monsieur : à chasque chappelle il y en aura deux. Cela coustera, à la verité, mais les bonnes gens nous ayderont : monsieur un tel nous baille cinq cens escus pour sa chappelle, l’autre autant, et son cousin autant ; pour les oratoires, on ne les vend que deux cens escus. — Et ainsi, ma commère, tout leur bastiment est payé devant que d’avoir faict les fondemens.

— Si est-ce pourtant que je les trouve bonnes personnes (dit une autre) : ils sont si doux, si affables ! Il semble à voir que la courtoisie soit peinte dans leur visage.

— Je n’en vois pas au contraire, respondit la conseillère ; ils sont très pieux et très devots : il est permis à tout le monde de songer à son profit. Je voudrois que leur eglise fut desjà bastie : il n’y a rien que j’affectionne tant que d’ouyr leur musique et leur chant melodieux58. Ce n’est que la forme de recreation ce que j’en dis ; je ne crois pas les offenser, ni personne qui soit en la compagnie.

Sur ce mot de compagnie, on commença à entendre un bourdonnement par la chambre : les unes disoyent qu’elle entendent parler des Pères de la societé, les autres en parloyent ambiguement et à l’oreille, de sorte qu’à peine pouvois-je entendre ce qu’elles disoient. Une entr’autres, relevant ceste assistance, comme assoupie dans ces discours, et extravaguée tantost deçà, tantost delà, reprit la parole pour madame l’accouchée : Mais vous ne dictes rien (dit-elle) de Madame : la voilà desormais guarie et en bon poinct.

— Elle n’en aura que le mal avec le temps, respondit la mère ; encore est-ce un plaisir quand on a de beaux enfans qui ne sont point contrefaits ni deffigurez ; cela apporte du contentement et au père et à la mère.

— La beauté externe du corps (dit une autre, femme d’un certain advocat qui fait le philosophe) est souvent un signe de la beauté de l’esprit : car l’ame, qui de soy est capable de tout sçavoir et de tout comprendre, faict des effects bien plus admirables quand elle se trouve en un corps bien organisé, et qui a ses parties mieux disposées à exercer ses fonctions.

— Holà ! Madame, ne passez pas plus outre, dit une vieille chapperonnière à l’antique : car nous n’entendons pas la moitié de vostre discours ; il n’y a personne en la compagnie qui entende et puisse comprendre des choses si hautes et relevées, sinon Madame qui est à ce bout, car elle a leu Calvin, Clement Marot, Beze et une infinité de grands philosophes.

— Mercy de ma vie (dit-elle), ouy, je les ay leus ! qu’en voulez-vous dire, vieille sans dents ?

La compagnie se retourna pour la voir, car la colère luy estoit montée au visage et luy avoit marqué le front d’un vermeillon empourpré.

— N’est-ce pas une estrange chose (dit-elle) qu’on en veut tant à nostre pauvre religion ? On nous appelle libertins, cruels, acariastres, imposteurs, semeurs de zisanies, la peste des Estats et l’origine de tous les mal’heurs qui ont inondé par toute la France, et toutesfois il n’y a rien de plus simple que nous : nous ne demandons que la paix ; nous ne cherchons que concorde et fraternelle amitié ; tout nostre but ne tend qu’à la reformation.

— Par le vray Dieu, c’est bien à faire à vous à nous reformer ! dit la vieille ; il y a douze cens ans que la France a quitté son erreur pour s’enrooller sous les drappeaux de la vraye Eglise, et aujourd’huy une femme voudra la reformer ! Il ne faut qu’un Calvin, qu’un Luther et deux autres moynes reniez et appostats pour faire refleurir l’ancienne majesté de l’Eglise !

Un petit chien, qu’une certaine damoiselle de la rue Sainct-Paul portoit pour passe-temps, entendant parler de Calvin, leva la teste, croyant qu’on l’appelast, car c’estoit son nom, ce qui fut assez remarqué de la compagnie ; mais sa maistresse le reserra sous sa cotte, de peur de faire deshonneur aux saincts.

L’autre ne discontinua pas pourtant son discours : Et venez ça (dit-elle), m’amie ; si vous voulez parler avec verité et sans passion, d’où sont venus toutes les guerres civiles qui ont miné et deserté toute ceste monarchie depuis quatre-vingt ou cent ans ? Vostre religion n’a-elle pas allumé le feu aux quatre coins de la France ? N’ayons-nous pas veu (au moins mon père me l’a dit cent fois), depuis l’advenement du roy Henry II à la couronne jusqu’à maintenant, tout ce royaume bouleversé de fond en comble pour votre subject58 ? On vous a veu naistre tous armez comme les gensdarmes de la Toison-d’Or que Jason deffit ; à peine eustes-vous succé la doctrine impie de Calvin et de Luther que vous minutastes dès lors la ruine de ceste couronne. N’avez-vous pas fait des extorsions estranges, où vostre fureur et vostre rage a peu avoir le dessus ? Combien de provinces, de villes, de bourgades et de bonnes maisons ont esté ruinées par vos partisans ! La Guienne, le Languedoc, les plaines de Jarnac, de Moncontour, de Dreux, et une infinité de fleuves sont encore empourprez de sang, et jamais, toutefois, la fortune ne vous a esté favorable en toutes les rencontres et batailles qui se sont données contre vous ; le Ciel n’a jamais secondé vos monopoles ; vos gens y ont tousjours laissé les bottes, et aujourd’huy il y en a entre vous de si acharnez qu’ils en recherchent les esperons60. Il s’agissoit alors de la religion ; c’estoit à vous à vous deffendre. Mais maintenant que le roy veut protéger tous ses sujects en paix, sous l’authorité de ses edits ; qu’il ne demande que l’entrée de ses villes, et qu’il ne requiert autre tesmoignage de l’affection et de l’hommage que vous luy devez que l’obeyssance en tous les lieux qui sont du ressort de son domaine, ceux de la religion luy ferment les portes, font des assemblées et monopoles contre sa volonté, portant opiniastrement les armes contre son service, tranchent du souverain en leurs factions, disposent des provinces et deniers royaux, constituent gouverneurs où bon leur semble, partagent tout ce royaume à leur volonté ; bref, se persuadent que la France ne doive plus respirer que par leur moyen. Vous voilà tantost à la fin de la carrière : le roy tient le haut bout ; plusieurs en bref viendront collationner en Grève pour aller soupper à l’autre monde. — Elle disoit ces paroles d’un cœur enflammé pour le service du roy, qu’elle voit estre profané par telles gens ; d’autre costé, l’autre, qui avoit la bouche ouverte pour luy respondre, confuse de la verité, luy alloit chanter injure, si la compagnie ne l’eut retenuë ; une entre autres, voulant mettre le hola, monstra de quelle estoffe estoit sa robbe : Ce n’est pas, dit-elle, aux femmes à s’entremesler si avant dans les affaires, et principalement où il s’agit de religion : car, outre que notre sexe est imbecille à proposer les raisons de part et d’autre, nous nous laissons incontinent emporter à la colère. Si du Moulin estoit icy, peut-estre qu’il deffendroit le party de Madame.

— Du Moulin, dit la femme d’un musnier, c’est un grand docteur ! il quitte la bergerie et les oüailles au temps de la persecution. Vramy ! voilà bien comme il faut faire ; au lieu de songer au troupeau que le Seigneur luy a donné en garde, il s’enfuit pour eviter les coups. Calvin ny Luther ne faisoient point cela du temps de la primitive Eglise.

— Que voulez-vous ! dit une demoiselle assez jovialle, c’est un moulin qui tourne à tous vents : il a veu qu’il n’y avoit plus rien à moudre à Charanton, il a quitté la praticque et a pris ses aisles pour s’envoller à Sedan61.

Comme on estoit sur ce discours, voicy une nouvelle compagnie qui entre. On s’estonna de les voir si tard, et principalement l’accouchée, car le temps approchoit qu’elle desiroit congedier l’assistance. Ce fut qu’on recommença les reverences. Ma cousine (elle parloit à l’accouchée), nous venons du Landy, où nous n’avons pas veu grandes raretez ; je vous asseure que les marchands n’y gaigneront pas chascun dix mil escus. — Si est-ce pourtant qu’il y en a quelques uns qui y font bien leur besongne, dit une gantière. — On fait d’aussi bons coups au Landy qu’à la foire Sainct-Germain, repliqua l’autre ; les jeunes gens font des parties avec leurs maistresses et sont bien ayses d’avancer la besongne devant le mariage, de peur d’estre renvoyez à la cour des aydes. Demandez-en vostre advis à deux jeunes marchandes d’auprès Saincte-Opportune : nous les avons veuës faire leurs quinze tours dans Sainct-Denis, puis elles sont allées achever le reste de leur voyage dans le bois de Nostre-Dame-des-Vertus, où je me recommande.

— Ainsy va le temps d’aujourd’huy, dit la mère de l’accouchée ; les filles donnent tant de privauté aux jeunes gens, que bien souvent ils empruntent un pain sur la fournée, et puis, quand quatre mois après le mariage madame vient à accoucher, c’est à se plaindre entre nous : Hélas ! ma pauvre fille n’a point porté son fruict à terme, elle a faict quelque effort ! Et tous les efforts qu’elles font, c’est qu’elles marchent quelquefois sur la platte d’une orange, et glissent dans un lieu infame.

— Il y en a qui ne sont point en ceste peine (dit une dame d’honneur), car dès l’aage de six ans, ils placent leurs filles en religion, sans sçavoir si elles y sont propres ou non, et bien souvent il faut sauter les murailles.

— Aussi vray, Madame, dit sa voisine, vous ne rencontrastes jamais mieux ; la pluspart le font pour agrandir leurs maisons, les autres pour des considerations particulières ; mais tous en general, et les parents et les religieuses, ne songent qu’à leur profit.

— Pour faire bien maintenant son profit, dit la femme d’un certain receveur, il faut s’associer avec ceux qui tiennent la ferme du sel62 et avec les commissaires des guerres : les premiers font leur profit et desrobent par mer, et les autres pillent et vollent par terre ; on fait passer des batteaux chargez de sel soubs main, et puis ils font les rencheris. D’autre costé, les tresoriers et commissaires des guerres sont en saison ; s’il leur faut faire un payement de deux ou trois mil livres : Monsieur, diront-ils à un capitaine, nostre argent n’est pas encore arrivé ; s’il vous plaist d’avoir un petit de patience… L’autre, qui est pressé, les quitte pour la moitié, et ainsi monsieur le tresorier se trouve aussi riche tout seul que ceux à qui, en general, il aura fait son payement63, sans les passe-vollans64 qu’ils admettent dans les compagnies. — M’amie, cela ne sera pas long-temps ainsi : le roy y mettra bon ordre. Quand il en aura chastié deux ou trois, les autres n’y retourneront plus.

Tandis, le temps s’escouloit insensiblement. La nourrisse eut bien désiré de dire un mot devant que de partir, mais sa maistresse la remit à un autre jour et pria sa mère de congedier la compagnie, ce qui m’apporta du contentement65, car, si elle y eut sejourné plus long-temps, il m’eut fallu faire comme le diable que vit un jour sainct Martin, qui, tenant registre derrière le pillier d’une eglise de tout ce que trois ou quatre femmes disoyent, et voulant allonger le papier qui luy manquoit avec les dents, de mal’heur il se frappa la teste contre le pillier. Moy, de peur que le mesme accident ne m’arrivast, j’ay mieux aymé remettre le tout à une autre fois.



1. Dans le Recueil général, cette seconde partie a pour titre : La seconde journée et visitation de l’accouchée.

2. V. plus loin une note sur l’usage des masques, p. 105, et la Promenade du Cours, Paris, 1630, in-12, p. 12 ; Lémontey, Suppl. à Dangeau, p. 140–141.

3. Il s’agit de la canonisation de sainte Thérèse, que Grégoire XV, par bulle de l’année 1621, avoit mise au nombre des saintes. C’est comme fondatrice des carmélites que sainte Thérèse étoit fêtée par les Carmes avec une pompe si bruyante : « Par toutes les églises des Carmes et Carmélines deschaussez de France, on fit… huit jours de fêtes solennelles en l’honneur de sainte Thérèse : toutes lesquelles églises estoient richement ornées de tapis exquis, de tableaux, de lampes et de cierges, pour exciter le peuple à la dévotion, Sa Sainteté ayant octroyé pleinière indulgence. Et s’y voyoit un grand nombre de personnes de toutes qualités communier et recevoir le S.-Sacrement. » — Le Mercure françois, t. 7, p. 409 (juil. 1622).

4. Ce lazzi se retrouve dans une autre pièce de l’époque, inspiré par un fait tout différent. « Une autre vieille, dit l’Hermite Valérien, racontoit au curé qu’elle avoit ouy dire au marché que M. le connestable alloit canoniser la Rochelle avec cent canons. La simplicité de cette femme me fit rire, voyant qu’au lieu de canonner, elle disoit canoniser. — Recueil des pièces les plus curieuses faictes pendant le règne du connestable M. de Luynes, Paris, 1632, in-8, p. 310.

5. « La reyne fit la despense des artifices qui jouèrent sur le haut de l’église des Carmes deschaussez de Paris. » Le Mercure françois, t. 7, p. 409.

6. L’un des ajustements à la mode que les bourgeoises ne devoient pas se permettre : « le col garny d’affiquets, de colet à quatre ou cinq estages d’un pied et demy, pour monter au donjon de folie, etc. » La Mode qui court à présent, etc., Paris, s. d., in-12, p. 8.

7. V. plus loin, p. 114.

8. Les plaintes étoient fréquentes alors contre la façon incorrecte dont les livres étoient imprimés ; on peut lire notamment à ce sujet un passage du Perroniana, 3e édit. in-12, p. 168.

9. Si le cardinal de Guise, archevêque de Reims, n’étoit mort à Saintes le 21 juin 1621, c’est-à-dire un an avant que ceci dût être écrit, je croirois volontiers que l’auteur des Caquets a voulu ici parler de lui. C’étoit en effet le prélat le plus coquet et le mieux frisé du royaume. Tallemant le prouve par cette anecdote : « Un jour que le dernier cardinal de Guise, qui étoit archevêque de Reims, vint fort frisé dîner chez M. de Bellegarde…, Yvrande alla dire tout bas ces quatre vers à M. le Grand (on appeloit ainsi M. de Bellegarde) :

Les prélats des siècles passés
Étoient un peu plus en servage ;
Ils n’étoient bouclés ni frisés, etc.
Ils n’étoien(Histor., édit. in-12, t. 1, p. 110.)

10. Cette place ne se rendit toutefois définitivement qu’en 1629.

11. Il est question d’un premier blocus qui précéda le siége fait par Richelieu, et qui fut levé en cette même année 1622.

12. Le même reproche se trouve formulé contre Luynes et ses frères, dans la Chronique des favoris. On le fait ainsi parler : « Nous avons encore preveu de faire un grand nombre de régiments invisibles, mes frères et moi, desquels on faisoit courre le bruict que nous les mettions en nostre bourse, au lieu que nostre dessein estoit de nous en servir pour les jetter invisiblement dans la place, pour la surprendre plus facilement. » Recueil des pièces les plus curieuses, etc., p. 481.

13. Il falloit alors, quand on faisoit des transports d’argent, un énorme attirail d’hommes et de chariots, n’eût-on à voiturer qu’un million ou douze cent mille livres. Malherbe écrit à Peiresc le 17 juillet 1615 : « On fut mercredi sur les cinq heures du soir à la Bastille, prendre douze cent mille livres pour le voyage… ; l’argent fut tiré dans quarante charrettes, qui portoient chacune trente mille livres en quarts d’écus. »

14. Il est sans doute ici question du livre qui a pour titre : Histoire des martyrs persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile… (1610), trad. du latin (par J. Crispin et continué par S. Goulard), Genève, 1619, 2 vol. in-fol.

15. M. de Rohan en effet ne s’étoit pas conduit très bravement à S.-Jean-d’Angely. Bien que cette ville lui appartînt, sitôt qu’il sut l’approche des troupes du roi, il se retira, laissant la défense de la place à son frère Soubise. S.-Jean, quoiqu’en bon état, ne tint pas long-temps. Le 25 juin 1621 Soubise y capitula.

16. M. de la Force en effet vendit cher sa soumission ; quand les mauvaises affaires des Huguenots dans la basse Guienne, la perte de Tonneins, que son gouverneur rendit, et la prise de Clerac par les troupes du roi, lui eurent fait désespérer de sa cause, il songea à entrer en arrangements, mais il ne conclut qu’avec de beaux avantages. « Le roi, continuant son chemin par la Guienne, lit-on dans les Mémoires de Rohan, acheva son traité avec La Force, qui, moyennant une charge de maréchal de France et 200,000 écus, lui rendit Sainte-Foy, dont il s’étoit rendu maître au préjudice de Terbon, gendre de Pardaillan, et se démit lui et ses enfants des charges et gouvernements qu’ils avoient possédés, sans en donner jamais connoissance ni à l’assemblée générale ni au duc de Rohan. » (Coll. Petitot, t. 18, p. 214.)

17. Il étoit superintendant des finances, comme dit Malherbe (Lettres à Pereisc, p. 481), depuis la fin d’août 1621. La Vieuville lui succéda (Mém. de Bassompierre, Coll. Petitot, 2e série, t.16, p. 2–3).

18. Les plaintes sur le tort que l’absence du roi et de la Cour faisoit aux marchands de Paris étoient générales. On lit, par exemple, dans une pièce du temps, Lettre de la ville de Tours à celle de Paris, 1620 (Recueil A–Z, E, p. 139) : « Le vray sujet de vostre murmure, c’est de vous sentir affamé de la manne ordinaire de la cour… Il vous fasche voir un si grand dechet de prix en vos merceries, et tant de chambres garnies à louer. À la verité je vous avoue que l’absence du roy vous fait dommage, pour faire du bien à d’autres, et s’il continue à s’eloigner de vous, vous deviendrez à moitié deserte. » Plusieurs pièces coururent qui reproduisoient ces plaintes et qui prouvoient qu’elles étoient l’expression de toutes les pensées à Paris ; voici le titre de quelques unes : Les avis de M. le chancelier et de MM. du Parlement, donnés au roy sur la résolution de son voyage, Paris, 1622, in-8. — Harangue et protestation faite au roi, au nom des trois ordres de France et de MM. les Parisiens, sur son prochain départ, Paris, 1622, in-8. — Requête générale des habitants de Paris, présentée au roi, sur le voyage de Sa Majesté, par le sieur de Boiscourtier, Paris, 1622, in-8. — Francophilie présentée au roi sur la résolution de son voyage, par le sieur Mangeart, s. l. 1622, in-8.

19. L’incendie du Pont-au-Change eut lieu, en effet, dans la nuit du 24 oct. 1621 (Mercure françois, VII, 857). On en accusa l’imprudence d’un certain de Meuves, que Richelieu fit juger par une assemblée de conseillers du Châtelet, dont M. de Cordes étoit président. Il fut pendu (Tallemant, édit. in-12, t. 2, p. 188). On songea aussitôt à rétablir le pont, et, afin de le garantir des accidents auxquels sa première construction en bois l’avoit exposé, on voulut le bâtir en pierre. Les orfèvres qui y avoient leurs forges (boutiques) offrirent d’en faire les frais : « Les orfèvres de Paris, dit La voix publique au roy, poursuivent de faire bâtir le Pont-au-Change de pierres de taille à leurs despens. Le marquis (La Vieuville) ne le trouve pas bon. » (Recueil E, p. 210.) Le projet traîna en longueur, si bien que la reconstruction ne fut commencée qu’en septembre 1639, et achevée qu’en octobre 1647.

20. C’étoient des gants d’une mode en effet nouvelle, car nous ne les trouvons pas nommés dans une petite pièce en vers qui fait la description la plus complète de toutes les espèces de gants à la fin du XVIe siècle : Le Gan de Jean Godard, parisien, etc., Paris, 1588, in-8, p. 9–11.

21. La Guimbarde étoit une danse dont la vogue avoit commencé vers 1606. Nous la trouvons indiquée sous cette date dans le premier volume de la Collection des ballets de Philidor, ms. de la bibliothèque du Conservatoire. L’air sur lequel on la dansoit est encore populaire : c’est celui de Dupont mon ami. Alors tout étoit à la Guimbarde, comme de nos jours tout a été à la Polka.

22. Peut-être cette encre nouvelle est-elle celle de la Petite vertu. La maison Guyot, qui en fait le commerce, date en effet, à en croire son enseigne, de l’année 1609, époque assez rapprochée de celle-ci.

23. Il est parlé de tous ces voleurs, notamment des Grisons, dans le roman de Francion, liv. 2, histoire de Marsault, Paris, 1663, in-8, p. 74.

24. On les appeloit aussi Manteaux-Rouges, peut-être parcequ’étant des échappés des galères, ils avoient gardé l’habit rouge, qui étoit déjà au 17e siècle l’uniforme du bagne (Hydrographie du P. Fournier, 1667, liv. 3, ch. 45). Il paroît que des plaintes pareilles à celles qui se trouvent ici finirent par réveiller la police, et par la lancer une bonne fois sur ces bandes nocturnes. Voici en effet ce que nous lisons dans une pièce du temps : « À force de crier après le prévôt des maréchaux de Paris, ils ont fait une capture, depuis peu, de deux cent seize voleurs, au nombre desquels il y avoit vingt-deux Manteaux-Rouges, qui estoient à gage, et qui jetoient par le soupirail des caves ce qu’ils avoient butiné par la ville. » (Les grands jours tenus à Paris, par M. Muet, lieutenant du petit criminel, 1622 [Variétés histor. et littér., avec des notes de M. Éd. Fournier, Paris, Jannet, 1855, in-16, t. 1, p. 198].) Dans la même pièce, p. 202, il est encore parlé des Manteaux-Rouges, allant faire affront à un clerc de taverne du Pied-de-biche, près la porte du Temple, et lui volant son manteau.

25. C’est-à-dire : lui a donné des cornes comme celles de Moïse. C’étoit une expression consacrée. Passerat la paraphrase ainsi :

Ce nom de cocu vous honore,
Ce nom de cocu vous décore,
Et par ce nom l’on est contraint
De vous adorer comme saint.
Mais advisez si Dieu vous prise
Qui vous fait semblable à Moyse :
Car, quand les tables il reçut,
Soudainement il s’apparut,
Estant descendu de la nuë,
Qu’il avoit la tête cornuë,
Qui me fait croire, en vérité,
Qu’encores a divinité.

(Recueil des œuvres poétiques de Jan Passerat, etc., Paris, 1606, in-8º. Consolation aux cocus.)

26. C’est l’évêché de Paris, alors vacant, et dont on disposa à cette époque, ainsi qu’il sera dit plus loin.

27. « Il faisoit partir de Paris force convois d’argent, sous prétexte de payer l’armée, mais la plupart demeuroient dans Bloys. » L’ombre de monseigneur le duc de Mayenne, etc. Recueil des plus curieuses pièces, etc., p. 379.

28. Monheur est un château près de Toulouse, qui, après la mort de Boesse, s’étoit ouvertement révolté contre le roi. Il résista plus long-temps qu’on ne l’avoit pensé, et, pour comble de disgrâce, les gens de Sainte-Foy massacrèrent à Gontault bon nombre des gendarmes de Luynes. Le connétable s’en affecta jusqu’à tomber malade. Il venoit de s’aliter, quand la place se rendit enfin, le 12 décembre. Il étoit trop tard. « Ce succès si désiré, dit Richelieu, fut à peine ressenti du connétable, que la maladie avoit déjà réduit jusques à l’extrémité, et l’emporta deux jours après, qui fut le quatorzième jour de décembre. » Mémoires (collect. Petitot, 2e série, t. 22, p. 162).

29. Jean Belot, curé de Mil-monts, étoit alors, comme Morgard ou Mauregard, l’un des plus grands faiseurs d’almanachs. Voici le titre bizarre de celui qu’il avoit publié au commencement de 1621, et qui prédisoit, à en croire nos caqueteuses, la mort du connétable, survenue le 15 décembre de lamême année : « Centuries prophetiques revelées par sacrée théurgie et secrete astrologie à M. Jean Belot, curé de Mil-monts, professeur ès mathématiques divines et celestes, auxquelles centuries est predit les evenements, affaires et accidens plus signalés qui adviendront en l’Europe, aux années suivantes jusques en l’an 1626… Paris, A. Champenois, 1621, in-8 pièce. — On se préoccupoit beaucoup, à Paris et dans la province, de ces prophéties d’almanach. Malherbe se croit obligé, par exemple, de rassurer l’un de ses cousins de Normandie sur les inquiétudes que ces prédictions lui donnoient au sujet du voyage du roi, qui venoit de partir pour la Guienne. « Mauregard, lui dit-il, le curé de Mil-monts, et tous les autres faiseurs de prophéties, mentent. Vos astrologues ne sont pas plus clairvoyants qu’eux. Il ne faut pas avoir peur de leurs almanachs plus que des autres. »

30. Ces almanachs étoient partout, je le répète, la grande affaire des caqueteuses. Celles qui sont mises en scène dans une autre pièce parue vers le même temps, Le grand procez et la querelle des femmes du faubourg S.-Germain avec les filles du faubourg Montmartre sur l’arrivée du Régiment des Gardes, etc. Paris, 1623, in-12, p. 1, parlent aussi du curé de Mille-monts (sic), de son almanach, et du diable d’argent « à qui chacun tire la queue », qu’il y a fait peindre.

31. Richelieu semble croire lui-même à la vérité des prophéties faites au sujet de la mort de Luynes, et va jusqu’à invoquer, comme article de foi, l’almanach du curé devin. « L’almanach du curé de Millemont, dit-il, citant un autre passage que celui auquel il est fait ici allusion, portoit en termes exprès que, depuis le mois d’août jusques à la fin de l’année, un grand Philocomée auroit bien mal à la tête, et seroit contraint de se ranger au lit, avec danger de sa personne ; que ce ne seroit pas du tout sa maladie qui lui causeroit ceste fascherie, mais des nouvelles qui lui viendroient de la perte de quelques siennes troupes, qui auroient été mises en fuite ; et le même almanach, en la fin, où il mettoit les jours heureux de l’année, remarque particulièrement celui de sa mort, jour heureux pour le roi et son état.» Mémoires de Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 22, p 165.

32. On ne s’en tint pas aux prédictions faites avant, il y eut des horoscopes faits après, et d’autant plus certains ; celui-ci, par exemple, paru dans l’année qui suivit la mort de Luynes : L’horoscope du connétable et le passe-partout des favoris, 1622, in-8 pièce.

33. L’un étoit Honoré d’Albert, qu’on appela d’abord M. de Cadenet, à cause du château patrimonial, puis M. de Chaulne, quand il eut épousé Charlotte d’Ailly, dame de Pocquigny et de Chaulne, l’unique héritière de cette illustre maison. Fait maréchal à l’occasion de ce mariage, il fut plus tard créé duc. Le second frère du connétable, Léon d’Albert, qu’on nommoit M. de Brantes, épousa une fille de la maison de Luxembourg. Il en prit le nom et les armes pleines, et s’intitula duc de Luxembourg et de Piney.

34. Le prince de Condé, catholique assez indifférent jusque alors, et guerrier très calme, s’étoit pris tout à coup d’une grande haine contre les huguenots et d’une belle ardeur belliqueuse. Bien qu’on n’en comprît pas la raison, qui n’étoit autre, à ce qu’il paroît, que certain espoir fondé sur une prédiction qui lui promettoit la couronne à l’âge qu’il avoit alors, et qui le portoit à se faire chef d’armée d’abord, pour mériter mieux d’être chef d’état ensuite. Bien qu’on eût cette soudaine résolution en défiance, comme on y trouvoit une nouvelle force contre les rebelles, on n’étoit pas sans y applaudir. C’est ce qui justifie ce passage des Caquets sur l’influence de Condé dans le conseil. V., sur toute sa conduite alors, et sur ce qu’on en pensoit, Vittorio Siri, Memorie recondite, t. 5, p. 404, et Mém. de Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 21, p. 326.

35. Le prince de Joinville, fils du Balafré et frère du duc de Guise, ainsi que de Louis de Lorraine, cardinal de Guise, devoit à sa fidélité pour le parti de la cour le rétablissement de ses affaires. V. sur lui les Lettres de Richelieu, publiées, par M. Avenel, dans la Collection de documents inédits, t. 1, p. 462, 475.

36. C’est justement le projet qu’on eut alors, et qui, après avoir été formulé longuement par lettres patentes de février 1622, ne reçut pas d’exécution. Il s’agissoit d’établir au Cours la Reine une maison royale qui devoit s’appeler d’abord Maison des œuvres de miséricorde, puis Maison royale de Monheurt, en souvenir de la prise récente de cette petite ville (V. plus haut). Cette sorte d’hospice eût été instituée, d’après les termes mêmes de l’ordonnance, « pour le soulagement des pauvres valides…, le moyen de leur apprendre à travailler en tous arts, etc. » V. sur tout ce projet et son plan développé l’article de la Revue rétrospective : Un dépôt de mendicité sous Louis XIII, 2e série, t. 3, p. 207 et suiv.

37. Il est aussi parlé de la « bande des assassins du faubourg S.-Germain » dans Les effroyables pactions faictes entre le Diable et les prétendus Invisibles, Paris, 1623, in-8, p. 20. Ces attaques continuelles rendoient les Parisiens très peureux, et surtout très casaniers, quand venoit le soir. « Ils ont cette particularité, écrit Davity, qu’ils ne bougent point de leur logis la nuict, quelque bruit qu’ils oyent parmi la ruë et quoique quelqu’un crie qu’on le vole ou qu’on l’assassine. De sorte qu’une personne qui se trouve parmy des tireurs de manteaux ne doit espérer, après Dieu, qu’en ses mains ou bien en ses pieds. Et ce qui les retient au logis en cette sorte, c’est qu’ils ont souvent de fausses alarmes que quelques yvrongnes leur donnent, ou bien des cris de quelques vagabonds qui se plaisent à mettre le monde en action, afin de s’en rire après, ou de quelques méchants qui font ce bruit à dessein, afin d’essayer de faire sortir et d’assassiner ceux qu’ils hayssent. » Davity, Les Estats, Empires, etc., in-fol. 1625, p. 76.

38. On en avoit beaucoup parlé peu de mois auparavant. La réforme qu’on vouloit introduire dans leur grand couvent de Paris les avoit mis en émoi. Ils refusoient surtout d’aller pieds nus. Leur rebellion avoit pris les proportions d’une émeute le 36 février 1621 ; on avoit été obligé de se saisir du père gardien et de l’enfermer à l’Ave-Maria, et cette rigueur avoit motivé de nouveaux murmures. V. Mercure françois, t. 8, p. 504.

39. Le titre du petit livret rare cité dans une note précédente est à lui seul une preuve qu’alors on se préoccupoit beaucoup des Esprits et des Invisibles. L’arrivée à Paris des frères de la Rozée-Croix (sic), qui venoient y faire séjour, visibles et invisibles, en cette même année 1623, contribua singulièrement à entretenir ces chimères, et à inspirer des écrits pour ou contre, dans le genre de celui de tout à l’heure. Nous en connoissons un autre, fait en haine des nouveaux venus, et dont voici le titre : L’Examen sur l’Inconnue et nouvelle caballe des frères de la Rosée Croix, habituez depuis peu de temps en la ville de Paris, ensemble l’histoire des mœurs, coustumes, prodiges et particularites d’iceulx, MDCXXIIII.

40. Anne d’Autriche aimoit en effet à s’enquérir de ces choses surnaturelles, de ces histoires d’Esprits qui couroient alors le monde, Paris comme la province. Il y en avoit un à La Flèche qui faisoit beaucoup de bruit. Malherbe en reçut des nouvelles par Racan ; et comme il y avoit là « de quoy entretenir la reine », il se hâta de remercier son ami, et de lui demander de nouveaux détails, par une lettre du 4 novembre 1623. D’après les questions qu’il lui fait touchant cet esprit, dont il paroît que les Jésuites s’occupoient fort, on voit qu’il étoit d’une assez amoureuse nature. « Informez-vous, dit-il, quand commença la recherche de cet inconnu, et combien de temps après le mariage ; s’il couche avec elle, et ce que le mary fait ce pendant ; ce qu’en dit la demoiselle ; et si, quand ils sont ensemble dans le lict, il ne parle point à elle, et ce qu’il luy dit ; si elle est melancolique, et si elle tesmoigne n’y prendre point de plaisir. »

41. On pense que le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques, qui avoit pris la place du prieuré de Notre-Dame-des-Champs, occupoit un terrain consacré autrefois à Cérès. L’église auroit ainsi remplacé le temple. On fondoit cette opinion sur l’apparence singulière de la statue mise tout au haut du pignon, et qu’on croyoit être celle de la déesse. Charles Patin et Moreau de Mautour étoient de cet avis. Ils prétendoient qu’il falloit voir dans l’espèce de faisceau qui surmontoit la statue la gerbe d’épis, attribut de Cérès. Piganiol combat cette opinion, et Saint-Foix la soutient. Mais il paroît prouvé aujourd’hui que cette statue étoit tout simplement celle de saint Michel, qu’on avoit coiffée de pointes de fer, afin d’empêcher les oiseaux de s’y percher. Ce passage des Caquets est curieux en ce qu’il prouve la perpétuité des souvenirs du paganisme chez le peuple de Paris, et l’espèce d’action que ces souvenirs pouvoient avoir sur l’opinion des savants, sans que ceux-ci daignassent l’avouer.

42. Var. Le Recueil général ajoute : Jusques aux os.

43. Var. Rec. gén. : Saint-Honoré.

44. Var. Dans le Recueil général, les mots partisan — dame d’honneur, sont remplacés par : « Vendant vin, de peu d’effet, qui est venu tout en une nuict, comme les potirons. Il a pourtant des commoditez de son deffunt oncle. Il peut, en bref, vous faire grand dame. »

45. Var. Le Recueil général ajoute : Car j’aimais un de notre vacation.

46. Var. Rec. gén. : Mon père et ma mère.

47. Var. Le Rec. gén. ajoute : Ny n’en auray jamais.

48. Var. Le Rec. gén. ajoute ici : Des héritiers.

49. Var. Dans le Rec. gén., de nos voisines est remplacé par joualière.

50. Var. Le Rec. gén., au lieu de : au gasteau, porte : sinon que quatre mille francs de don, à quoi elle se doit contenter.

51. Var. Le Rec. gén. ajoute : luy-mesme.

52. L’ambition de la nouvelle congrégation de l’Oratoire et ses tentatives entreprenantes, tant en France qu’à Rome, où M. de Bérulle, leur fondateur, pouvoit beaucoup, étoient des faits acquis et qui causoient du murmure. Nous lisons dans une petite pièce singulière et très rare adressée à l’un de leurs adhérents :

Vostre style n’est pas esgal ;
On tient que ceux de l’Oratoire
Vous ont fourny quelque memoire :
Vous n’estes au rapport legal.

Ils ont avec vous entrepris
De faire la guerre aux chapitres,
De s’attacher partout aux mitres,
Et de prendre ce qui n’est pris.

(Le Piquet de trique-mouche envoyé pour estrennes par Gueridon à l’autheur de la Plainte apologetique pour faire le voyage de Saint-Jacques. In-12, 1626, p. 99–100.)

53. Il y avoit trois ans déjà, car la première démarche datoit de 1619, que les oratoriens tendoient, avec l’agrément de Louis XIII, il est vrai, à s’établir comme administrateurs spirituels et laïcs de l’hospice et de l’église de Saint-Louis-des-François, à Rome. Le pape donna son consentement, et M. de Bérulle profita, pour hâter l’affaire, de la mission qui lui fut donnée en vue du mariage de madame Henriette de France avec le prince de Galles, qu’on vouloit faire agréer du Saint-Père. (Mém. de Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 18, p. 312, 469.) C’est donc avec une intention malicieuse qu’il est parlé ici de « mille tours et ambassades ».

54. Ces pauvres prêtres firent si bien, avec l’aide des administrateurs laïcs et spirituels qu’on menaçoit de déposséder ; avec le secours du commandeur de Sillery, puis de M. de Béthune, tour à tour ambassadeurs de France à Rome, et tous deux opposés aux prétentions de M. de Bérulle, qu’on leur donnoit malgré eux pour collègue ; avec l’aveu secret de Richelieu, qui combattoit partout le fondateur de l’Oratoire, que les choses traînèrent en longueur pendant plus de dix ans, en dépit du pape et du roi, et que la solution définitive n’arriva qu’après la mort de M. de Bérulle, en 1629.

55. Ils n’y réussirent point ; mais ils firent tant qu’ils supplantèrent les chanoines dans la faveur du roi. En 1627, Louis XIII ordonna, par lettres patentes, que les Pères de l’Oratoire fussent tenus ses chapelains.

56. Le P. de Bérulle avoit d’abord voulu établir ses Oratoriens à l’hôtel de Luxembourg (Perroniana, 3e édit., p. 214). La reine l’ayant acheté, il se rejeta sur le vieil hôtel du Bouchage, que le séjour de Gabrielle avoit récemment fait appeler hôtel d’Estrées. Il l’acquit en 1616, moyennant quatre-vingt-dix mille livres. (Piganiol, t. 2, p. 282.)

57. C’est, en effet, la vue et l’espace qui manquoient surtout à la maison de l’Oratoire, encaissée comme elle l’étoit entre le Louvre et la rue sombre de Saint-Honoré. Afin même de donner à la façade de l’église la perspective qui lui faisoit défaut à cause de cette situation, l’architecte Jacques Le Mercier la mit de biais, comme on la voit encore, et, dit Piganiol (ibid.), « lui donna ainsi l’avantage d’être vue de beaucoup plus loin, arrivant par la ruë de la Ferronnerie. »

58. Les Oratoriens de France, pour imiter encore en cela ceux de Rome, à qui l’art musical doit, comme on sait, les premiers Oratorio, voulurent donner un attrait de nouveauté à la partie lyrique de leurs offices. Ils firent si bien qu’on ne les appela plus que les Pères au beau chant. « Dès que cette église fut bâtie, dit Piganiol, la plupart des gens de la cour n’en fréquentoient point d’autre que celle-ci ; et afin de les rendre plus attentifs aux offices divins et plus dévots, le P. Bourgoing, qui étoit habile musicien, s’avisa de mettre les pseaumes et quelques cantiques sur des airs qu’on chantoit pour lors. Et voila l’origine du chant particulier que les prêtres de l’Oratoire de la congrégation de France ont substitué dans leur église au chant grégorien. »

59. Ces plaintes éloquentes se retrouvent dans plusieurs écrits du temps, mais nulle part avec plus de vigueur et de virulence que dans les Satyres du sieur Auvray. Ainsi, dans sa Complainte de la France en l’an mil six cent quinze (p. 202), il dit, apostrophant les Huguenots :

Jusqu’à quand, esprits factieux,
Ressemblerez-vous la vipère
En deschirant, seditieux,
Les flancs de vostre propre mère ?

Rebelles, que vous ai-je fait ?
Suis-je une marastre cruelle ?
Après m’avoir succé le laict,
Faut-il m’arracher la mamelle ?

60. Le poète Auvray s’en prend encore, avec sa vigueur haineuse, à l’ardeur vivace et éternelle du parti huguenot. Il va jusqu’à exalter l’utilité de la Saint-Barthélemy :

.  .  .  .  .  .  .  .  .  Et puis ces Lestrigons
Se disent reformez ! Ô tigres, ô dragons !
Helas ! combien de fois vos sanglantes furies
De nos temples sacrez ont fait des boucheries !
Le sang y fume encor, et, sans verser des pleurs,
Je n’en peux dans mes vers exprimer les malheurs.
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Quoy ! secouer le joug des monarques puissants,
Mesurer vostre foy à l’aune de vos sens,
Vous donner tout en proye aux charnelles délices,
Violer nos tombeaux, dérober nos calices,
Fouler l’hostie aux pieds, enfoncer, inhumains,
Au sang des innocents vos homicides mains,
Et mesdire des roys d’une rage animée :
Appelez-vous cela l’Eglise reformée ?

Vous nous reprocherez la Saint-Barthelemy ;
Mais ce brasier ne fut allumé qu’à demy :
C’estoit lors que devoit et que pouvoit la France
Exterminer ce monstre au point de sa naissance.
Ce feu devoit s’esteindre avant qu’il fût plus grand :
Par trop starer la playe incurable on la rend.
La moisson, dira-t-on, n’etoit point encor meure.
Si falloit-il ce chancre amputer de bonne heure,
Il n’auroit pas gaigné les membres principaux.

(Le Banquet des Muses, ou les divers satires du sieur Auvray, etc. Rouen, 1627, in-8, p. 271.)

L’opinion exprimée si énergiquement dans ces derniers vers étoit partagée par tout le parti catholique. Dans l’Epistre dedicatoire au Roy, de son livre : Les principaux points de la foy de l’Eglise catholique défendus contre l’escrit adressé au Roy par les ministres de Charenton, 1618, in-12, Richelieu tient à peu près le même langage : il rend les protestants responsables de la Saint-Barthélemy.

61. Pierre Du Moulin, en effet, l’apôtre du parti réformé à cette époque, instruit par Drelincourt que le roi, prenant ombrage du synode calviniste qu’il avoit présidé à Alais, en 1620, vouloit le faire arrêter, s’étoit retiré à Sedan, où le duc de Bouillon le fit professeur de théologie et ministre ordinaire. Il continua d’y surveiller les affaires de son parti et de les diriger, comme s’il eût été encore dans son prêche de Charenton et évêque de Paris en espérance, ainsi que le disoit un petit libelle de 1618 : Les Œufs de Pâques adressez au ministre Du Moulin, etc. (Recueil Y, p. 174). Après la déroute de Soubise, il parut un manifeste soi-disant émané de lui : Lettre d’avis donné à tous les ministres de France et autres de la religion prétendue réformée, par le sieur Du Moulin, ci-devant ministre de Charenton, sur la défaite des troupes des sieurs de Soubise et Favas. Paris, J. de Bordeaux, 1622, in-8.

62. Les receveurs y faisoient de très gros profits ; aussi le sel devenoit-il chaque jour plus cher et les plaintes plus fréquentes. « Les laboureurs n’ont pas de quoy payer leurs tailles et acheter du sel. » (Avis donné à M. de Luynes par un fidèle serviteur du roy, et amateur du repos public. — Recueil Z, p. 152.) — Le nombre des faux sauniers augmentoit. Dans la Guienne, un pauvre diable s’etoit fait leur chef ; on l’avoit pris et on lui avoit mis sur la tête une couronne de fer rougi. (Cosmographie de Thevet, liv. 14, ch. 4, « de Bourdeaux ».) — Dans le Berry, il y avoit eu, en 1612, une révolte à cause d’eux. (Lettre de Malherbe à Peiresc, p. 224.)

63. Var. Tout ce qui termine cet alinéa manque dans le Recueil général.

64. On appeloit ainsi les soldats de hazard à l’aide desquels, les jours de revue, les capitaines complétoient leurs compagnies. Une ordonnance de 1688 les condamna à être marqués d’une fleur de lys à la joue.

65. Var. Ce qui termine cet alinéa est remplacé, dans le Recueil général, par : Attendu que l’encre et le papier venoient à me manquer, c’est pourquoy je remis le tout à une autre fois.