La Troisième République française et ce qu’elle vaut/23

La bibliothèque libre.
◄  XXII
XXIV  ►

CHAPITRE XXIII.

On a remarqué, que depuis 1789, la valeur intrinsèque des assemblées politiques avait été constamment en baisse. Les chambres de la Restauration offraient moins d’individualités fortes que la Constituante, la Législative, la Convention, peuplées, sur tous les bancs, d’élèves des Oratoriens et des Jésuites et aussi de ces petits magistrats héréditaires de l’ancien régime qui avaient été, à ce qu’il semble, assez vigoureusement élevés.

Sous la Restauration on constata un certain éclat et peu de force. Sous le règne du Roi Louis-Philippe, l’éclat alla diminuant, la force de même ; aujourd’hui, on est atterré en considérant à quel niveau la foule élue en est tombée. Ils ont pourtant quelque chose de bon ; ils se disent assez leurs vérités ; mais ils n’ont guère que cela pour eux et un appétit d’emplois et de profits qui n’a jamais été égalé. Du reste, ils sont conduits par une commission, la commission l’est par trois membres. C’est ce que les libéraux ont appelé le régime de la liberté publique, la vie politique etc.

Naturellement ils ne sont pas contents et répètent volontiers un de leurs mots favoris : « on nous mène aux abymes ». On les y mène périodiquement. Ils tombent ; ce n’est pas un grand mal ; mais le pays tombe avec eux ; encore une fois, ils ne sont pas gens à s’étonner. Ils demandent pardon à Dieu et aux hommes et recommencent. Le monde dût-il s’écrouler, il leur faut le régime parlementaire, il leur faut être députés ; il leur faut parler ; il leur faut placer leurs électeurs, placer leurs protecteurs, placer leurs familles, avant tout se placer eux-mêmes ; placer est la grande affaire de leur vie et diriger et mener aux abymes. C’est convenu. Puis ils en sortent et toujours et encore, ils recommencent.

Ils sont prêts à exploiter toutes les paroisses. Après avoir amené la mort du Roi, avoir présidé à la ruine du Ier Empire, de la Restauration, du Roi Louis-Philippe, enterré le Second Empire, toujours en regrettant, toujours en déplorant, toujours en se frappant la poitrine, ils ont fortement insisté pour être écoutés dans les conseils de l’Église et ils voulaient qu’on les laissât introduire leurs drogues dans le Saint-Ciboire. Assurément, l’Église ne saurait périr ; mais Dieu s’est épargné, à coup sûr, la peine d’une série de miracles bien laborieux, le jour où il a inspiré à ses pontifes une sainte horreur pour le concours des catholiques-libéraux. Sa toute-puissance n’eût pas été de trop pour paralyser le mal que ces messieurs n’eussent pas manqué d’ajouter aux difficultés existantes.

En ce moment, ils sont un peu troublés et ne savent plus que faire. Une fois de plus ils ont mené les choses à la crête de la ruine et ne tiennent rien. Cependant ils ne périront pas. Ils sont ce qu’on appelle des modérés, ce qui procure constamment moyen de s’insinuer dans le pouvoir ou à côté, dans la sape. Ce qui leur est absolument hors d’atteinte, c’est une solution. Ils savent fort bien ouvrir et agrandir les plaies ; quant à les fermer ce n’est pas leur affaire.