La Tyrannie socialiste/Livre 2/Chapitre 10

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Ch. Delagrave (p. 73-74).
Livre II


CHAPITRE X

Les crises économiques.


Elles proviennent d’un excès de consommation. — L’agriculteur et la mauvaise récolte. — La crise des chemins de fer. — Répercussion.


Cette fois, ce n’est plus seulement le délégué à la Bourse du travail, le disciple de Lassalle, de Karl Marx qui m’interrompt. C’est toute personne parlant d’économie politique ; et les hommes qui en parlent, sans l’avoir jamais étudiée, sont aussi nombreux que ceux qui donnent des conseils médicaux à leurs parents et à leurs amis. On me dit :

— Vous ne nierez pas que les crises commerciales ne soient dues à un excès de production.

— Je le nie !

— Vous gâtez votre thèse.

— Je ne soutiens pas une thèse : je démontre des vérités, et je vais vous prouver que les crises économiques ne sont pas dues à un excès de production, mais à un excès de consommation.

Le blé ne vient pas tout seul dans un champ. Il y faut de la main-d’œuvre qui se paye, le travail de chevaux dont l’entretien et la nourriture sont coûteux, des engrais et amendements, de la semence, enfin toutes choses ayant une valeur. Si la récolte est bonne, il y a remboursement de toutes ces dépenses, plus une certaine rémunération qui est le profit de l’agriculteur.

Quand par suite d’accidents, sa récolte n’est pas suffisante pour compenser les avances qu’il a faites, alors, il a commis un excès de consommation : et il n’a pas de produits à échanger contre des machines agricoles, contre des habits, des chaussures, des attelages, etc. Il consomme moins de produits manufacturés, parce qu’il n’a pas le pouvoir de les acheter.

Voilà l’origine d’un grand nombre de crises économiques ; et le déficit qui les provoque est le contraire de l’excès de production.

De même, à quoi était due, par exemple, la grande crise des chemins de fer aux États-Unis ? On a englouti dans des travaux de terrassements, dans les percements de montagnes, dans la construction de viaducs, dans la pose de millions de tonnes de rails, des capitaux considérables. Ces capitaux ont perdu leur pouvoir d’achat. Jusqu’au moment où l’usage de ces voies l’aura reconstitué, il y a eu excès de consommation : et par conséquent crise, crise qui se répercute sur les usine et manufactures qui, elles aussi, ont fait des excès de consommation en outillage, en achats de matières premières, en payement de main-d’œuvre, relativement aux débouchés qui se ferment devant elles.