La Vérité sur l’Algérie/03/02

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CHAPITRE II

Tous les gouvernements ont eu le souci de rechercher scientifiquement la notion de la richesse naturelle algérienne.


Si cela fait l’opinion commune des amateurs qui voyagent, vous pourrez objecter que ce n’est pourtant point sur des impressions de touristes fatigués par la traversée, trouvant toujours la terre bonne et belle, délicieux plancher sous leurs pieds, que les gens sérieux, les hommes supérieurs, dirigeants et gouvernants, ont basé leur jugement pour affirmer l’excellence naturelle de l’Algérie. Car c’est en vertu de cette affirmation devenue dogme que la France a jeté et continue de jeter or et sang (mettons pour ce deuxième terme : santés, bras) dans l’œuvre de la colonisation algérienne par la culture européenne, c’est-à-dire par la culture intensive.

Une telle affirmation qui a produit de tels résultats, si nous sommes une nation de gens raisonnables, ne peut donc être qu’une affirmation scientifique, en suite de vraies études.

Cette objection est juste.

Dès le début de la conquête on savait que ce qui rend la colonisation d’un pays rémunératrice, possible, c’est la qualité du sol, la nature du climat, et que cette qualité, cette nature, on ne doit pas en demander la constatation aux annonciers de Cook, Duchemin ou Lubin, mais aux savants, aux géographes, aux géologues, aux météorologues, aux agronomes, aux botanistes et, en fin de compte, aux économistes, qui, pour en tirer les conclusions pratiques, centralisent les travaux des spécialistes.

Il faut rendre cette justice aux divers gouvernements de l’Algérie que tous ont eu la préoccupation, le souci de donner à la colonisation officielle ou privée une base scientifique.

Ainsi, dès 1840, on publiait d’énormes labeurs, notamment celui d’Aimé, sur l’exploration scientifique de l’Algérie. Et depuis cette époque les travaux officiels ont continué dans une progression constante… missions, rapports, imprimés, brochures, volumes… j’avais un instant songé à établir ici la bibliographie scientifique de l’Algérie… ça serait tout mon livre !

Si d’aventure quelque désœuvré riche et curieux de statistique me lisait, je lui signale un sujet intéressant. Rechercher combien a coûté en travail, en argent, en papier… etc… l’enquête scientifique d’où est sortie notre ignorance officielle du climat de l’Algérie. Puis, si ce programme ne remplit pas sa vie, pour continuer, rechercher, combien ont coûté les diverses cultures officiellement recommandées, et que le climat ne permet point, Le travail sera très difficile et presque aussi… impossible… que celui d’un essai d’établissement de compte des frais de la pénétration dans le Sud.