La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/19

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CHAPITRE XIX.
DE LA MACÉRATION DE LA FÉCULE, ET DE LA MISE EN FERMENTATION.

La fécule étant, comme nous n’en doutons pas, le principal élément de la fermentation des pommes de terre, toute notre attention doit être uniquement fixée sur cette matière, dans les divers procédés de fabrication dont nous allons nous occuper : ils sont au nombre de quatre.

Le premier consiste à soumettre à la fermentation vineuse la fécule saccharifiée par l’acide sulfurique ou par le gluten ;

Le second, à employer la pomme de terre en nature, cuite à la vapeur et réduite en pâte ;

Le troisième, à remplacer les deux opérations de la cuisson et de la réduction en pâte de la pomme de terre, par le râpage du tubercule crû et la séparation de la fécule ;

Et enfin le quatrième, à macérer la fécule aussitôt après le râpage, sans la séparer du parenchyme.

PREMIÈRE SECTION.
Premier moyen.

Je suppose qu’on veuille mettre en fermentation deux cents kilogrammes de fécule de pommes de terre, saccharifiée ou par l’acide sulfurique ou par le gluten ; le moût fermentescible, qui ne devra point avoir été traité à Peau de chaux (car, comme je l’ai dit précédemment, la présence de cette substance est toujours trèsfuneste à la fermentation vineuse), sera conduit, par l’ébullition, au degré de densité le plus favorable, c’est-à-dire à y" de l’aréomètre, à la température de 26°. La cuve devra contenir 24 kilogrammes, non compris la partie supérieure, réservée pour le chapeau formé par les écumes, et la température du local où elle sera placée marquera constamment de vingt à vingt-cinq degrés du thermomètre [1]. On la chargera par tiers et à vingt-quatre heures d’intervalle, afin de favoriser la fermentation, qui réussit toujours mieux lorsqu’on emplit les cuves à plusieurs reprises, parce que, de cette manière, on rétablit la température au degré convenable, selon l’état où se trouve alors le liquide. La dose de farine pour le ferment sera de vingt-quatre kilogrammes, dont, la veille au soir, on emploiera la moitié, c’est-à-dire douze kilogrammes, à la préparation du levain. Dès le matin on jettera dans la cuve une quantité de substances sucrées suffisantes, pour que le premier tiers se trouve rempli de moût à 7 degrés de l’aréomètre et à la température de vingt-cinq degrés, température la plus propre à la fermentation alcoolique. Alors, après avoir essayé le levain, on le videra dans la masse du liquide, que l’on agitera fortement avec un mouveron, pour que le mélange se fasse bien exactement. Si la fermentation se développe trop promptement, si elle est vive et qu’elle marche avec rapidité, ce sera une preuve certaine que l’on aura mis en levain trop chaud, et la liqueur s’acidifiera dès le second ou le troisième jour ; si, au contraire, la fermentation se manifeste lentement, et qu’elle présente peu d’activité dans sa marche, on aura mis en levain trop froid, et alors aussi la fermentation acide commencera avant que la vineuse soit suffisamment avancée. En général, on pourra juger que le levain a été mis à propos et en quantité suffisante, lorsque la fermentation s’établira sans précipitation, mais avec assez de promptitude, et qu’au bout de deux heures seulement le liquide se trouvera entièrement couvert d’écume.

Le lendemain, on fera le chargement du second tiers, en préparant dès la veille un levain de six kilogrammes de farine. On chauffera d’abord le moût, dans un cuvier à part, en y introduisant du bouillant en quantité suffisante, et on le mettra dans la cuve de fermentation, où l’on ajoutera, s’il est nécessaire, de la substance sucrée bien chaude, de manière à ramener la température au même degré que la veille  ; on mettra alors le levain, et l’on brassera soigneusement pour le mêler dans la masse.

Le jour suivant, on procédera pour le troisième chargement de la même manière qu’on l’a fait pour le second, en préparant le levain avec le restant de la farine ; et l’on aura soin de fermer exactement la cuve, après toutefois avoir suspendu dans le liquide un panier contenant dix kilogrammes de pierres calcaires, pour obvier autant que possible au développement et aux progrès de la fermentation acide.

Si l’on a bien procédé à la mise en fermentation, celle-ci ne sera point interrompue par le second et le troisième chargement ; elle marchera, au contraire, avec beaucoup plus d’activité, et le bruit qu’elle fera entendre à une distance assez éloignée, et qui ne diminuera qu’à mesure qu’elle approchera de son terme, sera un indice infaillible du succès de l’opération, qui ne devra pas se prolonger au-delà du troisième jour, après le dernier chargement ; elle marchera au contraire avec beaucoup plus d’activité, et le bruit qu’elle fera entendre à une distancé assez éloignée, et qui ne diminuera qu’à mesure qu’elle approchera de son terme, sera un indice infaillible du succès de l’opération, qui ne devra pas se prolonger au-delà du troisième jour, après le dernier chargement.

Il sera temps de distiller le vin lorsque les écumes seront tombées, et que la liqueur ne présentera plus aucun mouvement de fermentation. Le liquide devra marquer alors de un à deux degrés au plus à l’aréomètre : s’il marquait davantage, ce serait une preuve que la fermentation n’a pas été complète, et, dans ce cas, il faudrait s’en tenir là ; car on espérerait en vain son rétablissement ; toutes les tentatives que l’on pourrait faire pour y parvenir, seraient parfaitement inutiles. Enfin, lorsque la fermentation n’aura pas bien parcouru ses premiers périodes, elle sera dans le cas de languir quelquefois pendant plusieurs jours, et, dans cette circonstance, le meilleur parti, à l’égard de ce mal sans remède, sera d’attendre patiemment qu’elle soit parvenue à sa fin, pour distiller le liquide. Au reste, cette marche vicieuse n’aura jamais lieu si l’on a soin d’employer de bonnes matières, et que d’ailleurs on ne commette point de fautes dans le début de l’opération.

Lorsque la fermentation vineuse sera terminée, l’on remarquera néanmoins encore dans le liquide une espèce d’effervescence, que les personnes peu expérimentées prendraient facilement pour la suite de cette fermentation, mais qui ne sera rien moins que le commencement de la fermentation acéteuse : prenons-y garde ; il est fort important de ne pas s’y laisser tromper. Avec un peu d’attention dans la pratique, il sera toutefois facile de la distinguer par ses caractères qui diffèrent essentiellement de ceux de la fermentation vineuse : elle se manifeste, en effet, ou par de grosses bulles qui viennent crever à la surface, ou par un frissonnement qui n’a aucune ressemblance avec celui que produit ordinairement cette dernière fermentation.

L’opération heureusement parvenue à sa fin, la liqueur fermentée présentera un goût vineux très-agréable, et son odeur sera mixte entre celle de la bière et du cidre. On distillera le vin le plus promptement possible, et le produit de la distillation de deux cents kilogrammes de fécule sera de cent seize litres d’eau-de-vie, 19 degrés, très-bonne qualité ; plus, la quantité qu’aura fournie l’orge employée à la macération.

La marche que l’on aura à suivre pour la mise en fermentation, dans les trois autres procédés, ne diffère en rien de celle que je viens d’indiquer ; on ne devra donc point s’en écarter, même lorsqu’il s’agira de la pomme de terre traitée en nature par la cuisson et la réduction en pâte….

DEUXIÈME SECTION.
SECOND MOYEN.
Appareil à cuire les Pommes de terre.

Avant d’exposer les procédés de manipulation pour la mise en fermentation de la pomme de terre traitée en nature, je vais tâcher de décrire les divers ustensiles et appareils nécessaires pour ce genre de travail ; et comme la cuisson est toujours absolument d’obligation lorsqu’on destine ce végétal à la distillation alcoolique, c’est par là que je commencerai, en indiquant successivement deux moyens mis en usage pour cette opération.

Il s’agit, dans le premier, de mettre les pommes de terre dans une cuve en bois de chêne, de grandeur convenable, placée tout au près d’une chaudière à vapeur, telle que celle décrite dans notre chapitre de la saccharification de la fécule par l’acide sulfurique, et dont les deux robinets établis au-dessus de la calotte sont destinés, l’un à conduire la vapeur de l’eau bouillante dans la cuve, au moyen d’un tuyau qui l’y introduit par une ouverture pratiquée à sa partie inférieure, et l’autre à diriger les vapeurs spiritueuses dans un serpentin, lorsqu’il s’agit de distillation.

Un autre procédé, plus simple et moins coûteux, peut être avantageusement substitué au précédent (Voyez Pl. VII). Il consiste en une chaudière en fonte, établie dans un fourneau formé par un massif de maçonnerie, dont la surface supérieure, revêtue d’un bon ciment, s’élève par une pente douce tout autour de la chaudière, à partir de son bord. Une cuve en bois de chêne, bien cerclée en fer et de même diamètre que la partie la plus évasée de la maçonnerie, est placée sur celle-ci, de manière à reposer solidement sur le massif dans tout son contour. Le fond de cette cuve doit être de bonne épaisseur, et percé d’un certain nombre de trous de quinze à vingt centimètres de longueur sur quinze millimètres de large, pour donner passage à la vapeur qui doit cuire les tubercules : la forme longue est indispensable dans ces trous ; car s’ils étaient ronds, chacun d’eux serait infailliblement bouché, et ainsi le passage demeurerait intercepté au véhicule du calorique, et la cuisson ne pourrait plus avoir lieu. C’est par une ouverture pratiquée au bas de la cuve, et fermant exactement au moyen d’une portière à coulisses, que l’on tire les pommes de terre lorsqu’elles sont cuites, ce qui facilite beaucoup le manipulateur, qui sans cela serait obligé de renverser l’appareil à chaque opération. Si, comme il arrive ordinairement, la cuve laisse échapper un peu de vapeur par-dessous ses jables, dans l’endroit où ceux-ci reposent sur la maçonnerie, il est facile d’y remédier en appliquant tout autour une espèce de pâte formée d’argile, délayée avec du crottin de cheval, toutes les fois qu’on la remet en place, après l’avoir enlevée pour nettoyer la chaudière ; ce qui a lieu tous les lundis matin, en supposant qu’on ait constamment travaillé pendant la semaine précédente. Ce déplacement s’opère aisément et sans qu’il soit besoin de recourir pour cela à aucune machine, lorsque la cuve est de moyenne grandeur ; mais si elle est de grande dimension, il faut se servir d’une poulie mouflée, placée à hauteur suffisante et verticalement au centre de son ouverture.

Lorsque la chaudière est à sec, ou que, par l’effet de l’évaporation, son eau a éprouvé une diminution trop considérable, on la charge ou l’on recroît par un tuyau traversant la maçonnerie, précisément dans l’endroit qui sépare les deux parties de l’appareil, c’est-à-dire, au milieu de la pente douce dont nous avons parlé, qui forme la surface supérieure du fourneau.

Tels sont les moyens d’opérer la cuisson des pommes de terre. Quoique ce dernier paraisse préférable à tout autre, il offre néanmoins quelques difficultés, qu’il serait peut-être facile d’aplanir, en substituant au fond percé de trous de la cuve une grille formée de tringles de fer ayant un écartement convenable entre elles, et susceptible de pouvoir être enlevée à volonté, au moyen de la poulie dont il vient d’être fait mention. De cette manière, la cuve resterait immobile : on pourrait même l’envelopper entièrement de maçonnerie, pour la conservation du calorique ; et lorsqu’on serait obligé de nettoyer la chaudière, cela n’éprouverait évidemment aucune difficulté.

Machine à écraser les Pommes de terre cuites.
(Voyez Pl. VIII.)

Cette machine se compose de deux cylindres en bois, d’un diamètre égal à quarante-cinq centimètres, formés de plusieurs disques en chêne, de six centimètres d’épaisseur, superposés et assemblés comme ceux de la râpe décrite au chapitre de la féculerie. C’est entre ces cylindres que l’on fait passer les pommes de terre pour être écrasées. L’un fait mouvoir l’autre au moyen d’un engrenage composé de deux roues dentées, de diamètre inégal, afin qu’il soit exercé, outre la pression, une espèce de frottement qui facilite l’écrasement du tubercule. Si une des deux roues porte vingt dents, l’autre ne doit en avoir que quinze ; et c’est à l’extrémité de l’axe qui traverse la plus petite, qu’est ordinairement fixée la manivelle à l’aide de laquelle on met les cylindres en mouvement. Au-dessus de ceux-ci est une trémie, où l’on place les tubercules à écraser, pour, après, être reçus dans une caisse formée par la charpente même qui supporte le tout, et dont l’un des grands côtés s’ouvre à charnières en s’abaissant, dans toute sa longueur et dans toute sa hauteur,, pour l’enlèvement des pommes de terre écrasées.

Lavage de la Pulpe.

Ce sont les pelures des pommes de terre et les morceaux qui, n’ayant pas été suffisamment écrasés, n’ont pu se dissoudre, qui forment presque tout le dépôt qui se trouve au fond des cuves de fermentation, et qui, dans la distillation, infectent le produit alcoolique : il est donc fort essentiel de s’en débarrasser ; ce qui n’est pas aussi difficile qu’on pourrait d’abord le croire, car il existe pour cela un moyen bien simple et que je ne puis m’empêcher de recommande/.

Ce moyen consiste à remplir un panier de pommes de terre écrasées, et à le plonger dans l’eau à plusieurs reprises, en ayant soin de délayer et de bien agiter la masse qu’il contient, afin que toute la pulpe, en le traversant, se précipite dans le liquide, et qu’il n’y reste plus que les pelures et les morceaux, que l’on repasse aux cylindres, pour les soumettre ensuite à un nouveau lavage.

Il faut, autant que possible, que cette opération ait Lieu dans une quantité d’eau qui ne dépasse pas le quart de la contenance de la cuve de fermentation, pour le premier chargement,

ét dont la température soit constamment de 50° ; température qu’il importe de conserver pendant le travail, et que l’on maintient facilement à l’aide de l’eau bouillante qu’on introduit de temps en temps, selon le besoin, dans le cuvier où se pratique l’opération.

Mise en fermentation.

' Si, par exemple, il s’agit de mettre en fermentation quatre cents kilogrammes de pommes de terre, la proportion du malt à employer pour la macération sera de cinq pour cent, c’est-à-dire de vingt kilogrammes, et la contenance de la cuve de vingt-quatre hectolitres, non compris la partie qui doit demeurer vide. On fera chauffer de l’eau jusqu’à l’ébullition, et, après l’avoir maintenue dans cet état pendant quelques minutes, on en fera refroidir une partie jusqu’à 4o degrés, pour faire la pâte avec la moitié du malt, c’est-à-dire avec dix kilogrammes, pour le premier chargement de la cuve de fermentation. On préparera cette pâte dans un petit baquet, en versant peu à peu l’eau à 40 degrés sur le malt réduit en farine, et en pétrissant continuellement, de manière que cette farine en soit bien pénétrée dans toutes ses parties, et qu’il n’y reste aucun grumeau. L’on continuera d’ajouter de la même eau, jusqu’à ce que la masse porte de 25 à 27 degrés du thermomètre ; on couvrira alors le baquet, et on le laissera ainsi pendant une demi-heure.

Ce repos expiré, il sera temps de procéder pour le lavage, qui devra ^’effectuer dans un cuvier dit de macération, dont la contenance sera d’à-peu-près six hectolitres, et la profondeur de beaucoup inférieure au diamètre ; mais, avant que d’entreprendre cette opération, on commencera par transporter dans ce cuvier toute la pâte provenant du malt qu’on aura fait ramollir, ainsi que je* viens de dire ; on y introduira ensuite graduellement de l’eau bouillante jusqu’à ce qu’on ait obtenu cinquante degrés de chaleur, et l’on aura soin, en pratiquant le lavage, d’agiter de temps en temps la matière, afin que le malt se mêle bien avec les pommes de terre, et que la macération commence même dès le principe à s’effectuer. L’opération terminée, on laissera le cuvier couvert pendant deux heures : l’on jettera ensuite le liquide dans la cuve de fermentation, après toutefois en avoir accéléré, autant que possible, le refroidissement ; de manière à ce qu’en y mêlant la quantité d’eau froide nécessaire pour la remplir à moitié, elle se trouve au degré convenable pour la mise en levain, c’est-à-dire à la température de 20 à 25 degrés. Ce degré varie selon la saison, la grandeur des cuves, la nature de l’eau, etc. A l’aide du thermomètre, il sera facile de trouver, en peu de temps, le plus avantageux pour chaque distillerie et pour chaque circonstance. Les deux autres chargemens se feront de la même manière, à vingt-quatre heures d’intervalle,et en employant le restant du malt en deux fois et à parties égales, avec une quantité d’eau capable de remplir la cuve de fermentation, à la hauteur convenue.

On agira du reste, sous tous les rapports, comme dans le premier procédé ; après quoi l’on soumettra le vin à la distillation, selon les règles ordinaires ; et, si l’opération se fait à feu nu, on aura soin d’agiter fortement le liquide jusqu’au moment de l’ébullition, pour empêcher que la précipitation de quelques pâtes au fond de l’alambic n’infecte le produit ou n’entraîne la rupture de l’appareil.

Quatre cents kilogrammes de pommes de terre ainsi traitées donnent ordinairement trente-six litres d’eau-de-vie, 19 degrés, et d’une qualité passable.

C’est ainsi que s’opère la mise en fermentation de la pomme de terre en nature, cuite à la vapeur : je ferai observer toutefois qu’après le repos dé deux heures, nécessaire pour la macération, la fluidificadon et la saccharification de la fécule sont à peine sensibles et peuvent facilement échapper à l’œil du manipulateur, par le changement peu apparent qu’elles présentent dans la masse. A quoi donc attribuer cette dissemblance de phénomènes avec ceux que l’on observe en traitant directement la fécule, convertie en empois, de la même manière ? cela ne peut tenir évidemment qu’à l’état différent qu’affecte celle-ci dans ces deux circonstances. En effet, dans le cas dont il s’agit ici, elle est cuite à la vapeur au milieu des cellules du parenchyme ; elle change bien visiblement d’état alors, et cela à l’aide des élémens de la petite quantité d’eau de végétation que retient le tubercule ; mais cette quantité d’eau est trop petite pour la transformer en empois et la rendre, par-là même, et soluble et facilement attaquable par le malt : le parenchyme d’ailleurs, dans lequel elle se trouve enveloppée, forme des grumeaux plus ou moins gros qui s’opposent au contact immédiat de ces deux substances, et détruit ainsi une des conditions nécessaires au phénomène, qui, ne se produisant qu’en raison des surfaces, devient alors très-lent et peu sensible, même après un contact de deux heures. La différence d’état entre la fécule de pommes de terre cuites à la vapeur et celles réduites en empois, provient uniquement des proportions d’eau différentes qui ont fourni les élémens de sa transformation ; et si nous voulons encore un autre exemple de l’eau sur le degré de décomposition de la fécule, nous le trouverons dans la comparaison de cette substance neutre, et dans les pommes de terre cuites à l’eau, et dans celles cuites sous la cendre. Dans les premières, en effet, la fécule est beaucoup plus dénaturée que dans les secondes, où elle conserve encore son aspect cristallin : sa décomposition est donc dépendante de la masse d’eau dans laquelle elle se trouve noyée quand on l’expose à l’action du calorique. Pour ce qui concerne la saccharification de la fécule dans l’art du distillateur de pommes de terre, l’expérience prouve que si elle ne fait que commencer à la macération, elle continue à marcher spontanément avec la fermentation ; et nous déduirons de ce fait que si elle s’opère mieux à la température de 50 degrés, elle peut néanmoins avoir lieu à une température plus basse, à celle de la fermentation, par exemple ; mais alors elle est plus lente, et exige plus de temps pour parcourir tous ses périodes.


TROISIÈME SECTION.
Troisième moyen.

Ce troisième moyen, préférable aux deux précédens, consiste à remplacer les deux opérations de la cuisson du tubercule et de sa réduction en pâte, par le râpage et la séparation de la fécule.

Après donc avoir râpé la pomme de terre, on la déposera dans des tamis de crin d’une grande dimension, et l’on repassera de l’eau sur la pulpe, afin d’être certain d’en séparer toute la fécule que le râpage aurait mise en liberté. La fécule étant une fois séparée par précipitation, on la transportera brute et délayée dans une petite quantité d’eau froide, dans la cuve même de fermentation, où elle sera convertie en empois, de la manière indiquée, par de l’eau bouillante qu’on y introduira, pendant que l’on s’occupera d’ailleurs à agiter fortement le mélange : alors on mettra en macération avec vingt-cinq pour cent du poids de la fécule, en orge maltée ; Ip mélange se liquéfiera comme il a été dit ailleurs, et l’on mettra en fermentation suivant les règles ordinaires.

En opérant ainsi, quatre cents kilogrammes de pommes de terre donneront pour produit 48 litres d’eau-de-vie, au titre convenable, très bonne qualité, et d’un goût aussi exquis que celle que l’on obtient par le moyen de l’acide sulfurique. i

QUATRIÈME SECTION.
Quatrième moyen, supérieur à celui qui précède.

L’on râpera, par exemple, quatre cents kilogrammes de pommes de terre, le mieux qu’il sera possible ; on en jettera la pulpe dans une cuve à double fond, et, pendant que les ouvriers, armés de râbles, l’agiteront en tous sens, on y fera arriver de l’eau bouillante. Toute la fécule, mise en liberté, se trouvera convertie en empois ; celle que retient le parenchyme subira même cette décomposition : alors on la traitera avec vingt-cinq kilogrammes de malt réduit en farine bien divisée et non concassé, et on y ajoutera même utilement une petite quantité de courte paille de froment.

La fluidification s’opérera, puis la saccharification, dans l’espace de deux heures : on retirera alors tout le liquide pour le conduire dans la cuve de fermentation ; on laissera égoutter la masse pulpeuse pendant une demi-heure, et quand elle sera ainsi séparée de la plus grande quantité du liquide qu’elle contient, on y introduira une nouvelle quantité d’eau marquant de quarante-cinq à cinquante degrés, et l’on brassera de nouveau le mélange. Cela terminé, on soutirera le liquide, et la pulpe qui restera dans la cuve sera soumise à l’action rapide d’une presse. De cette manière, on extraira de la pomme de terre une bien plus grande quantité de matière fermentescible, et le liquide ne sera accompagné d’aucune espèce de dépôt, toute la matière solide restant au fond de la cuve. On agira pour le reste de l’opération comme il a été dit dans le premier procédé ; et par ce moyen, le produit de 4oo » kilogrammes de pommes de terre sera de 50 à 55 litres de très-bonne eau-de-vie à 19 degrés.


  1. Cette température est dans tous les cas la plus favorable ; cependant M. Dubrunfaut établit ainsi les données approximatives sur lesquelles on peut en proportionner le degré à la capacité des vaisseaux. Selon lui, une cuve de 5 hectolitres demande 25 à 28.Une de 10 20 à 25.Une de 20 15 à 20.Au-delà de ces dimensions 12 à 15.