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La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/2

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CHAPITRE II.

CULTURE DE LA POMME DE TERRE.


PREMIÈRE SECTION.

Ses divers moyens de reproduction.

La pomme de terre jouit de divers moyens de reproduction qui ne sont point à dédaigner, quoique tous ne présentent pas le même avantage ; le cultivateur peut néanmoins s’en servir comme ressource au besoin ; mais toujours est-il vrai que la préférence doit être donnée à la plantation des tubercules. Ces moyens sont au nombre de cinq :

1.° Planter des pommes de terre entières, de moyenne grosseur ;

2.° En planter de plus petites, aussi entières ;

3.° Employer des morceaux de même grosseur que les petites ;

4.° Des pelures de pommes de terre moyennes ;

5.° Enfin, les yeux de ces derniers tubercules.

Dans le 1er numéro, les plantes fortes, bien nourries, s’élèvent rapidement et présentent toujours dans la suite une vigoureuse végétation ; celles du numéro 2, quoique belles, ne rivalisent point avec les premières ; les tiges du numéro 3 sont moins fortes, et celles des numéros 4 et 5, grêles et ne pouvant se soutenir, se courbent et tombent bientôt sous leur propre poids ; enfin, on remarque dans les produits une succession de gradation, qui prouve que le but d’économie que l’on se propose en plantant des fragmens, des pelures, ou des yeux, ne saurait être atteint à cause de leur diminution progressive.


DEUXIÈME SECTION.

Du sol qui convient.

Ce végétal vient également bien dans toutes les terres, excepté dans celles qui sont trop argileuses ; les terrains sablonneux sont pourtant ceux qui lui conviennent le mieux, pourvu qu’ils aient assez de consistance et qu’ils soient suffisamment chargés en humus pour produire du beau froment. Le sol influe considérablement sur sa bonté, mais non sur son abondance, qui dépend surtout de la saison, des engrais et des cultures qu’il reçoit. En général, les tubercules sont plus petits, mais de meilleure qualité, dans un terrain léger que dans une terre forte, dans les années moins pluvieuses que dans celles qui le sont davantage, et où la vigueur de leur végétation se manifeste avec beaucoup trop d’activité.


TROISIÈME SECTION.

Du labour et de la plantation des tubercules.

Il est impossible de déterminer d’une manière positive le nombre des labours préparatoires qu’il convient de donner à la terre pour cette culture non plus que pour toutes les autres ; cela dépend toujours de la nature du sol, de la manière dont il a été antérieurement cultivé, de l’humidité ou de la sécheresse du terrain dans le moment actuel, et du plus ou moins de perfectionnement dans la charrue qu’on emploie. Si le terrain est léger, que d’ailleurs il soit meuble et bien purgé des mauvaises herbes par les sarclages réitérés de plusieurs récoltes antérieures, un seul labour à raies étroites et profondes, donné par une bonne charrue, sera suffisant pour mettre le sol en état de recevoir les tubercules qu’on voudra lui confier ; et il faudra même s’en tenir là, car il arrive souvent que dans un terrain semblable, plusieurs labours seraient plus nuisibles qu’avantageux ; tandis que dans les terres tenaces, souillées de mauvaises herbes par une succession de récoltes mal entendues, deux ou trois labours et plusieurs forts hersages suffiraient à peine pour les ameublir et les nettoyer suffisamment. Dans ce dernier cas, il convient de commencer à préparer la terre avant l’hiver, en lui donnant un très-fort labour, que l’on fait accompagner d’une extirpation exacte de toutes les mauvaises herbes. C’est vers le 15 mars que l’on détruit celles qui pourraient être survenues pendant le cours de la mauvaise saison, par un second labour, suivi d’un fort hersage, et que l’on donne à la terre l’engrais qu’exige la nature du sol[1], afin qu’elle en élabore les sucs nutritifs avant le troisième labour, qui a lieu au moment de la plantation, c’est-à-dire dans le courant du mois d’avril.

C’est lorsqu’on opère ce troisième labour qu’on plante les pommes de terre, que quelques enfans, en suivant de près le laboureur, sont ordinairement chargés de distribuer dans les sillons, par une, et à la distance de douze à quinze pouces. Si le sol est sec de sa nature, ils les jettent sans précaution ; mais s’il est naturellement humide, ils ont soin de les placer au-dessus du fond du sillon et sur le revers de la bande de terre, afin de mettre le tubercule à l’abri des influences d’une trop grande humidité, et d’assurer, par cette disposition, le succès d’une récolte de meilleure qualité, sinon plus abondante. Le laboureur les recouvre aussitôt par le moyen de sa charrue, disposée à cet effet, en traçant une nouvelle raie très-voisine de la première, et dans laquelle on ne plante rien ; et ainsi les plants se trouvant également espacés dans tous les sens, l’ouvrage de la plantation se termine par la herse, traînée sur toute la surface et suivie d’un pesant rouleau.


QUATRIÈME SECTION.

Du Binage.

La pomme de terre demande trois labours ou binages pendant le cours de sa végétation ; le premier, qui n’est rien autre qu’un ratissage, a lieu quand elle est sur le point de sortir de terre ; le second se pratique dans le courant du mois de juin, lorsque la plante est à la hauteur de vingt à vingt-cinq centimètres ; le troisième s’opère en juillet, et il est rare que, dans un bon terrain, on puisse en donner un quatrième, parce qu’alors les plantes doivent en partie couvrir la surface du sol, et qu’une telle opération ne pourrait que leur être préjudiciable. Ces binages, surtout le second, devant être approfondis à au moins huit centimètres, on pourrait avantageusement employer à cet effet la houe à cheval, proposée par M. de Fellemberg, avec laquelle un cheval bine aisément, dans une journée, un hectare et demi et même deux hectares de terre, en faisant toutefois suivre des ouvriers, qui, par la houe à main, achèvent la culture dans l’intervalle qui sépare les plantes transversalement. Il est néanmoins des cas où il serait possible de se passer du secours de ces derniers : si, par exemple, on plantait les pommes de terre en échiquier, en les alignant en deux sens et à angle droit au moment de la plantation. La chose est toute simple et n’offre aucune difficulté ; on n’aurait qu’à signaler la place qu’occupe chaque tubercule dans la première raie, par des cailloux distribués sur le dos du premier sillon, désigner ceux de la troisième ou quatrième de la même manière, et se servir de ces points de mire pour la plantation de tous les autres. Alors la houe à cheval ne rencontrerait aucun obstacle, elle pourrait aisément marcher dans les deux sens, et amonceler la terre au pied et tout autour de chaque plante.

Quoi qu’il en soit, c’est toujours une économie mal entendue de biner les pommes de terre à la houe à cheval ou à la charrue ; car il n’est pas de légume qu’il faille mieux purger de toutes mauvaises herbes et qui demande la surface du terrain plus meuble, pour recevoir les émanations de l’atmosphère ; et je ne vois que la binette qui puisse parfaitement opérer ces deux effets. J’avoue que le travail est plus long ; mais le cultivateur se trouve bien dédommagé par l’état de sa terre, bien nettoyée et par conséquent beaucoup plus propre aux récoltes qui doivent succéder.

Il est de la plus haute importance de choisir pour les binages, comme pour les autres labours, le moment le plus favorable sous le rapport de l’état d’humidité de la terre ; car si on les donne lorsqu’elle est trop humide, les mottes qui en résultent se dessèchent et se durcissent au point qu’il devient impossible d’ameublir la terre pendant tout le reste de la saison. Cette observation a principalement pour objet les terres fortes et les terres blanches[2].

De même, si dans pareille circonstance, ou lorsque les feuilles sont mouillées, on donne une de ces cultures à la pomme de terre, il en résulte que la plante jaunit bientôt et finit souvent par demeurer languissante. L’expérience peut seule toujours apprendre à choisir, pour ces différentes opérations, l’instant le plus propice, qui diffère selon les diverses natures de terrain ; il est néanmoins assez généralement reconnu chez les cultivateurs, que les meilleures cultures de ce genre sont celles qui ont lieu après une pluie, lorsque le temps, étant remis en beau, les feuilles sont sèches, et que le sol n’est déjà plus trop chargé d’humidité.


CINQUIÈME SECTION.

De la récolte.

On récolte les pommes de terre dans le mois de septembre et d’octobre ; il faut les arracher avec célérité et aussitôt qu’elles sont à maturité, ce qui se connaît lorsque les feuilles commencent à tomber, et que les tubercules se détachent facilement de la tige, en la secouant. Aussitôt qu’elles sont hors de terre, on les laisse ressuyer sur le sol, afin de ne les rentrer que bien sèches, ce qui donne à comprendre que l’on doit éviter de les récolter dans un temps humide et pluvieux.


SIXIÈME SECTION.

Conservation des tubercules.

Il est reconnu que des légumes de différentes espèces, réunies dans le même lieu, se corrompent mutuellement en se communiquant, par une réciprocité funeste, la saveur qui leur est particulièrement naturelle ; il faut donc, pour conserver la pomme de terre, l’isoler entièrement de tous ceux qui lui sont étrangers. On ne doit point non plus la placer dans l’eau, ni même la laver ou rafraîchir par des aspersions aqueuses, jusqu’au moment où elle doit être consommée, parce que sa saveur en serait considérablement altérée. Si, au moment où elle doit être employée, on s’aperçoit qu’elle est devenue flasque ou coriace, on peut, en la plongeant dans l’eau et l’y laissant quelques heures, lui rendre sa première délicatesse, et s’en servir alors comme si elle était nouvellement récoltée ; mais ce qu’il faut surtout avoir soin de prévenir, c’est l’évaporation, qui a principalement lieu par la section du tubercule ; et pour parvenir à ce but, on évitera encore, autant que possible, de nettoyer ce végétal de la terre qui lui est adhérente, parce qu’on courrait risque de blesser les petits fibres qui la retiennent, et que par-là on hâterait l’évaporation. Quant à la gelée, tout le monde est convaincu que c’est un ennemi dangereux et mortel qui détruit la vie des végétaux ; on prendra donc toutes les précautions possibles pour le tenir éloigné, et l’empêcher de nuire surtout dans les momens les plus froids de la saison rigoureuse.




  1. Si le terrain est fort, il exige une plus grande quantité d’engrais que s’il est léger.
  2. Quoique la couleur des terres que l’on désigne sous le nom de terres blanches soit assez variable, il est néanmoins facile de les reconnaître ; car, exemptes de pierres et de galets, elles paraissent former un tout bien homogène et à grains très-fins, qui ne contient pas même du sable visible à l’œil nu. Voici quel est leur défaut : elles se convertissent en boues et se dessèchent facilement ; mais si la sécheresse succède à de grandes pluies, elles se durcissent tellement, que la croûte qui les recouvre étrangle pour ainsi dire les plantes, et s’oppose considérablement à leur végétation.