Lamiel/Appendice/03

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Texte établi par Casimir StryienskiLibrairie Moderne (p. 319-321).


APPENDICE III

NOTES
SUR LE CARACTÈRE DU DOCTEUR SANSFIN


Caractère de Sansfin. — S… était un de ces bossus d’esprit étonnants par leurs sottises incroyables. Il saisissait avec rapidité l’événement présent, mais il était incapable de réfléchir à quelque chose de grand d’une façon suivie. — Autrement plus de rire[1].

Sansfin prend peu à peu l’idée de séduire la duchesse ; pendant ce temps Lamiel se forme, puis maladie de Lamiel ; le docteur veut prendre ce pucelage.

— Moi, disgracié de la nature, s’écrie-t-il, quel triomphe !

Dominique[2] aura-t-il assez d’esprit pour avilir comme il faut Sansfin ?

Comme Dq. n’a que la bravoure et la vertu (être utile à son propre péril)[3]

. . . . . . . . . . . . . . .

ainsi je ne laisserai à Sansfin que le talent de M. Prévôt[4]

Comme de la moindre nuance de style dépend le comique, faire un plan serait oiseux ; il faut faire ceci, petit morceau par petit morceau ; à chaque instant, Dominique peut se laisser aller au talent de peindre (avec grâce même, je l’admets) des sentiments ou des paysages ; mais faire cela, c’est se tromper soi-même, c’est être aussi bête qu’un Allemand ; le rire n’est pas né.

Sansfin a le talent de Prévôt pour tout avantage ; l’horreur de rouler sa bosse le porte à agir.

Il débute par la chute aux yeux des lavandières, puis son tempérament de satyre, son tempérament furieux le porte à tenter d’avoir Lamiel.

Il corrompt Lamiel, qui se fait avoir pour un écu (je suis fâché que, depuis que cette idée est écrite, Léo[5] de M. de la Touche m’ait volé cette idée ; ce n’est pas ma faute, il me restera peut-être le coloris normand du fin paysan qui gagne cet écu ; je n’ai vu de Léo que l’extrait malveillant par M. de Balzac).

La vanité, la seule passion de Sansfin, la vanité irritable et irritée le porte à montrer à Lamiel qu’il peut séduire la duchesse (modèle : la piccola Maja).

Sansfin met Lamiel aux écoutes, la duchesse l’accable d’outrages.

Ce n’est pas arranger ces outrages qui m’embarrasse, c’est de savoir s’ils produisent un effet suffisamment comique.

Sansfin doit être attrapé en tout et ne se décourager jamais. (Modèles : Pot de vin blanc et princesse Altima Az.) Il devient le sénateur comte Malin.

Modèle for me (pour moi), le sieur Cl. de Riz, qui disait de Mme  N…[6].

Sansfin est chirurgien à Langanerie ; esprit très vif mais sans nulle profondeur, il ne devine rien par imagination, mais sent avec finesse et analyse tout ce qui existe et tout ce qu’il éprouve ainsi qu’un homme couché dans un mauvais lit d’auberge en sent tous les noyaux de pêches.

1o La haine de Sansfin fait souffrir sa vanité.

2o La vanité fait souffrir la haine.



  1. On a vu que Beyle voulait écrire, cette fois, un roman gai.
  2. Voir Préface, page xii.
  3. En blanc dans le manuscrit.
  4. Médecin genevois, ami de Beyle.
  5. Léo, roman de H. de La Touche, l’éditeur de Chénier, 1810.
  6. La phrase est restée en blanc.