Lausanne à travers les âges/Bibliothèques/04

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Collectif
Librairie Rouge (p. 159-160).


IV


Musée des Beaux-Arts.

Le Musée de peinture a pour origine une association qui se constitua en 1811 en vue d’acheter les œuvres de l’aquarelliste Louis Ducroz[1], qui venait de mourir peu auparavant à Lausanne.

Ecoles normales (1900).

Ces tableaux, qui représentaient des paysages italiens, furent cédés, en 1816, au gouvernement et devinrent le noyau d’une collection nationale. Après avoir été logés provisoirement ailleurs, ils furent déposés en 1818 au Musée cantonal des sciences naturelles. — Quelques dons particuliers et quelques achats, faits par l’Etat, vinrent l’enrichir peu à peu. En 1834, le peintre Arlaud[2], qui déjà dirigeait à Lausanne une école de dessin, offrit au gouvernement de mettre une somme de 34 000 francs anciens (51 000 francs actuels) à sa disposition pour la construction d’un bâtiment destiné à recevoir une école cantonale de dessin et un Musée des Beaux-Arts. Il avait alors près de soixante-deux ans. Il demandait en échange que le gouvernement lui fît, sa vie durant, une rente équivalant au 4 1/2 % du montant de sa donation.

Cette offre généreuse fut acceptée avec reconnaissance ; une entente intervint avec la Commune, qui fournit un terrain au sud de la place de la Riponne. Il fut convenu que la ville construirait les étages inférieurs de l’édifice jusqu’au niveau de la place pour y installer des classes d’école et que les étages supérieurs seraient bâtis par l’État. Ainsi fut fait. Le Grand Conseil vota dans ce but un crédit de 16 500 francs anciens (24750 francs actuels) ; l’architecte Wenger fut chargé de l’élaboration des plans et de la direction des travaux.

Le Musée des Beaux-Arts garda de son fondateur le nom de Musée Arlaud ; MM. Arlaud, de Haller-Audraz et Ch. Lardy s’occupèrent de son organisation. Il fut inauguré le Ier janvier 1841. Les principaux donateurs, après Arlaud, furent la générale de la Harpe, MM. Vincent Perdonnet, Rivier (de Jouxtens), Audéoud (de Genève), Fernand de Loys, Emile de Crousaz, R. Piccard, Monod-Forel, la famille Bocion, la famille Saint-Ours, la Société vaudoise des Beaux-Arts, et plus récemment Mme Emile David et M. J.-J. Mercier-de Molin. La Confédération a déposé au Musée des œuvres importantes, entre autres la Fuite de Charles le Téméraire d’Eugène Burnand.

Le bâtiment construit en 1840 n’a pas tardé à devenir insuffisant pour les collections qu’il était appelé à recevoir ;-aussi, quand vint à se poser la question de l’emploi des capitaux de la fondation de Rumine, la ville et l’Etat tombèrent d’accord pour réserver, dans l’édifice à construire, des salles pour le Musée des Beaux-Arts.

Le transfert est accompli et il n’est pas douteux que les tableaux, dont on jouissait mal au Musée Arlaud, à cause de l’exiguïté des locaux et de leur éclairage défectueux sont plus en valeur dans les belles salles qui leur ont été affectées. Avec raison, les divers conservateurs, qui se sont occupés de l’administration du Musée Arlaud, se sont appliqués à acheter principalement des œuvres de peintres vaudois, sans pour cela négliger les œuvres des artistes d’autres cantons suisses.

Pour accuser cette note vaudoise, une des salles du nouveau musée sera plus spécialement consacrée à Gleyre, dont plusieurs toiles importantes sont à Lausanne. Mentionnons des œuvres de jeunesse : La Nubienne et la Diane ; deux tableaux Historiques : Le Major Davel et les Romains passant sous le joug ; les esquisses du Déluge, d’Adam et d’Eve, de la Séparation des apôtres et d’Hercule aux pieds d’Omphale, les portraits de W. Haldimand, du Général Jomini et de Victor Ruffy. Une autre salle sera consacrée à l’école contemporaine ; on installera aussi à part les œuvres d’Emile David, qui a rendu avec tant de grâce le charme pénétrant de la campagne romaine. La veuve d’Emile David décédée eh 1904 a, peu avant sa mort, fait don au Musée de plusieurs tableaux de son mari, ainsi que d’une somme de 40 000 francs, destinée à acquérir d’autres œuvres de cet éminent artiste.

Le Musée de Lausanne possède quelques bonnes toiles anciennes ; mentionnons surtout des portraits de Largillière et de Rigaud. Les peintres suisses y sont largement représentés par Diday, Calame, Koller, Anker, Baud-Bovy, Gos, Karl Girardet, Jeanneret, Ravel, Breslau, Rœderstein, Giron, Simon Durand, Hodler et Welti, etc. ; le canton de Vaüd par J.-S.-L. Piot, Benjamin Vautier, Piccard, Léon Morel Fatio, Alfred van Muyden, E. David, Fr. Bocion, Alfred Chavannes, Eugène Burnand, Julien Renevier, Ch. Vuillermet, Th. Bischoff, Ernest Bieler, E. S. Grasset, Alex. Steinlen, Fernand Gaulis, Frédéric Rouge, etc.

Le premier conservateur du Musée Arlaud a été le peintre Piot (1849-1858) ; il a eu pour successeurs Godefroy de Blonay (1858-1868) et de la Cressonnière (1868-1886), puis M. E. Ruffy, chef du département de l’instruction publique (1886-1894), enfin M. Emile Bonjour (de 1894 a ce jour)[3] .

  1. Né A Yverdon en 1748, Abram-Louis Ducroz vécut longtemps en Italie ; il revint en Suisse en 1808 et mourut à Lausanne en 1810.
  2. Marc-Louis Arlaud, né à Orbe en 1772, mort à Lausanne en 1845, appartenait à une famille d’artistes, originaire d’Auvergne. Il avait étudié à Paris dans l’atelier de David.
  3. Voir la notice que ce dernier vient de publier sous ce titre : Le Musée Arlaud, 1841-1904. Lausanne, 1905, Imprimerie Georges Bridel & Cie.