Lausanne à travers les âges/Instruction/02

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Collectif
Librairie Rouge (p. 142-148).


II

Établissements communaux.

La Direction des écoles constitue l’un des dicastères de l’administration communale. L’inspection et la surveillance des écoles appartiennent à la Commission scolaire composée de cinq membres, dont deux sont désignés par le Conseil d’État et deux par la Municipalité. Elle a pour président le directeur des écoles, qui est un des membres de la Municipalité. Font partie du personnel de la Direction des écoles les contrôleurs au nombre de deux, l’inspectrice des écoles enfantines, le médecin des écoles, les secrétaires et un huissier.

La Commune de Lausanne possède une école supérieure de jeunes filles, des écoles primaires, des écoles enfantines, une école ménagère professionnelle et une classe pour enfants retardés ; elle s’impose pour les entretenir de lourds sacrifices. Les dépenses pour l’instruction publique ont figuré dans les comptes de 1894 pour 735 900 francs. Le budget de 1906 prévoit une dépense de 820 000 francs ; on peut s’attendre à ce que dans cinq ans le million soit atteint.

La Commune a consacré plus de quatre millions de francs à la construction de ses bâtiments scolaires ; les plus importants sont ceux de Villamont-dessous (École supérieure), de Saint-Roch, Villamont-dessus, Beaulieu, Ouchy, la Barre, Prélaz (en construction), la Solitude, les Jumelles (écoles primaires et enfantines). Ces édifices sont conçus d’après les derniers perfectionnements de l’hygiène scolaire. La moyenne du cube d’air par élève y varie de 5.33 m3 à 6.50 m3. L’installation des water-closets et des lavabos a spécialement préoccupé l’attention des autorités scolaires. Des douches scolaires existent dans les collèges de Saint-Roch et de la Barre. Elles vont être installées au collège de Villamont.

Deux pavillons scolaires à deux classes ont été construits, dans l’espace de six semaines environ, à Bellevaux et en Prélaz (quartier occidental de la ville). Ces locaux scolaires, à la fois démontables et confortables, rendent de grands services. Ils ont permis de satisfaire à des besoins urgents ; l’essai paraît avoir réussi. Sans doute, ces constructions ne remplaceront jamais les collèges proprement dits ; elles doivent être considérées un peu comme des locaux d’occasion. Leur coût s’est élevé à 30 000 francs pour quatre classes.

Notons encore, au point de vue sanitaire, que les autorités se proposent de créer une « commission d’hygiène scolaire » qui s’occuperait tout spécialement des conditions de salubrité des installations scolaires, des instructions à donner au personnel enseignant, aux concierges et aux élèves, de manière à rendre plus efficace l’intervention du médecin des écoles.


École supérieure communale des jeunes filles et gymnase. — Cet établissement a été fondé en 1849. Le Gymnase date de 1891. Le bâtiment de Villamont-dessous, où cette École est installée, a été inauguré en 1888. C’est un des plus beaux édifices scolaires du pays.

Les débuts de l’École supérieure furent modestes. En 1849, elle comptait 7 professeurs et maîtresses et 41 élèves. En 1851, le directeur demande l’autorisation de faire insérer dans un ou deux journaux de la Suisse allemande un simple avis signalant l’ouverture de l’École.

Policlinique universitaire (1904).

La commission scolaire n’entre pas dans ses vues : elle se borne à autoriser l’un de ses membres, qui avait l’occasion de se rendre dans le canton de Saint-Gall, à distribuer à bon escient quelques programmes de l’établissement. La réclame était alors à l’état embryonnaire !

La réorganisation de 1891 fut capitale : l’École comprend aujourd’hui un gymnase de trois années d’études (15 à 18 ans et au-dessus) et une division inférieure (10 à 15 ans), dont le programme est celui de l’enseignement secondaire vaudois.

Après examens, le Gymnase délivre aux élèves étrangères qui ont suivi le cours un certificat d’aptitude à l’enseignement du français. Les élèves sortant de la troisième année du Gymnase reçoivent, après examens, un certificat de capacité donnant droit à l’immatriculation, comme étudiantes régulières, dans les facultés des lettres, de droit et des sciences à l’Université de Lausanne.

Le personnel enseignant comprend un directeur, 13 maîtresses, 17 maîtres. Les dépenses prévues au budget de 1906 pour cet établissement ascendent à 95 450 francs. L’École supérieure en 1855 : 50 élèves ; en 1865 : 126 ; en 1875 : 244 ; en 1885 : 274 ; en 1894 : 374 ; au 1er janvier 1906 : 520 (y compris le Gymnase).


Écoles primaires. — A teneur des Constitutions fédérale et cantonale, l’instruction primaire est obligatoire et, dans les écoles publiques, gratuite ; elle doit être suffisante et placée exclusivement sous la direction de l’autorité civile. La gratuité est la conséquence logique du principe de l’obligation. Sans distinction de nationalité, d’origine ou de confession, tout enfant est astreint à la fréquentation de l’école dès l’âge de sept à quinze ans révolus.


Sous le régime bernois, l’Ecole était intimement liée à l’Eglise dont elle formait en quelque sorte une succursale. La situation des régents n’était guère enviable. Le matériel était pitoyable, les salles d’écoles trop étroites, mal aérées, mal éclairées et souvent humides. Le chauffage était à la charge des parents ; les enfants apportaient chacun sa bûche de bois à l’école. Elèves du vingtième siècle qui vous instruisez dans des palais confortables et hygiéniques, appréciez-vous à sa juste valeur le privilège dont vous jouissez ?

Grâce à l’influence des réfugiés huguenots, de classe bourgeoise aisée et cultivée, l’instruction populaire prit un nouvel essor.

Au milieu du dix-huitième siècle, la Commune de Lausanne possède sept écoles publiques, plus les Ecoles de charité fondées en 1726 par l’initiative privée et qui donnaient l’instruction à 150 enfants de la ville, outre les orphelins pensionnaires de l’établissement. A la fin du dix-huitième siècle, la fréquentation de l’école devient obligatoire sous peine d’amende. Le programme des objets d’enseignement est augmenté. La loi vaudoise du 28 mai 1806 remplace le Conseil d’éducation par un Conseil académique. L’inspection et la direction générale dés écoles appartient aux pasteurs, auxquels on adjoint une délégation de la municipalité. Aucune classe ne doit recevoir plus de 60 enfants (la loi actuelle fixe ce maximum à 50 et la Commune de Lausanne l’a réduit à 40). En 1816, les écoles de la ville étaient au nombre de 15. En 1809, le traitement des régents des écoles de garçons est fixé à 390 francs (anciens), celui des régentes à 212 francs.

En 1819, la Municipalité fixe une finance d’écolage variant d’après les charges de famille.

Sous la loi de 1834, le Conseil académique fait place au Conseil de l’Instruction publique, composé de cinq membres et présidé par un Conseiller d’Etat. Aux objets enseignés précédemment vinrent s’ajouter la composition, les sciences naturelles élémentaires, l’histoire de la Suisse et du canton de Vaud, la géographie, l’instruction civique, la tenue des comptes, le dessin linéaire.

Les absences sont toujours un obstacle à la bonne marche de l’instruction ; aussi font-elles l’objet d’un contrôle sévère. La commission d’inspection des écoles de Lausanne, qui devint la commission scolaire actuelle, est réorganisée. En 1834, le nombre des écoles de Lausanne est de 12. En 1837, 700 enfants fréquentent les écoles publiques. Les locaux scolaires sont améliorés. Le nombre des heures de leçons de la deuxième classe des filles est, en 1838, de 33. Aujourd’hui, la même classe a un nombre identique de leçons par semaine.

Survint la révolution de 1845. La loi de 1846 ne consacre aucun principe nouveau en matière d’instruction primaire. La constitution de 1862 proclame à nouveau le principe de la liberté de l’enseignement. Le principe de l’obligation de l’instruction primaire est nettement posé. La loi de 1865 réalisa un sensible progrès. Les traitements des régents sont augmentés. (Minimum 800 francs pour les régents, 500 francs pour les régentes.)

École de commerce, ancien Collège Galliard (1877).

L’enseignement de la gymnastique est introduit dans les écoles primaires. La ville de Lausanne possède aujourd'hui neuf salles de gymnastique bien aménagées et spacieuses. Des leçons de natation sont données dans la vaste piscine des bains Haldimand : 400 élèves profitent de cet utile enseignement.

En 1875, l’enseignement de l’allemand fut introduit dans les classes primaires. Mentionnons encore l’institution des classes du soir pour les jeunes gens et jeunes filles occupés pendant la journée dans des maisons de commerce ou placés en apprentissage.

Le premier bâtiment scolaire important, édifié en 1874 sur les plans de M. Georges Rouge, à Lausanne, est le Collège de Saint-Roch, qui a coûté 500000 francs environ et a été complètement restauré en 1905. C’est un édifice qui fait honneur à la ville.

En 1882, la Commune de Lausanne modifie l’organisation du service des écoles. Cette branche importante de l’administration communale devient l’une des cinq directions de la Municipalité.

La loi de 1889 développa le principe de la gratuité absolue de l’enseignement primaire. Les fournitures scolaires sont remises gratuitement aux élèves.

Les cours complémentaires, destinés aux élèves sortis de l’école, ont été institués par la loi de 1883. Ils commencèrent avec 350 élèves. En 1903, ils ont été suivis par 539 élèves. Des cours de travaux manuels (cartonnage, travaux à l’établi) ont été institués en 1888 ; 273 élèves les ont suivis en 1905. Depuis 1897 fonctionnent des classes gardiennes destinées à surveiller les élèves abandonnés en dehors des heures de classe. Au début 200 enfants s’étaient fait inscrire. En 1905, cet effectif est de 371 élèves répartis en 13 classes.

L’augmentation considérable de la population scolaire exige chaque année la création de 5 à 7 nouvelles classes primaires. En cinquante ans, nos écoles ont quintuplé. Au printemps 1905, Lausanne possédait 118 classes primaires fréquentées par 4669 élèves (4433 en 1903). Au 1er janvier 1906, elles comptaient 4949 élèves (2196 garçons et 2296 filles dans les classes urbaines ; 239 garçons et 218 filles dans les classes foraines.) Le nombre total des classes était de 123. Le nombre des instituteurs et institutrices est actuellement de 138 (50 maîtres et 88 maîtresses). En 1905, il y avait 133 instituteurs et institutrices (88 maîtres et 85 maîtresses).

Voici l’état comparatif du nombre des classes, de la population scolaire et des effectifs moyens en regard de la population totale depuis 1875 à 1905.


ANNÉES NOMBRE DE CLASSES ÉLÈVES MOYENNE PAR CLASSE POPULATION DOMICILIÉE %
1875 32 1675 50 28 253 5,9
1880 44 2115 48 28 754 7,4
1885 60 2809 47 30 152 9,3
1890 72 3218 46 33 422 9,6
1895 77 3347 43 38 117 8,8
1900 101 3865 38 46 443 8,3
1901 102 4037 40 47 780 8,4
1902 107 4175 39 48 835 8,5
1903 114 4433 39 50 094 8,8
1904 118 4669 40 51 303 9,1


Au point de vue des dépenses de la Commune de Lausanne pour l’instruction primaire, nous publions le tableau graphique ci-annexé indiquant pendant les cinquante dernières années le nombre des classes, la dépense annuelle par élève et par habitant. On constatera que, pour l’augmentation de la population totale, le rapport est de 1 à 3 tandis que, pour l’augmentation des dépenses, ce rapport est de 1 à 15, et que la dépense, qui était de 1 fr. 63 par habitant en 1855, a atteint 9 fr. 24 en 1904.

En ville, le traitement des régents varie de 2400 à 3000 francs, avec augmentation de 150 francs tous les 5 ans, somme à laquelle vient s’ajouter un subside cantonal, qui porte le traitement à 3600 francs. Il faut encore tenir compte du supplément provenant, pour quelques-uns, des leçons qu’ils donnent comme maîtres de travaux manuels et de cours complémentaires, supplément qui fait ascender le traitement de ceux-ci jusqu’à 4000 francs. Pour les régentes, de 1600 à 2000 francs, avec augmentation de 100 francs tous les 5 ans.

L’État alloue aux régents une pension de retraite de 900 francs après 30 ans de service dans le canton et de 720 francs aux régentes dans les mêmes conditions.

Outre les classes urbaines, la Commune de Lausanne possède encore 12 classes foraines : Cour, Chailly, Vennes, Vers-chez-les-Blanc, Montblesson, Gojonnex, Montherond, Plaines-du-Loup qui offrent l’instruction primaire dans de coquets bâtiments agrémentant le paysage charmant de la campagne lausannoise.





Classe spéciale primaire pour élèves retardés. — Cette classe, fondée en 1896, rend des services signalés. Les résultats obtenus sont très encourageants, grâce au dévouement sans bornes de la maîtresse chargée de cet enseignement. Des progrès rapides ont été constatés ; plusieurs enfants ont pu être réintégrés dans les classes d’élèves normaux.

Fête des enfants à Montbenon en 1905. (Devant le théâtre de guignols.)

Durant l’année scolaire 1904-1905, 18 enfants ont fréquenté cette classe spéciale, qui a pour but d’éviter le mélange d’enfants normaux et anormaux, sous le même régime scolaire. Ces derniers arrêtent les progrès des premiers tout en faisant d’inutiles efforts pour soulever leur rocher de Sisyphe.


Les Ecoles enfantines ont été créées en 1895. Méthode froebélienne. Elles reçoivent les enfants de 5 à 7 ans. L’instruction y est gratuite mais non obligatoire. Trois bâtiments récemment construits, et dont celui des Jumelles surtout doit être cité comme un modèle, abritent 9 classes. Les autres classes sont disséminées dans les différents quartiers de la ville. Au Ier janvier 1906, ces écoles comptaient 1038 élèves soit 546 garçons et 492 filles répartis en 36 classes. (Budget 1906 : 99 600 francs.) Les traitements des maîtresses froebéliennes sont de 1200 à 1600 francs avec augmentation de 100 francs tous les 3 ans. Une caisse de retraite communale a été créée, qui assure au corps enseignant des écoles enfantines le 35  % du traitement après 25 ans de services dans la commune. Nous publions ci-joint un graphique indiquant la marche progressive de cette institution. En 7 ans, le nombre des classes a triplé et au delà. L’augmentation des dépenses est dans le rapport de 1 à 5.


Les autorités scolaires et communales étudient actuellement deux questions importantes et intéressantes : celle de la création d’Écoles primaires supérieures et celle de l’institution de caisses d’épargne ou de mutualités scolaires.


Fêtes scolaires. — Chaque année, au mois de juillet, a lieu la fête des promotions de nos établissements publics secondaires et primaires, qui revêt le caractère d’une fête de famille agrémentée de chants et d’allocutions. En été la « Fête du Bois » attire une foule joyeuse. Des jeux et des distractions de tous genres attirent toute la population lausannoise sous les beaux ombrages de la forêt de Sauvabelin. En 1905 a eu lieu la première Fête des écoles enfantines, dont la réussite a été complète. La promenade de Montbenon avait été transformée en un délicieux parterre, où les rondes et les danses alternaient avec les captivantes représentations de deux théâtres de guignols. Le cortège des « tout petits » présentait le plus ravissant coup d’œil. Nous sommes loin du temps — c’était en 1849 — où la ville de Lausanne affectait 400 francs à sa fête scolaire. Aujourd’hui, 5000 francs suffisent à peine à couvrir la dépense de nos réjouissances scolaires, au nombre desquelles il faut encore placer les courses scolaires qui, au retour de la belle saison, conduisent notre gent écolière dans les contrées les plus intéressantes de notre beau pays.


Fondations.Fondation J.-J. Peytregnet, en faveur des élèves pauvres des Ecoles primaires. (Chaussures, médicaments, aliments, etc.) Fondation F. Joël, docteur, en faveur de 4 élèves (2 garçons et 2 filles) sortant, avec les meilleures notes de conduite et de travail, des premières classes primaires. Fonds Bippert en vue de faciliter l’apprentissage d’un élève garçon et d’une élève fille sortant des écoles primaires.