Le Budget de la république (L. Bouchard)

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Le Budget de la république (L. Bouchard)
LE
BUDGET DE LA RÉPUBLIQUE

Parmi les difficultés de toute espèce créées à la France par les funestes événemens de 1870 et de 1871, la question du budget de l’état n’est certainement pas la plus simple à résoudre. Les dépenses de la guerre étrangère et de la guerre civile, l’énorme indemnité de 5 milliards stipulée en faveur de la Prusse, la perte de trois riches départemens, ont gravement altéré les conditions d’après lesquelles on avait coutume d’asseoir le calcul des recettes et des charges publiques. L’ancien équilibre s’est trouvé violemment rompu, et, pour le rétablir, il faut rechercher les bases nouvelles sur lesquelles devront reposer les budgets de l’avenir. Ce n’est pas sans un déchirement profond que l’on procède à ce travail, car on y rencontre à chaque pas la trace de nos malheurs, et l’on poursuit une œuvre d’immolations douloureuses. On atteint tous ceux qui servent l’état, on frappe les contribuables, on interrompt des entreprises fécondes. L’amélioration des petits traitemens, les travaux d’embellissement et les travaux utiles, les constructions de lignes ferrées, de routes, de canaux, le perfectionnement des voies navigables, le développement des chemins vicinaux, tout se trouve enveloppé dans les mesures rigoureuses dictées par la nécessité de l’économie. On se voit forcé d’arracher au pays une partie de son bien-être pour payer la rançon de ses désastres. Partout où des réductions sont possibles, on doit les réaliser avec une fermeté inébranlable, sans autre souci ni sans autre règle que l’amour du bien public et le respect scrupuleux des engagemens de l’état. On doit se préoccuper avant tout de pourvoir aux services essentiels, payer la dette, entretenir l’armée et lui donner la force nécessaire pour agir efficacement contre les ennemis du dehors et du dedans, assurer le fonctionnement de la justice, l’exercice des cultes, l’instruction de la jeunesse, l’administration du pays. A cet emploi doivent être consacrés les premières ressources, les revenus les plus clairs de l’état. Viendront ensuite les besoins moins urgens, dont on mesurera la part selon le supplément de sacrifices qu’il sera permis de demander aux contribuables. Malheureusement le régime le plus sévère ne pourra contre-balancer le poids des nouvelles dépenses. On ne saurait échapper à l’augmentation des impôts. Il est pénible, après les ruines accumulées depuis un an, de venir au milieu des propriétés ravagées, des fortunes compromises, des populations souffrantes, prélever au nom de l’état une part plus grosse que de coutume. Il est cruel de venir disputer à chaque citoyen une parcelle de ce qu’il a pu sauver, quand au contraire on serait tenté de lui tendre une main secourable; mais, quelles que soient les répugnances, il faut subir cette loi de notre destinée, et nous devons accepter courageusement cette dernière épreuve avec la pensée que notre résignation à supporter ces sacrifices sera le meilleur gage de notre patriotisme et le moyen le plus sûr de rendre bientôt à la France sa puissance et sa grandeur.

C’est donc par le jeu combiné de ces deux procédés, la diminution des dépenses et l’augmentation des impôts, qu’on peut désormais réussir à constituer l’équilibre du budget. Nous allons essayer d’examiner, au premier de ces points de vue, les mesures qui pourraient aboutir à ce résultat désirable. Auparavant, pour définir avec plus de précision le but que nous voudrions atteindre, nous commencerons par évaluer l’accroissement des charges imposées au trésor public par les derniers événemens, et par mesurer l’écart qu’il faut remplir au moyen des économies et des surtaxes.


I.

Au 1er janvier 1870, la dette consolidée s’élevait en chiffres ronds, déduction faite de 3 millions de rentes appartenant à la caisse d’amortissement, à la somme annuelle de 360,500,000 francs. Depuis cette époque, ce chiffre s’est accru de tous les emprunts qui ont servi à payer les frais de la guerre. Il s’accroîtra encore de tous ceux qui auront lieu pour solder les dépenses de la douloureuse campagne de 1871, pour acquitter l’indemnité prussienne et pour suppléer à l’insuffisance du rendement des impôts, tant que les choses n’auront pas repris leur cours régulier. Nous ne connaissons pas encore exactement le chiffre des dépenses militaires engagées depuis un an; d’après les déclarations du chef du pouvoir exécutif, elles monteraient à 1 milliard 663 millions pour l’exercice 1870, et à 651 millions pour l’exercice 1871, soit à 2 milliards 314 millions pour les deux exercices réunis. Quand on les évalue à 3 milliards, on comprend sans doute la partie des dépenses payables sur les crédits ordinaires affectés à l’armée. Le déficit des impôts sur les deux années 1870 et 1871 ne dépasserait pas 685 millions. L’alimentation des troupes allemandes qui occupent notre territoire monterait à 225 millions pour toute l’année 1871. Enfin, en ajoutant toutes ces dépenses et en défalquant les 27 millions qui représentent l’excédant des économies sur les supplémens de crédits du budget normal de 1871, on aurait la somme de 3 milliards 197 millions pour l’ensemble des charges imputables jusqu’à ce jour sur les ressources non prévues aux budgets des exercices 1870 et 1871.

Quant à l’indemnité prussienne, on sait qu’elle a été fixée à 5 milliards, dont deux exigibles à une époque assez rapprochée, et les trois autres dans un délai de trois ans à partir de la signature des préliminaires de la paix.

Sur les 8 milliards 311 millions dont l’origine vient d’être expliquée, 750 millions ont été réalisés par un emprunt public émis par M. Magne avant le à septembre. Cet emprunt, souscrit à 60 fr. 60 c, a été recouvré jusqu’à concurrence de 600 millions, et produit par conséquent des arrérages pour un peu moins de 30 millions. Au mois d’octobre, un emprunt de 250 millions, connu sous le nom d’emprunt Laurier, a été contracté avec le concours de la maison Morgan, de Londres, qui s’est chargée de l’émission de 500,000 obligations à 500 francs, portant un intérêt de 30 francs et remboursables en trente-quatre années. Il paraît que la souscription, ouverte au taux de 425 francs, n’a été couverte en France que jusqu’à concurrence de 187,842 obligations, et de 139,635 en Angleterre, et que le surplus a été concédé à la maison Morgan au prix de 415 francs. Les banquiers auraient touché une commission de 6,875,000 francs, de sorte que le trésor public, en s’engageant pour un capital de 250 millions, aurait en définitive reçu moins de 204 millions. Les affaires de la France au 24 octobre devaient paraître bien désespérées, et le crédit de la délégation de Tours était bien mince pour qu’on se résignât à signer de semblables conditions. Il en est résulté pour le pays l’obligation de payer 15 millions d’intérêts et l’amortissement du capital, soit pendant trente-quatre ans une annuité de 17,399,500 francs.

Les autres sommes qui ont subvenu aux besoins du gouvernement ont été obtenues au moyen de la vente de rentes 3 pour 100 provenant de la liquidation de la caisse de la dotation de l’armée, et surtout au moyen des avances de la Banque de France. La caisse de la dotation possédait environ 16 millions de rentes. En supposant qu’on les ait négociées à 6 pour 100, on a pu en retirer un capital de 266 millions, en échange duquel le trésor ne doit servir qu’une somme de 10 millions pour les arrérages des pensions payables par l’ancienne caisse de la dotation. La Banque de France a fait des avances considérables. Elles sont, d’après M. Thiers, de 1 milliard 330 millions, et s’augmenteront sans doute dans un avenir prochain de 200 autres millions. L’intérêt de ces sommes, fixé jusqu’ici à 3 pour 100, descendra probablement à 2 et même à 1 pour 100, ce qui, dans cette dernière hypothèse, ne mettrait chaque année que 15,300,000 francs à la charge du trésor.

Afin de compléter les ressources qui seront encore nécessaires et de remplir les engagemens vis-à-vis de la Prusse, le gouvernement s’est entendu avec la compagnie de l’Est pour bénéficier de l’indemnité de 375 millions formant le prix de rachat par l’Allemagne des chemins de fer de l’Alsace. Il s’est résolu en outre, avec l’assentiment unanime de l’assemblée, à émettre un emprunt de 2 milliards. Le bénéfice des 375 millions a été obtenu au moyen d’une annuité de 16,500,000 francs. Quant à l’emprunt, il est offert au public en rentes 5 pour 100 au cours de 82 francs 50 cent. On a cru avantageux de faire revivre dans les circonstances présentes la rente 5 pour 100, afin de ménager pour l’avenir la faculté d’une conversion et le profit de l’abaissement qui pourra se faire dans le taux de l’intérêt. On a vu quel accueil a été fait à cette opération, et comment le public s’est empressé de répondre à l’appel et de porter ses épargnes au trésor. Les 2 milliards vont être souscrits à moins de 6 pour 100. À ce prix, la charge annuelle des intérêts dus par le trésor ne dépasserait pas 120 raillions.

Avec les ressources que nous venons d’énumérer et quelques millions demandés à la dette flottante, la France est en mesure de faire face à toutes ses obligations présentes et de compléter le paiement des deux premiers milliards de l’indemnité de guerre. Quant aux trois derniers milliards formant le solde de cette indemnité, il ne faut pas négliger le profit que peut procurer au trésor l’application de l’article du traité de paix qui fixe à 5 pour 100 le taux de l’intérêt jusqu’à l’époque du remboursement. Il y a une différence de 1 pour 100 au moins entre ce taux et celui qu’on obtiendrait probablement aujourd’hui par une réalisation immédiate, et il en résulterait ainsi un bénéfice de 30 millions chaque année pendant trois ans. Seulement, comme le retard dans l’acquittement de l’indemnité de guerre correspond à un retard dans l’évacuation du territoire français, il y aura lieu de délibérer si ce gain de 30 millions équivaut aux inconvéniens du prolongement de l’occupation. Il faudrait obtenir à la fois l’évacuation de nos provinces et le bénéfice du taux de l’intérêt. Ce résultat serait atteint, si l’on pouvait faire accepter à la Prusse de la rente 5 pour 100 en paiement des trois derniers milliards. Ces titres seraient entre ses mains un nantissement plutôt qu’un paiement définitif; à l’expiration de la troisième année, la France aurait la faculté de l’es retirer et de verser en échange la valeur en argent. À ce moment, la rente publique aura vraisemblablement regagné une partie du terrain perdu ; le 3 et le 5 pour 100 pourront s’émettre au cours de 60 et de 100 francs, c’est-à-dire à 5 pour 100, et de cette façon l’économie annuelle de 30 millions sera conservée au trésor français.

En supposant que les choses se réalisent suivant nos calculs et nos espérances, le chiffre total des intérêts de l’indemnité de 3 milliards sera de 150 millions, qui, joints aux 209 millions provenant des autres emprunts, formeront la somme de 359 millions représentant l’augmentation du service de la dette publique depuis le 1er janvier 1870. Le traité de paix ne contient aucune stipulation particulière en ce qui concerne la part de la dette afférente aux territoires cédés à la Prusse. N’y aurait-il pas lieu cependant d’espérer que, conformément aux usages du droit public, cette portion sera déduite du montant de l’indemnité due par la France? En opérant cette déduction proportionnellement aux revenus des provinces détachées de notre territoire, qui étaient compris pour un trentième environ dans les recettes totales du budget, on soulagerait la dette de 24 millions de rente, ce qui réduirait à 335 millions l’accroissement de son chiffre depuis un an.

L’Alsace et la partie de la Lorraine abandonnées à l’Allemagne produisaient à peu près 58 millions au trésor. En évaluant à 20 millions la dépense de ces provinces, il résulte au préjudice de la France une diminution de 38 millions en produit net. Cette perte de ressources réunie à l’augmentation des dépenses de la dette élève à 373 millions l’écart que les nouveaux budgets sont appelés à faire disparaître.


II.

Deux moyens, avons-nous dit, doivent concourir à ce but : les économies d’abord et les augmentations d’impôts ensuite. Pour ces derniers, le travail a déjà été fait ici avec une grande compétence par M. Victor Bonnet[1]. Nous n’aurons donc à nous occuper que des économies. Parmi les divisions dont se compose le budget, trois fixeront notre attention : la dette publique et les dotations, les services généraux des ministères, les frais de régie, de perception et d’exploitation des impôts et revenus publics.

En ce qui concerne la dette consolidée, le meilleur mode de réduction, c’est de faire fonctionner l’amortissement. Le chef du pouvoir exécutif, convaincu de cette vérité et désireux d’effacer promptement de nos budgets les lourdes charges qui viennent l’accabler, a conçu la pensée hardie d’affecter chaque année à cet emploi une somme de 200 millions. Cette allocation remplacerait les ressources spéciales attribuées à la caisse d’amortissement par la loi du 11 juillet 1866, qui serait abrogée. Il est inutile d’insister sur les avantages qui résulteraient d’une pareille mesure, et nous faisons tous nos vœux pour que l’exécution de ce projet soit compatible avec les autres exigences du budget et les forces des contribuables.

Le fonctionnement de l’amortissement sur une grande échelle rencontrera ses plus grands obstacles dans les premières années. Il deviendra chaque jour plus facile par l’annulation des rentes rachetées, et aussi par le rétablissement des affaires et le retour de la prospérité. La rente ne tardera pas à monter sous son action puissante et soutenue; le crédit public reprendra toute sa force, le taux de l’intérêt baissera du même coup, et l’on se trouvera rapidement en mesure de seconder l’effort de l’amortissement par une conversion générale des rentes 5 pour 100. La première opération de ce genre aura pour objet les obligations de l’emprunt Laurier, dont le service est particulièrement dispendieux. La conversion étant faite en rentes.3 pour 100 au cours de 60 francs, on diminuerait de 5 millions 1/2 par an la charge de cet emprunt.

La dette publique se compose non-seulement de la dette consolidée, mais encore des capitaux de cautionnement et de la dette flottante, dont les intérêts montent à 33 millions, et de la dette viagère, qui s’élève à 96 millions. La dette viagère comprend, comme on le sait, les rentes viagères ainsi que les pensions militaires et civiles de toute espèce. Parmi celles-ci, on remarque les pensions des anciens militaires de la république et de l’empire. Elles sont alimentées par un fonds annuel de 2,700,000 fr., qui doit être augmenté de 968,000 francs à partir du 1er janvier 1874. C’est ainsi que l’a décidé la loi du 5 mai 1869, qui accorde une pension de 250 francs aux soldats de la période impériale et républicaine. Sans revenir sur les dispositions bienveillantes de cette loi, et sans priver de leur allocation ceux au profit desquels la pension a été liquidée, il conviendrait d’arrêter la liquidation des pensions nouvelles et de ne les inscrire qu’au fur et à mesure des extinctions. On entraverait ainsi dans une de ses parties l’accroissement de la dette viagère, laquelle trouvera de nombreux élémens d’augmentation dans les événemens de la guerre et dans les actes qui, à la suite des révolutions, bouleversent le personnel administratif. On doit compter sur un accroissement de 1 million pour les pensions nouvelles accordées aux soldats, gardes mobiles ou gardes nationaux blessés dans la guerre, ainsi qu’aux magistrats et fonctionnaires mis à la retraite depuis le à septembre. En déduisant ce million, l’économie réalisée par la conversion de l’emprunt Laurier se trouvera ramenée à 4 millions 1/2.

Les dotations, qui formaient sous l’empire un total important, ont perdu leurs plus grosses dépenses dans la révolution du 4 septembre. Le budget n’a plus à supporter ni les 25 millions de la liste civile, ni les 1,500,000 francs alloués aux princes de la famille impériale, ni les 6 millions 1/2 du sénat. Il ne reste plus sur ce chapitre que les dépenses administratives et les indemnités de l’assemblée nationale, le supplément à la dotation de la Légion d’honneur et la dotation allouée pour les dépenses du pouvoir exécutif.

En 1849, les dépenses de l’assemblée nationale dépassaient 8 millions. Il n’est guère présumable que l’assemblée actuelle puisse compter un chiffre moindre. Cette somme ne serait diminuée que si l’assemblée avait le courage d’en faire elle-même le sacrifice, d’abaisser ou, mieux encore, de supprimer entièrement l’indemnité attribuée à chacun de ses membres. Dans ce dernier cas, les seuls frais seraient ceux du matériel et de l’administration, et n’excéderaient pas 1,500,000 francs.

On a déjà beaucoup discuté le système de la représentation gratuite. Indépendamment de l’économie procurée au trésor, elle serait, selon nous, plus conforme à la dignité de l’assemblée, à l’austérité du régime républicain. L’honneur d’exercer une part de la souveraineté nationale nous semblerait plus complet et plus grand, s’il n’était pas accompagné d’une rémunération pécuniaire. L’influence du député et l’estime de sa personne gagneraient à ce que son siège à l’assemblée ne fût pas une place. Il serait bon d’ailleurs d’enseigner par cet exemple éclatant que l’acceptation des fonctions politiques, loin d’être la source du plus mince profit, est au contraire un acte de désintéressement, le sacrifice de l’homme de bien résolu à consacrer au pays son expérience et ses talens sans attendre d’autre récompense que la satisfaction de sa conscience et le respect de ses concitoyens. On donnerait ainsi à l’assemblée plus d’indépendance, plus de force : on la dégagerait de tout ce qui pourrait dans ses actes paraître un calcul d’intérêt personnel et mesquin; on aurait enfin l’avantage d’éclaircir les rangs épais des candidats en ne suscitant plus leurs convoitises par l’appât d’un traitement. Ces considérations méritent certainement d’être mises en balance avec celles qui ont introduit le principe de la rémunération du député. Cette rémunération, il est vrai, se déduit logiquement de l’état de notre société démocratique. Tout citoyen pouvant accepter le mandat de représentant, quelle que soit sa fortune, doit trouver les moyens de vivre lorsqu’il donne son temps au service de l’état; mais dans la pratique on peut se convaincre que la pauvreté absolue est un fait rare parmi les membres de l’assemblée, et il est exorbitant de grever le budget d’une grosse dépense pour allouer l’indemnité aux quelques députés à qui elle est nécessaire.

Le principe de la rémunération n’est d’ailleurs ni aussi fondamental, ni aussi essentiel qu’on veut bien le dire, sans quoi il régnerait depuis longtemps à tous les degrés de la représentation publique. Or les conseils municipaux, les conseils-généraux, les maires et adjoints, ne reçoivent pas de récompense pécuniaire. Ils donnent cependant, comme les députés, leur travail et leur temps à des affaires multiples, souvent longues et absorbantes. Les conseillers-généraux sont obligés à des déplacemens coûteux. Pourquoi ne pas les traiter sur le même pied? pourquoi ces variations dans la règle ? pourquoi deux poids et deux mesures ? pourquoi ne pas rétablir l’harmonie dans toute la série des représentans du pays en adoptant pour tous la gratuité?

Nous n’avons rien à dire du supplément à la dotation de la Légion d’honneur, si ce n’est qu’il importe d’être avare, très avare, de décorations. On obtiendra par là le double avantage, d’abord de conserver à ces distinctions tout leur prix, ensuite de ne pas obliger le budget à supporter une nouvelle augmentation du crédit qui leur est actuellement affecté. Il serait même nécessaire de décider que cette allocation ne saurait être accrue, et que les derniers légionnaires nommés n’auront droit au traitement qu’au moment où les extinctions laisseront disponible une partie de la dotation.

Quant aux dépenses du pouvoir exécutif, elles viennent d’être réglées par l’assemblée nationale. Le traitement du chef du gouvernement a été fixé à 480,000 francs par an, et le service de ses bureaux et de sa maison à 131,900 fr., soit en tout 611,900 fr. Le chiffre total des dotations se trouverait ainsi réduit à 13,500,000 fr., ce serait une diminution de 36 millions sur l’ancien budget, qui comprenait ces dépenses pour 49,500,000 francs.


III.

Les services généraux des ministères doivent être soumis à l’examen le plus sérieux; ils doivent recevoir toutes les simplifications propres à produire au trésor des économies importantes, sans toutefois désorganiser l’administration, ni mettre en péril les intérêts du pays.

Et d’abord le nombre des départemens ministériels n’est pas indifférent. Il faut le maintenir dans les limites les plus étroites. L’existence de chaque ministère impose au budget une dépense assez lourde. Indépendamment du matériel, de l’hôtel du ministre et de tous les frais qui s’y rattachent, il y a le traitement de ce haut fonctionnaire, il y a l’entretien de tout l’état-major administratif qui gravite autour de lui, et qui coûte fort cher, le secrétaire-général, le chef du cabinet, puis les directeurs et les chefs de division, dont il faut un certain nombre pour donner au département la consistance et l’éclat voulus. Vers la fin de l’empire, le cabinet se composait de dix ministres. On avait coupé l’ancien ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics en deux parties, qui étaient devenues l’une le ministère de l’agriculture et du commerce, l’autre celui des travaux publics. On avait également détaché de la maison de l’empereur l’administration des beaux-arts, dont on avait fait un ministère avec des lambeaux enlevés à l’intérieur, à l’agriculture et aux travaux publics. Depuis le 4 septembre, ce dernier ministère a été supprimé, ce qui a ramené à neuf le nombre des départemens ministériels. On pourrait les réduire à huit en réunissant de nouveau dans une seule main les services de l’agriculture, du commerce et des travaux publics. La séparation de ces départemens en 1869 avait occasionné une augmentation de dépense de 350,000 francs; c’est une économie d’autant qu’on réaliserait en les réunissant de nouveau.

Chaque fois que les événemens imposent la nécessité de réformes financières, l’opinion réclame en première ligne des économies sur le personnel des employés et des fonctionnaires publics. Incontestablement, dans les circonstances actuelles, il faut procéder à des réductions de ce genre. La perte du territoire que nous avons dû céder entraine de soi la suppression des agens de toute espèce qui concouraient à leur administration. D’un autre côté, la pénurie du trésor ne permet d’entretenir que les employés indispensables. On doit donc faire disparaître impitoyablement toutes les sinécures, tout ce qui n’a été jusqu’ici qu’un prétexte à revenus pour des inutiles. Les emplois de l’état sont l’objet de convoitises nombreuses. Avec la considération qui les entoure, la jeunesse y recherche les loisirs qu’ils ont la réputation de laisser. L’ambition des familles, excitée par la perspective de ces avantages, fait jouer pour les obtenir tous les moyens et toutes les influences, et les ministres, fatigués par d’incessantes obsessions, ont quelquefois la faiblesse d’acheter leur repos aux dépens de l’état, et de satisfaire les solliciteurs par la création d’emplois superflus. Le nouvel ordre de choses ne comporte plus de telles transactions. Il ne faut plus de fonctions de complaisance, ni de places de fantaisie. Les emplois doivent être peu nombreux, et ceux qui les remplissent astreints à un travail réel. Cessons de préparer dans les bureaux des ministères et des administrations publiques un asile calme à l’ombre duquel les jeunes gens abritent leur indolence. On obligera dès lors leur activité à s’exercer, à se porter sur un objet plus fécond, et du même coup non-seulement on diminuera la dépense de l’état, mais encore on accroîtra les ressources du pays; on grossira l’armée des travailleurs, le contingent de l’agriculture, du commerce et de l’industrie en mettant fin une bonne fois à cette manie des places qui a possédé la nation française à toutes les époques.

Nous sommes loin d’exprimer ici une idée nouvelle ; on a eu souvent l’occasion de la produire, et on a tenté de la mettre à exécution. Un ministre de l’empire avait entrepris une réforme de ce genre, qui devait s’accomplir notamment dans les administrations centrales des ministères. Il donna l’exemple dans le ministère des finances; mais il ne fut que médiocrement secondé par ses collègues. Sauf ce département et celui de la guerre, qui ont diminué le nombre de leurs employés, on voit dans tous les autres le personnel rester stationnaire et même augmenter d’une manière sensible. On remarque surtout cette progression dans les bureaux des affaires étrangères et de l’intérieur. En vingt ans, de 1850 à 1870, ces deux ministères ont presque doublé leur personnel. Le premier compte aujourd’hui 116 employés au lieu de 73, et le second 356 au lieu de 199, bien qu’il ait été dépouillé des archives et des beaux-arts. Il y avait en même temps une tendance particulière à multiplier les emplois supérieurs. En 1850, le nombre des directeurs pour tous les ministères ne dépassait pas 31, et leur traitement variait entre 10,000 et 15,000 francs. Aujourd’hui leur nombre atteint 43, et leur traitement s’élève à 15,000 et 25,000 fr. Au lieu de 52 sous-directeurs, chefs de division et fonctionnaires du même ordre, on en trouve 72, et 247 chefs de bureau au lieu de 240. La dépense totale du personnel des administrations centrales a monté en vingt ans de 9 millions à 12, c’est-à-dire d’un tiers environ.

En diminuant le nombre des gros emplois, en transformant en simples bureaux les directions et les divisions les moins importantes, en ne maintenant dans les cadres de l’administration que les chefs et commis indispensables, on pourrait gagner 11 ou 1,200,000 francs sur l’ensemble des ministères. En procédant avec sévérité, on pourrait ajouter à ces 1,200,000 francs une diminution de 5 à 600,000 francs sur les dépenses du matériel des administrations centrales à Paris. Dans les départemens, on doit de même passer en revue les agens et fonctionnaires de toute espèce attachés au service de l’état, et élaguer tous ceux dont on peut se passer. Il est assez difficile d’indiquer avec précision les réductions qu’il serait désirable de réaliser. On ne pourrait y réussir qu’en examinant par le menu le détail des différens services. Il faut nous borner à signaler les suppressions que nous croirons utiles à mesure que nous avancerons dans l’étude du budget.

L’opinion publique, qui s’est tant émue sous l’empire des abus du personnel, attaquait non-seulement le nombre des emplois, mais encore et surtout le cumul et les gros traitemens. Le cumul a été l’objet de critiques nombreuses, et il nous semble inutile d’insister sur ce sujet. On ne peut méconnaître qu’il est abusif, par des émolumens entassés les uns sur les autres, de constituer au profit d’un seul individu une dépense considérable, et de prodiguer à quelques-uns des sommes qui pourraient alimenter des services entiers. Hâtons-nous de dire cependant que les lois actuellement en vigueur contiennent cet abus dans des limites assez restreintes, et que la source des cumuls les plus importans et les plus remarqués a été tarie par l’abolition du sénat. On pourrait toutefois rendre encore plus sévères les lois restrictives, et décider par exemple que le cumul ne serait autorisé que jusqu’à concurrence de 15,000 francs.

Quant aux gros traitemens, les uns disparaîtront par la simple interdiction du cumul, les autres tomberont sous les réductions du budget. A cet égard, on paraît résolu à des réformes assez profondes, puisqu’il est question de faire descendre à 48,000 francs le traitement des ministres, et de leur supprimer tous frais de représentation. L’exécution de cette mesure produirait pour les huit ministres une économie de 456,000 francs. Après ceux des ministres, les autres gros traitemens sont ceux de la diplomatie, des hauts fonctionnaires de l’administration, de quelques magistrats et des chefs supérieurs de l’armée et de la marine. Sauf pour les ambassadeurs, quelques ministres plénipotentiaires et certains consuls-généraux, qui reçoivent des sommes importantes en rapport avec le rang des représentans d’un grand pays à l’étranger, sauf pour les maréchaux chargés autrefois du commandement de la garde, le préfet de la Seine et le préfet de police, auxquels on allouait 100,000 fr., les traitemens les plus élevés aujourd’hui ne dépassent guère 35,000 et 40,000 fr., chiffre des préfets de première classe et des magistrats les plus considérables. Ces chiffres ne sont pas excessifs, ils répondent assez exactement aux exigences de la situation des premiers fonctionnaires du pays, et s’il est juste qu’ils contribuent pour leur part aux exigences de la situation, c’est à la condition de ne point dépasser une certaine limite suffisamment indiquée par le rang de tels personnages. Quoi qu’il en soit, les émolumens du personnel ont reçu sous le dernier règne des accroissemens assez notables que l’état du trésor ne nous permet pas de maintenir. On s’était efforcé de mettre la rémunération au niveau de la cherté de la vie, d’augmenter l’aisance à tous les degrés, de donner un certain éclat aux hauts emplois, et les circonstances nous obligent non-seulement à nous arrêter dans cette voie, mais encore à revenir sur nos pas. Il faut réduire non-seulement les gros traitemens, les traitemens abusifs, aujourd’hui bien peu nombreux, mais encore les moyens, et nous ajouterons même les petits. Indépendamment des nécessités financières, il est bon que dans les malheurs publics chacun, à quelque degré qu’il se trouve, soit frappé et supporte sa part de la détresse générale. Il ne faut pas plus de privilégiés d’en bas que de privilégiés d’en haut. Il ne faut pas créer deux classes de citoyens dont l’une pourrait voir tranquillement passer au-dessus de sa tête les coups qui atteignent la nation, et aurait presque le droit de se désintéresser de nos désastres. Souffrir pour le pays, s’associer courageusement aux sacrifices qu’il réclame, c’est le devoir de chaque citoyen], c’est l’acte de patriotisme dont il ne convient d’exclure personne. Il importe néanmoins de proportionner la part de chacun à ses forces. En faisant reculer les émolumens vers le chiffre qu’ils avaient il y a vingt ans, il faut distinguer, dans les augmentations accordées pendant cette période, ce qui a été destiné à procurer à l’employé le nécessaire, à lui donner plus d’aisance, à lui permettre de mieux représenter.

Si l’on doit épargner presque complètement les augmentations de la première espèce, on peut avoir moins de ménagemens pour celles de la seconde et moins encore pour celles de la troisième. Aussi, bien qu’en matière d’impôt nous considérions la progression comme le système le plus détestable, nous admettrions pour les économies à faire sur les traitemens un tarif de réduction progressive. Le projet de loi sur les crédits rectifiés de 1871 contient un tarif de ce genre qui atteindrait tous les traitemens à partir de 3,500 francs en province et de 5,000 francs à Paris en leur faisant subir des retenues graduées de 5 à 25 pour 100. On obtiendrait par ce moyen une économie de 9,884,969 francs sur un chiffre de traitemens montant par année à 112,742,799 francs, y compris ceux du ministère des finances appartenant aux frais de régie et de perception. En soumettant à la retenue les traitemens de 3,500 fr. et de 5,000 fr., en leur faisant supporter une réduction légère, 2 pour 100 par exemple, en élevant un peu le tarif pour ceux de 6,000 à 10,000 francs, en appliquant le taux de 25 pour 100 à partir de 30,000 francs, on pourrait augmenter d’environ 2 millions le chiffre des économies, ce qui en porterait le total à 12 millions ou à 10 millions seulement en défalquant ce qui concerne les frais de régie et de perception. Ce chiffre pourrait s’accroître encore de la suppression d’une partie des indemnités directes et indirectes de tout genre qui, à côté du traitement officiel, constituent un second traitement d’une réelle importance.

Malgré l’intérêt de ces réductions, il est facile de se convaincre que ce n’est pas avec des réformes sur le personnel qu’on pourra combler le déficit créé dans le trésor par les derniers événemens. Là seulement où sont les grosses dépenses peuvent se trouver les grosses économies. À ce titre, ce sont les services de la guerre, de la marine et des travaux publics qui offriraient le champ le plus étendu à l’épargne.

Le premier de ces services mérite une étude toute particulière. Il se relie étroitement au système militaire qui doit prévaloir en France, et ce système jusqu’ici n’a pas été fixé. Le législateur se trouve en présence d’une double nécessité, celle de constituer une force suffisante pour protéger efficacement le pays et celle d’adopter un système économique qui n’écrase pas notre budget appauvri. Il ne faut plus que la disproportion du nombre permette à l’ennemi de pénétrer en quelques semaines jusqu’au cœur de la France, et à ce point de vue notre ancienne armée de 400,000 hommes ne répond plus aux exigences de la situation. D’un autre côté, le chiffre de 370 millions porté pour les dépenses de la guerre dans le dernier budget voté par le corps législatif semble une charge bien lourde pour nos finances.

On a déjà mis en avant plusieurs projets de réorganisation militaire. Entre tous, celui du général Faidherbe a la prétention d’assurer au pays le plus grand nombre possible de combattans avec la dépense la moins grande possible. Nous allons, en suivant ce projet, déduire les conséquences financières qui en résulteraient, sans préjuger d’ailleurs des mérites ou des défauts que peut offrir au point de vue militaire la conception du général.

On sait que le principe du système repose sur l’obligation du service pour tous les citoyens. Chaque Français âgé de vingt ans et possédant l’aptitude physique entre dans l’armée nationale. Il reste deux ans sous les drapeaux, fait ensuite pendant deux ans partie de la première réserve, qui passe les deux mois de mai et de juin dans les camps, et pendant six mois de la deuxième réserve, qui passe quinze jours par an et par tiers dans les camps du 15 juillet au 1er septembre. Chaque classe donnant environ 192,000 soldats, deux classes donnent pour l’armée active un total d’environ 384,000 hommes, la première réserve 370,000 hommes et la seconde 900,000 hommes. En appelant ces trois élémens, on peut réunir une armée de plus de 1,650, 000 hommes.

L’armée comprend trois armes, l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie, sous le commandement d’un état-major général. L’infanterie compte.300 régimens dont l’effectif de paix de 300,000 hommes peut s’élever jusqu’à 900,000 en temps de guerre. La cavalerie se compose de 30 régimens réunissant 15,000 cavaliers en temps de paix, et 30,000 en temps de manœuvres ou de guerre. Enfin l’artillerie, qui absorbe en même temps le génie, le train des équipages et le corps des pontonniers, comprend 100 régimens, 2,400 pièces, 59,000 hommes en temps de paix, et 84,000 hommes en temps de guerre, avec 50,000 chevaux. Toutes ces troupes sont réparties en cent brigades, cinquante divisions et trente corps d’armée. Ajoutons les ouvriers d’administration et les officiers du corps d’état-major, et nous aurons dans son ensemble le projet du général Faidherbe. Pour le compléter, il ne reste qu’à organiser l’intendance, qui pourrait se composer d’un intendant par corps d’armée, d’un sous-intendant de 1re classe par division, et d’un sous-intendant de 2e classe par brigade, soit en tout 180 intendans et sous-intendans, auxquels on adjoindrait pour les besoins du service un certain nombre d’officiers d’administration.

En adoptant ces données, en calculant la solde des officiers conformément au projet du général, avec une certaine augmentation cependant pour les officiers supérieurs[2], on aurait pour la solde de l’état-major, la solde et l’entretien de l’armée active, y compris les vivres, fourrages, hôpitaux, habillement, harnachement, campement, couchage, transports, remonte générale, etc., une dépense de 262 millions. En y ajoutant 13 millions pour la fabrication et l’entretien des armes, la confection des projectiles et de la poudre et les travaux de fortification, plus 12 millions pour l’administration centrale et les autres services, on formerait pour le budget de la guerre un total de 287 millions. Dans ce chiffre, il est vrai, ne figurent ni la dépense des deux réserves, ni celle des corps indigènes de l’Algérie. Pour la première réserve, la solde et l’entretien pendant deux mois occasionneraient un surcroît de 28 millions; les quinze jours d’exercices de la seconde réserve coûteraient environ 15 millions. Quant aux corps indigènes, dont l’effectif est de 13,000 hommes infanterie et cavalerie, le projet du général efface du budget de la guerre les 10 millions auxquels monte leur entretien. Il les met à la charge des ressources spéciales de l’Algérie; mais, comme ces ressources sont à peine suffisantes aujourd’hui pour subvenir aux dépenses de la colonie, il faudrait nécessairement les maintenir sur le budget de l’état, si l’on jugeait que la conservation de ces corps fût une mesure de bonne politique, propre à étendre et à consolider notre influence dans nos possessions africaines.

Le général Faidherbe élimine encore du budget de la guerre les dépenses de la gendarmerie. Il voudrait que cette troupe, dont il ne conteste pas l’utilité, fût à la solde des départemens. Ce serait une économie de 25 millions. Ne nous faisons pas cependant d’illusions. Cette économie ne serait, à vrai dire, qu’un déplacement de charge dont ne saurait profiter le contribuable, toujours obligé de payer, au nom de l’état ou du département, un corps de police indispensable.

Enfin, avec les dépenses affectées aux deux réserves, aux corps indigènes et à la gendarmerie, on porte à 365 millions le chiffre général du budget de la guerre. Moyennant cette somme, on pourrait, au moment du péril, mettre sous les armes 1,700,000 hommes. Avec une force semblable bien organisée, on peut pourvoir à toutes les éventualités. La question est de savoir si ces troupes auront la solidité nécessaire; c’est ce que peuvent seuls juger les gens du métier. Ce qu’il nous appartient de constater, c’est que ce système est relativement économique, puisqu’il fournit un grand nombre d’hommes avec une dépense inférieure de quelques millions à la dépense actuelle. En effet, les dépenses de l’armée figurent au dernier budget de la guerre pour 370 millions; on économiserait donc 5 millions.

Cette économie pourrait s’étendre encore, si les nécessités financières ne permettaient pas de donner à l’organisation militaire tout son développement. Le système à cet égard est doué d’une élasticité commode. On peut gagner 60 millions en ne retenant sous les drapeaux pendant deux ans que la moitié de la classe, et en n’imposant à l’autre moitié que des exercices pendant six mois. Il serait encore possible d’épargner quelques millions en abrégeant le temps d’exercices des deux réserves, ou en n’y convoquant pas tous les hommes; mais il faut prendre garde par la poursuite exagérée des économies de ruiner le système et de détruire toute espèce d’armée. Sans souhaiter ni sans rechercher la guerre, dont nous venons de subir toutes les douleurs, il est sage toutefois de la prévoir, de prévenir de nouvelles surprises, d’être prêt à tout événement. A nos portes est un ennemi qui, par ses exigences et sa dureté, peut un jour provoquer de nouveaux conflits, et dès lors la France doit veiller, se donner une force formidable pour empêcher la violation de son territoire et au besoin pour être en mesure de profiter des circonstances.

Si le développement de la puissance allemande nous oblige d’augmenter notre état militaire, nos intérêts, moins menacés sur mer, nous permettent d’entamer plus profondément les allocations de la marine. Il ne nous paraît pas impossible de désarmer une partie de nos bâtimens, de renvoyer dans leurs foyers la moitié des équipages, et de réduire, soit par la délivrance de congés, soit par la mise en disponibilité ou dans le cadre de réserve, l’effectif des officiers de la marine, du génie maritime, du commissariat, des aumôniers, mécaniciens, commis aux vivres et magasiniers. Par cette mesure, on réaliserait une économie de 24 millions sur la dépense des états-majors et des équipages à terre et à la mer, ainsi que sur celle des vivres et des hôpitaux. On trouverait peut-être encore 1 million sur les corps et agens divers, inspecteurs des services administratifs, personnel des directions de travaux, des manutentions, des ponts et chaussées, etc.

Le plan militaire du général Faidherbe supprime entièrement les troupes de la marine, et laisse aux colonies le soin d’entretenir les corps chargés de leur défense et de leur protection. L’adoption de ce système équivaudrait à une économie de 11 millions; mais il semble difficile d’adopter une pareille mesure. Toutes nos colonies n’ont pas la richesse suffisante pour accepter la charge qu’on leur imposerait, et il faudrait le plus souvent subvenir sur les fonds du trésor à l’impuissance des caisses coloniales, ce qui restreindrait singulièrement les prévisions d’économie. Il existe, il est vrai, une opinion hardie qui ne s’arrêterait pas à cette difficulté, et qui la trancherait par l’abandon de toutes les colonies improductives. Cette opinion ne saurait être accueillie sans discussion. Au-dessus de la question de finances se place la question politique, l’intérêt de notre influence dans les contrées lointaines. Il y a aussi une question de générosité vis-à-vis de populations liées à la métropole depuis de longues années. Tant qu’une résolution n’aura pas été prise sur ces différens points, nous ne croyons pas possible d’adopter la suppression de l’infanterie et de l’artillerie de marine. Jusqu’à ce moment, la dépense qui en résulte continuera de figurer dans le budget de l’état.

Aux diminutions sur le personnel de la marine doivent nécessairement correspondre des diminutions analogues sur les dépenses du matériel. Il conviendrait, non pas d’arrêter complètement, mais de ralentir dans une proportion notable la construction de nouveaux navires[3], de se borner pendant quelque temps à l’entretien de ceux qui existent, et même de diminuer ces frais d’entretien en démolissant ou en vendant les bâtimens qui sont inutiles, ou dont les conditions ne sont plus à la hauteur des progrès réalisés depuis vingt ans par la science maritime. On réussirait par ce moyen à limiter à 22 millions environ la dépense des salaires d’ouvriers, des constructions navales et de l’artillerie, dépense inscrite au dernier budget pour 62 millions. L’économie serait donc de 40 millions. On procéderait avec la même sagesse pour les travaux hydrauliques et les bâtimens civils, et de ce chef il serait permis de gagner près de 3 millions. De cette façon, et sans toucher aux crédits des colonies et du service pénitentiaire, on obtiendrait sur l’ensemble du budget de la marine une diminution de dépense de 68 millions.

Parmi les ministères qui peuvent se prêter le mieux aux économies, nous avons cité le ministère des travaux publics. Bien que les dépenses de ce département soient des dépenses fécondes, qu’elles aient pour objet de faciliter les communications, de favoriser le commerce, de développer la prospérité, et qu’en conséquence l’intérêt public fasse une loi de leur donner le plus grand essor, cependant elles ne sont pas toutes indispensables, et jusqu’à nouvel ordre le trésor ne doit payer que ce qui est strictement nécessaire. Il serait donc désirable, dans le vote des crédits, de limiter les allocations aux travaux d’entretien et à l’achèvement des travaux neufs les plus urgens. Conserver, terminer, mais ne rien entreprendre, telle doit être la règle invariablement suivie tant que la situation ne sera pas plus prospère. Réparons nos routes, nos ponts, nos canaux, nos ports : l’invasion nous a laissé des ruines qui seront longues à relever; mais ne créons aucune route, ne construisons aucun pont, n’ouvrons aucune ligne de fer, avant que la trace des derniers désastres ne soit effacée. Cette règle de conduite peut rencontrer quelque obstacle en ce qui concerne les travaux de chemins de fer. L’état ne possède pas à leur égard toute sa liberté d’action. Le gouvernement impérial a laissé à la France une série d’engagemens onéreux, et lui a imposé une dette qu’elle n’est pas complètement maîtresse de modérer à son gré. En vertu de traités passés avec les compagnies de diverses lignes et consacrés par des lois, l’état s’est engagé à exécuter lui-même des travaux, à payer des annuités ou à fournir des subventions qui montent à des sommes considérables, sans parler des garanties d’intérêts, qui retombent sur le budget de l’amortissement. Le montant de ces engagemens au 1er janvier 1871 était de 815 millions 1/2, sur lesquels le trésor s’était libéré jusqu’à concurrence de 55 millions. Restait une somme de 760 millions-, qui doit être diminuée de 35 millions pour les chemins de fer de l’Alsace. Pour 1871, les annuités et subventions payables aux compagnies montaient à 42,501,406 fr., y compris 2,190,000 fr. destinés aux chemins de fer alsaciens. L’état devait en outre exécuter des travaux pour 3 millions : c’était donc une somme de 45,500,000 francs qui incombait au trésor, indépendamment des garanties d’intérêts prévues pour 41 millions, soit en tout plus de 86 millions.

Cette charge est excessivement lourde dans les circonstances actuelles, et l’on doit s’efforcer de l’alléger, dût-on retarder l’achèvement si désirable de nos voies ferrées. Il serait donc à souhaiter qu’on entamât avec les compagnies des négociations à l’effet de revoir d’accord les conventions, et de réduire notablement, de moitié s’il est possible, les sommes à fournir par l’état en travaux, annuités et subventions. On répartirait la dette des chemins de fer sur un plus grand nombre d’années, en se réservant la faculté de revenir aux premiers traités, si les événemens venaient à se modifier. En admettant qu’une transaction de cette nature fût acceptée, et en déduisant d’autre part l’annuité afférente aux chemins d’Alsace, on pourrait réaliser une économie de 24 millions. Les autres travaux publics donneraient lieu à des réductions non moins importantes. Si nous sommes d’avis de maintenir avec une simple diminution de 1,800,000 francs l’allocation affectée aux travaux ordinaires des routes, ponts, rivières, canaux et ports, allocation qui monterait encore à 50 millions, nous croyons qu’on pourrait supprimer presque entièrement les sommes destinées aux travaux neufs, 5 millions 1/2 pour les routes nationales, 1,800,000 francs pour la construction de grands ponts, 14 millions pour l’amélioration des rivières et des canaux, 11 millions pour l’amélioration des ports maritimes, 2 millions 1/2 pour les travaux d’amélioration agricole, en tout 35 millions. Il est bien entendu qu’on devrait restituer à ces divers travaux leurs anciens crédits dès que le permettrait la situation des finances. Avec ces 35 millions, les 24 millions des chemins de fer et quelques autres réductions sur différens chapitres, sur celui du personnel notamment, on atténuerait d’environ 60 millions la dépense du ministère des travaux publics.

La justice n’a pas une exubérance de crédits dans lesquels il soit facile de tailler largement. Pour gagner 1 ou 2 millions, il faudrait procéder à une réorganisation presque complète des services. Il faudrait remanier le nombre et peut-être la compétence des cours d’appel et des tribunaux de première instance. Un projet préparé en 1848 contenait tout un plan de ce genre. On y modifiait la situation des cours, dont le ressort était étendu et le nombre par conséquent réduit. Or la suppression de la moindre cour d’appel équivaut pour le trésor à un bénéfice de plus de 185,000 francs. On touchait aussi aux tribunaux de première instance; on cherchait à en restreindre le nombre, soit par un déplacement du siège, mieux adapté aux nouvelles voies de communication, soit par une augmentation de la compétence des juges de paix. Ces idées, dont le mérite peut être réel, ne doivent être accueillies qu’avec une extrême réserve. Il vaudrait évidemment mieux ajouter chaque année quelques millions à la dépense que troubler et désorganiser le service de la justice,

À cette économie douteuse de 1 million, on peut joindre des économies plus certaines sur d’autres chapitres rattachés au budget de ce ministère, les 300,000 francs alloués au conseil privé, les réductions opérées sur le conseil d’état, qui dépasseraient 1,100,000 fr., en reconstituant ce conseil sur les bases de 1848, enfin les 21,000 fr. accordés au secrétaire-général du ministère et à quelques auditeurs au conseil d’état pour le conseil du sceau des titres. On voit que le tout réuni n’excéderait guère 2 ou 3 millions.

Après la justice viennent les cultes, pour lesquels le dernier budget de l’empire demandait 55, 400, 000 francs. Une opinion radicale n’hésite pas à réclamer l’économie de toute cette somme en supprimant entièrement ce budget au nom du principe de la séparation de l’église et de l’état. Elle voudrait ramener l’église aux premiers jours de son existence, alors qu’elle subvenait à ses besoins par les seules offrandes des fidèles; mais elle oublie que depuis cette époque des faits importans se sont passés, que les oblations primitives n’ont pas tardé à faire place à des donations et à des legs, que la propriété ecclésiastique a grandi à l’ombre de la protection des premiers empereurs chrétiens, que même en France elle est parvenue, sous l’œil bienveillant des anciennes dynasties, à prendre des développemens considérables. En 1789, les biens du clergé furent mis à la disposition de la nation et vendus au profit de l’état; mais, à titre de compensation., le décret du 24 août 1790 accorda aux ministres de la religion un traitement, dont le principe fut reconnu en 1793 même par le décret du 18-20 septembre de ladite année. Le même principe a été confirmé dans le concordat de 1801, et ce fut pour ainsi dire à ce prix que l’église abandonna toute réclamation contre la dépossession dont elle avait été victime. Supprimer aujourd’hui le traitement du clergé, ce serait rompre le contrat passé en 1793 et renouvelé en 1801, ce serait faire revivre des droits éteints et donner à l’église la faculté de réclamer ses biens aliénés, ou du moins une indemnité équivalente, et il serait difficile de repousser sa réclamation sans porter en même temps une atteinte dangereuse au droit de propriété. En accordant la restitution, l’opération ne serait plus très économique. Supposons pourtant qu’on puisse équitablement se soustraire à cette obligation, ou qu’on supprime purement et simplement le budget des cultes sans indemnité, n’y a-t-il pas une autre question redoutable derrière la question de finances? L’état a-t-il intérêt à dégager de son action une puissance aussi considérable que l’église? A-t-il intérêt à la laisser grandir dans sa pleine indépendance et à lui imposer l’obligation de reconstituer sa richesse? Cette question que nous nous contentons d’indiquer est tellement grosse, qu’il serait téméraire de compter pour les prochains budgets sur des économies venant de cette source. Les réductions réalisables sur le service des cultes pourraient atteindre au plus 5 millions, et porter principalement sur les travaux extraordinaires des cathédrales et autres édifices religieux.

Le ministère des affaires étrangères n’a pas un budget très important, puisqu’il ne demande au trésor que 13 millions. Il peut néanmoins supporter quelques réductions. Le budget de ce département est un de ceux qui ont le plus grossi depuis 1850, puisque de 7 millions il a monté jusqu’au chiffre actuel. Cet accroissement s’explique par une augmentation notable du taux des traitemens des agens extérieurs, et aussi par la création d’un assez grand nombre de postes. Le développement de nos relations commerciales et politiques dans les différens pays du monde, surtout dans l’extrême Orient, a nécessité l’établissement d’agens politiques et consulaires pour protéger les intérêts français. Ainsi on a envoyé un ambassadeur à Pékin, des ministres à Téhéran et à Yeddo, des consuls-généraux à Batavia, San-Francisco, Shang-haï, des consuls à l’Assomption, Bagdad, Bangkok, Hong-kong, etc. L’accroissement du personnel extérieur se résume en 2 ministres plénipotentiaires, 17 secrétaires d’ambassade, 8 consuls-généraux et 30 consuls. L’élévation du taux des traitemens n’a pas été moindre. Les sommes allouées aux ambassadeurs ont été portées de 120,000 à 300,000 fr. pour Saint-Pétersbourg, de 150,000 à 275,000 pour Londres, de 90,000 à 200,000 pour Vienne, etc. Il en est de même pour les consuls-généraux et les consuls : leur traitement s’est également accru dans une assez grande proportion. Les malheurs de la France imposent à ses représentans à l’étranger une simplicité qui permettra de réduire ces chiffres. On pourra en outre apporter dans le nombre et la nature des postes des modifications qui atténueront la dépense. Ainsi rien n’empêcherait de supprimer certains de nos agens politiques. En Allemagne notamment, où les anciennes conditions sont si profondément changées, ne conviendrait-il pas de retrancher les postes diplomatiques de Carlsruhe, Darmstadt, Dresde, Hambourg, Munich, Stuttgard, Weimar, et d’entretenir un ministre là seulement où se trouve le siège de l’empire, à Berlin? On établirait dans les autres résidences des agens politiques secondaires ou même de simples consuls. Dans les villes où l’on remarque deux agens, on n’en conserverait qu’un seul, sauf peut-être à Londres, où l’importance de nos relations rend nécessaire la coexistence de l’ambassadeur et du consul-général; mais à Buenos-Ayres par exemple l’entretien d’un ministre plénipotentiaire et d’un consul ne semble pas indispensable, et l’on pourrait y rétablir comme autrefois un consul-général. Il appartient au département des affaires étrangères d’étudier avec soin les réformes, et de les concilier avec les exigences du service et le soin de l’influence française. De cette façon, il serait possible de diminuer de 500,000 francs à 1 million les dépenses du ministère, non compris ce qui serait gagné par la retenue sur les traitemens.

Qu’on nous permette d’exprimer ici une opinion qui étonnera peut-être en ce qui concerne certaines grandes fonctions administratives et particulièrement celles de préfet. Serait-ce une grande hardiesse de tenter pour l’administration du département ce qui fonctionne avec avantage pour l’administration de la cité ? Serait-il plus difficile de trouver dans le pays même un citoyen honorable et intelligent qui consentît à donner ses soins aux affaires départementales, comme il les donne aujourd’hui aux affaires municipales, sans autre récompense que l’honneur même de ses fonctions? La province serait-elle moins bien administrée, si ses administrateurs étaient choisis dans son sein, parmi des hommes instruits de ses besoins, dévoués à ses intérêts, possédés de l’unique ambition de remplir utilement leur tâche au milieu de concitoyens qui les connaissent et près desquels ils veulent rester? Ce système ne serait-il pas préférable à ce qui existe aujourd’hui? Ne vaudrait-il pas mieux que la façon dont chaque parti ou chaque ministre, en arrivant au pouvoir, envoie ses amis dans des pays auxquels ils sont étrangers, où souvent la question politique les préoccupe exclusivement, et où enfin ils ne s’efforcent de signaler leur zèle que pour obtenir un poste plus avantageux? La gratuité ne serait-elle pas un moyen efficace de calmer l’ardeur de tous les ambitieux qui assiègent chaque gouvernement nouveau, et pour arrêter ces administrateurs improvisés qui croient posséder d’intuition la science des affaires publiques?

Si l’on se décidait à entrer dans cette voie, on n’allouerait aux préfets que le logement à l’hôtel de la préfecture avec quelques frais de représentation et de déplacement, et l’on pourrait aisément réaliser une économie de 2 millions. On gagnerait encore 500,000 francs en supprimant les secrétaires-généraux, dont le rétablissement remonte à quelques années, et en transportant leurs attributions aux plus anciens conseillers de préfecture. Quant aux conseils de préfecture, dont la constitution actuelle est également mise en question, nous ne pensons pas qu’il y ait lieu d’obtenir une réduction de quelque importance sur les crédits qui leur sont affectés. Il n’est guère possible de faire disparaître complètement ces conseils. S’ils peuvent être remplacés par les tribunaux ordinaires pour le jugement de certaines affaires contentieuses, par exemple des procès entre l’administration et les entrepreneurs de travaux publics, il est difficile de leur enlever les décisions sur les questions d’impôt. On ne peut leur retirer davantage l’apurement des comptabilités des communes et des établissemens de bienfaisance dont les revenus sont inférieurs à 30,000 francs, car la cour des comptes, qui seule serait en mesure de recueillir cet héritage, recevrait une augmentation de travaux supérieure aux forces de son personnel. Si l’on veut opérer une réforme en ce qui touche les conseils de préfecture, on doit se contenter de remanier la nature et l’étendue de leurs fonctions. Peut-être alors serait-il avantageux de remplacer le contentieux administratif qui leur serait enlevé par une compétence plus large dans le jugement des comptes communaux et hospitaliers. Les comptables, rapprochés de leurs juges, seraient plus vite libérés, et la cour des comptes, dégagée d’une foule de petites affaires qui entravent son action, pourrait réserver tous ses soins pour des objets plus importans.

L’administration actuelle de l’arrondissement est sérieusement attaquée, et une opinion puissante demande la suppression des sous-préfets, dont les attributions retourneraient à la préfecture ou seraient dévolues aux municipalités cantonales. La mise à exécution de cette mesure procurerait une économie de plus de 3 millions, tant pour le traitement des sous-préfets que pour leurs frais de bureau. En définitive, les réformes qui viennent d’être indiquées pour les préfectures et les sous-préfectures atténueraient d’environ 5 millions 1/2 la dépense qui figure à ce titre aux précédens budgets.

On pourrait trouver 200,000 ou 300,000 francs dans des réductions sur le personnel des inspections administratives, ramené au chiffre de 1850, dans la dépense des commissariats de l’émigration, dans le crédit des commissaires de police et des inspecteurs de la librairie. Les frais de police des villes de Paris et de Lyon, qui sont aujourd’hui supportés par l’état pour une somme de 5,207,000 fr., pourraient être mis en grande partie, sinon entièrement, à la charge de ces deux cités. Un million paraît suffire pour les dépenses secrètes; on épargnerait ainsi le second million alloué à ce chapitre. Le gouvernement propose lui-même une réduction de 500,000 fr. sur les secours aux étrangers réfugiés. Enfin, avec quelques diminutions sur diverses subventions payées par le trésor, avec la suppression temporaire de l’allocation des chemins vicinaux, qui n’est pas inférieure à 11,500,000 francs, on parviendrait à retrancher 24 millions sur le budget du ministère de l’intérieur.

Les dépenses du ministère des finances qui ne se rattachent pas à la dette publique appartiennent presque tout entières aux frais de régie, de perception et d’exploitation des impôts. Nous remettons donc à cette partie des opérations l’examen des économies que pourrait fournir ce département.

Il y a peu de chose à diminuer sur les dépenses ordinaires de l’Algérie, qui s’élèvent à 15 millions; mais, en ce qui regarde les dépenses extraordinaires, on pourrait soulager l’état de la charge des travaux qu’il exécute et qu’il paie avec les fonds avancés par la Société algérienne. Ces travaux étaient prévus au dernier budget de l’empire pour 16,666,666 francs. On en retarderait la continuation, ce qui supprimerait une dépense égale. On arrêterait du même coup la progression de l’annuité due à la société pour les intérêts et l’amortissement du prêt qu’elle s’est engagée à faire à l’état pour une somme de 100 millions, et qu’elle a réalisée jusqu’à concurrence de 79 millions. La progression de l’annuité était prévue en 1871 pour 964,000 francs. Le chiffre de l’annuité elle-même pourrait être abaissé au moyen d’un accord avec la Société algérienne, qui ne refuserait pas sans doute de répartir l’amortissement sur un plus grand nombre d’années. En procédant d’une façon analogue pour les chemins de fer de l’Algérie, en ralentissant les travaux et en obtenant de la compagnie la modération du taux de l’annuité qui lui est due, on réaliserait sur l’ensemble de ces dépenses une économie de 2 millions 1/2, déduction faite des 16 millions de travaux qui sont compensés par la suppression de la recette fournie par les avances de la Société algérienne.

Le ministère de l’instruction publique est celui qui a le droit d’être le plus épargné. Cependant la nécessité conseillerait de distraire de ses crédits une somme d’environ 2 millions, prise notamment sur la dépense des bourses dans les lycées, sur les subventions extraordinaires aux lycées, sur les subventions aux communes et aux départemens pour l’instruction primaire, sur l’Observatoire, le Bureau des longitudes, la Bibliothèque nationale, les voyages et missions scientifiques, l’école des hautes études, etc. Les services de l’agriculture et du commerce pourraient supporter un retranchement de 2 millions sur les encouragemens et subventions de toute espèce payés par l’état. Pour les services dépendant de l’ancien ministère des beaux-arts, avec un peu de hardiesse on leur enlèverait 10 millions 1/2 : 200,000 francs de la fête du 15 août, 300,000 ou 400,000 francs des monumens historiques, 100,000 fr. des souscriptions et encouragemens, 4,800,000 francs des travaux, ouvrages d’art et décorations des édifices publics et notamment du nouvel Opéra, 3,800,000 francs de l’administration des haras supprimée et livrée à l’initiative privée, enfin une grande partie de la subvention des théâtres, qui s’élève à 1,838,000 francs. On ne conserverait cette subvention que pour le Théâtre-Français et l’Opéra en la ramenant au chiffre de 700,000 ou 800,000 francs, et l’on supprimerait ces allocations énormes qui ne servent qu’à exciter les appétits des artistes. On pourrait en outre épargner quelques milliers de francs en réduisant le nombre des inspecteurs-généraux des beaux-arts, des bibliothèques, des musées, etc., dont la création sous le dernier règne n’a pas toujours été motivée par les nécessités du service.

Aux déductions ci-dessus indiquées sur les dépenses des ministères, il faut ajouter 8,400,000 francs, représentant les augmentations de dépense qui avaient été portées au projet de budget de 1871 en prévision d’une période tranquille et prospère, et dont nos désastres semblent naturellement entraîner la suppression. Ces augmentations avaient pour objet des améliorations de traitemens et des créations d’emplois, le développement du service télégraphique dans l’intérieur et en Algérie, des subventions pour l’instruction publique, des encouragemens à l’agriculture, etc. En réunissant toutes les économies sur les services généraux des ministères, on forme une somme de 203 millions, qu’on peut élever plus haut, si l’on opère des réductions sur l’effectif de l’armée.


IV.

Les frais de régie, de perception et d’exploitation des impôts et revenus publics étaient inscrits au dernier budget pour 243 millions, dont 22 afférens aux contributions directes, 15 à l’enregistrement, 27 aux douanes, 28 aux contributions indirectes, 11 aux forêts, et le reste aux tabacs, aux poudres et aux postes. Ces frais représentent avec les recettes une proportion qui varie entre 3,31 pour 100 et 74,32, suivant les services. L’enregistrement, les domaines et le timbre présentent les conditions les plus favorables, et les postes les conditions les plus onéreuses. Pour les contributions directes, la proportion est de 3,86 pour 100 et de 7,76 pour les contributions indirectes. Les douanes prélèvent 18 pour 100 de leur produit, les tabacs 25,41, les poudres 40,17. En ce qui concerne les tabacs, les poudres et les postes, dont les frais sont les plus élevés, il faut considérer que ces branches de revenus ne sont pas des contributions, mais sont des monopoles, et que les recettes qui en résultent sont le bénéfice d’une exploitation industrielle exécutée par l’état. Ce qui constitue la proportion défavorable de leurs frais est, non pas la rémunération exagérée accordée aux fonctionnaires et employés qui les administrent, mais bien toutes les dépenses qui sont la base indispensable de leurs produits, l’achat des matières premières, le salaire des ouvriers, la construction et l’entretien des ateliers, etc. L’administration des postes est grevée de charges énormes pour le transport sur mer. Les subventions allouées aux compagnies maritimes auxquelles a été concédé le transport des dépêches s’élèvent à 27 millions 1/2, à peu près les deux cinquièmes de la dépense totale du service des postes.

Aux 243 millions représentant les frais de régie et de perception, il faut joindre les sommes qui complètent les frais de manutention des deniers de l’état, et qui sont allouées à titre d’émolumens aux trésoriers-payeurs-généraux et aux receveurs particuliers des finances. Cette dépense, classée parmi les services généraux des ministères, s’élève à 7,845,000 francs. C’est donc une somme totale de 251 millions qui se trouve en définitive prélevée sur les recettes, avant que celles-ci puissent être employées à solder les services publics. On a souvent eu la pensée de réduire cette partie de la dépense, et il s’est trouvé des réformateurs qui ont promis des économies merveilleuses au moyen d’un changement radical dans le système de nos impôts. Leurs théories n’ont pas prévalu jusqu’à ce jour; aussi nous contenterons-nous de rechercher les réductions qu’on peut obtenir dans le cadre actuel de notre organisation fiscale.

Le premier moyen d’atténuer la dépense consiste à diminuer le chiffre du traitement et le taux des remises de tous les fonctionnaires et agens de la perception. Cet abaissement, opéré conformément au tarif indiqué plus haut pour le personnel des autres administrations, épargnerait au trésor une somme de 2 millions 1/2. On pourrait y joindre 150,000 francs en réunissant de nouveau le service des douanes à celui des contributions indirectes et en supprimant par conséquent les quinze directeurs spéciaux créés en 1870. Le service des forêts pourrait supporter une diminution de plus de 3 millions, proposée d’ailleurs par le gouvernement sur les travaux de reboisement des montagnes, de gazonnement et divers autres travaux. On réussirait encore à gagner 1 million en réglant avec sévérité le matériel des tabacs et des poudres. Dans les postes, on ne peut espérer un résultat de quelque importance qu’en révisant les traités conclus avec les compagnies maritimes concessionnaires du service des dépêches, et principalement avec la Compagnie des Messageries et celle des Paquebots transatlantiques, qui absorbent à elles seules 26 millions de subventions. En tombant d’accord d’une modification du cahier des charges, en réduisant par exemple le nombre des navires et le nombre des voyages imposés à ces compagnies, on pourrait réaliser sur le chiffre des subventions une diminution proportionnelle qu’il n’est pas déraisonnable d’évaluer à 6 millions. Il faut aussi comprendre parmi les économies les augmentations de dépense qui devaient s’ajouter à partir de 1871 et qui montaient à 3,800,000 francs. Ces augmentations étaient destinées, comme celles des services généraux, à créer de nouveaux emplois et améliorer les traitemens. Le total de toutes les réductions sur les frais de régie et de perception atteindrait de cette façon le chiffre de 16,450,000 francs.

Nous terminerons cette étude par le service de la centralisation des deniers publics et celui de la trésorerie. Ces services, comme on le sait, sont entre les mains des trésoriers-payeurs-généraux et des receveurs particuliers des finances : ils occasionnent une dépense d’environ 8 millions. On est d’avis que cette dépense est exagérée, et qu’elle pourrait être notablement diminuée sans inconvénient. On va même jusqu’à demander l’entier abandon du système français et l’adoption des institutions anglaises, ce qui, suivant les partisans de la réforme, permettrait d’économiser toute la somme affectée à cette dépense. Personne n’ignore en effet que la Banque d’Angleterre procède gratuitement à la recette du revenu public. Dans les comtés où ce grand établissement a des succursales, chacune des succursales est chargée de la réunion des produits perçus dans une circonscription déterminée. A certains jours du mois et sur des points convenus, l’un des commis de la Banque va joindre les agens de perception en tournée, et touche de leurs mains le produit de leurs recettes. La Banque en fait l’encaissement et crédite l’échiquier de leur montant. Elle tient les deniers ainsi recouvrés à la disposition de l’état, et les remet aux créanciers publics selon les avis et les ordres qui lui sont transmis. L’importation de cette méthode entraînerait la suppression des trésoriers-payeurs-généraux et des receveurs des finances. La Banque de France ferait ce que fait la Banque d’Angleterre. Elle recevrait à Paris ou dans ses succursales les versemens des percepteurs de l’impôt et des receveurs des revenus indirects, et serait également chargée de délivrer les fonds suivant les besoins de l’état. Ne semble-t-il pas que le service serait parfaitement assuré dans ces conditions, et qu’il est inutile d’entretenir plus longtemps des comptables dispendieux?

Ce système malheureusement n’est pas aussi parfait, ni aussi économique qu’on pourrait le croire. Malgré l’apparence de gratuité de ses services, un établissement privé ne se charge pas d’une tâche aussi lourde et d’une responsabilité aussi étendue sans rémunération et par pur dévoûment pour le bien public. A défaut d’un émolument direct et déterminé, il faut qu’il trouve un bénéfice suffisant dans l’emploi des fonds laissés plus ou moins longtemps dans ses caisses. Cela est si vrai que la Banque d’Angleterre fixe à vingt et un jours à partir du recouvrement le terme pour l’exigibilité des sommes recueillies par elle au compte du trésor, et qu’elle a droit à une commission pour prompt paiement dans le cas où les sommes doivent être remises plus rapidement à l’état, La disponibilité pendant vingt et un jours des deniers publics forme la prime de recouvrement et de transmission des fonds, qui chez nous est représentée par le traitement fixe, et les remises des trésoriers-généraux et des receveurs des finances. Or, sur 2 milliards de recettes, au taux actuel (les prêts faits au commerce, cette disponibilité équivaudrait à un bénéfice d’environ 7 millions. Le trésor aurait-il avantage à bouleverser toute son organisation pour substituer une prime de cette importance aux 8 millions qu’il paie à ses comptables? D’un autre côté, n’éprouverait-il pas des embarras réels en changeant les coutumes qui depuis de longues années régissent notre service de trésorerie, en renversant la situation, et en se mettant dans la nécessité d’être, comme en Angleterre, en avance avec la Banque, au lieu d’obliger ses receveurs à être en avance avec lui?

Le service fait par la Banque a un autre inconvénient en ce qui concerne la dépense. Ce grand établissement ne peut être à cet égard pour l’état que ce qu’il est pour les particuliers qui lui confient leurs épargnes, un caissier qui, tant qu’il a des fonds, remet au porteur le montant des mandats délivrés par le dépositaire ou ses représentans; mais il n’a rien des attributions d’un agent chargé de libérer le trésor envers ses créanciers et de reconnaître la validité des pièces justificatives de la créance. Il serait donc impossible de lui imposer, surtout en l’obligeant à un travail gratuit, la responsabilité des dépenses irrégulières, responsabilité qui enchaîne les trésoriers-payeurs, et qui est une des meilleures garanties de la bonne gestion des finances. Les nécessités du contrôle exigeraient l’institution de comptables auxquels incomberait la mission de vérifier, avant l’acquittement, l’exactitude et la légitimité des dépenses, et sur lesquels retomberait cette responsabilité que décline la Banque. On rétablirait les anciens payeurs du trésor, ce qui occasionnerait une allocation d’environ 1,200,000 francs.

Sept millions de prime d’un côté, 1,200,000 fr. de l’autre pour le traitement de nouveaux comptables, ce ne serait pas une économie sur les sommes actuellement payées. Nous ne croyons donc pas que l’abandon de notre système soit une mesure avantageuse, ni même un progrès. Cependant, tout en maintenant ce qui existe, nous pensons qu’on pourrait diminuer la charge de l’état en restreignant les bénéfices attachés aux fonctions des grands comptables des finances. La rémunération des trésoriers-payeurs et des receveurs particuliers se compose d’un traitement fixe, et de commissions sur les recettes et les paiemens. Cette rémunération, augmentée de quelques bénéfices de banque, atteint pour certains trésoriers un chiffre élevé. Il serait facile de la réduire. En effet, la nécessité d’un gros profit pour les titulaires des trésoreries et des recettes n’existe que dans le cas où le crédit de l’état, ébranlé par les événemens, a besoin d’être secondé par le crédit de riches particuliers. On doit alors payer le concours personnel donné pour raffermir les finances chancelantes; mais, lorsque l’état n’a pas besoin de ce concours, lorsque le receveur n’a par lui-même aucune puissance financière, et que son crédit dérive non de sa propre fortune, mais des fonctions qu’il occupe, un émolument trop considérable est non plus le prix d’un service rendu réellement au pays, mais un acte de munificence envers un protégé, un bénéfice, une prébende, et c’est précisément ce que la France n’est plus assez riche pour supporter.

Nous avons trop de confiance dans le crédit de l’état, malgré nos malheurs, pour attacher au concours des agens de la trésorerie une importance exagérée qu’on ne saurait trop chèrement acheter, et nous n’aurions aucun scrupule à réaliser une économie sur les trésoreries et les recettes. On pourrait procéder de deux manières, soit par l’abaissement du tarif des commissions, soit par la suppression de la partie variable de l’émolument, et par la constitution d’un traitement fixe d’un chiffre équitablement réglé et plus ou moins considérable suivant l’importance de la recette. Si l’on adoptait ce dernier moyen, on pourrait diviser les comptables en plusieurs classes, par exemple les trésoriers-payeurs-généraux en trois classes et les receveurs particuliers en quatre. Les premiers recevraient de 15,000 à 25,000 francs, et les seconds de 6,000 à 10,000. On allouerait en outre, à titre de frais de bureau, 12,000 francs en moyenne aux trésoriers-payeurs et 3,000 aux receveurs particuliers. La dépense réglée d’après ces bases serait inférieure de 2,500,000 francs à la dépense actuelle.

Nous venons de parcourir les différentes parties du budget sur lesquelles il ne nous semble pas impossible d’obtenir des économies. Il nous reste à les résumer. Sur la dette publique, par la conversion de l’emprunt Laurier, on réduit la dépense de 4,500, 000 francs, déduction faite d’une augmentation de 1 million sur la dette viagère. Les dotations offrent une économie de 36 millions par la suppression de la liste civile, du sénat, et par la gratuité des fonctions de député. Les services généraux des ministères peuvent être réduits de 202 millions 1/2, au moyen de réformes dans le personnel administratif, par la réorganisation de l’armée, la diminution de la marine, le ralentissement des travaux publics. Enfin on peut épargner 19 millions sur les frais de régie et de perception des impôts et sur le service de trésorerie. En réunissant toutes ces sommes, l’économie totale s’élèverait à 262 millions.

L’écart produit par les derniers événemens entre les anciens budgets et ceux de l’avenir est de 373 millions. Les nouvelles ressources à créer ne seraient donc pas supérieures à 111 millions; encore faudrait-il déduire de cette somme le revenu net des biens composant l’ancienne dotation de la couronne, qui venait s’ajouter autrefois à la liste civile de l’empereur, et qui a fait retour au budget de l’état. Il est permis d’évaluer ce revenu à 9 ou 10 millions en tenant compte des améliorations qu’il peut recevoir par l’exploitation ou la mise en location des forêts, terres et châteaux qui étaient exclusivement consacrés au plaisir du prince. Il ne resterait donc environ qu’une centaine de millions à demander à l’impôt. On pourrait les trouver aisément sans écraser les contribuables.

En établissant les résultats qui précèdent, nous avons recherché l’expression la plus simple et la plus rigoureuse du chiffre auquel pourrait être réduit le budget de l’état sans compromettre les parties essentielles des services publics. Nous n’avons compris dans nos calculs ni les allocations de l’amortissement, ni les indemnités qui pourront être accordées aux victimes de la guerre étrangère et de la guerre civile, ni les frais de reconstruction ou de réparation des monumens détruits ou incendiés dans la dernière insurrection. Nous avons en outre supposé un ralentissement considérable dans les grands travaux publics, des arrangemens avantageux avec les compagnies subventionnées, et enfin l’adoption d’un système de gratuité qui soulèvera probablement d’assez vives résistances. Il appartient au pays de juger dans quelle proportion devront être autorisées des dépenses dont nous ne contestons ni la justice ni l’utilité. L’assemblée nationale seule aura les élémens nécessaires pour apprécier la mesure dans laquelle on pourra concilier des intérêts respectables et des désirs légitimes avec les ménagemens auxquels ont droit ceux qui fournissent l’impôt. Nous penchons pour qu’on entre le plus loin possible dans la voie des économies; nous espérons que le chef du pouvoir exécutif, qui depuis trois mois a si bien mérité de la France, ne s’arrêtera pas, comme on semble le craindre, à mi-chemin, et qu’il aura la fermeté nécessaire pour mener jusqu’au bout et résolument la réforme de la dépense. Il rendra au pays un nouveau service en ne mettant pas à une trop rude épreuve les forces des contribuables, car il doit savoir que l’exagération des impôts restreint la production, appauvrit le pays, détruit la matière imposable, et tarit les sources vives où les finances d’un peuple doivent se régénérer et puiser une énergie nouvelle.


L. BOUCHARD.

  1. Voyez, dans la Revue des 1er et 15 avril, les Impôts après la guerre, par M. Victor Bonnet.
  2. ¬¬¬
    Généraux de corps 20,000 fr.
    Généraux de division 15,000 tout compris.
    Généraux de brigade 10,000 «
    Colonels 6,000 «
    Commandans 5,000 «
    Capitaines 3,000 «
    Lieutenans 2,400 «
    Sous-lieutenans 1,800 «
    Intendant militaire 10,000
    Sous-intendant de 1re classe 6,000
    Id. de 2e classe 5,000
  3. Voyez particulièrement sur cette question la Réforme de notre marine, par un officier de marine, dans la Revue du 1er avril dernier.