Le Capitan/XXXIII

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XXXIII. Le prince de Condé
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Depuis dix minutes, déjà, la rumeur soulevée par la parole du prince de Condé s’était apaisée ; puis les derniers conjurés avaient quitté l’auberge, après avoir éteint les derniers flambeaux ; le silence était profond. Dans la cuisine, Cogolin jubilait, se tâtait les membres l’un après l’autre et murmurait :

"Rien de cassé ! Quoi ! Est-ce un rêve ? Je suis vivant ? Et j’ai bien vu, bien entendu ?"

Depuis dix minutes, donc, tout était fini, et Capestang ne bougeait pas ! Une sorte d’orgueil mêlé d’attendrissement le faisait doucement palpiter, comme palpitent certains hommes de fière nature lorsqu’ils viennent de recevoir quelque hommage qui les berce, quelque délicate et puissante flatterie qui leur réchauffe le cœur. De toute cette scène terrible à laquelle il venait d’assister, de cette conspiration savante qui semblait condamner Louis XIII sans que rien au monde pût maintenant le sauver, une seule parole vibrait et vivait en lui… une parole prononcée par le duc de Rohan. Et qu’avait dit Rohan ? Simplement ceci :

"Je connais le mot de passe donné aux postes du Louvre, c’est CAPESTANG !"

Ainsi le petit roi ne l’oubliait pas, celui qu’il avait appelé son chevalier ! Ainsi aux heures de péril, c’était le nom de Capestang qu’il invoquait !

"Corbacque ! gronda le chevalier. Les ducs, les seigneurs, la ville, le royaume, tout est contre le roi ! Le roi n’a pour lui que son chevalier ! Eh bien, par ma mère, par mes ancêtres qui, à son dire, furent tous des héros ! Par mon épée ! Chevalier du roi envers et contre tous, d’estoc et de taille, en avant, corbleu ! Car le mot d’ordre, c’est CAPESTANG !"

Sur son ordre, Cogolin ayant allumé une lanterne, ils pénétrèrent dans la grande salle où, comme on l’a vu, se trouvaient entassés cinquante costumes de gardes et les armes appareillées à ces costumes. Le chevalier ramassa dans un coin l’énorme trousseau de clefs que Rohan y avait jeté, ne gardant que celle de la porte extérieure. Ces clefs étaient soigneusement étiquetées. Capestang trouva donc facilement celle qu’il cherchait, c’est à dire celle de la cave. Alors, il commença à se charger les épaules de pourpoints, de jaquettes, de hauts-de-chausses, de tout ce qui lui tombai sous la main et descendit dans la cave où il déposa son paquet. Cogolin l’avait imité. Puis il y eut un second voyage, puis d’autres. En deux heures tout ce magasin d’équipement et d’armement avait été descendu dans la cave, dont Capestang referma la solide porte à double tour.

"Quel diable de travail avons-nous fait là ? demanda alors Cogolin.

— Tu le vois bien, imbécile : nous avons fait prisonnière une compagnie de gardes."

Là-dessus, Capestang grimpa au grenier, s’étendit sur son lit de foin parfumé et se mit à rêver à la journée du lendemain. Il finit par s’endormir en prononçant tout bas le nom de Giselle. Lorsque Capestang se réveilla, le soleil entrait par la lucarne et lui disait bonjour.

"Voici le grand moment, se dit-il ; si je n’accomplis pas aujourd’hui un coup d’éclat qui doit faire ma fortune, c’est que le fils de M. de Trémazenc n’est qu’un sot, un misérable tranche-montagne, un capitan, comme ils disent. Capitan ! Ah ! corbacque, je..."

Déjà il s’exaspérait et le sang lui montait à la tête, lorsque ses yeux tombèrent sur Cogolin qui, sur une caisse renversée, installait les éléments d’un substantiel succulent dîner froid. À cette vue, Capestang se découvrit une faim canine et tout aussitôt attaqua le jambon.

"Monsieur, demanda Cogolin, est-ce aujourd’hui que nous allons nous installer au Rameau-d’Or, dans cette hôtellerie qui est digne d’un Trémazenc de Capestang ? Il me semble que voilà assez d’honneur que nous avons fait à ce grenier ?

— Tu as raison, Lachance, dit Capestang. Mais le Rameau-d’Or paraît maintenant un bien pauvre logis. Ce soir, Cogolin, nous allons coucher au Louvre.

— Au Louvre ! s’écria Cogolin qui se sentit envahir par l’orgueil. Tiens au fait...

— À moins que nous ne couchions à la Bastille, ou au Temple, ou bien dans quelque basse-fosse où nous aura jetés M. le prince de Condé.

— Diable ! J’aimerais encore mieux le Rameau-d’Or ou même ce grenier, fit Cogolin avec une grimace.

— À moins que nous ne soyons couchés dans notre cercueil, acheva Capestang, l’hôtellerie suprême, la meilleure peut-être."

Cogolin laissa tomber la bouteille qu’il tenait à la main et dont il s’apprêtait à porter le goulot à ses lèvres. L’orgueil fit place à la terreur dans l’âme du digne compère ; puis la terreur elle-même fit place à la résignation.

"Ah ! monsieur le chevalier, dit-il d’une voix étranglée, nous allons donc nous battre ?

— Cogolin, fit le chevalier en découpant une tranche de pâté, nous allons empêcher Paris de faire une révolution.

— À nous deux !

— Pourquoi pas ? À moi tout seul. Comprends-tu, Cogolin ? Escamoter ce conspirateur qui sue la peur d’ailleurs, et qu’on dit ladre comme un ladre vert, ce Condé qui veut culbuter mon pauvre petit roitelet. Soutenir de mon épaule un trône qui tremble. Prendre la couronne royale et crier aux assaillants rués en meute : « Ne touchez pas à cela, je vous le défends ! »

— Oui, dit Cogolin, ce sera magnifique, mais...

— Tais-toi, ou tu me ferais douter de ton intelligence. Ma foi, je n’ai de regret que pour ce Rohan, qui me paraît être un brave et digne gentilhomme."

Vers trois heures, Capestang donna à son écuyer ses dernières instructions. Puis, postés dans ce grenier d’où le chevalier, selon sa conviction, ne devait sortir que pour marcher à la gloire, ils attendirent le moment d’agir. Capestang était froid, ce qui, chez lui, était un symptôme terrible. Cogolin attaquait son vingt-cinquième Pater... Un homme tout à coup entra dans l’auberge, puis presque aussitôt un autre... Ces deux hommes, c’étaient le duc de Rohan et le prince de Condé !

Rohan et Condé avaient pénétré dans une pièce attenante à la grande salle et qui avait servi de cabinet particulier au temps de splendeur de l’auberge.

"Duc, dit le prince avec une certaine majesté, je vous pardonne d’avoir, hier, douté de moi. Mes hésitations étaient toutes naturelles. Songez que je suis Bourbon comme le roi régnant ; nous sommes cousins ; nous sommes de même souche. Joignez à ces considérations de sentiment le souci des responsabilités qui vont m’incomber et vous aurez le secret de ma retenue. N’en parlons plus, duc : le sort en est jeté. Vous m’avez fait venir ici avant nos compagnons pour vous donner mes ordres. Les voici."

Le prince de Condé s’interrompit un instant, méditatif. Rohan attendait, dans une attitude de respect. Les paroles du futur roi, loin de le froisser, l’avaient entièrement rassuré.

"Voici mes ordres, reprit le prince. Mais avant tout, dites-moi ce que vous voulez pour vous.

— Pour moi, monseigneur ? Rien !

— Dans deux heures, je serai roi. Alors, je serai enveloppé de sollicitations, entouré de courtisans à plat ventre qui ne lèveront la tête vers moi que pour demander encore, demander toujours. Tous nos compagnons m’ont indiqué ce qu’ils veulent être. Vous seul, duc, refusez, lorsque j’offre. Ceci est de l’orgueil. Voici donc mon premier ordre : je veux savoir ce que vous voulez quand vous m’aurez fait roi.

— Rien pour moi, sire, rien ! s’écria Rohan presque avec violence.

— Dites alors que vous me voulez abandonner ! Je vous donne la capitainerie générale du Louvre avec rang et prérogative de maréchal. Si vous acceptez, je reste. Si vous refusez, je pars !

— J’accepte, sire ! murmura Rohan, qui s’inclina profondément Puis se redressant : Maintenant, sire, donnez vos ordres à votre capitaine général !

— Les voici, dit le prince de Condé. Nous allons marcher sur le Louvre et nous y entrerons à la tête de la compagnie. Vous ferez conduire le roi déchu à Vincennes. Vous ferez occuper les divers points stratégiques de Paris. Luynes et Ornano à la Bastille, Concini au Temple.

— Le trajet est bien long de la rue de Tournon au Temple.

— J’y compte ! fit Condé avec un sourire livide. Huit hommes suffiront pour conduire le prisonnier, et si, en route, il y a quelque échauffourée, si le peuple veut un peu se venger... et bien !...

— Bien, sire ! dit Rohan, qui ne put s’empêcher de frissonner.

— Voilà pour le plus pressé, reprit Condé. Maintenant, mon cher duc, si vous voulez, nous allons passer dans la grande salle, et nous y revêtirons le costume d’officier des gardes, en attendant celui que vous endosserez demain. Au Louvre je vous dirai le reste. Nos amis ne vont pas tarder arriver, d’ailleurs.

— Oh ! nous avons encore plus d’une demi-heure devant nous, joyeusement le duc qui, cependant, se dirigea vers la grande salle."

En entrant, il jeta un rapide regard autour de lui. Et tout à coup, il pâlit. Ses yeux hagards fouillèrent les coins de la salle. Puis ce regard, empli d’étonnement, de terreur et d’angoisse, il le ramena sur Condé, et une sorte de gémissement monta à ses lèvres.

"Eh bien, fit vivement le prince. Ces cinquante habillements de gardes !

— Ils étaient là ! balbutia Rohan.

— Ces arquebuses, ces piques, ces pistolets !

— Rien ! Plus rien !" hurla Rohan avec un terrible cri de rage qui fit enfin explosion dans sa gorge.

Condé devint livide.

"Cherchons ! murmura-t-il, cherchons ! peut-être quelqu’un des nôtres les a-t-il portés dans une autre salle...

— Peut-être, en effet, bégaya Rohan qui chancelait. Les clefs de maison... je les avais jetées là, en tas, dans ce coin... où sont-elles ! Trahis ! monseigneur, nous sommes trahis !

— Messieurs, dit à ce moment une voix, ne vous donnez pas la peine de chercher, vous ne trouveriez pas, malgré tout ce que l’évangile de saint Luc peut en dire !"


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Les deux conspirateurs, d’un même mouvement furieux, levèrent la tête vers le haut de l’escalier intérieur qui des chambres de l’étage aboutissait à la grande salle et ils virent un homme qui descendait tranquillement.

"Oh ! gronda le prince, j’ai vu cet homme ! Je le reconnais ! C’est lui qui est venu surprendre nos secrets dans les caves de l’hôtel d’Angoulême !

— Là et autre part, monseigneur ! dit le chevalier.

— Capestang ! c’est Capestang ! rugit le prince.

— Le mot de passe du Louvre, monseigneur ! dit Capestang en mettant le pied sur la dernière marche. Messieurs, j’ai l’honneur de vous saluer, ajouta-t-il en soulevant son feutre.

— Ah ! hurla le duc de Rohan, c’est là le Capestang ! C’est là le Capitan ! Eh bien ! Capitan du diable, ce sera ta dernière trahison ! Tu es mort !"

En même temps, Rohan fondit sur le chevalier, l’épée au poing, en criant :

"Dégainez, monseigneur ! Tuons ! Tuons ! Ah !"

Une terrible clameur de rage lui échappa : son épée venait de lui sauter des mains... Capestang, après avoir salué, avait envoyé au loin son feutre, et mettant flamberge au vent, était tombé dans sa bonne garde, le bras droit presque allongé, la main gauche au mur, ramassé, replié sur lui-même.

"Monsieur, dit-il en liant l’épée de son adversaire et en la faisant sauter, vous avez tort de parler de trahison. Vous attaquez le roi, votre roi, monsieur ! Je le défends de mon mieux. Les secrets que j’ai surpris malgré moi, si j’eusse voulu m’en servir, vous seriez à la Bastille, ou bien votre tête eût déjà roulé sous la hache."

Rohan déjà avait ramassé son épée, et se ruait de nouveau sur son adversaire. Condé avait marché droit à la porte par où il venait d’entrer. Fermée ! il courut à la porte du perron… Fermée ! Alors seulement, ivre de honte et de fureur, pantelant de rage devant cet obstacle qui l’arrêtait au moment précis où il allait saisir la couronne, il dégaina et, de son côté, fondit sur Capestang. Dans cet instant même, le duc de Rohan tombait, l’épaule traversée de part en part, et Capestang vociférait :

"Cogolin ! où es-tu, maraud, faquin, Laguigne ! Tu ne vois donc pas que monseigneur t’attend ! Je t’arrache les oreilles, je..."

Cogolin apparut. Condé, en voyant tomber Rohan, s’était arrêté net.

"Monseigneur, dit Capestang, rendez-vous ! Vous n’êtes pas de taille contre le Capitan ! (Condé eut un gémissement de honte et tomba en garde.) Non ? Vous ne voulez pas vous rendre ? (Condé se fendit, Capestang para d’un violent cinglement.) En ce cas, monseigneur, je vous prends... attention ! (Il liait la rapière du prince.) Je vous désarme ! (l’épée sauta) et... vous êtes pris !"

En même temps, il lui mit la main à l’épaule et la pointe de sa rapière la gorge. Condé eut un spasme de révolte... la pointe pénétra dans les chairs, et Capestang, terrible, flamboyant, prononça avec une froideur plus terrible que son attitude :

"Tenez, monsieur, ne me forcez pas à vous tuer ! J’en aurais du regret !"

Condé leva sur le jeune homme son regard chargé de muettes imprécations, et il bégaya :

"C’est bien. Je suis désarmé. Je me rends !

— Cogolin, veille sur monseigneur. Au premier pas, au premier geste, tue !"

Cogolin, le poignard à la main, se plaça près du prince. Condé baissa tête. Sa poitrine se gonfla. Il eut le soupir atroce du fauve pris au piège, quelque chose râla dans sa gorge. Capestang remit sa rapière au fourreau, alla ramasser son feutre qu’il garda à la main, et revint jusqu’à Rohan. Le duc, à ce moment, ouvrait des yeux hagards ; il cherchait encore à se soulever ; mais, soit douleur, soit faiblesse, il retomba tout pantelant. Capestang s’inclina comme les preux s’inclinaient devant l’ennemi vaincu.

"Monsieur, dit-il, c’est moi qui ai détruit les cinquante habillements de gardes que vous aviez entassés ici. C’est moi qui ai détruit les armes. Je vous ai blessé. J’arrête M. de Condé. J’espère ainsi pouvoir sauver petit Louis treizième. Que voulez-vous ? Vous vous battez pour Condé. D’autres se battent pour Guise. D’autres pour Angoulême. Si je ne suivais que mon intérêt, je serais peut-être de votre côté. Peut-être un jour saurez-vous aussi que j’agis en ce moment non seulement contre les intérêts de ma fortune, mais contre ceux de mon cœur. J’ai vu ce pauvre roitelet de quinze ans tout seul contre tant d’ennemis redoutables, je l’ai vu, dis-je au fond de son Louvre, comme une proie bien faible, incapable de résistance et de défense, je l’ai vu pleurer et cela m’a ému, cela m’a bouleversé de pitié, monsieur. Et j’ai résolu de défendre le petit roi. Vous êtes des milliers, je suis seul. Vous êtes puissamment riches, je suis pauvre, je n’ai pas d’amis, pas de compagnons. Voilà mon histoire, monsieur. Vous voyez que ce n’est pas celle d’une trahison. Au fond, voyez-vous, peu m’importe qui règne. Mais je ne veux pas que mon petit Louis treizième pleure. Et d’ailleurs il m’a sauvé la vie. Et puis, monsieur, quand il a à donner un mot de passe dans les heures tragiques de sa vie, c’est mon nom qu’il choisit. Je suis son bouclier. Monsieur, je suis le chevalier du roi ! Je vous donne ces explications parce que vous me plaisez. Votre blessure n’est pas mortelle. Dans un mois il n’y paraîtra plus. Alors, monsieur le duc, s’il vous plaît de prendre votre revanche, je me ferai un honneur d’être votre homme. En attendant, je vous salue de tout mon cœur, parce que vous êtes vaincu, d’abord, et puis, parce que vous êtes un brave. Adieu ! Cogolin, ouvre la porte !"

Là-dessus, il se couvrit de son feutre et, marchant droit à Condé, il le prit par le bras, l’entraîna au-dehors, suivi de Cogolin, et se mit à marcher dans la rue de Vaugirard en tournant le dos à la rue de Tournon au moment où une quinzaine de gentilshommes en débouchaient : il était temps !

Capestang s’engagea dans la rue du Pot-de-Fer, qui aboutissait au carrefour du Vieux-Colombier. Au loin on entendait de sourds grondements. Des rafales de rumeurs montaient du fond de Paris. Des tocsins s’étaient mis à sonner. Ces bruits d’émeute firent tressaillir Condé. Capestang entrouvrit son manteau et lui montra un pistolet.

"Monseigneur, dit-il, nous allons traverser la fournaise ; il vous sera facile d’appeler à l’aide, et je serai tué. Mais je vous donne ma parole d’honneur que, au premier cri, je vous tue tout d’abord avec ce pistolet qui est un emprunt fait aux armes que vous avez déposées dans l’auberge : ce sera toujours une consolation pour vous.

— C’est bien, monsieur, fit Condé d’une voix sombre et désespérée ; je me suis rendu, je me tairai. Un mot seulement : où me conduisez-vous ?

— Au Louvre ! répondit Capestang. N’ayez pas peur : je réponds de vous !" ajouta-t-il avec une superbe assurance.

Dès lors, Condé ne dit plus un mot. Il était abattu. Il se sentait la tête vide et le cœur faible. Capestang le tenait solidement par le bras. Ils descendirent vers les rumeurs qui tantôt fusaient en gerbes, tantôt s’affaissaient en murmures menaçants, vers la fournaise d’émeute ; vers Paris.

À partir du carrefour du Vieux-Colombier, ils entrèrent dans la foule. Des bandes de bourgeois armés cheminaient vers le centre en criant : « Vive M. le prince ! » Ces bandes semblaient parfaitement organisées. Les bourgeois criaient aussi aux passants, pour les entraîner : « Les gardes sont avec nous ! Vous allez voir une compagnie de gardes marcher avec nous ! » Condé frémissait. Capestang souriait : ils savaient ce qu’elle était devenue, la compagnie de gardes !

Quelques instants plus tard, ils débouchaient dans la rue Dauphine, et, au bout de la rue, devant le Pont-Neuf. Là, il y avait un barrage de bourgeois armés d’arquebuses qui criaient :

"C’est l’heure ! La compagnie des gardes va arriver ! Nous allons marcher sur le Louvre ! Vive M. le prince ! Vive Condé !"

Capestang s’avança vers le pont, pensant qu’il passerait sans difficulté.

"Halte-là ! Qui vive ! crièrent les bourgeois.

— Malédiction ! gronda Capestang en essayant de reculer.

— Halte ! vociférèrent les bourgeois. Halte et répondez. Qui vive !

— Condé !" hurla Capestang. Le mot jaillit tout seul de ses lèvres crispées.

Ce fut un de ces éclairs soudains, imprévus, qui illuminent une situation. Le mot tonna dans sa tête et fit explosion sans qu’il l’eût cherché. En même temps. Capestang harponnait le prince au bras, et, d’un geste rapide, lui montrait son pistolet ! En même temps, il marchait sur les bourgeois et entraînait Condé stupéfait, vacillant, incapable d’un geste ! En même temps, le barrage des bourgeois s’ouvrait ! Les bourgeois criaient :

"Passez, braves gentilshommes ! Vive Condé !"

Et tout à coup, parmi eux, ce fut une rumeur, puis des clameurs qui éclatèrent, puis une bousculade pour mieux voir, puis un long hurlement de triomphe :

"Le prince ! – C’est le prince ! – Vive le prince ! – Vive Condé !

— Au Louvre ! hurla Capestang d’une voix de tonnerre.

— Au Louvre ! au Louvre ! Vive le prince ! Condé !"

Un bourgeois avait reconnu Condé. Puis deux ! Puis dix ! Et maintenant cette foule armée se rangeait derrière Capestang, qui marchait à grand pas et qui, se penchant vers le prince, murmurait :

"Monseigneur, si vous voulez, nous allons laisser ici tous deux notre peau ! Mais vous d’abord ! Obéissez, monseigneur, ou je vous tue comme un chien. Criez : « Mes amis, au Louvre ! »

— Mes amis ! mes amis ! cria Condé, au Louvre !

— Au Louvre ! Au Louvre !" répéta la voix furieuse et grondante de l’émeute.

Alors s’accomplit cette chose inouïe, fantastique, drame et comédie : Condé prisonnier de Capestang et, malgré lui, conduisant l’émeute ! la conduisant au Louvre ! Les clameurs échevelées battaient des ailes cette foule délirante. Les tocsins sonnaient à toute volée. Condé marcha comme il eût marché à l’échafaud, Capestang se ruait comme en un rêve étrange où il n’était plus lui, où il ne se conduisait plus, où il était mené par la Fatalité.

"Apprêtez les arquebuses !" tonna soudain une voix formidable.

La foule s’arrêta, reflua, recula : elle se trouvait devant la grande porte du Louvre ! Et, en avant de cette porte, dont le pont-levis était baissé, en avant du fossé, deux compagnies de gardes étaient rangées, prêtes à tirer. Le vieux maréchal d’Ornano était là, l’épée à la main, prêt à mourir.

"Vive Condé !" vociféra la foule, qui reculait en grondant comme peut reculer une meute de dogues.

Et déjà le mot de trahison courait parmi les bourgeois. Ils s’étonnaient de voir le Louvre si bien défendu, ils s’étonnaient que Condé fût là tout seul, alors qu’il devait venir à la tête d’une compagnie. Où était cette compagnie promise, attendue, qui devait forcer la porte du Louvre ?

"Monseigneur, criez à ces gens que vous allez parler au roi. Criez-le ou, par le Dieu vivant, vous êtes mort !"

Condé se retourna vers la foule. Il était blême. Aux dernières lueurs du jour, le peuple de Paris vit le chef suprême de l’émeute faire un geste désespéré ; et puis on l’entendit balbutier quelques mots dont personne ne saisit le sens. Mais on vit le prince se diriger vers Ornano ! Et avec son instinct des situations dramatiques, le peuple comprit que Condé voulu une dernière fois parlementer avec le roi ! Il y eut une frénétique acclamation de : « Vive Condé ! »

"Ch’ellu crebbi comm’una castagna ![1]" gronda le vieux Corse.

Et Ornano levant l’épée, allait ordonner le feu, lorsqu’il vit ces deux gentilshommes qui s’avançaient l’un tenant l’autre par le bras, comme deux amis, comme Castor et Pollux allant au combat.

"Au large, vous deux !" vociféra le maréchal.

Le chevalier fit rapidement trois pas, et, d’une voix éclatante, envoya son nom :

"Capestang !...

— Le mot d’ordre ! murmura le maréchal Ornano. Laissez passer !"

Celui que Capestang appelait « le petit Louis treizième » attendait, debout, frémissant, l’oreille aux aguets, tâchant de recueillir ces grondements lointains qui palpitaient dans Paris, et se demandant si chaque seconde qui venait n’était pas celle où la foudre devait tomber sur le Louvre.

Il était seul, avec son médecin, Hérouard, qui parlait pour cacher son trouble, ou peut-être parce que le besoin de pérorer et de dogmatiser l’emportait encore en lui sur la terreur.

"Où est ma mère ? interrompit Louis XIII qui écoutait à peine.

— Sa Majesté la reine est avec ses femmes. Je viens de la saigner. Et d’ailleurs, il y a cent arquebusiers massés dans ses appartements. Je vous disais donc, sire, que les fumées de cette nicotiane dissiperaient peut-être ces humeurs noires qu’on voit à Votre Majesté, car...

— Où est Luynes ? fit Louis XIII d’une voix d’angoisse terrible.

— Sans doute en son hôtel, sire. Cependant, si Votre Majesté préférait être saignée ? Je vous vois bien sombre, sire, et je crois..."

Hérouard tirait déjà sa lancette. Le jeune roi se tourna vers lui, et, avec une rage froide :

"Allez au diable, vous, votre nicotiane et votre saignée. Si je dois mourir aujourd’hui, ne puis-je au moins mourir en paix !"

Hérouard fit une profonde révérence, rengaina sa lancette, sortit à reculons, et passa dans les antichambres où le capitaine des gardes Vitry avait disposé cinquante arquebusiers prêts à mourir pour le roi et la monarchie.

"Je crois, dit Hérouard à Vitry, que le roi est bien malade : il refuse de se laisser saigner !

— Hérouard, répondit Vitry, je crois bien que d’ici une heure, nous serons tous aussi malades les uns que les autres, et tous plus saignés les uns que les autres...

— Quoi ! balbutia Hérouard. Que se passe-t-il ?

— Oh ! vous êtes donc sourd ! Écoutez, écoutez !"

Une rafale de hurlements passait sur le Louvre... le soir tombait... les vastes salles, peu à peu s’emplissaient de ténèbres, et, parmi cette ombre qui envahissait l’immense demeure, on distinguait vaguement dans les antichambres et le long des escaliers les silhouettes des gardes immobile appuyées sur leurs arquebuses, attendant le moment de la suprême bataille qui allait se livrer au pied même du trône.

"Seul ! Tout seul !" murmura Louis XIII en se jetant sur un fauteuil.

Il prit sa tête pâle à deux mains et s’enfonça dans une sombre rêverie essayant maintenant de ne plus entendre ces tocsins qui sonnaient le glas de la monarchie. Il avait près de lui, dressée contre une chaise, son épée nue. Sur le marbre d’une table étaient déposés deux pistolets : le petit roi avait fait lui-même ses préparatifs de défense... et il attendait... et, la tête dans les mains, il songeait :

"Dans une heure, dans quelques minutes, peut-être, tout sera fini ! le Louvre sera envahi. On mettra la main sur moi ! Oui, mais alors, je tue autant que je puis tuer, et puis je meurs ! Mourir à quinze ans ! Ah ! s’il était là, héros dont le regard me donnait la fièvre de gloire, dont la voix retentissait dans mon cœur comme une trompette de guerre ! Mais voilà, Capestang m’a sauvé la vie, et j’ai insulté Capestang. Il ne reviendra plus. Je suis seul, à jamais seul ! Cette arrestation d’Angoulême n’a fait que précipiter les événements. Par Dieu ! C’est Condé qu’il fallait arrêter ! Puisqu’il triomphe Puisque Paris l’acclame ! Oui, c’était Condé, l’ennemi redoutable ! Oh ! j’ai peur de tout ce qui m’entoure ! Peur de Concini, peur de ma mère, peur Richelieu ! Et ce Condé qui, comme un vautour, va fondre sur moi !"

Il redressa la tête. Ses yeux hagards firent le tour de la vaste pièce.

"Peur ! murmura-t-il. A quoi bon avoir peur, puisque je vais mourir ? Allons, montrons-leur que le fils d’Henri IV n’était pas un lâche ! Montrons à l’histoire que Bourbon contre Bourbon, mon écu demeure pur et que celui de Condé doit demeurer éternellement barré de félonie !"

À ce moment, dans le Louvre, une rumeur ! Des cris ! Des pas précipités ! Des cliquetis d’armes ! Louis XIII fut debout, d’un bond. Déjà avait saisi son épée et le petit Louis XIII, l’épée à la main, marcha vers la porte, ferme, raidi, une sorte d’enthousiasme dans les yeux. Et cette porte, d’un geste violent, désespéré, Louis XIII l’ouvrit lui-même !

Et, dans le même instant, il recula, ébloui, frappé de stupeur, avec un grondement de joie terrible, une de ces joies surhumaines qu’on éprouve en s’arrachant au cauchemar de mort, par les nuits de fièvre et d’agonie. Condé était devant lui ! Condé, pâle, tremblant, humble, effaré de terreur Et le chevalier de Capestang, prenant le prince par la main, dit simplement :

"Sire, j’ai l’honneur de vous présenter M. le prince de Condé, qui vient faire sa soumission à Votre Majesté !"

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Derrière Capestang, Louis XIII, comme un rêve prestigieux, entrevit les vastes salles en enfilade qui, maintenant, s’éclairaient de mille flambeaux. On courait, on accourait, des valets, en hâte, allumaient les lustres, le Louvre s’embrasait comme pour une fête magique ; une cohue se pressait, haletante, avec des physionomies de victoire, et un cri, une clameur faisait trembler le palais dans ses fondations :

"Vive le roi ! Vive le roi ! Vive le roi !"

C’était Vitry avec ses gardes, c’était Ornano qui criait que la ville s’apaisait depuis qu’on savait que Condé se rendait au roi ; c’était Richelieu surgi, on ne savait d’où ; c’était Luynes qui apparaissait soudain du fond de quelque pièce retirée ; c’était Concini qui accourait et baisait la main du roi ; c’était Marie de Médicis qui venait se jeter dans les bras de son fils ; c’était une foule de seigneurs que, depuis bien longtemps, on n’avait pas vus ; c’était le prévôt des marchands avec une délégation venant jurer fidélité au roi... C’était Paris, c’était le royaume entier qui, pour la première fois depuis qu’il était roi, venait faire sa cour à Louis XIII. Pendant deux heures, Louis XIII connut l’enivrement de la victoire, la puissante volupté de la flatterie, l’orgueil de penser :

"Je suis le maître de tout cela !"

Pendant deux heures, les antichambres retentirent des hurlements frénétiques de : « Vive le roi ! » et ces clameurs se répandaient dans le Louvre ; elles franchissaient ses murs et ses grilles, elles palpitaient dans Paris où les mêmes cloches qui avaient sonné l’appel aux armes et à la révolte sonnaient maintenant le triomphe du roi. Pendant deux heures, le prince de Condé connut l’ivresse de la rage et de l’humiliation, et, parmi les plus empressés à l’accabler de leurs sarcasmes, il reconnut ceux qui, la veille, avaient été les plus âpres à l’aduler et à lui demander des emplois pour le moment où il serait roi !

Enfin, tout ce flot s’écoula. Toute cette tempête de joie s’affaissa comme s’affaissent toutes les tempêtes. Les uns après les autres, les courtisans se retirèrent. Mais Richelieu avait vu Capestang, et il avait pâli ! Mais Concini avait vu Capestang, et il avait fait un signe à Rinaldo !

Sur un dernier geste du roi, tout le monde était sorti du cabinet, excepté Vitry, Ornano, Luynes et Capestang. Louis XIII n’avait pas encore jeté un regard direct au chevalier ; mais dès le premier instant, jusqu’à cette minute, il ne l’avait pas perdu de vue. Le jeune roi marcha à Condé, lui mit sa main sur l’épaule et lui dit :

"Bonjour, mon cousin. Il paraît donc que vous nous vouliez détrôner ?

— Sire, répondit Condé, j’espère que Votre Majesté ne voudra pas humilier un vaincu ?

— Un vaincu ! fit le roi. Oui-da. Mais cette compagnie de cinquante gardes dont vous menaciez le Louvre, qu’est-elle devenue ?

— Sire, dit Condé avec un sourire livide, elle est prisonnière de monsieur que voici."

Louis XIII ne se retourna pas. Il n’eut pas besoin de se retourner pour comprendre que le geste du prince désignait Capestang. Seulement, il tressaillit et une flamme pétilla dans ses yeux.

"Sire, dit Capestang, monseigneur exagère : les costumes seuls...

— Silence ! interrompit le roi. Eh bien, mon cousin, je ne vous humilierai pas, non. Un Bourbon peut bien tuer un Bourbon comme vous vouliez faire de moi. Mais l’humilier, ventre-saint-gris, comme dit mon père, je passerais mon épée au travers du corps de celui qui voudra humilier un Bourbon."

Condé tremblait convulsivement. Sa pensée éperdue évoquait l’échafaud, Il voyait Ornano qui le considérait avec un mépris formidable, Il voyait Vitry l’épée à la main. Il voyait le jeune roi qui faisait un terrible effort pour dompter sa fureur. Ces personnages lui apparaissaient à travers un brouillard rouge.

"Donc, reprenait Louis XIII, vous ne vouliez pas m’humilier, vous ?

— Non, sire ! répondit Condé avec le désespoir du condamné.

— Alors vous me vouliez tuer ?

– Non, sire !

— Alors, vous me vouliez déposer de mon trône comme on voulut faire d’Henri III ?

— Non, sire !"

Louis XIII souffla fortement. Il était visible qu’il luttait contre la colère qui se déchaînait en lui, et qu’il ne savait peut-être pas comment exprimer. Il regarda Ornano, puis Vitry, puis ramena sur Condé un regard sanglant et, tout à coup, il éclata de rire. Ce fut effrayant. Ce rire funèbre, glacial dans le sinistre silence du vaste cabinet.

"Oh ! songea Capestang. Mais il va le tuer ! Mais ce n’est pas ce que j’ai voulu, moi ! Mais je ne veux pas qu’on le tue, moi ! Je ne suis pas un pourvoyeur de bourreau, moi !

— Je ne donnerais pas six liards de sa peau ! songeait Vitry.

Disgraziato ! (Malheureux !)" songeait le maréchal.

Le roi essuya la sueur qui coulait de son front. Habitué à vivre seul replié sur lui-même, se défiant de tout et de tous, déjà il faisait l’apprentissage de la dissimulation qui est d’ailleurs la qualité maîtresse des rois en particulier et de tous les gouvernants en général.

"Mon cousin, dit-il de cette voix hésitante qui lui était particulière, je veux vous régaler d’une historiette que bien peu de personnes savent et que je tiens, moi, de M. d’Ornano, ici présent. Vous saurez donc que le maréchal de Joyeuse accompagnait mon père dans le voyage qu’il fit à Rouen. Vous n’ignorez pas que Joyeuse avait été capucin, puis, ayant quitté son couvent, qu’il était devenu un des chefs de la Ligue. Je veux vous apprendre qu’il ne rentra dans son devoir qu’en stipulant par traité secret qu’il aurait le bâton de maréchal. Étant donc devenu maréchal de cette façon-là, il vint à Rouen avec Henri IV et, comme les peuples accouraient en foule pour voir ce grand roi, mon père dit à Joyeuse qui se trouvait près de lui en justaucorps de broderie d’or : « Monsieur le maréchal, quel sujet pensez-vous qu’aient ces peuples de quitter leur travail pour venir ici perdre leur temps ? – Ils viennent, répondit Joyeuse, admirer Votre Majesté. – Vous vous trompez, reprit le roi mon père ; s’il y a quelque chose ici qui fasse le sujet de leur admiration, c’est bien plutôt de voir un capucin si doré... » Or, mon cousin, savez-vous ce que fit Joyeuse ?

— J’attends que Votre Majesté me l’apprenne, dit Condé qui commençait à respirer.

— Eh bien, il quitta tout aussitôt la compagnie où il se trouvait, rentra tout d’un galop dans son couvent de capucins et il n’en sortit plus, bien que le pape eût transformé ses vœux en ceux de chevalier de Malte.

— Eh bien, sire ! fit Condé repris d’une sourde inquiétude.

— Eh bien, dit Louis XIII avec un sourire terrible, nous avons à Paris les Capucins, les Carmes, les Dominicains, les Cordeliers, les Franciscains, les Bénédictins, les Augustins et les Augustins-déchaussés, les Hospitaliers, les Convertis, les Récollets, les Jacobins, les Génovéfins, les Mathurins, les Feuillants, les Bonshommes, les Lazaristes, pères blancs, pères noirs, pères barrés, j’en passe, une multitude de maisons pieuses dans l’une desquelles, à votre choix, vous pourrez, pareil à Joyeuse, méditer jusqu’à la fin de votre vie !

— Entrer au couvent ! gronda Condé. Moi, frocard ! Jamais, sire, jamais !"

Le sourire de Louis XIII se fit plus aigu.

"En ce cas, reprit-il, je vous dis : Choisissez, le couvent ou la Bastille !"

Condé frissonna longuement. Ses mains, vaguement, se tendirent dans un geste de supplication. Ornano mordait sa moustache. Luynes demeurait impassible. Capestang frémissait et grondait en lui-même :

"Mort de tous les diables ! qu’ai-je fait là ! Pourvoyeur de bourreau ou de Bastille, c’est tout un ! Ah ! misérable capitan ! misérable fanfaron ! Pour le plaisir d’amener ici le chef de l’émeute en traversant Paris en émeute, je me suis fait sbire ! Je suis déshonoré !

— Sire, balbutia Condé…

— Le couvent ou la Bastille !" rugit Louis XIII.

Condé se redressa violemment. Une lueur de courage de sa race l’illumina. Il se tourna vers Capestang.

"Voilà comment vous répondiez de moi ! dit-il. Puis, regardant le roi en face : Prison pour prison ! gronda-t-il. Personne ne pourra se vanter d’avoir vu un Bourbon frocard !"

Louis XIII attendait ce cri. Haletant, il se tourna vers Vitry et, d’une voix terrible :

"Capitaine, arrêtez le prince !

— Votre épée, monseigneur !" dit Vitry, avançant de deux pas.


Notes :

  1. Qu'il crève comme une châtaigne! (Note de l'auteur)