Le Cas du docteur Plemen (Pont-Jest)/II/III

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E. Dentu (p. 185-200).

III

OÙ M. LE JUGE D’INSTRUCTION BABOU ENTRE EN SCÈNE


Quinze jours s’étaient écoulés depuis les obsèques de M. Deblain et, grâce au refus du docteur Plemen de se porter candidat, le parti radical avait été victorieux aux élections, dans la personne du citoyen Rabul, lorsque le bruit courut à Vermel que le procureur de la République, M. Duret, ému des lettres anonymes qui lui était parvenues, avait ordonné une enquête sur les circonstances dont avait été précédée et accompagnée la mort du riche manufacturier.

On disait que le défunt avait laissé toute sa fortune, près de deux millions, à sa veuve, à la seule charge pour elle de donner une dot de cent mille francs à chacune de ses nièces, les deux filles de Mme  Dusortois.

Quant à celle-ci, M. Deblain ne lui avait constitué en tout et pour tout qu’une rente viagère de dix mille francs, dont le capital devait, à son décès, retourner à ses enfants.

Par un codicille à ce testament, daté de l’année même de son mariage, Raymond faisait quelques legs à ses gens, ainsi qu’aux établissements de bienfaisance de la ville. De plus, il donnait ses tableaux et ses armes à son ami Plemen.

C’étaient là les dernières dispositions d’un honnête homme, dispositions prises évidemment en pleine affection pour celle qui portait son nom, mais cela ne faisait pas le compte de Mme  Dusortois. Celle-ci affirmait que son neveu n’avait écrit ce testament que sous la pression de sa femme et que, bien certainement, il en avait fait un autre, plus tard, lorsqu’il avait un peu craint de ne pas devenir père. Il était impossible qu’il eût aussi peu songé à ceux qui étaient ses héritiers naturels.

Qu’était devenu ce second testament ? On l’avait détruit. Qui ? Tout simplement celle qui était directement intéressée à sa disparition.

Les gens de sens droit et tous ceux qui savaient combien les rapports s’étaient refroidis entre Mme  Dusortois et M. Deblain, depuis le retour de ce dernier d’Amérique, haussaient les épaules mais les insinuations de la mère de Berthe n’en faisaient pas moins leur chemin et si bien, grâce aux jalousies que Rhéa avait suscitées jadis, jalousies qui grandissaient en raison de la fortune considérable dont elle héritait, que bientôt, on dit tout haut : « Ce pauvre M. Deblain, sa femme se moquait-elle assez de lui ! L’a-t-elle assez mené à sa guise jusqu’à ses derniers moments ! »

Ces bruits préparèrent si dangereusement le terrain que quand on apprit tout à coup que, sur les ordres du juge d’instruction Babou, il avait été procédé à l’exhumation du corps de M. Deblain, il y eut bien un mouvement de stupeur dans la classe élevée, mais bon nombre de bourgeois n’éprouvèrent aucune surprise.

Certainement, il y avait quelque chose, murmuraient-ils.

Les malveillants avaient raison sans doute de faire cette supposition, car moins de six jours après cette lugubre opération, les événements les plus inattendus se succédèrent.

Tout d’abord le procureur de la République n’avait pas attaché grande importance aux lettres anonymes qui lui étaient arrivées, accusant Mme  Deblain de soustraction de testament. Cette accusation lui semblait un peu vague, si prévenu qu’il fût contre celle qui en était l’objet ; mais, un jour, il en reçut une autre plus précise.

Selon cette nouvelle dénonciation, la veuve du riche négociant, maîtresse de M. Félix Barthey, après avoir été celle du docteur Plemen, avait empoisonné son mari, de complicité avec son second amant.

« En attendant que la justice se soit procuré les preuves matérielles de ce crime, par les moyens qui sont en son pouvoir, écrivait le correspondant inconnu du paquet, les preuves morales sont nombreuses. Mme  Deblain savait que, par un premier testament rédigé peu de temps après son mariage, son mari lui avait laissé toute sa fortune, et elle n’ignorait pas non plus que, ne la voyant pas devenir mère, il était revenu sur ses premières dispositions, pour donner une grande part de son bien à ses proches parentes, sa tante et ses cousines, qui sont sans fortune. Or ce second testament n’a pas été trouvé.

« De plus, M. Deblain s’était assuré sur la vie au profit de sa femme et à la demande de celle-ci pour une somme de deux cent mille francs. Enfin, les relations coupables de Mme  Déblain, qui n’avait qu’un rêve : vivre à Paris, et de Félix Barthey sont de notoriété publique.

« Pendant que ce peintre habitait la Malle, elle y allait constamment et même y passait parfois la nuit, alors que M. Deblain couchait dans son hôtel, en ville.

« C’est absolument à l’obsession de sa femme que M. Deblain a cédé en se présentant à la députation, au lieu du docteur Plemen, qui, probablement, n’a osé refuser à son ancienne maîtresse de se retirer pour faire place à son ami. Si M. Deblain était nommé député, sa femme pourrait ne plus demeurer qu’à Paris, auprès de son amant Barthey, et c’est bien certainement quand elle a pressenti l’échec de son mari que Mme  Deblain s’est décidée à se défaire de celui qui ne pouvait réaliser son rêve ambitieux. »

Le dénonciateur anonyme écrivait ensuite :

« En effet, le jour même qui a précédé la mort subite de M. Deblain, ce malheureux avait vainement défendu sa candidature dans une réunion électorale ; il était rentré chez lui convaincu de sa défaite ; il est resté seul avec sa femme et, le lendemain matin, Pierre, son valet de chambre, l’a trouvé inanimé dans son lit.

« Le docteur Magnier, appelé aussitôt, car le docteur Plemen était parti ce matin-là pour Paris, a constaté que le décès de M. Deblain remontait déjà à quatre ou cinq heures au moins. Sa fin avait été foudroyante, en quelque sorte.

« Cependant, malgré la position de son corps et l’aspect de sa physionomie, tout indiquait qu’il avait cruellement souffert, lutté, qu’il avait appelé. Néanmoins sa femme, dont l’appartement est contigu avec le sien, n’était pas venue à son secours. Elle prétend n’avoir rien entendu.

« Puis, coïncidence inexplicable, M. Félix Barthey, l’ami intime de la maison, l’agent électoral de M. Deblain, M. Barthey, qui ne quittait pas Mme  Deblain depuis plusieurs mois, avait disparu. Il était justement retourné à Paris, d’où il n’est revenu à Vermel que pour les obsèques de celui dont la mort lui livrait tout à la fois la veuve et la fortune. »

Cette horrible dénonciation, rédigée, on le voit, avec une perfide habileté de déduction, se poursuivait encore par quelques détails secondaires ; mais ce que nous venons d’en citer suffit pour enflammer le zèle du procureur de la République. Il en conféra, pour la forme, avec son procureur général, M. Lachaussée ; celui-ci accueillit avec empressement les perspectives d’une affaire qui allait attirer les regards de tous vers la cour de Vermel, et, l’ordre d’instruire ayant été donné aussitôt à M. Babou, ce magistrat s’était, hâté de faire exhumer le corps de M. Deblain.

Quand ces tristes restes eurent été transportés à l’amphithéâtre de l’hôpital, le juge d’instruction fit appeler le docteur Plemen, auxiliaire accoutumé de la justice dans les causes criminelles.

Depuis la mort du mari de Rhéa Panton, Erik Plemen vivait dans un isolement absolu ; il ne sortait de chez lui que pour faire son cours et visiter ses malades. Deux fois seulement, il s’était absenté de la ville pour se rendre à la Malle.

La première fois qu’il y était venu, six à sept jours après l’enterrement de M. Deblain, la jeune veuve l’avait immédiatement reçu, mais dans la chambre de sa sœur, qui était assez souffrante pour garder le lit, et le docteur n’était resté que quelques instants, pendant lesquels l’émotion violente qui semblait le paralyser ne lui avait permis de prononcer que quelques paroles témoignant de sa douleur de la perte de son ami et de son affection pour celle qu’une si grande infortune accablait.

Puis, bientôt et brusquement, comme s’il eût craint de trahir tous ses sentiments en présence de Mme  Gould-Parker, il s’était retiré.

La seconde fois que Plemen s’était présenté au château, une semaine plus tard, Mme  Deblain était seule. Alors il s’était jeté à ses genoux et avait saisi ses mains en lui disant, dans une sorte d’égarement fiévreux :

— Rhéa, avez-vous donc oublié déjà combien je vous aime ? Ne vous éloignez pas ainsi de moi ; fuyons tous les deux ce pays pour un théâtre plus digne de nous !

Mais la jeune femme lui avait répondu tout à la fois avec douceur et fermeté, en le repoussant :

— Si je n’ai jamais eu d’amour pour mon mari et si j’ai commis la faute de ne pas vous le cacher, je veux du moins respecter sa mémoire. Oubliez ma légèreté d’autrefois, mon ami. Laissez le temps faire son œuvre, sinon d’oubli, du moins de calme. Je suis résolue à passer tout mon deuil dans la plus profonde retraite. Je dois bien cela à celui qui a été si bon pour moi.

Le docteur était rentré à Vermel aussitôt, plus sombre encore ; mais personne ne s’étonnait de ces changements qui s’étaient faits en lui, et cette douleur profonde qu’il trahissait de la perte de son ami n’avait fait qu’augmenter les sympathies de tous pour son caractère.

C’est ainsi que vivait l’adorateur de Rhéa, lorsqu’il reçut un matin, de M. Babou, un mot le priant de venir le trouver de suite à son cabinet, au palais de justice. Plemen ignorait que la bière renfermant le corps de M. Deblain fût à l’amphithéâtre, ce transport ayant eu lieu la veille au soir, aussi secrètement que possible.

Il se rendit aussitôt chez le juge d’instruction.

— Mon cher docteur, lui dit le magistrat, qui était en excellents rapports avec lui depuis longtemps, la justice aurait besoin de toute votre science mais je ne sais si vous pourrez lui donner votre concours. C’est seulement par déférence pour vous et par acquit de conscience que, sur l’avis conforme de M. le procureur de la République, fort souffrant en ce moment, je vous ai prié de venir me trouver.

— De quoi s’agit-il ? répondit le savant praticien, un peu surpris de ces préliminaires.

— D’une autopsie.

— Ne suis-je pas toujours à la disposition de la justice !

— C’est que, cette fois, l’examen médico-légal dont nous avons besoin vous sera peut-être bien douloureux à faire.

— Je ne vous comprends pas.

— Nous avons tout lieu de croire que M. Deblain a été victime d’un crime et…

Plemen était devenu fort pâle. Ses deux mains se crispaient sur les bras du fauteuil dans lequel il était assis.

— Vous voyez, reprit le juge d’instruction, que j’aurais mieux fait de m’abstenir. Votre émotion est toute naturelle. Le malheureux ! Vous étiez si intimement liés. Excusez-moi ! Je vais faire prévenir M. Magnier ou tout autre de vos confrères.

— Non, attendez ! fit le docteur avec un effort surhumain pour reprendre un peu de calme. M. Deblain victime d’un crime ! Qui vous le fait supposer ?

— Quantité de présomptions morales.

— Qui soupçonnez-vous ?

— Personne encore c’est seulement lorsque je saurai à quel genre de mort a succombé M. Deblain que je pourrai me lancer sur une piste. Or, vous le comprenez, si j’ai pensé à vous avant nul autre, c’est parce que votre rapport ne pourra donner lieu à aucune critique, sauf peut-être dans le cas où vous affirmeriez que M. Deblain n’a succombé qu’à une maladie naturelle, bien déterminée. Dans ce cas seulement, l’accusation ou plutôt les accusateurs, se rappelant vos relations avec la famille Deblain et craignant votre désir d’étouffer l’affaire, pourraient provoquer une contre-expertise, dont le résultat serait nul, votre science excluant la possibilité de toute erreur ; tandis que si vous reconnaissez que la mort de M. Deblain est une mort violente, due à telle ou telle cause criminelle, tout sera dit sur la question expérimentale. Il ne restera plus à la justice qu’à chercher les coupables. Mais je n’insiste pas, je comprends trop…

— Cette fois, comme cela m’est arrivé souvent, interrompit vivement Plemen, qui n’avait pas perdu une seule des phrases de M. Babou, je suis aux ordres du parquet.

Le savant médecin était redevenu complètement maître de lui-même.

— Comment ! vous voulez bien ? fit le juge instructeur.

— La mission sera pénible, mais j’accomplirai un double devoir, répondit le médecin avec fermeté. Je suis prêt.

Le magistrat s’inclina, sans dissimuler son admiration pour une semblable énergie.

Il comprenait que c’était évidemment dans le souvenir même de son affection peut M. Deblain que son ami puisait un pareil courage, ne voulant pas, lui non plus, que les assassins de celui qu’il avait tant aimé échappassent au châtiment, et il lui dit, en serrant affectueusement ses mains glacées :

— Alors je vais donner de suite mes instructions à M. Berton il nous accompagnera à l’hôpital pour que la bière qui renferme les restes de M. Deblain soit ouverte en notre présence et que procès-verbal soit dressé de la livraison du corps. Vous n’aurez plus ensuite qu’a procéder à votre examen, en vous adjoignant tels auxiliaires que vous jugerez convenables. Il va de soi que l’analyse chimique ne vous est pas moins confiée que l’autopsie. À quel toxicologue plus habile que vous la justice pourrait-elle s’adresser ! C’est moi qui suis à vos ordres.

Moins d’une heure plus tard, dans la salle des autopsies, en présence du commissaire de police, après que celui-ci eut reconnu que la bière qui lui était présentée était bien celle que lui avait livrée le greffier du cimetière comme renfermant le corps de M. Raymond Deblain, la triste cérémonie de l’ouverture du coffre eut lieu, et le cadavre, dans un état de décomposition déjà avancé, fut placé sur une table de marbre où il devait être fouillé dans l’intérêt de la vérité.

Plemen avait assisté à cette terrible opération sans prononcer une parole, sans qu’un muscle de son visage trahît l’émotion douloureuse qu’il devait ressentir à la vue des restes presque méconnaissables de celui qui avait été pour lui comme un frère.

Ce fut seulement lorsque tout fut terminé qu’il ordonna au gardien du sinistre lieu de placer au-dessus du cadavre l’appareil d’arrosement à l’eau phéniquée, et le prévint que, sans tarder, il viendrait procéder à son examen.

Cela fait, MM. Babou et Berton s’étaient retirés et le même jour, vers sept heures, alors que la nuit commençait à tomber, le docteur vint s’enfermer avec le seul gardien des morts dans la salle des autopsies.

Quatre jours plus tard, le juge d’instruction reçut du médecin légiste un long rapport, d’une admirable clarté, concluant à la mort de Raymond Deblain, non par une maladie organique de l’estomac, ni par une angine diphthérique, ni aucune des causes naturelles indiquées par le docteur Magnier, mais bien par un empoisonnement par des sels de cuivre. L’analyse chimique lui avait permis de constater la présence de ce toxique dans le foie, le cœur et les poumons du défunt.

La remise au parquet de ces organes, dans des bocaux hermétiquement clos et scellés à la cire, était accompagnée de l’envoi d’une lame de cuivre, portant cette étiquette., de la main même du docteur Plemen : « Cuivre extrait des organes du nommé Raymond Deblain. »

Pour M. Babou, un crime avait donc été commis, ce n’était pas douteux. Quant au coupable, en vertu de l’axiome légal : Is fecit cui prodest, il ne pouvait être que Mme  Deblain, probablement avec la complicité de son amant, le peintre Félix Barthey.

Ce magistrat ambitieux, à l’esprit étroit, qui depuis qu’il était juge d’instruction n’avait eu à suivre que des affaires insignifiantes, vulgaires, tenait donc enfin sa cause célèbre, à laquelle il rêvait depuis si longtemps, dans l’espoir de sortir de l’obscurité où il végétait.

Une femme du grand monde empoisonneuse ! Mais cela allait rappeler le procès Lafarge, attirer l’attention sur lui et, pour peu qu’il sût s’y prendre, ne rien laisser dans l’ombre, faire le plus de bruit possible et surtout obtenir une bonne condamnation, qui sait ? capitale peut-être, malgré la répugnance du jury à envoyer des femmes à l’échafaud, sa carrière était assurée.

C’était la croix tout au moins et bientôt après une présidence de chambre.

Ce Barthey était un conservateur, légitimiste ou bonapartiste, puisqu’il avait été l’agent électoral de M. Deblain. Quelle bonne fortune de tenir entre ses mains un de ces vils réactionnaires, ennemis de la République, et cette étrangère éhontée, qui était venue donner de si mauvais exemples aux familles de Vermel !

En se livrant à ces réflexions, M. Babou redressait sa tête hirsute, boutonnait militairement sa redingote râpée et louchait, comme pour s’assurer, par avance, du bon effet que ferait le ruban rouge à sa boutonnière.

Néanmoins, comme il était homme fort prudent, le juge d’instruction ne voulait pas, quelque désir qu’il en eût et quoique ce fut son droit strict, agir de sa propre autorité. Dans le but de n’engager qu’en partie sa responsabilité, il passa chez le procureur de la République pour lui communiquer le rapport du docteur Plemen et arrêter, d’accord avec lui, les mesures à prendre.

M. Duret était dans son cabinet, en compagnie du procureur général.

Mis au courant des choses, les deux magistrats eurent tout d’abord un mouvement de surprise : ils ne s’attendaient pas à un résultat aussi prompt ni surtout aussi décisif de l’expertise médico-légale. Toutefois, en face de l’assurance que leur donnait cette expertise qu’un crime avait été commis, ils n’hésitèrent pas : ils adoptèrent les soupçons du juge d’instruction et furent d’avis qu’il fallait agir rapidement.

Cependant ils pensaient qu’à l’égard de M. Barthey, il était sage d’attendre la découverte de quelque circonstance permettant de démontrer sa complicité, car il se pouvait qu’il eût été ou même fût encore l’amant de Mme  Deblain sans pour cela l’avoir aidée dans l’accomplissement de son forfait.

On verrait quelle serait son attitude ; on devait, en attendant, se contenter de le faire surveiller, afin de s’assurer de sa personne dans le cas où, à la nouvelle de l’arrestation de sa maîtresse, il tenterait de passer à l’étranger.

Fort de cet appui, M. Babou retourna à son cabinet, remplit et signa contre Mme  Deblain, « conformément aux conclusions du ministère public », un mandat d’arrêt qu’il fit porter au commissaire central avec ordre de le mettre à exécution sans retard, le jour même ; et, aussitôt après, il écrivit au procureur de la République à Paris, dans le sens indiqué par MM. Lachaussée et Duret.

Le juge d’instruction n’avait pas manqué d’ordonner à M. Berton de procéder, à la Malle, à une perquisition sommaire et de clore les appartements avec des scellés, dont l’un de ses agents serait le gardien. Il se réservait de se livrer, lui, à la même opération dans l’hôtel Deblain, en ville, et de reprendre les perquisitions au château lorsque la prévenue serait prisonnière.

Tout cela terminé, M. Babou sortit du palais de justice, la tête haute, le front sévère, convaincu, comme Titus lorsqu’il avait fait une bonne action, qu’il n’avait pas perdu sa journée, et il rentra chez lui, où sa femme, aux premiers mots de la confidence qu’il se hâta de lui faire, l’embrassa, en lui disant :

— Ah ! cette Américaine, je la méprisais d’instinct j’avais le pressentiment qu’elle n’était qu’une misérable ! Comme j’avais raison ! J’espère bien que tu ne vas pas l’épargner. Jérôme, ton avancement ne dépend plus que de toi !

Et ce digne couple se mit à table, rêvant avancement et décoration, pendant que le commissaire central, quelque stupéfaction que lui eût causée la lecture du mandat d’arrêt, se rendait à la Malle pour remplir son devoir.

Il avait emmené avec lui son secrétaire et deux de ses agents.

Il était sept heures du soir.