Aller au contenu

Le Centurion/32

La bibliothèque libre.
L'Action sociale (p. 167-180).

IV

NOUVELLES CONTROVERSES


Il arrivait souvent que les mêmes interlocuteurs se réunissaient chez le prince Nicodème, qui exerçait une généreuse hospitalité. Et tout naturellement la discussion recommençait sur le problème messianique qui était plus que jamais à l’ordre du jour.

Parmi les docteurs en Israël, membres du Sandhédrin, qui n’appartenaient pas à la Chambre des Prêtres, Gamaliel et Onkelos étaient ceux qui avaient le plus d’autorité. Ils n’étaient pas seulement éloquents et très versés dans les Lettres ; mais on vantait leur érudition, et leur connaissance approfondie des Écritures.

Un soir, ce fut Nicodème qui posa à Onkelos cette question : Comment traduis-tu et à qui appliques-tu le nom Schéloh dans ce verset de la prophétie de Jacob :

« Le sceptre ne s’éloignera pas de Juda…
Jusqu’à ce que vienne Schéloh :
C’est à Lui que les peuples obéiront. »

Onkelos. — Le sens de la prophétie elle-même n’est pas douteux, et tous les docteurs d’Israël l’interprètent en l’appliquant au Messie, ce qui veut dire qu’il viendra quand Juda aura perdu le sceptre, c’est-à-dire son autonomie.

La seule difficulté git dans la traduction du nom que Jacob donne au Messie.

Il l’appelle Schéloh. À quelle langue appartient ce mot ? Et que signifie-t-il ? Je crois, moi, que ce nom veut dire Celui à qui est le royaume. D’autres disent à qui est le sceptre. Mais les deux versions, d’étymologie différente, ont le même sens.

Nicodème. — Quoi qu’il en soit de la formation étymologique de ce nom, tu es donc d’avis que par ce nom Jacob désigne le Messie ?

Onkelos. — Oui.

Nicodème. — Eh ! bien, alors, le temps serait venu pour l’accomplissement de la prophétie, puisque le sceptre est sorti de Juda ?

Onkelos. — Évidemment.

Nicodème. — Alors pourquoi Jésus de Nazareth ne serait-il pas le Messie promis ?

Onkelos. — S’il veut que je croie en lui, qu’il s’empare du sceptre de Juda ! Qu’il l’arrache des mains infidèles et serviles des Hérodes. Qu’il rétablisse ce royaume qui assurera aux Juifs la domination universelle, puisque le saint patriarche a prédit que toutes les nations lui rendront hommage.

Voilà le miracle qu’il doit faire pour me prouver son titre messianique.

Que m’importe qu’il guérisse des malades et des infirmes, qu’il rende la vue aux aveugles et la parole aux muets ? D’autres prophètes ont fait cela avant lui… Au lieu de délivrer les possédés du démon, qu’il délivre donc son peuple du joug de l’étranger !

Qu’il rende à Jérusalem sa gloire évanouie et sa puissance détruite ! Et je serai le premier à lui présenter mes hommages.

S’il est incapable d’accomplir ce grand œuvre, le seul miracle qui nous intéresse, c’est qu’il n’est pas le Messie. »

Pilatus, qui s’était éloigné, se rapprocha en entendant ces paroles, et dit :

— Je ne savais pas, Onkelos, que vous étiez un ennemi de Rome.

— Je ne le suis pas, Gouverneur, et je n’ai jamais prétendu que son joug soit tyrannique. Au contraire, je suis d’avis que la politique coloniale de Rome est large, et nous accorde toutes les libertés nécessaires. Mais nous en sommes à chercher les caractères messianiques en Jésus de Nazareth, et comme je ne suis guère disposé à les lui reconnaître, je faisais ce raisonnement ; « Le Messie doit rétablir le royaume de Juda ; or, Jésus est impuissant à faire ce miracle ; donc, il n’est pas le Messie.

Gamaliel. — Le connaissez-vous personnellement ?

Onkelos. — J’ai accompagné un groupe de mes compatriotes, qui ont obtenu de lui une audience ; et il nous a dit des choses assez étranges.

Gamaliel. — Contez-nous cela.

Onkelos. — Vous allez en juger. Après lui avoir exposé mon idéal de rénovation religieuse, qui serait un mélange de Platon et de Moïse, je lui dis : « Bien certainement, Maître, vous ne prétendez pas abolir la loi Mosaïque et le sacerdoce ?

— Il m’a répondu : je ne suis pas venu abolir la Loi, je suis venu l’accomplir… Mais on ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin nouveau les romprait, il se répandrait et les outres seraient perdues.

Et mon regard continuant de l’interroger, il ajouta : « On ne coud pas une pièce de drap neuf à un vieux vêtement. »

Je compris qu’il voulait me dire : Votre Platon, votre Socrate, et votre sacerdoce Juif sont de vieilles outres et de vieux vêtements : Que voulez-vous que j’en fasse ?

Je fronçai les sourcils, et lui tournai le dos.

Gamaliel. — Vous admettrez que c’était répondre bien spirituellement à un docteur d’Israël qui venait lui apprendre comment accomplir sa mission ?

Onkelos. — Mais, n’était-ce pas offensant pour moi, et méprisant pour les grands philosophes de la Grèce ?

Gamaliel. — Non. Car, au fond, il vous faisait une observation très juste et très vraie. Vous lui parliez de rénovation religieuse ; c’était dire que vous vouliez faire de la vieille religion un vin nouveau, mais vous prétendiez conserver les vieilles formules et le vieux culte. Il vous a répondu qu’il fallait mettre le vin nouveau dans des outres neuves, c’est-à-dire dans une dogmatique nouvelle, et coudre le drap neuf à un vêtement neuf, c’est-à-dire à un nouveau culte.

Onkelos. — Cependant il déclare qu’il est le Verbe, et il emprunte ce titre aux platoniciens, qui croyaient à un Logos, espèce d’émanation divine établissant la communication entre l’homme et Dieu.

Gamaliel. — Eh ! bien, ce titre devrait te plaire, Onkelos, et te rapprocher de lui.

Onkelos. — Non, pas du tout. Le Logos des platoniciens n’est pas une personnalité distincte de Dieu, une incarnation. Platon n’a jamais eu l’idée d’un Logos fait homme.

Gamaliel. — Alors Jésus de Nazareth ne copie pas les platoniciens ; et il s’élève bien au-dessus d’eux en disant : Je suis le Logos, le Verbe !

Onkelos. — Eh ! bien, Gamaliel, voici mon opinion franche et nette sur le Galiléen : C’est un grand génie peut-être ; mais il manque d’équilibre, et l’ambition va le perdre. On le proclame prophète et thaumaturge. S’il se contentait de cette gloire, personne ne la lui disputerait peut-être. Mais il rêve l’impossible ! Il veut se faire accepter comme Dieu ; c’est une folie qui étonne chez un homme aussi remarquable, et qui va le conduire à une catastrophe prochaine.

Pilatus. — Je pense un peu comme vous, Onkelos ; Jésus est un homme étonnant, un génie hors ligne apparemment ; et si les circonstances, qui font les hommes, le favorisent, il laissera sans doute un nom dans l’histoire ; mais comme bien d’autres, que l’on a cru être, ou qui ont été des grands hommes, il ne laissera pas autre chose. Il sera comme le navire qui trouble profondément les flots qu’il sillonne, et qui ne laisse derrière lui qu’un blanc sillage bientôt effacé.

Que veut-il ? Je l’ignore. J’ai interrogé ceux qui l’ont entendu, et je n’ai pu rien apprendre qui puisse nous faire connaître ses desseins et sa véritable ambition.

Nicodème. — Son ambition ! C’est ce dont Caïphe et les princes des prêtres l’accusent, mais cette accusation ne tient pas devant le fait suivant que j’affirme :

C’est qu’il prévoit sa mort prochaine, qu’il l’annonce, et qu’il ne fait rien pour l’éviter. Au contraire « il la veut », parce qu’il dit qu’elle est nécessaire à l’établissement de son royaume.

Pilatus. — Alors, c’est un fou !

Nicodème. — Ou bien, c’est un Dieu. Voyons, gouverneur, raisonnons un peu. Voici un homme qui a 33 ans. Il est dans toute la vigueur de la santé. Il est doué de toutes les plus brillantes facultés, et de dons si extraordinaires que la raison humaine ne peut les expliquer. Le peuple l’aime et l’admire. Les foules le suivent jusque dans le désert, pour entendre ses discours, sans songer à emporter avec elles de quoi se nourrir. Là, il les nourrit miraculeusement. Elles veulent le faire roi, et il s’esquive ! Il n’aurait qu’à faire un signe et, demain, toute la Galilée serait debout pour proclamer sa royauté ; et je me demande comment vous pourriez l’en empêcher, gouverneur.

Or, il fuit tous ces hommages du peuple. Il se prépare à mourir, à la fleur de son âge, sans avoir goûté aucun des plaisirs de la vie ; il court au-devant de cette mort, parce qu’il la dit nécessaire à l’établissement d’un royaume dont il ne jouira pas !

Et vous appelez cet homme un ambitieux ! Depuis quand les ambitieux travaillent-ils pour la gloire et la jouissance des autres ? Et quel ambitieux fut jamais assez insensé pour croire qu’il sera plus puissant mort que vivant ?

Non, rien ne trahit l’ambition en Jésus. Rappelez-vous César.

Est-ce pour ses successeurs ou pour lui-même qu’il convoitait l’empire ?

Et Auguste ? Travaillait-il pour les autres en reprenant le dessein de César ?

Était-ce pour y faire monter son ombre après sa mort, qu’il confectionnait un trône ?

Non, l’ambition humaine a son histoire, et celle de Jésus de Nazareth en est la contre-partie.

Dites plutôt que c’est un fou, ou qu’il paraît l’être, parce que sa conduite renverse toutes les données de la sagesse humaine. Dites que c’est un excentrique, puisqu’il vit et pense, et agit en dehors de la sphère de nos connaissances et de nos capacités.

En un mot, il est tellement différent et au-dessus de nous, que nous ne pouvons comprendre quelle est sa nature, et que nous ne savons pas comment le qualifier.

Mais, en même temps, comment pouvons-nous raisonnablement appeler fou un homme dont l’intelligence se montre tellement supérieure à la nôtre ?

Gamaliel. — Si nous pouvions admettre et comprendre qu’il est à la fois Dieu et homme, nous pourrions pénétrer le mystère qui l’enveloppe peut-être.

Mais comment un homme peut-il être Dieu ? Et comment un Dieu peut-il être un homme ? Voilà ce qui surpasse notre intelligence.

Pilatus. — Mes chers amis, le problème ne me semble pas aussi compliqué, ni aussi surhumain. Vous verrez qu’il se résoudra de la façon la plus humaine, la plus naturelle, et la plus vulgaire. Cet homme vous apparaît comme dans un mirage, et l’imagination populaire l’a transfiguré ; mais attendez que le mirage se dissipe, et vous le verrez réduit aux proportions ordinaires, sujet à toutes les misères de la faiblesse humaine.

S’il veut vraiment mourir, il en trouvera facilement le moyen, grâce à ses nombreux et puissants ennemis. Et s’il meurt, il lui arrivera bientôt ce qui arrive à tout le monde, et ce qui est arrivé à César : Ses disciples ne sacrifieront pas leur vie pour lui, et nul ne songera à le proclamer Dieu.

Son royaume n’aura été que le rêve éphémère d’un insensé. Il y a dans la vie des hommes bien des mystères, mais ils trouvent tous dans la mort leur solution brutale et définitive.

Nicodème. — Mais la mort elle-même est-elle une solution définitive ?

Pilatus. — Je le crois ; puisque nous ne savons rien de ce qui la suit.

Tant que les mystères de l’au-delà ne nous auront pas été révélés, le scepticisme me semble la seule doctrine raisonnable, sur ce point, comme sur toute question religieuse.

Claudius. — Ô Pilatus, comment pouvez-vous douter de l’immortalité, et de la vie future ?

Vous avez donc oublié l’éloquente démonstration que Cicéron nous a laissée de cette vérité dans son traité de Consolatione :

« L’âme est l’image de la Divinité, émanée et sortie d’elle. Et la Divinité est immortelle…

« Elle a son principe dans la Divinité ; le ciel est le centre où elle tend : c’était sa première demeure, elle désire sans cesse retourner dans ce séjour éternel, sa vraie patrie… » Le grand orateur revient à cette croyance, très ferme chez lui, dans le Songe de Scipion.

Il y représente Scipion l’Africain apparaissant à son petit-fils, le second vainqueur de Carthage, dans un lieu élevé semé d’étoiles, resplendissant de clarté et lui disant cette grande parole : « C’est ce que vous appelez la vie qui est la mort… C’est ici la véritable vie.

« Ce n’est pas toi, mais ton corps qui est mortel. C’est l’âme qui est l’homme et non pas cette forme sensible, que tu appelles ton corps… »

Caïus. — Aucun philosophe, gouverneur, n’a mieux parlé, pas même Platon. Au reste, le scepticisme, n’est pas dans la nature. L’esprit humain a soif de croire comme il a soif de connaître. Quand il abandonne ses croyances originaires, c’est pour en prendre d’autres.

Regardez autour de vous, et lisez l’histoire : Sauf de très rares exceptions, vous verrez partout et à toutes les époques de la vie des hommes qui changent de croyances, et non des hommes qui n’en ont aucune.

Horace qui est votre poète favori, et qui appartenait au troupeau d’Épicure, n’est pas vraiment un sceptique. Sans doute il n’est pas très convaincu quand il prêche en faveur des Dieux, mais il croit vraiment aux présages, aux songes, aux sortilèges, et à la magie.

Pline, Ovide et autres écrivains croient à toutes sortes de superstitions. Et votre empereur, Tiberius ? Il méprise les Dieux, mais il a peur des puissances occultes et des prédictions des astrologues.

Voilà qui montre bien le besoin naturel de l’esprit humain de croire à quelque chose, mais à quelque chose de mystérieux, d’occulte, qu’il ne peut s’expliquer ni comprendre.

Pilatus. — Eh ! bien, moi, Caïus, je ne veux pas de mystère, ni rien de trop compliqué. Ma religion est simple et compréhensible. Je n’ai aucune répugnance à croire qu’il y a un Dieu, ou des Dieux. Car mon scepticisme n’est pas absolu. Un seul Dieu me paraît cependant beaucoup plus raisonnable.

Mais que sais-je autre chose ? Et qui peut m’enseigner autre chose, avec autorité, en me prouvant l’origine divine de sa mission et de sa doctrine ? Est-ce vous, Onkelos, avec vos grands philosophes qui n’ont pas pu régénérer la Grèce ? Ou avec leurs disciples qu’on a appelés les Sophistes, qui ont accentué la décadence et qui prétendaient pourtant être les vrais sages ?

Quels étaient les vrais fous ? Je n’en sais rien ; et je suis bien près de penser, avec votre Protagoras, que la vie est trop courte pour la passer à agiter ces grands problèmes.

Onkelos. — Je déplore comme vous, Gouverneur, l’œuvre des Sophistes. Ils ont fait le malheur de ma patrie, mais cela ne prouve rien contre la religion. Au contraire, si la Grèce est déchue, c’est parce que ces Sophistes ont détruit la foi religieuse.

Gamaliel. — C’est vrai. Mais le Gouverneur a raison de vouloir que celui qui prétend fonder, ou seulement enseigner une religion, prouve son autorité et sa mission divine.

C’est pour cela que notre religion est la seule vraie, parce qu’elle a eu pour fondateur un envoyé de Dieu.

Moïse n’était pas seulement un génie, comme Socrate et Platon ; il avait reçu de Jéhovah l’autorité et la mission, et c’est l’enseignement de Dieu lui-même qu’il nous a transmis. Si le peuple a cru en lui, c’est parce qu’il a donné des preuves de la divinité de sa mission.

Nos prophètes ont également prouvé par leurs œuvres que Dieu lui-même les inspirait. Mais aussi, voyez quelles ont été la vitalité de notre foi religieuse et l’immortalité de notre sentiment national.

Israël a été vaincu, dispersé, emmené en captivité, sans chefs, sans patrie, sans drapeau, et il a survécu à tous les malheurs qui devaient l’anéantir.

L’Égypte n’est plus qu’une ombre. La Grèce achève de mourir. Rome elle-même est en décadence, et Israël qu’elle a conquis, et qui est plus vieux qu’elle de huit siècles, est plus vivant qu’elle.

Le Juif est partout, dans tous les pays du monde. Il s’y établit, il y fonde des foyers, des familles, des villes juives au milieu des villes païennes. Il apprend la langue des pays qu’il habite, il y entretient des relations sociales, il y devient puissant ; mais il reste Juif.

Les gouvernements qui le trouvent envahissant prennent tous les moyens de l’assimiler, ou de le proscrire. Mais il résiste à l’assimilation et à la proscription ; et quand on l’a fait sortir par la porte, il rentre par la fenêtre.

Et sa patrie ? Est-elle dans ces pays qu’il habite ? Se fait-il là une seconde patrie ? Non, il reste Juif. Il garde le souvenir du pays natal, ou du pays des ancêtres ; il conserve la foi de sa race et le sentiment national ; et ni les frontières des peuples, ni les mers ne l’empêchent de contempler et d’aimer ici, au bout du monde, la Jérusalem idéale qui est toujours sa vraie patrie.

Pilatus. — Je reconnais volontiers, Gamaliel, qu’il y a là quelque chose d’extraordinaire, qui est en dehors des lois de l’histoire. Mais si votre Loi mosaïque vous a donné cette étonnante vitalité nationale, qu’avez-vous besoin d’un Messie ?

Gamaliel. — C’est notre foi religieuse qui nous a fait vivre. Or, la promesse d’un Messie est précisément le dogme vital de notre religion. Ce n’est pas seulement ce que Jéhovah nous a donné, mais ce qu’il nous a promis, qui nous a gardés vivants. Nous croyons en Moïse, mais nous croyons aussi que sa loi est perfectible, et que ce sera l’œuvre du Messie, de la perfectionner et de la compléter, de sorte que notre religion, arrivée à son plein développement, aura eu deux fondateurs, tous deux envoyés de Dieu : Moïse et le Messie.

Pilatus. — Et vous croyez que le temps fixé par vos prophètes pour l’avènement de votre Messie est arrivé ?

Gamaliel. — Nous le croyons.

Pilatus. — Et que ce Messie va vous délivrer du joug de Rome, et établir le royaume de Juda ?

Gamaliel. — Sur ce point, nous sommes divisés, et les prophéties sont très obscures.

Pilatus. — Enfin, que pensez-vous de Jésus de Nazareth ?

À cette question, Camilla, Claudius, Caïus et Nicodème fixèrent leurs regards sur le vieux docteur d’Israël, et attendirent anxieusement sa réponse.

Il hésita, et dit enfin :

— « Votre question, Gouverneur, en fait surgir d’autres bien graves dans mon esprit. Comment une femme a-t-elle pu enfanter un Dieu ? Comment peut-elle être devenue mère et rester vierge, selon la prophétie d’Isaïe ? Comment la nature divine et la nature humaine peuvent-elles s’unir dans une même personne ?

Tels sont les grands problèmes qu’il me faudrait résoudre pour pénétrer le mystère de Jésus de Nazareth ; et jusqu’à ce jour ils sont insolubles pour ma faible raison.


Ainsi finissaient presque toujours les discussions. Le problème messianique se dressait devant les interlocuteurs, et demeurait sans réponse.

Ce n’était donc pas par le raisonnement qu’on pouvait y répondre. L’esprit humain réduit à ses seules forces était impuissant à expliquer ces mystères.

Il fallait faire un acte de foi, et non un syllogisme.