Le Coq-à-l’âne, ou le pot aux roses, adressé aux financiers

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Le Cocq-à-l’asne, ou le pot aux roses, adressé aux financiers.

1623



Le Cocq-à-l’asne
ou le pot aux roses adressé aux financiers.
M. DC.XXIII.
In-8.

J’aime le roy, j’ayme les princes ;
Je me desplais dans les provinces
Trop esloignées de la court.
Il fait bon, pour le temps qui court,
S’entremettre dans les affaires ;
Les intendants, les secrétaires,
Les financiers, les partizants,
Les gens d’estat, les courtizants,
Sont ceux maintenant qu’on destine
À conquerir la Valtoline1 ;
Ils ont destourné les malheurs
Que trainoit la guerre passée
Par la paix qu’ils en ont tracée,
Et sont disposez maintenant
À payer force argent comptant
Au roy pour faire le voyage ;
Mesmes rencontrant Spinola2,
Ils l’obligeront au hola ;
Et, nous asseurant les salines,
Fourniront aux places voisines,
Pourveu que leurs commissions,
Leurs brevets et leurs pensions
Leurs soient remis, rentrants en grace,
Chassans les nommez en leur place ;
Ainsi purgez de leur larcins,
Ils esloigneront les mutins,
Qui vont affligeant nostre France,
Et qui nous font vivre d’advance.
On en voit dans les parlements ;
Les conseillers, les presidents,
S’esmeuvent souvent en collère.
Et puis on courtise la mère3,
Affin de pouvoir parvenir
Au but de son doux souvenir ;
Par ce moyen, gaignant la fille,
Un conart en a dans la quille,
Les pistolles entrent partout,
Rien n’est à l’espreuve à ce bout
Affin d’empescher un divorce.
Mon Dieu ! que j’en vois d’empeschez
À confesser tous leurs pechez,
Où le caresme nous convie,
Feignant d’amander nostre vie !
De Picardie et de Brouage,
Chacun est du conseil secret ;
On est vain, on fait le discret,
On murmure un mot à l’oreille ;
Monsieur ne veut pas qu’on l’esveille ;
On a pacquets de tous costez ;
On vient de veoir leurs majestez,
Et souvent, dans les galleries,
On s’arreste aux tapisseries,
Ou bien auprès du cabinet,
Feignant estre au conseil secret,
Trompant ainsi la populace,
Qui croit qu’au conseil ils ont place4.
Qu’il est de conseillers d’estat,
À simple fraize ou bas rabat,
Qui maintenant, portant calotte,
Voudroient bien mettre à la pallotte !
Le roy s’en trouve bien servy ;
Chasque prince a son favory ;
Jupiter avoit Ganimède.
Verres cassez sont sans remède,
Et bref, pour le faire plus court,
Il n’est que de suivre la court.
En la cour la noblesse abonde :
C’est le paradis de ce monde.




1. La campagne de la Valteline eut lieu l’année suivante, 1624.

2. Il commandoit les troupes espagnoles en Flandre. V. notre t. 3, p. 354, note.

3. La reine mère, Marie de Médicis.

4. Cinq-Mars lui-même usa de ces feintes pour faire croire à sa faveur, alors qu’elle étoit tout à fait tombée. C’est Louis XIII qui nous l’apprend lui-même, par l’organe, il est vrai, très médisant, de Tallemant des Réaux : « Pour qu’on pensât qu’il m’entretenoit encore après que tout le monde étoit parti, il demeuroit une heure et demie dans la garde-robe à lire l’Arioste. Les deux valets de garde-robe étoient à sa dévotion. » (Tallemant, édit. P. Paris, t. 2, p. 64.)