Le Coran (Traduction de Montet)/Le Coran/Sourate 80

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Traduction par Édouard Montet.
Payot (p. 244-247).


Sourate 80[1].

SOURATE « IL A FRONCÉ LE SOURCIL »

La Mecque : 42 versets.

Au nom d’Allâh très miséricordieux et compatissant.

1. Il a froncé le sourcil et s’est détourné,

2. Lorsque l’aveugle vint à lui[2].

3. (Mais) qui pouvait t’assurer[3] que peut-être ses intentions étaient pures,

4. Ou qu’il se souviendrait et que le souvenir lui serait salutaire ?

5. Quant à celui qui est riche,

6. Tu (Mahomet) fais attention à lui,

7. Et il t’importe peu qu’il ne soit pas en état de pureté !

8. Mais quant à celui qui vient à toi avec sérieux

9. Et avec crainte,

10. Toi, tu te détournes de lui[4] !

11. En vérité, c’est un avertissement[5] !

12. Quiconque (le) voudra, s’en souviendra.

13. (Il est écrit)[6] dans des pages honorées,

14. Exaltées, purifiées,

15. Par les mains de scribes nobles et purs[7].

16. Que l’homme périsse à cause de son ingratitude !

17. De quoi (Allâh) l’a-t-il créé ?

18. D’une goutte de sperme !

19. Il l’a créé et l’a prédestiné.

20. Alors Il lui a rendu facile la voie (à suivre).

21. Puis Il l’a fait mourir et l’a enseveli.

22. Ensuite, lorsqu’Il le voudra, Il le ressuscitera.

23. Assurément, (l’homme) n’a pas encore achevé d’accomplir Ses commandements[8].

24. Mais que l’homme regarde sa nourriture ;

25. En vérité, Nous avons répandu l’eau en abondance.

26. Ensuite, Nous avons fendu la terre profondément,

27. Et Nous en avons fait sortir le grain,

28. La vigne et l’herbe,

29. L’olivier et le palmier,

30. Les jardins plantés d’arbres au feuillage touffu,

31. Les fruits et le gazon,

32. C’est votre bien ! Et vos troupeaux (y vivent).

33. Mais quand le bruit assourdissant viendra[9]

34. Au jour où l’homme fuira son frère,

35. Sa mère et son père,

36. Sa femme et ses fils,

37. À tout homme, en ce jour-là, suffira ce qui le concerne[10].

38. En ce jour-là, (il y aura) des visages brillants,

39. Riants, heureux.

40. En ce jour-là, (il y aura) des visages couverts de poussière.

41. L’obscurité les cachera.

42. Ceux-là sont les infidèles, les méchants[11].




  1. Sourate rimée ancienne (première période des Sourates de La Mecque, d’après Nöldeke). Elle est peu claire dans certains de ses versets ; mais le texte nous en a-t-il été bien conservé ?
  2. Un pauvre aveugle, nommé ’Abdallâh ben Oumm Maktoûm interrompit un jour Mahomet, qui était en conversation avec plusieurs chefs Koreichites. Le Prophète ne faisant pas attention à lui, l’aveugle éleva la voix, réclamant avec insistance, et avec le plus grand sérieux, d’être instruit dans la religion par le Prophète lui-même. Mais Mahomet, lassé de cette interruption, fronça les sourcils et se détourna de l’aveugle. Cet incident fut, d’après la tradition, l’occasion de cette révélation : la sourate est une réprimande qu’Allâh adresse à Mahomet à ce sujet. Plus tard, Mahomet nomma ce personnage, qui avait attiré sur lui cette réprimande divine, gouverneur de Médine.
  3. Les versets 3 et 4 sont très obscurs. Il semble que Mahomet présente ici indirectement sa défense. Le texte arabe revient en effet à dire : « Mais Mahomet était-il sûr des intentions de l’aveugle, et l’aveugle, en se souvenant de l’incident, devait-il être instruit par ce souvenir sur les vrais sentiments de Mahomet à son égard ? » Cette objection est placée dans la bouche d’un auditeur, censé présent à la scène qui s’est passée, témoin idéal qui formule l’objection : « Tu diras peut-être que Mahomet n’était pas certain de la pureté des intentions de l’aveugle, et que l’aveugle lui-même, en se souvenant de l’incident, aurait pu peut-être aussi regretter sa conduite et penser que Mahomet avait ses raisons pour n’avoir pas répondu à ce moment-là à sa demande. » Le texte de ces deux versets est sans doute altéré.
  4. De l’aveugle.
  5. Cette sourate.
  6. Ce chapitre du Coran, cette sourate.
  7. Les scribes célestes, les anges. Allusion à l’original divin du Coran (voy. S. 56, v. 77, note).
  8. Les commandements d’Allâh.
  9. À la fin du monde.
  10. Au jour du jugement, chacun ne songera qu’à lui-même.
  11. La sourate paraît inachevée : il n’y a pas de formule finale (doxologie ou autre conclusion).