Le Corsaire rouge/Préface de la 1re édition

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 8, ).


PRÉFACE


DE LA PREMIÈRE ÉDITION.




L’auteur a déjà cru nécessaire, dans une autre occasion, de faire observer qu’en traçant ces tableaux de la vie maritime, il ne s’est pas cru obligé de tenir compte bien rigoureusement de l’ordre chronologique des perfectionnemens que l’on a introduits dans l’art nautique. Mais il pense qu’on ne trouvera dans cet ouvrage aucun anachronisme trop grossier. Si pourtant quelque critique marin à l’œil pénétrant allait découvrir une corde égarée dans une fausse poulie, ou un terme estropié de manière à en altérer la véritable orthographe, on lui rappelle que la charité lui fait un devoir d’en accuser toute autre chose que l’ignorance, quand il s’agit d’un confrère. Il ne faut pas oublier qu’il y a proportionnellement moins d’hommes de mer que d’hommes de terre employés à la partie mécanique aussi bien qu’à la partie spirituelle de la composition d’un livre, et ce fait suffit pour expliquer les nombreuses imperfections qui viennent encore mettre obstacle à l’harmonie parfaite des diverses parties de la littérature. En temps convenable sans doute, on trouvera un remède à ce mal déplorable, et alors le monde pourra espérer voir régner un peu plus d’ensemble dans les différentes branches du métier. Il n’y aura de véritable âge d’or pour la littérature, que lorsque les livres seront aussi corrects dans leur typographie qu’un livre de loch[1], et que le sens en sera aussi précis que celui d’un watch-bill[2].

Quant à l’article moins important des matériaux, dont l’auteur aurait pu tirer un meilleur parti dans cet ouvrage, il n’a point l’intention d’être très communicatif à cet égard.

Si la manière dont l’auteur a développé les événements de son récit n’en fait pas ressortir la vérité, il faut bien qu’il reste exposé à l’imputation de l’avoir défiguré par sa maladresse. Toutes les sortes de preuves qui existent peuvent se partager en trois classes : les preuves positives, les preuves négatives et les preuves circonstanciées. Le premier et le dernier genre de preuves sont généralement reconnus comme les plus recommandables, puisque le troisième ne peut être admis qu’en l’absence des deux autres. Quant à l’évidence positive de la vérité de ce que contient cet ouvrage, le livre lui-même la démontre d’une manière frappante. J’espère aussi qu’il ne manque point de détails propres à lui donner ce caractère désirable. Ces deux points préliminaires une fois accordés, l’auteur laisse à ceux qui voudraient chicaner encore, tout le plaisir de la négative, en leur souhaitant autant de succès qu’on peut en avoir en traitant une pareille question.




  1. Le registre-journal d’un navire. — Éd.
  2. Le livre de quart. — Éd.